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Musique et patrimoine de Carcassonne - Page 139

  • Lucien Maury (1915-1988), chef du maquis de Picaussel

    Lucien, Jean, Alexandre Maury naît à Foix dans l’Ariège le 5 janvier 1915. Appelé sous les drapeaux comme tous les jeunes hommes de sa classe d’âge, il sort avec le grade de sergent en 1936 puis poursuit son instruction à l’Ecole des Officiers de réserve à Hyères. Pendant la campagne de France appelée également « la drôle de guerre », Maury alors chef de section de mitrailleuses au 22e Bataillon de Chausseurs Alpins Maury est fait prisonniers à Vitteaux (Côte d’Or) par les troupes allemandes, le 18 juin 1940. Il s’évade du camp d’Abbeville avant d’être démobilisé le 28 août 1940. Après l’armistice, Lucien Maury prend ses fonctions d’instituteur public le 4 septembre 1940 à Saint-Louis de Parahou dans l’Aude, puis à Puivert. Par l’intermédiaire de Raoul de Volontat, instituteur à Quillan et chef de l’Armée Secrète pour la Haute-Vallée de l’Aude, il se range derrière la lutte contre l’occupant à partir du 1er avril 1943. 

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    © La Maitron

    Raoul de Volontat

    (1911-1944)

    Maury organise un service de passage clandestin vers l’Espagne sous le commandement de l’enseigne de vaisseau Le Merlet d’aviateurs de la Royal Air Force, de réfractaires du S.T.O, d’officiers français. Entre le 1er avril 1943 et janvier 1944, il participe à l’opération d’évasion de la prison de Castres d’officiers Belges et Yougoslaves du service de renseignements Belge : capitaine Boulargue dit « Boule » et commandant Doyen. Réception d’un poste radio en liaison avec Alger depuis Puivert. Réception de 30 containers par parachutages et de 4 radios. Le centre d’émission était installé dans une grotte à 1km du hameau de Lescale.

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    © ADA 11

    Emplacement du PC du maquis de Picaussel

    C’est près de ce petit village au milieu de la forêt de Puivert qu’est créé le maquis de Picaussel, dont Maury devient le chef nommé par Jean Bringer le 6 juin 1944. Picaussel regroupe tous les corps francs du secteur sous la bannière M.U.R, F.F.I, A.S, C.F.L. En sa qualité de chef de maquis, Lucien Maury parvient à repousser l’attaque allemande des 6 et 7 août 1944 ; opération au cours de laquelle le hameau de Lescale est incendié par les Allemands. Les hommes de Picaussel participent également à l’anéantissement d’un convoi ennemi à Puyvalador, à la libération de Quillan et de Carcassonne.

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    © ADA 11

    Lucien Maury et Marius Olive à Puivert en 1944

    Les exploits de Lucien Maury en tant que chef de maquis lui vaudront une citation à l’ordre de l’armée, signée par Charles de Gaulle le 1er octobre 1945 :

    "Officier de grande valeur. Organisateur de premier ordre. A réussi à créer avec des moyens très limités, le maquis de Picaussel, le plus important de son département. S’est tout particulièrement distingué à la tête de son unité le 6 août 1944 à Picaussel, lors de l’attaque de son camp par des forces ennemies très supérieures en nombre et en armement. A fait preuve de réelles qualités d’audace et d’énergie en réussissant le décrochage de sa troupe sans laisser un seul homme aux mains de l’ennemi."

    Si le département de l’Aude fut débarrassé des nazis le 25 août 1944, la résistance n’en avait pas fini avec eux. Elle se mit en quête de les pourchasser jusqu’en Allemagne. Le 15 septembre 1944, Maury prend le commandement du 1er bataillon du 81e Régiment d’Infanterie et avec ses hommes, part de Carcassonne en direction de l’Est de la France. Cet épisode lui vaudra deux nouvelles citations, l’une à l’ordre du régiment (13 février 1945) et l’autre, à l’ordre de la division (14 mai 1945). 

    "Stagiaire au 3e bataillon, a fait preuve de réelles qualités de sang-froid, de coup d’œil et de courage personnel au cours de l’engagement du bataillon au nord de Mulhouse les 21,22 et 23 janvier, en particulier le dernier jour où il a rempli dans des conditions difficiles, plusieurs missions de liaisons délicates et périlleuses auprès des compagnies engagées."

     « A fait preuve d’un courage remarquable en assurant plusieurs liaisons importantes sous un tir extrêmement violent au cours des journées des 11 et 12 avril 1945 devant Rastatt. Le 12 avril 1945 au soir, lors de l’attaque de la fabrique, point d’appui important de la défense ennemie, a entraîné par son exemple le premier échelon de l’attaque contribuant ainsi à la reddition de la garnison allemande. »

    Lucien Maury passe le commandement le 23 mars 1945 de son bataillon à du Crest de Villeneuve. Il devient lieutenant d’active le 1er juin 1945 et poursuit une carrière dans l’armée. En Indochine, il passera deux ans en captivité. En Algérie, il sera commandant en second du 14e Régiment de Chasseurs Parachutistes.

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    Dix ans avant sa mort, Lucien Maury rédige les deux tomes de La résistance audoise. Ce livre qui paraîtra en 1980 mériterait une réédition, tant ses témoignages sont précieux. L’ancien chef du maquis de Picaussel qui s’était marié avec Francine Payès le 26 mars 1942, mourra en 1988 et sera inhumé à Quillan. Sa valeur morale, son courage et son patriotisme devraient être montrés en exemple. Hélas, il nous a été impossible de trouver une quelconque biographie sur internet. Fort heureusement, les archives de la défense de Vincennes ont conservé une riche documentation sur Lucien Maury. Nous y avons puisé l’ensemble des renseignements publié dans cet article.

    Chevalier puis Commandeur de la Légion d’honneur

    Croix de guerre avec une palme et trois étoiles

    Médaille de la Résistance

    Silver Star (U.S.A)

    Source

    Service historique de la défense / Vincennes

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  • Les Communards de l'Aude étaient-ils Gilets jaunes ?

    Si en 1830 et en 1848, la capitale française donna le départ de deux Révolutions dont elle fut le principal acteur, l’Occitanie la devança ensuite. Aux sources de cette montée révolutionnaire dans l’Aude, le ras-le-bol fiscal. Après 1848 et la destitution de Louis-Philippe, on espérait que la viticulture échapperait aux taxes. Ce ne fut que de courte durée… Les positions politiques vont alors se radicaliser et les partisans du drapeau tricolore se tournent vers le drapeau rouge de la République sociale. Le centre perd du terrain et deux blocs émergent : celui des rouges et celui des blancs, partisans de l’ordre. Il faut se souvenir de la vive réaction dans le Midi, consécutive au Coup d’état du 2 décembre 1951 de Louis-Napoléon Bonaparte et de l’impitoyable répression qui s’ensuivit. Une vingtaine d’années étaient passées, mais l’oubli ne les avait pas effacées. Le Coup d’Etat du 2 décembre 1851 mena à l’arrestation des agitateurs. 240 opposants furent interpellés dans l’Aude ; le mouvement républicain sera décapité et Louis-Napoléon Bonaparte règnera désormais en maître.

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    Caricature de Napoléon III en chanson

    Aussi, au mois d’août 1870, des manifestations hostiles à l’Empire éclatèrent à Marseille et gagnèrent l’ensemble du Languedoc. Ici plus qu’ailleurs, on se méfiait depuis longtemps du pouvoir parisien et au sein des Ligues, se répandait la contestation. En point de mire, l’émergence d’un gouvernement du peuple par le peuple, la récusation des autorités constituées et la décentralisation. Le gouvernement de défense nationale dont l’Occitan Gambetta s’était fait le chantre ne parvint pas à calmer l’ardeur révolutionnaire, trop entouré par des Conservateurs. Au fur et à mesure, la Ligue du Midi rassemblant treize départements sous sa bannière fixa les contours de ses revendications : impôts exceptionnels sur les riches, séparation de l’église et de l’Etat, confiscation des biens des traitres. Des Comités de Salut public surgirent alors dans plusieurs villes ; ce sont des Comités de patriotes préoccupés autant par la défense nationale que par la défense révolutionnaire. Après avoir été liquidés par le gouvernement, ces mouvements rejoindront la Commune de Paris au printemps 1871 sous l’étendard communaliste.

    Les Communes de province ont précédé celle de Paris et ont instauré un type de gouvernement direct pour le peuple et par le peuple. Paradoxalement, c’est quand Paris s’embrasa au printemps 1871 que l’expérience communarde venait juste d’être brisée dans les villes de province. « Les Communards parisiens ne se présentent pas comme une avant-garde irrémédiablement isolée. Ils sont moins les inventeurs d’une Révolution prolétarienne de type nouveau que les mandataires d’une extrême-gauche urbaine, désireuse de tirer du suffrage universel ses dernières conséquences démocratiques (Jeanne Gaillard). » Au lendemain de la Semaine sanglante, « Les vaincus sont des hommes politiques » désireux de poursuivre le combat sur un autre terrain que celui de l’émeute.

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    © commune1871.org

    Emile Digeon

    Dans l’Aude, le 24 mars 1871 on proclame la Commune de Narbonne depuis l’Hôtel de ville. Le « Club de la Révolution » qui a pris pour siège l’église désaffectée de Notre-Dame de Lamourguier instaure « La Commune centrale de l’arrondissement de Narbonne, unie à celle de Paris ». On cherche à rallier la troupe et Digeon, le chef des insurgés Narbonnais, se proclame « Général en chef des armées de terre et de mer ». Ainsi cherche t-il à s’imposer au 52e régiment de ligne dont une compagnie est passée aux émeutiers avec armes et bagages. Digeon y croit, douze jours avant il s’était adressé en ces termes au Club de la Révolution :

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    Notre-Dame de Lamourguier à Narbonne

    « Si nous sommes obligés encore, malgré nous, de prendre les armes, que ce soit pour l’œuvre de propagande démocratique, pour la guerre des opprimés contre les oppresseurs, des exploités contre les exploiteurs, afin que nous ayons des alliés même parmi les soldats de nos ennemis…

    Paris n’a pas déposé les armes et il assez fort, à lui seul, pour défendre la République… Oui, citoyens, Paris est en armes, et s’il succombait, nous serions écrasés comme lui ; aussi faut-il que nos gardes nationales, soient armées pour aller, au besoin, au secours des républicains de l’héroïque capitale.

    Des armes, des armes ! Tout citoyen a le droit d’en avoir comme seule sanction sérieuse, efficace, de ses droits. Ce n’est pas sans étonnement, que je viens d’apprendre que la Garde nationale de Narbonne ne possède pas un fusil, quand celle de Carcassonne est armée depuis quinze jours, trop tardivement cependant…

    Pour ma part, je le dis hautement, le drapeau rouge est le mien, depuis surtout que l’autre a présidé aux égorgements du 2 décembre et qu’il s’est rendu à Metz et à Sedan.

    Ils vous disent que le drapeau rouge est le drapeau du sang ; oui, c’est le drapeau du sang de nos martyrs, depuis celui que Bailly et La Fayette firent couler au Champ-de-Mars jusqu’à celui qui a été successivement répandu par les Thermidoriens, le Premier Empire, la Restauration, Louis-Philippe, Cavaignac, Napoléon III et le gouvernement de la prétendue Défense nationale pour arrêter le mouvement de grande revendication politique et sociale qui menace les privilèges des oppresseurs et des exploiteurs.

    Le drapeau rouge nous rappelle sans cesse que nous devons tout faire pour empêcher le retour des massacres et des proscriptions. Unissons-nous autour de lui pour empêcher que l’échafaud soit relevé et que les cimetières d’Afrique, déjà si peuplés de républicains par Cavaignac et Bonaparte, en reçoivent de nouveau expédiés par la réaction de 1871.

    Que chaque ville constitue un comité qui sera représenté au Comité central par un délégué.

    Ouvriers, travailleurs de Narbonne, répandez-vous dans les campagnes ; allez dire aux paysans que leurs intérêts sont les mêmes que les vôtres, que la Révolution dont on leur fait peur n’est que l’émancipation de ceux que la misère courbe sous le joug des riches et des intrigants. Dites-leur que la Révolution c’est la paix par l’abolition des armées permanentes ; c’est la suppression de l’impôt pour le petit propriétaire et pour le journalier qui n’a que ses bras, toutes les charges pécuniaires devant être imposées au superflu et aucunement au nécessaire.

    En lui faisant ainsi comprendre l’œuvre que nous poursuivons, ils se rallieront tous. Ne les maudissons pas d’avoir mal voté jusqu’à présent ; accusons du mal qu’ils ont fait sans le savoir les hommes noirs et les hobereaux qui exploitent leur ignorance et leur misère. Pour faire disparaître les ténèbres qui enveloppent les campagnes, il n’y a qu’à y porter la lumière.

    Vous faites bien de venir ici, mères de famille ; vous y apprendrez la vraie morale du Christ, qui n’est en somme que celle de la sublime devise républicaine : Liberté, Egalité, Fraternité. Le Christ, tel que le représentant les Evangiles, s’il revenait sur terre, irait-il demander asile aux évêques et aux prêtres d’aujourd’hui qui vont de préférence avec les riches et les grands de ce monde, tandis qu’il n’allait, lui, qu’avec les pauvres et les malheureux ? 

    Non, il chasserait du temple les marchands de médailles et d’indulgences et maudirait les exploiteurs de miracles… » (La Fraternité / 18 mars 1871)

    Si Carcassonne n’a pas connu de troubles bien que le Conseil municipal ait manifesté l’intention de suivre Narbonne, c’est que la Garde nationale n’a pas voulu bouger. Au contraire, elle participa à l’armée levée pour écraser la révolte narbonnaise. Seule la rumeur d’une proclamation de la Commune à Carcassonne dans la nuit du 28 au 28 mars 1871, mit en branle bas de combat la préfecture et les casernes de la ville en émoi. Ce n’était qu’une fausse alerte…

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    Nulle part, les Communes provinciales réussirent à faire basculer la troupe et les défections au profit des insurgés ne furent que limitées. Digeon se rendit et fut déféré ensuite devant la Cour d’assise de Rodez. Le 18 novembre 1871, lui et seize autres insurgés furent acquittés. Il mourra à Trèbes le 24 mars 1894, jour anniversaire de la proclamation de la Commune de Narbonne.

    Sources

    La commune de Narbonne / Marc César / P.U.P

    Communes de province 1870-1871 / J. Gaillard

    La Fraternité / Journal / Mars 1871

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  • Alet-les-Bains, le 26 août 1942...

    Le 26 août 1942, l'adjudant de gendarmerie de la brigade de Limoux se rendit à Alet-les-Bains afin de savoir si aucun israélite habitant le village ne l'avait quitté. Depuis l'armistice, le gouvernement de Vichy avait rassemblé les réfugiés étrangers au sein de groupements de travail, appelés G.T.E. Ces familles étaient employées aux mines, à l'entretien des routes pour le compte de l'Etat-Français. Le lendemain, 26 août 1942, une quinzaine de gendarmes missionnés par la préfecture investit Alet-les-Bains pour arrêter les femmes et les enfants juifs. Ils devaient être transférés au camp de concentration de Rivesaltes (Pyrénées-Orientales).

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    © Un village français

    Photographie d'illustration

    Une jeune fille du nom de Sophie Wolff s'étant enfuie et cachée dans la montagne, Madame R et son frère, industriels dans une usine de la ville, crurent bon d'effectuer eux-mêmes des recherches afin de la retrouver. Chez Madame Zimmermann, ils entrèrent et demandèrent avec virulence si elle ne cachait pas la fugitive. Madame R la menaça du camp de concentration si elle ne la livrait pas, car la nationalité roumaine de Madame Zimermann la protégeait pour le moment de la déportation. "On vous mettra en camp de concentration si vous cachez Mlle Zophie et que vous ne le déclarez pas !", lui dit-elle. Toujours de son propre chef, la présidente de la Croix-Rouge locale, fit mobiliser tous les jeunes gens du village avec leurs vélos pour faire ces recherches restées infructueuses.

    Mlle Sophie, ignorant tout cela, sachant les gendarmes partis d'Alet et n'ayant pas à manger, revint dans le village. Elle demanda à Madame Zimmermann de la cacher chez elle. Cette dernière ne put accepter en raison des menaces proférées par Madame R. Mais pas seulement... Sa maison était surveillée par des habitants d'Alet-les-Bains. La jeune fille  se rendit alors chez Madame R pour lui demander secours, mais au lieu de l'aider, elle téléphona à la gendarmerie de Limoux pour la dénoncer. La brigade répondant qu'elle considérait l'affaire comme classée, la délatrice enleva tous les papiers et la fit coucher chez une voisine. Le lendemain, Madame R la fit garder à vue et son fils donna des instructions à une ouvrière de l'usine pour qu'elle ne sorte pas.

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    © Un village français

    Emmanuelle Bach alias Jeanine Schwartz

    La Présidente de la Croix-Rouge téléphona à nouveau à la gendarmerie et les hommes ayant "ramassé" les israélites de Carcassonne, passèrent à Alet sur le chemin vers Rivesaltes. L'usine se trouvant sur la Nationale, ils s'y arrêtèrent et prirent la jeune fille avec eux. La Poste d'Alet avait reçu des instructions la veille et certaines personnes étaient au courant d'une prochaine opération policière, mais rien n'a été fait pour éviter la déportation de ces malheureux. Ils furent internés à Rivesaltes et plus tard, vers un lieu où plus de 5 millions des leurs ne revinrent jamais...

    Source

    Archives de l'Aude / 123J124

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