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Seconde guerre mondiale - Page 45

  • Le passage de Notre-Dame du Grand retour à Carcassonne en mai 1944

    Selon une légende, une statue de la vierge Marie sur une barque poussée par des anges aurait accosté en 636 à Boulogne-sur-mer. Depuis le Moyen-âge, un pèlerinage à Notre-Dame de Boulogne maintient ainsi la ferveur et la dévotion dans le coeur des catholiques.

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    © pelerinagedefrance.fr

    À partir du 28 mars 1943, un pèlerinage de Notre-Dame de Boulogne - appelée également Notre-Dame du Grand retour - fut organisé à travers le pays par l'épiscopat français. La motivation de l'église catholique était de ramener les brebis égarée sur la voie du communisme, en lançant des intentions de prières pour le retour des prisonniers et la fin de la guerre. Quatre statues en plâtre effectuèrent près de 100 000 km en s'arrêtant à chaque fois dans de nombreuses paroisses. Le point de départ du périple de Notre-Dame du Grand retour fut Lourdes et se termina à Boulogne-sur-mer. Il est difficile de suivre les parcours des statues ; à la mi-avril elle arriva à Toulouse, mais une seconde copie partit d'Albi le 28 mai 1943.

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    © Claude Gironis

    À côté de la statue les gens marchaient pieds nus, jetaient des billets dans la barque et traversaient des arcs de triomphe sous les acclamations de la foule. Il fallait quatre personnes pour la transporter. Après avoir quitté Dijon, une copie relia Perpignan et atteignit Carcassonne en mai 1944. Elle passa également par le village de Conques-sur-Orbiel (voir photos).

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    À Conques-sur-Orbiel en mai 1944

    © Claude Gironis

    Lors de son passage à Carcassonne, nous avons recueilli le témoignage d'une réfugiée Lorraine qui s'est souvenue dans les détails de cet évènement.

    "Quand elle est venue à Carcassonne on n’était pas loin de la libération, l’atmosphère était extrêmement tendue. Les allemands n’ont pas pu interdire la procession, mais les gens en ont fait une sorte de manifestation patriotique; on avait l’impression que toute la ville était dans la rue. Je portais ma croix de Lorraine avec l’hirondelle (un peu dissimulée sous son gilet tout de même) et les expulsés devaient tous certainement être présents ! La barque qui recueillait les dons était pleine de billets ! ( qui sont allés où et à qui ?) Il y avait un monde fou et on sentait les gens très tendus et prêts à une sorte de révolte. 
    Les allemands étaient présents en masse et prenaient énormément de photos mais s’ils étaient intervenus de quelque façon que ce soit ça se serait certainement mal passé - j'ai reconnu dans la foule des gens du maquis."

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    Source

    Le grand retour de ND de Boulogne à travers la France / Louis Péronas

    Merci à Bernadette Klein et à Claude Gironis

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    © Tous droits réservés / Musique et patrimoine / 2016

  • De quoi les Carcassonnais ont-ils eu peur ?

    Voici donc l'épilogue d'un long combat.

    La mémoire de la villa de la Gestapo de Carcassonne rasée sur décision municipale en février 2015 pour la construction de logements sociaux, a été réduite en une plaque commémorative. Celle-ci a été dévoilée et inaugurée hier à 17h30 par l'A.N.A.C.R (Association Nationale des Anciens Combattants et Amis de la Résistance) en présence de Michel Molhérat (Conseiller Général), Gérard Larrat (Maire de Carcassonne) et Robert Alric (Habitat Audois). On notait également dans l'assistance quelques porte-drapeaux dont un des Guérilleros espagnols, David Scagliola (Centre culturel de la mémoire combattante) et Jean-Louis Bonnet. Ah ! Le devoir de mémoire a bon dos désormais ; il n'est plus hélas qu'un slogan politique - comme tant d'autres : pacte Républicain, laïcité, solidarité nationale, etc.  Ce leitmotiv répété à loisir ne sert plus qu'à sortir étendards et Marseillaise, devant le péril électoral d'un nationalisme décomplexé. Qui est dupe de tout cela ? Pas un jour ne passe sans commémorations, alors que tant de Français confondent 14 juillet et 11 novembre. Ce serait un peu comme fêter Jules Ferry tous les mois et supprimer le latin et le grec. Mince, c'est déjà fait...

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    Hier soir, devant le 67 avenue Roosevelt

    En voyant cette photo que l'on m'a communiquée - car je me suis refusé à participer à cette mascarade - une question m'est de suite venue à l'esprit :

    Où étaient tous ces gens quand j'avais besoin d'eux pour défendre ce lieu ?

    Partout ailleurs - nous le verrons - l'A.N.A.C.R aurait apporté son soutien et son assistance à la défense de ce lieu tragique qui vit tant de patriotes crier sous les coups des tortionnaires de la Gestapo. À Carcassonne, les plus courageux se sont tus ; les hypocrites se sont rangés derrière la parole politique. Ma conviction est qu'il y a eu dès le départ une volonté délibérée d'écraser cette maison, avec discrétion et à n'importe quel prix. Dans quels buts ? Certes, on peut évoquer l'aspect financier mais ce n'est pas selon moi le vecteur le plus important ; Habitat Audois construit du logement social subventionné par les collectivités locales. Celles-ci ont donc toute latitude pour arrêter ses projets. 

    Il fallait absolument éviter un droit d'inventaire sur ce lieu. A son procès en avril 1945, le tortionnaire de la Gestapo Carcassonnaise - l'Alsacien René Bach - lança en plein prétoire cette phrase lourde de sens :

    "Toutes les affaires n'auraient pas été faites, si les Carcassonnais ne s'étaient pas dénoncés entre-eux."

    Même au sein de la Résistance audoise, il y eut des dénonciations. C'est mon intime conviction, notamment concernant l'arrestation de Jean Bringer. Les vengeances personnelles et la cupidité de certains auront eu raison du chef départemental des F.F.I. La Gestapo disposait d'énormes sommes d'argent liquide pour payer ses informateurs. En juin 1944, les maquisards jusque-là peu soutenus par les Carcassonnais virent arriver un flot discontinu de candidats à la lutte armée. Deux mois avant la fin de la guerre, ils ne pouvaient pas tous les équiper. Ces héros de la dernière heure, ce sont ceux qui firent du zèle en tondant les femmes soupçonnées de Collaboration horizontale. 

    Dans la sphère politique et économique locale, on peut supposer qu'il y a eu des héritiers d'un passé familial peu avouable. Dans un soucis de concorde et d'apaisement, il était souhaitable de ne pas remuer la boue. On peut comprendre les craintes de certains. Dans ce contexte, il n'était pas pensable de me retrouver avec de nombreux soutiens. Carcassonne n'a pas été une ville Résistante ; ce n'est faire injure à personne que de l'affirmer. En 1940, c'est une cité bourgeoise et très conservatrice composée essentiellement de petits commerçants, de fonctionnaires et propriétaires viticoles. On est bien loin de Salsigne, qui fournira un grand contingent d'hommes au Corps franc de la Montagne noire.

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    L'histoire locale retiendra le nom de l'organisme gravé dans le marbre

    Dans ce texte, plusieurs choses m'interpellent...

    D'abord, on distingue les résistants et les maquisards. Si  l'on prend la définition du Larousse un maquisard est un "Résistant à l'occupation allemande entre 1940 et 1945, membre d'un maquis." Ce serait donc un pléonasme ? Quand on sait que ce sont les guérilleros espagnols qui ont payé le plus lourd tribu dans cette maison : Thomas Martin, Miguel Amantegui, Mercedes Nunez Targa, Michel Karner, etc. On s'interroge sur le fait que le mot "Guérilleros" ne figure pas dans le texte. 

    Ensuite, la période évoquée ne correspond pas à l'occupation par la Gestapo de cette maison. En effet, elle ne l'a réquisitionné qu'à partir d'avril 1943 jusqu'en août 1944. C'est peut-être un détail...

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    Dans le fond de la parcelle, on a construit une résidence à loyers modérés. Oui, car la maison de la Gestapo a été rasée pour un parking. On ne vous l'avait pas dit ? Habitat Audois a nommé cet immeuble "21 août 1944". Carcassonne a été libérée le 20 août ; que s'est-il donc passé le lendemain ?

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    Le projet de l'architecte

    L'exemple de Foix dans l'Ariège

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    L'ancienne Villa de la Gestapo de Foix

    Grâce à l'opiniâtreté de M. Nadouce et avec le soutien de la section locale de l'A.N.A.C.R, l'ancien siège de la Gestapo de l'Ariège a été réhabilité - il était aussi ruiné que celui de Carcassonne. Dans ce département - comme c'est bizarre - les anciens combattants se sont mobilisés en soutenant le défenseur de ce lieu de mémoire.

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    Il faut croire qu'à Foix, on n'a pas eu peur de regarder l'histoire en face. Le département de l'Ariège a fait de cette maison l'Agence de Développement Touristique d'Ariège Pyrénées en juin 2012. Ce qui ne gâche rien, l'arrière du bâtiment est occupé par l'internat d'un collège. Chaque jour les élèves prennent une leçon d'histoire avec cette plaque rappelant le sacrifice des patriotes.

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  • 11 novembre 1942 : De Lattre de Tassigny en résistance armée dans les Corbières

    La commission d’armistice avait laissé à la France une armée de 100 000 hommes. Quand la Wehrmacht envahit la zone libre, cette armée ne réagit pas. Pourtant une stratégie avait été prévue : Les troupes devaient s’établir en position défensive dans des réduits montagneux afin de harceler l’ennemi. Les Divisions Militaires de Marseille et Montpellier, devaient s’adosser à la mer pour établir des têtes de pont, en vue d’éventuels débarquements alliés.

    Seul,

     Jean Joseph Marie Gabriel De Lattre de Tassigny,

    Général de Brigade depuis le 22 mars 1939, va tenter de s’opposer à l’invasion en concentrant ses troupes dans les Corbières.

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    Le 10 novembre, à 1h30, les Etats-Majors de Région reçoivent un télégramme chiffré (N°128), émanant du 3ème Bureau de l’État-major :

    "En vue d’éviter le contact entre les troupes de l’armistice et les troupes étrangères, les généraux commandants les régions militaires doivent être prêts, en cas d’avance allemande au-delà de la ligne de démarcation, à exécuter le déplacement des troupes et États-Majors en dehors des garnisons et des axes principaux de pénétration. Toutes munitions seront prises. Mesures d’exécution décidées à l’initiative des Commandant de Division Militaire, uniquement sur renseignement certain de franchissement de la ligne de démarcation".


    Le général De Lattre de Tassigny convoque alors ses officiers d’État-major et fait parvenir également aussitôt aux autres commandants de corps une directive dans ce sens, ses troupes devront se rendre dans le massif des Corbières, en emportant le maximum de munitions. Les éléments de Montpellier, Sète, Castres, Albi et Rodez seront dirigés dans la région sud-ouest de Narbonne, à Thézan et plus au sud. Les unités de Carcassonne et de Castelnaudary se regrouperont à Axat, celles de Perpignan à la Tour-de-France. Le 11 novembre, à 7 heures, les troupes allemandes franchissent la ligne de démarcation. De Lattre en est aussitôt avisé. Une heure après, il arrive à l’État-major et fait donner l’ordre d’exécuter les instructions de sa directive. A 9 heures, le général Langlois, commandant du 1er Groupe de Divisions Militaires à Avignon, lui téléphone : ordre de surseoir à tout mouvement de troupes. De Lattre répond :

    "Les Allemands ont franchi la ligne. A partir de cet instant, chaque commandant de division a son initiative !"

    Or, vers 10 heures, lui parvient un télégramme selon lequel, par ordre du Secrétaire d’Etat à la guerre (Eugène Marie-Louis Bridoux), aucun mouvement de régiment ne doit être exécuté et que les troupes et Etats-Majors doivent rester dans leurs casernements normaux. Le général De Lattre est consterné par cette nouvelle décision qui est contraire à sa conception de l’Honneur Militaire. Il décide donc d’ignorer le contre-ordre pour s’en tenir strictement aux directives du télégramme chiffré. Simone De Lattre approuve son mari. Elle non plus, ne veut pas subir.

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    Le carrefour de Fabrezan d'où il enverra chercher de l'essence à l'aérodrome de Lézignan

    A 11h30 le même jour, il quitte Montpellier avec son État-major en direction des Corbières. Il est accompagné de ses plus proches collaborateurs. Le convoi se rend à la caserne du 8ème Régiment d’Infanterie et récupère deux canons de 75 et une dizaine de camions de munitions. Après une halte à Saint-Pons, il réussit à passer la route de Carcassonne à Narbonne. Il passe par Moux où il utilise un passage en dessous de la route. Toute l’après-midi, il attend à Villerouge-Termenes des nouvelles de ses troupes. Puis il prend la direction de Padern avec seulement deux véhicules et s’arrête vers 19h à Cucugnan chez le maire Clovis Gauch. Là, il fait le point sur sa carte avec son aide de camp. A 21 heures 30 le général demande à entendre les informations, puis à 22 heures il prend la direction de Padern où il restera à attendre en vain, jusqu’à 2h45, des nouvelles de ses troupes dans la nuit du 12 au 13 novembre. Celles-ci ne viendront pas. Les chefs de Corps ont en effet reçu directement du général Langlois, l’ordre de rester sur place et les routes sont barrées.

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    De Lattre dans la clandestinité


    Alerté, le Gouvernement de Vichy réagit très rapidement en donnant l’ordre d’intercepter le général qui retourne alors à Saint-Pons où il se livre à l’adjudant de gendarmerie de la brigade locale. Il est emprisonné à la prison militaire de Toulouse. Dans une lettre du 18 novembre qu’il écrit depuis sa cellule toulousaine, le général De Lattre écrit au maréchal Pétain : 

    "Ce que j’ai fait ne relève point de la dissidence à laquelle je n’ai jamais songé. Mon acte n’a été inspiré que par l’amour de la France et de l’Armée. Je vous demande, parce que mon devoir de chef me l’impose, de vouloir bien considérer qu’en dehors de moi seul, il ne saurait y avoir de responsables. Quatre de mes officiers, qui sont aujourd’hui mes compagnons de captivité sont, je le crois, inculpés au même titre. Ils n’ont fait qu’exécuter mes instructions et leurs actes ne relèvent que de l’obéissance qu’ils devaient à leur chef."

    Le 11 décembre 1942, le général De Lattre est escorté jusqu’au fort Montluc à Lyon. Poursuivi pour abandon de poste et tentative de trahison, il comparaîtra le 9 janvier 1943 devant le Tribunal d’Etat et sera transféré à la maison d’arrêt de Riom le 2 février 1943, où l’administration pénitentiaire lui attribue la cellule (exigüe) qui avait été occupée, un temps, par le député de Narbonne Léon BLUM. Par la suite il occupera une cellule plus vaste qui avait été celle d’Edouard DALADIER. Il s’en évadera dans la nuit du 2 au 3 septembre 1943 et, avec l’aide de résistants de l’Ain, le 17 octobre 1943 un avion l’emmènera en Angleterre d’où il gagnera l’Algérie et la France Libre. Il prendra alors les responsabilités qu’on lui connaît maintenant pour " Ne pas Subir ".

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    Cimetière de Mouilleron en Pareds

    Sources :


    La Fondation Maréchal De Lattre
    Archives Départementales de l’Aude
    "Jean De Lattre mon mari" / Simonne De Lattre / Presses de la Cité 1972
    "De Lattre de Tassigny" Bernard Michal / Editions Famot 1974
    "La 2ème guerre mondiale dans l’Aude" Julien Allaux / Editions du sapin d’or 1986


    Cet article
    a été rédigé M. Sylvain le Noach - spécialiste audois de la Seconde guerre mondiale - que nous remercions pour cet échange.

    (Tous droits réservés)

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