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Seconde guerre mondiale - Page 43

  • Témoignage inédit des combats de Trassanel à Rieux-Minervois durant l'été 1944

    Au fond d'un tiroir, nous avons trouvé un document dactylographié de 130 pages datant de 1974. Il était là, oublié dans un coin du Centre de la Mémoire Combattante de Carcassonne. Avec l'autorisation de David Scagliola, j'ai pu numériser l'ensemble des pages. Ce texte qui n'a jamais été édité raconte jours après jours, l'épopée du bataillon du Minervois. "Avec ceux du Minervois, trente ans après" rédigé par le Capitaine René Piquemal, donne d'importantes précisions sur les combats qui firent rage durant l'été 1944. Il évoque le courage de ces hommes du maquis qui allèrent poursuivre la lutte contre les nazis jusqu'en Allemagne.

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    © Blog sur l'histoire de Rustiques

    Le capitaine Piquemal et ses troupes défilent sur le boulevard de Varsovie à Carcassonne

    L'heure de passer à l'action approchait. Nos maquis étaient bien ravitaillés, et nous étions satisfaits de tous. J'avais à Citou, pour assurer certains transports, un camion (gazobois évidemment) que nous avions baptisé "l'Ouragan" malgré ses pannes fréquentes, une voiture et une moto qui servait à ces déplacements d'isolés et ces missions de liaison. Nous étions alors au milieu de juillet 1944. Renseignés sans doute, les Allemands font de nombreuses patrouilles dans notre secteur. Un détachement de la Feld-Kommandantur" vient même à Citou et me surprend à la mairie. Je m'attendais au pire, mais ce n'est qu'une fausse alerte ; l'officier me demande des renseignements sur les personnes étrangères traversant la commune :

    - Quelqu'un les héberge t-il ?

    - N'a t-on pas ce maquis signalé dans la région ?

    Evidemment, je le rassure et, ayant obtenu son numéro de téléphone, je lui promets de le prévenir immédiatement à la moindre nouvelle. Mon camarade Gerbaud, d'Olonzac, n'a pas la même chance. Il est arrêté le 17 juillet, incarcéré à la prison de Bouttes Gach (Caserne de la Milice, NDLR) à Carcassonne, et n'en sortira qu'à la Libération.

    Trassanel

    Le 22 juillet, un fort détachement cerne le village de Fournes, dans le Cabardès, principal ravitailleur du maquis de Trassanel. Le même jour notre camarade Agnel, de plus de soixante ans, est arrêté à Trassanel et interrogé sur le maquis, que l'Allemand sait tout proche, ce qui prouve qu'un traitre a donné certaines précisions. Agnel résiste aux coups et se tait. On l'amène à Sériès, petit hameau de Fournès, où on le confronte avec d'autres camarades : rien ne sort de cette épreuve. On l'oblige alors en le frappant sauvagement devant les yeux horrifiés de sa mère. Un habitant du hameau, Théophile Rieussec, est contraint d'attacher une corde à la branche maîtresse et un gros noeud coulant autour du cou de Agnel que l'on fait monter sur une caisse. La caisse est renversée, mais le poids du corps fait rompre la corde... Je ne suis pas mort !

    Une rafale de mitraillette fermera ces lèvres qui n'ont pas parlé, et extraira ce nombre coeur héroïque. Par son sacrifice digne des héros de légende, Agnel s'est élevé au niveau des martyrs les plus purs. Théophile Rieussec, le visage ensanglanté, est amené par ses bourreaux. Envoyé en déportation, il reviendra libéré par les alliés.

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    La grotte du maquis de Trassanel

    Le 8 août alors que je me trouve avec mon groupe à Citou dans le maquis (j'ai échappé deux fois miraculeusement à l'arrestation des miliciens), des rafales lointaines, des explosions sourdes se font entendre... J'essaie de m'informer, ce n'est que très tard que j'apprends que le maquis de Trassanel, cerné par un fort contingent de troupes allemandes, a été totalement anéanti. Quelques très rares rescapés qui rejoignent le lendemain le maquis de Citou, me fournissent certains détails. La trahison du maquis est flagrante. La grotte où les maquisards avaient aménagé leur cantonnement a été cernée en un clin d'oeil, et nos volontaires abattus au moment même où ils tentaient une sortie désespérée. Quelques autres qui se trouvaient en dehors de la grotte, ont été capturés et conduits avec brutalité sur la petite route qui descend de Trassanel à Villeneuve et fusillés à l'endroit même où s'élève aujourd'hui, le monument érigé en leur mémoire.

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    Cependant un miracle s'est produit... Deux fusillés, Bouissou et Tahon ont échappé à la mort. Le Roubaisien Tahon, atteint par une rafale à la cuisse à tenter de ses relever. Le Feldwebel commandant le peloton s'est alors approché de lui et lui a donné le coup de grâce en pleine tête. La nuit arrive, la fraîcheur ranime le blessé. Fuyant le lieu de son supplice, il se traine sans but, perdant son sang en abondance, mais luttant farouchement contre la mort qu'il sent si proche.

    Au petit jour, les habitants de Trassanel, venant relever les fusillés, s'aperçoivent de l'absence du corps de Tahon. Mais suivant ses traces de sang, ils arrivent ainsi aux premières maisons de Villeneuve où ils apprennent que Tahon, à bout de force, a été découvert par deux jeunes filles du village. Transporté dans une maison amie, il y reçoit les premiers soins du docteur Jourtau du maquis de Citou... et il échappe à la mort. J'aurai d'ailleurs l'occasion de parler de lui car orphelin et sans aucune attache familiale (ses parents avaient été tués lors du bombardement de Roubaix), il fut adopté par le "Minervois".

    Azille et La Redorte

    Le 12 août, un train de ravitaillement est attaqué à Azille ; nous récupérons une importante quantité de chaussures dont nous avons grand besoin, et de boites de conserves qui sont aussi les bienvenues. Cependant, peu après, des colonnes allemandes sont signalées comme devant traverser notre secteur. De tous les points, ce fut la ruée.

    Le 19 août à La Redorte, 63 volontaires attaquent une colonne allemande, font 8 prisonniers et récupèrent le matériel. A Peyriac-Minervois, presque au même moment, 35 hommes attaquent une autre colonne et font 6 tués.

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    © Blog sur l'histoire de Rustique

    Rieux-Minervois

    Toujours le 19 août, les Allemands ont cerné et attaqué la localité. Les nôtres étaient 48... Après un combat de rues des plus acharnés, 21 de nos camarades tombent en combattant, 3 sont blessés... L'ennemi a des pertes qu'on ne peut dénombrer mais abandonne sur place du matériel et de l'armement. Le maquis de Citou et les volontaires locaux venant à la rescousse, ils sont arrêtés à Caunes-Minervois où notre ami Louis Combes, chef du groupe local, trouve la mort. Son frère Fernand est grièvement blessé. Un motocycliste arrive ; à Rieux tout est terminé, mais la colonne allemande se dirige sur notre côté. Immédiatement je prends les dispositions nécessaires ; deux bouchons armés de fusils mitrailleurs et de mitrailleuses Hotchkiss se placent à des endroits favorables. A la sortie de Caunes sur la route de Saint-Pons, bien encaissés dans la vallée de l'Argent-Double. Hélas, notre attente est vaine ; la colonne ennemie s'est détournée vers Olonzac.

    Le 20 août, un train de ravitaillement attaqué à Puichéric nous permet de récupérer un stop de boites alimentaires qui sont distribuées à la population des villages environnants.

    Citou

    Le 21 août, à Citou, on devait procéder à la sépulture de notre ami Louis Combes. Nous étions alors nous-mêmes à Villeneuve. Rentrant le soir à Citou, j'apprends qu'une demi-heure avant l'enterrement, une colonne allemande a traversé le village, pillant tout ce qui peut être profitable : bicyclettes, chariots, bijoux, alcool, etc... Les obsèques peuvent cependant se dérouler mais après la cérémonie, une arrière-garde ennemie ouvre le feu sur un groupe d'hommes et de femmes qui, par un chemin de traverse rejoignent le hameau de Rieussec... Par miracle, personne n'est atteint !

    Villeneuve-Minervois

    Le 22 août à Villeneuve, en fin de journée, nous apprenons qu'une colonne de camions lourdement chargés de soldats, a quitté Carcassonne, se dirigeant vers Caunes (La même colonne qui fait le massacre du Quai Riquet, le 20 août 1944 ? NDLR). Mais ce jour-là, nous sommes 227 rassemblés à Rieux-Minervois avec le commandant Bousquet. Pendant que le gros de nos forces va assurer la défense rapprochée du village en cas d'attaque, deux petits contingents vont surveiller deux carrefours, de part et d'autre de Villeneuve, sur la route nationale Carcassonne-St-Pons, qui passe à environ 2,5 km du village.

    Le commandant Bousquet a donné des consignes, nous sommes prêts et notre chef m'a confié le soin de donner le signal de l'attaque. Je me trouve, avec une poignée de volontaires, sur un petit mamelon boisé, à 150 mètres environ au nord du carrefour dit "Tuilerie de Justi"... A ma droite, tout près de moi, un sous officier, Vaucher, est en position de tir avec son fusil-mitrailleur... Nous entendons très distinctement le sourd grondement des moteurs de la colonne qui avance... L'heure H est proche... La tête de la colonne doit maintenant avoir dépassé le premier carrefour. Mais nos camarades de là-bas n'ont pas réagi ; ils attendent mon signal pour prendre l'ennemi à revers. Enfin, les voilà !... Une voiture grise débouche au carrefour ; d'une pression de main, je calme Vaucher, prêt à tirer. Et voilà le premier camion, des hommes en armes sur les ailes, sur la cabine... "FEU !" La première rafale éclate, suivie de nombreux coups de fusil. Vaucher a tiré en plein dans le mille : le camion, atteint au moteur, stoppe et immobilise la caravane, ce que j'avais prévu... La fusillade à l'autre carrefour est maintenant intense : les Fridolins courent de toutes parts, dans le plus grand désarroi, et Vaucher, en pleine action, les poursuit dans leur fuite désordonnée. Les traces de rafales se voient encore à hauteur d'homme sur la façade de la tuilerie.

    Mais la nuit arrive , des ordres gutturaux se croisent sur la route et je devine déjà, à certaines ombres, que la panique à pris fin et que nous sommes menacés d'encerclement. A la faveur de la nuit, nous nous replions à travers les vignes... Des balles tranchantes sifflent maintenant à nos oreilles : trop tard ! La nuit est venue et le regroupement opéré : pas de manquant ! Je confie notre groupe à Vaucher qui va rejoindre Villeneuve. Pour moi, je voudrais bien rendre compte au commandant Bousquet des résultats obtenus.

    Je reviens vers la route, non pas en direction du carrefour où l'engagement a eu lieu, mais à 200 mètres environ en direction de Caunes, vers où se dirige la colonne ennemie... Un tas de gravier est là au bord du fossé ; je réussis à l'atteindre à plat ventre ; j'attends... Le brouhaha a repris chez l'ennemi, qui s'affaire autour des camions. J'entends des cris, des ordres, des heurts de métal... Les heurts passent bien lentement, et ma  couche n'est pas des plus moelleuses. A trois heures du matin seulement les moteurs tournent, la colonne se remet en route et je peux voir défiler à quelques mètres du sol, tous phares éteints : en tête, un camion remorque celui que nous avons endommagé. Dans les deux qui suivent, j'entends des cris, des plaintes... les victimes sont nombreuses. Enfin, la colonne passe ; j'ai pu compter avec précision 38 camions, tous chargés de troupes : le morceau était bien gros, en effet, pour la cinquantaine de volontaires qui ont pris part à l'embuscade entre les deux carrefours.

    Au petit jour, transi mais heureux, je rentre à Villeneuve, où l'on commençait à s'inquiéter de mon absence prolongée. Une tasse de café brûlant avalée à la popote, et avec le commandant Bousquet nous revenons sur les lieux de l'engagement. Quel gâchis ! Des casques, des casquettes, des capotes, des fusils même jonchent le sol et au carrefour, Vaucher me prouve l'efficacité de son tir en me montrant en plusieurs endroits, des traces de sang. Mais toutes les victimes ont été emportées... Nous rentrons à Villeneuve.

    La Redorte et Rieux

    Le 23 août, un fort détachement ennemi est attaqué à La Redorte par 72 résistants. Outre la capture de 26 prisonniers, 16 civils que les Allemands amenaient comme otages peuvent être libérés. Vous devriez leur joie.Le 24 août à Rieux, une nouvelle attaque permet de récupérer du matériel mais il y a 2 tués et un blessé de notre côté.

    Quatre habitants sont tués : M. Labatut, Amalric, Malrieu et Louis Cros

    (Source : La Résistance audoise / L. Maury / 1980)

    Citou

    Le même jour notre groupe se reforme à Rieussec, hameau de Citou. Fonvalle alerte dans l'après-midi qu'une petite colonne allemande (une compagnie environ) a traversé Citou en direction de Saint-Pons. Sur la cabine de l'Ouragan, deux mitrailleuses sont mises en batterie et confiées à deux Russes incorporés de force dans l'armée allemande et que nous avons récupérés à La Redorte. Je prends les devants sur la route pour aller au renseignement...

    A Lespinassière, on nous signale que la colonne est passée depuis plus d'une heure. Je continue vers le sol, à la limite du Tarn. Là, ma moto devient rétive ; un fermier me renseigne : ceux que nous poursuivons sont à quelques centaines de mètres à peine. Nos voitures arrivent. Je fais rapprocher les véhicules, et en avant ! A un virage, nous tombons sur les Allemands, arrêtés à notre vue, ils ouvrent le feu sur nous ; mais nos Russes, sur l'Ouragan, sont aussi rapides qu'eux... Les ennemis, en tiraillant, cherchent à gagner le couvert. Mes deux Russes sautent du camion et, mitrailleuses sous le bras, se lancent à leur poursuite. Ne pouvant me faire comprendre, je leur fais signe de me suivre : je connais bien le terrain et, en quelques minutes, nous atteignons un petit mamelon d'où nous apercevons les fuyards, cherchant à gagner un hameau tout proche. La fusillade reprend mais dure peu : 17 soldats ennemis, les bras en l'air, nous supplient de les épargner ; trois d'entre eux sont blessés et six cadavres restent sur le terrain. On a tant raconté d'histoires sur les "terroristes" que nos prisonniers croient que nous allons les mettre à mort... Ils ne se tiennent plus de joie quand mon interprète Gogel, un Alsacien, les détrompe. Cependant, je comprends à leur mine que Gogel leur en dit de toutes les couleurs... Nous rejoignons la route où nous ramassons notre butin ; sacoches, pistolets, fusils, grenades, etc... Mais hélas, sur un brancard improvisé, nous avons la douleur de retrouver près du camion notre camarade Vignon, chef du maquis de Citou, tué au cours du combat qui fut pour nous le dernier de la clandestinité... Partout, l'ennemi avait été attaqué par des forces toujours dérisoires, mais que galvanisait la soif de la liberté et de toute vengeance.

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    © Musée de Rustiques

    L'affaire Henri Tahon

    C'est au cours de notre rassemblement de 1963 à Mailhac, que certains de nos camarades me mettent au courant de la situation matérielle de notre ami Henri Tahon, rescapé de la fusillade de Trassanel : il est marié à Fournes-Cabardès et père de quatre enfants. Sa maison d'habitation est en très mauvais état, à tel point que Mme Tahon vient récemment de passer au travers d'un vieux plancher à l'étage, et s'est fracturé une jambe dans sa chute... Nous décidons de l'aider : une collecte va être ouverte, les travailleurs bénévoles se feront connaître, et des réparations seront faites à la maison de notre ami. 

    Le lendemain même de notre rassemblement, je rédige un appel à tous nos camarades, appel que Pagé se charge de diffuser... En même temps, j'écris aux responsables départementaux de nos deux associations : C.V.R et Rhin et Danube... Le responsable de Rhin et Danube n'a pas seulement daigné me répondre, malgré une deuxième lettre datée du 18 juin 1964 insistant sur la nécessité d'un tel geste... Quant au responsable des C.V.R, je reconnais qu'il m'a répondu : il a bien voulu m'adresser quelques conseils et des imprimés de demande prime à l'amélioration de l'habitat rural... Bravo pour ce geste !

    Mais par contre, le Corps Franc de la Montagne Noire, que je n'avais pas contacté, m'adresse un chèque de 20 000 anciens francs... En même temps, dès janvier 1964, je reçois les dons de beaucoup de camarades du Minervois. Je ne citerai pas de noms pour ne pas froisser certains négligents. Au final, c'est un totale de 120 000 anciens francs que j'ai obtenu. Justement, Tahon a fait entreprendre certaines petites réparations à sa maison... Je m'entends avec le maire de Fournes (mon beau-frère) : il verra lui-même le maçon. Nous avons je crois, suivant mes moyens, accompli notre geste de solidarité.

    Mais je n'accepte pas cependant l'attitude des responsables de Rhin et Danube et des C.V.R. Je décide donc, à titre personnel, de me retirer de ces deux associations.

    Source

    Avec ceux du Minervois / Capitaine René Piquemal

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  • Le conseil municipal de Carcassonne nommé par Pétain en février 1941

    L'une des premières mesures qui furent prises par Philippe Pétain après que la majorité des parlementaires français lui octroient les pleins pouvoirs, ce fut de dissoudre les conseils municipaux démocratiquement élus avant sa nomination à la tête de l'état. A Carcassonne, le Dr Albert Tomey et ses colistiers furent priés de rendre leur mandat ; on les remplaça par des notables de la ville choisis par l'administration de Vichy. Paul Emile Gabriel Alapetite (1895-1980), nommé Préfet de l'Aude par Pétain le 17 septembre 1940, dut choisir et mettre en place en février 1941, le nouveau conseil municipal. Qui pour assurer les fonctions de maire ? Jules Jourdanne - parent du félibre Gaston Jourdanne - fut approché. Reconnu pour ses qualités de gestionnaire - il gérait plusieurs domaines agricoles - et pour son implication dans de nombreuses associations notamment catholiques, il accepta la charge de premier magistrat de la ville. 

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    © Collection particulière

    Jules Jourdanne

    (1892-1983)

    Le conseil municipal en juin 1944

    Jusque-là nous ne savions rien sur les conditions dans lesquelles s'est constitué ce conseil municipal, ni pour quelles raisons certains furent choisis plutôt que d'autres. Pour avoir consulté les archives de l'épuration, nous admettons que Jules Jourdanne n'a jamais été inquiété - son attitude non subversive pendant l'occupation a dû plaider en sa faveur. C'est presque une exception en France, tant les maires nommés étaient de fervents soutiens de la politique de Vichy. Si le maire eut une attitude plutôt bienveillante sur la ville, d'autres ailleurs eurent à en répondre à la Libération. Certains s'étaient simplement trouvés là sans motivation politique particulière ou à la recherche d'un poste. N'oublions pas que ce conseil municipal a été nommé en février 1941, au moment où la grande majorité de la population française criait à gorge déployée : "Vive Pétain".

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    La tombe de Jules Jourdanne à Caux et Sauzens

    Pour comprendre, les attitudes des uns et des autres au cours de l'occupation il ne suffit pas de décortiquer les archives - les plus gênantes ont été brûlées. Attention, pas seulement par les Vichystes ou les Allemands. Un excellent article du journal "Le point" du 13 août 2015 faisait référence aux archives volées à Paris par des membres du Parti communiste dans une administration de Vichy, à la Libération.

    "Par ailleurs, en août 1944, une partie a été brûlée lors du départ de France des Allemands. À la Libération, certains groupes, assez isolés, souvent communistes, se sont rendus immédiatement dans les lieux stratégiques. Ainsi, au 11, rue des Saussaies, un des sièges de la Gestapo parisienne avec le 84, avenue Foch, des FTP ont enfoncé les portes, saisissant de leur propre chef des dossiers qui ont filé dans les archives du PC où, depuis, on a souvent opposé un silence ferme aux demandes des historiens."

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    Il serait un raccourci facile pour l'historien de ranger dans le camp des collabos, un nom trouvé dans une liste de conseil municipal sans étudier la personnalité du sujet. A Carcassonne, un service de renseignement de la Résistance fonctionnait à merveille ; il s'agit du Noyautage des administrations. Ainsi par exemple, l'officier de police Aimé Ramond n'a cessé de renseigner les réseaux depuis l'hôtel de police. Pourtant, on trouve sa signature dans le livre de condoléances de Philippe Henriot, dressé devant le siège de la Milice sur la place Carnot en juillet 1944. Aimé Ramond était Résistant et l'a payé de sa vie ; il a sans doute signé ce registre pour ne pas éveiller les soupçons sur sa personne. Si l'on ne trouve rien dans les archives, en revanche il faut prendre le temps de chercher ailleurs... On sait également qu'un noyau d'intellectuels résistants se réunissait chez Joë Bousquet à la barbe des Allemands : Aragon, Benda, Lang, Sire, René Nelli... 

    A ce sujet, nous avons retrouvé un texte de Joë Bousquet dans un livre de 1946 en hommage à l'écrivain Pierre Sire. En rédigeant ce chapitre, Bousquet voulait-il justifier la présence de deux de ses amis (Nelli et Llobet) au sein du conseil municipal nommé par Vichy, par une attitude résistante de leur part ? On ne pourra pas vérifier, mais on s'en contentera comme caution morale. 

    Dans cette province, épargnée d'abord par l'occupation, l'esprit de résistance apparut de très bonne heure et se manifesta pour commencer de la façon la plus aveugle et la plus touchante. On se comptait sans se connaître. Les diatribes des futurs miliciens nous aidaient à recenser les patriotes. Décidée d'abord à lutter contre Vichy, la Préfecture de l'Aude cherchait fiévreusement d'authentiques républicains.

    Un beau soir, on apprit à la fois la destitution du conseil municipal élu et le nom du maire vichyssois qui allait administrer la ville. Animé d'un sincère élan de fureur, le Préfet convoque Jean Lebrau le poète, (alors employé bénévole à la Préfecture), et lui dit en propres termes :

    "Vichy impose pour maire monsieur X... (Jourdanne, NDLR). Il va traîner derrière lui une bande d'aigris. Courez chez Bousquet, qu'il désigne aussitôt des amis capables de combattre au sein même du Conseil d'influence politique des nouveaux venus. De mon côté, je chercherai parmi les employés de chemin de fer..."

    Humbles paroles ! Paroles historiques ! Elles font l'éloge de la petite ville. Chacun y va son chemin, riant aux anecdotes et aux cancans, mais gardant dans son coeur les noms des hommes à mobiliser dans le danger. Avant même d'entendre ma réponse, Lebrau avait désigné Sire. [...] Si Pierre Sire a été remplacé dans ces fonctions honorables et dangereuses par un autre de nos amis, je puis certifier qu'il avait accepté nos propositions ; qu'il savait à quoi elles l'exposaient. Au dernier moment, on nous montra un décret qui interdisait à un professeur du cadre primaire d'accepter un mandat municipal.

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    Boris Vildé

    Quand Boris Vildé vint nouer à Carcassonne le premier lien avec la Résistance parisienne, c'est à Pierre Sire que je pensai d'abord et par son intermédiaire que je pus faire circuler l'humble polycopie qui inaugurait la diffusion des journaux clandestins. Au retour de son troisième voyage, Boris Vildé fut arrêté à Paris (26 mars 1941, NDLR) et assassiné par la Gestapo (23 février 1942, NDLR).

    Roubaud avait pris la tête du mouvement local ; et pendant qu'il agissait, créait les maquis et soulevait la province, nous vivions notre passion d'intellectuels à peu près inutiles, nous nous consumions dans l'impatience. [...] Vint enfin le jour de prévoir le débarquement. On parachutait des vivres, des munitions. On élaborait des plans. Il fallait deviner où commencerait le combat. [...] On sait fort mal ceci : pendant plusieurs mois notre région a été vouée à un douloureux avenir et nos résistants ont dû se préparer et préparer quelques civils choisis à une périlleuse aventure :

    Supposant que toute l'armée allemande contre-attaquerait les premiers éléments débarqués, Alger souhaitait que les villes partiellement vidées d'ennemis redevinssent aussitôt françaises. Il fallait éviter qu'à peine victorieuse, l'armée alliée ne s'accommodât des administrations mises en place par Vichy. La Résistance désignait donc des chefs de quartier décidés à mener le peuple à la Préfecture, un conseil municipal qui s'emparât de la mairie, un préfet, des hommes vrais et qui se déclarassent citoyens au mépris de leur vie. Ce fut là un beau moment dans l'histoire de la Libération. Il n'y avait pas d'avantages à politiques à prévoir pour ces hommes de bonne volonté. Toute leur mission était d'accepter des responsabilités en attendant les titulaires et de se désigner eux-mêmes comme otages d'un ennemi victorieux ou, même, trop lentement vaincu.

    On ne peut pas oublier le nom et le visage de ces hommes quand on a, en des circonstances pareilles, recueilli leur adhésion. James Ducellier acceptait de remplir les fonctions de préfet en attendant Monsieur Augé, Maître Llobet devenait, pour la période héroïque, maire de Carcassonne. René Nelli répondait du quartier du Palais. Pierre Sire devait prendre la tête de la colonne qui se formerait à la Cité et marcher sur la Préfecture. Ce dernier trait donne à peu près la date du complot, lequel précéda de peu l'occupation par les Allemands du bord fortifié. 

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    Le témoignage de Lucien Roubaud (La Résistance Audoise / p.400) donne une autre lecture venant contredire le texte de Bousquet :

    "Existait aussi à Carcassonne un groupe de résistants qui se préoccupaient de choisir les hommes devant occuper les postes importants à la Libération. Je le sais, car un émissaire est venu me proposer le poste d'Inspecteur d'Académie. J'ai décliné cet honneur, Gilbert de Chambrun, alerté, est venu contacter ce groupe qui a refusé de faire autre chose que la propagande orale et la préparation de l'après-libération."

    Les textes ci-dessus donnent une autre dimension à cette triste période, telle que l'ont vécu les Carcassonnais. Il rappelle qu'il ne faut préjuger de rien et surtout ne pas s'arranger avec l'histoire lorsqu'on désire l'étudier pour flatter un camp ou un autre. La vérité est souvent bien plus complexe qu'une réflexion simplement manichéenne relevant du café du commerce. Il faut peut-être essayer de comprendre l'homme dans sa complexité et les circonstances qui l'ont amené à agir. Retenons par exemple que le destin de René Bach, le tortionnaire de la Gestapo de Carcassonne, aurait pu être différent pour lui et surtout pour ses victimes, s'il avait été accepté dans l'armée qui allait combattre au sein de la France libre. Il chercha un emploi et trouva celui d'interprète bien rémunéré par les Allemands au sein du SD. La suite, vous la connaissez...

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  • Été 1944 : Elle servait pour la Croix-Rouge de Carcassonne, elle raconte l'horreur...

    Madame Henriette Patau - soeur du poète Carcassonnais Joë Bousquet - fut un membre dévoué de la Croix-rouge Carcassonnaise entre 1942 et 1944. Dans un texte dactylographié de quatre-vingt quinze pages que nous avons retrouvé, elle raconte avec précision de tristes épisodes - jusque-là jamais révélés - au cours desquels elle est intervenue. Nous insistons sur le caractère totalement inédit de ce récit...

    Été 1944

    Le poste de secours

    Pour circuler, il fallait avoir une lampe de poche, un laisser-passer et, dans les services Croix-Rouge un brassard allemand avec un numéro d'ordre. Nous le trouvions horriblement humiliant...

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    Brassard Croix-Rouge Allemande

    Les Américains arrivèrent bientôt à survoler la ville ; ils lancèrent des bombes. Un poste de secours fût confié à la Croix-Rouge de Carcassonne. On l'équipa dans une salle du Palais de Justice ; il y eût six lits, une pharmacie de secours, quelques vivres, des brancards et des sièges pour les chargés de service. Un tour de présence était fixé, mais nous décidâmes de nous rendre tous au comité en cas d'alerte, la présence de plusieurs d'entre nous pouvant se trouver obligatoire.

    Chez nous, nous nous étions organisé. Nos vêtements rangés en ordre au pied de notre lit pouvaient être passés en deux minutes ; dès que la sirène retentissait, rapidement vêtus, nous sortions. Notre sacoche toujours prête, accrochée à notre bras gauche encerclé du terrible brassard, ne devait pas être ouverte sous peine de recevoir un coup de fusil d'un gendarme allemand. Il fallait présenter le bras gauche replié, la main contre la poitrine, la lampe du soldat nous aveuglait, puis le signe de "partir" était donné. Nous faisions rapidement les cent ou deux cents mètres qui nous séparent du poste de secours.

    Tout était noir, nous marchions vite, pourtant. La sirène hurlait, on n'entendait qu'elle, puis un bruit d'avion, mais déjà nous étions arrivés au Palais de Justice et nous nous installions tous autour d'une table. Nous attendions encore un peu longtemps après la fin de l'alerte, puis nous rentrions chez nous pour une autre journée de travail.

    Dans notre groupe, très diversement composé, il y avait un médecin, deux prêtres, des membres de la Croix-Rouge, adultes, hommes et femmes ayant suivi des cours de secourismes, de brancardage, etc...

    La prison

    Dans la ville, la confusion grandissait. La peur aussi. On n'avait pas de nouvelles des déportés. On avait réquisitionné près de la poste, une maison vide où se déroulaient l'interrogatoire des qu'on avait enlevé de leurs maisons. Dans la journée, il étaient accompagnés par les Allemands à la prison, et leur famille n'était tenue au courant de rien.

    La Croix-Rouge finit par trouver le moyen de donner quelques maigres nouvelles. Chaque matin, un secouriste et une infirmière se rendaient avec une charrette attelée d'un vieux cheval au cantonnement allemand et recevait des corbeilles contenant la ration journalière des 150 à 200 prisonniers. Elle se composait d'une boule de pain gris et de 100 grammes environ de margarine. Par le nombre de rations, nous savions, très approximativement si le nombre de malheureux était le même ou si l'un d'eux était déjà parti - dire à leur famille de bien petites choses : la prison était propre, on ne paraissait pas les tourmenter...

    Les familles venaient au Comité ; nous avions honte de les aider si mal, si pauvrement, mais pourtant elles paraissaient un peu réconfortées en partant. Il faut si peu, parfois, pour sortir un moment du désespoir, pour garder la volonté de vivre, encore, quand la vie vient de vous écraser.

    Trassanel, Cabrespine, Mas-Cabardès

    Des trahisons, des imprudences alertèrent les Allemands et un jour la Croix-Rouge reçut l'ordre d'aller dans la Montagne noire ramasser les morts laissés dans les trois villages où ils avaient abattu des maquisards. Ordre était donné de jeter sur les cadavres, un tas de chaux et de les brûler.

    Le soir, nous avons délibéré au Comité et pris nos dispositions pour le lendemain. A six heures du matin, nous partions. Une plateforme portait deux infirmières, un chef, des secouristes et deux prêtres. La seconde plateforme portait trente cercueils.

    Nous sommes arrivés à Cabrespine, dans un coin paisible : sur l'herbe foulée reposaient sept jeunes, des parachutistes. Il fallut les retourner, fermer leurs yeux, et chercher sur eux des pièces d'identités, tous n'en avaient pas... Nous avons accompli notre tâche. Les secouristes les ont placé dans leur cercueil et sont descendus au village pour creuser leur sept tombes, et inscrire un nom sur une croix afin qu'on puisse les retrouver. Nous sommes repartis pour Trassanel.

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    © Centre France

    Cette photo illustre un fait analogue à Orcines (Puy-de-Dôme)

    Dans une garrigue, un cercle de jeunes morts était couché. Ils n'avaient pas plus de 16 ou 17 ans ; leurs yeux étaient ouverts, leurs mains crispées, mais leur visage était calme. Nous nous sommes mis au pied de ce groupe de martyrs ; le prêtre catholique a dit les prières des morts, puis le pasteur protestant a prié pour les protestants et les juifs, dans l'ignorance de leur religion. Et la triste cérémonie a recommencé comme à Cabrespine. Tout a été fait pour leur toilette funèbre, et leur pauvre dépouille a été remise au cimetière, avec leur nom. Et, toujours pris dans notre émotion apitoyée, nous sommes allés au troisième champ d'exécution, au Mas.

    En arrivant au village, nous avons entendu le glas. Nous étions attendus ; on nous a conduits à la grande salle de la mairie. Tout autour d'un reposoir et appuyés contre les murs, vont cercueils pareils s'alignaient . Ils n'étaient pas fermés encore. Près d'êtres aussi jeunes que ceux que nous venions de quitter, les parents, agenouillés, le visage touchant le bois qui allait recouvrir le corps de l'être qu'ils avaient perdu, ils pleuraient ; les mères hurlaient. La douleur de cette foule était insoutenable, la vue du prêtre a paru les toucher. Ils lui ont demandé de bénir les corps... Nous étions tous à genoux et nous répondions aux prières. Puis le maire s'est levé. Il est allé d'un enfant à l'autre, touchant les petites mains glacées, parlant aux parents avec amitié et les appelant par leur nom, il pleurait avec eux, comme eux, et j'ai su ce jour-là que la seule façon de secourir une douleur trop grande est de la partager avec son coeur.

    Ce soir-là, nous sommes rentrés après avoir recommandé à tous de garder le silence sur cette journée, et rien de cette affreuse journée ne s'est raconté nulle part.

    Le retour des déportés

    Nous reçûmes des instructions pour accueillir les rescapés des camps de représailles. Nous devions nous trouver à la gare à partir de huit heures du soir : deux infirmières et quatre secouristes.

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    © deportation.free.fr

    Retour d'un déporté à sa descente du train

    Nous attendions les train dans une grande salle, meublée d'un fauteuil et de quelques chaises autour d'une grande table. Le premier train était signalé à neuf heures dans la nuit tombante. Les secouristes passaient sur le quai ; pour descendre, presque porter les hommes qu'on nous renvoyait vêtus d'un pyjama rayé, squelettiques, les yeux effrayés, ils regardaient tous ceux qui venaient à leur rencontre ; et après avoir reconnu leur tenue, ils se laissaient approcher. Doucement, lentement, on les conduisait vers la pièce où nous les attendions.

    Nous avons appris que nos gestes d'accueil devaient être lents, calmes, notre voix sans éclats et qu'il fallait en s'occupant d'eux ne pas leur donner l'impression de les contraindre, mais de les aider. Nous remplacions les secouristes et nous les amenions, à leurs pas, vers les sièges ; ils hésitaient, regardaient autour d'eux, qui s'avançaient, finissaient par s'asseoir. Devant eux, à portée de leur main, on plaçait un bol de bouillon ou de café : on leur disait de boire. Ils semblaient anéantis ; ils n'étaient plus des êtres normaux. Nous nous taisions. 

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    © Association des déportés

    Une jeune déporté à son retour en France

    Les uns repoussaient les bols, d'autres s'accoudaient à la table, le visage dans les mains. Au bout d'un moment, on leur offrait des biscuits, des fruits. Quelques-uns commençaient à nous regarder de ce même regard fixe, puis ils s'adaptaient, avançaient parfois vers nous, une main glacée que nous gardions dans la nôtre comme celle d'un enfant. Une heure passait ainsi ; des gestes s'esquissaient, les uns se restauraient, d'autres pleuraient convulsivement.

    Bientôt, leurs papiers arrivés, nous pouvions leur expliquer qu'ils seraient bientôt rendus à leur famille. Ils commençaient alors à réagir. Dans toutes les communes de France, les receveurs des postes avaient l'ordre de rester au poste de téléphone, toute la nuit. Aucun n'y a jamais manqué. Un de nous, muni de la fiche d'un arrivant, appelait à quelqu'heure que ce fût le receveur à prévenir et lui confiait la mission de prévenir la famille et de l'envoyer à notre poste pour prendre l'arrivant.

    Avec précaution, nous prévenions celui qui était désigné et nous cherchions dans le vestiaire un pardessus ou une grande couverture pour recevoir le pyjama rayé. Alors, peu à peu, une lueur plus humaine venait éclairer les yeux de ces hommes jeunes qui ressemblaient en ce moment à des vieillards abîmés par la vie. Bientôt une voiture se faisait entendre. Un de nous allait chercher la famille, l'autre préparait le prisonnier et nous ne partions qu'après les avoir vus, enfin, ensemble, en sécurité.

    Le retour fut long, et certains prisonniers durent subir des traitements avant de pouvoir reprendre un métier et une vie normale. On créa une Association des Prisonniers de guerre qui aida beaucoup les rentrants. On s'occupa d'eux, des familles les plus touchées et, peu ) peu, tous se reprirent à vivre.

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