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Seconde guerre mondiale - Page 4

  • A la recherche d'un inconnu, déporté du camp de Dachau

    Récemment, un ami m'a donné un document manuscrit contenu dans une enveloppe expédiée en 1957. Ce courrier était arrivé chez son père, ancien résistant, sans qu'il ne fut possible d'en connaître l'expéditeur. Le document se présente en un seul et long papier quadrillé, sur lequel on a dessiné à la main le plan fidèle du camp de concentration de Dachau. Ceci, dans un but bien précis. L'expéditeur, jusqu'ici inconnu, écrit au dos du document le récit de son internement. A l'aide de lettres majuscules, il indique les endroits qu'il a fréquentés.

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    Afin de remonter la piste de l'illustre inconnu, il fallait un indice. Or, notre individu avait pris soin de dessiner l'insigne et le numéro de déporté qu'il devait porter sur lui durant son internement : 72570. Notons que ces chiffres devaient être également tatoués sur le bras des prisonniers à leur arrivée dans le camp. La lettre F, correspondant à la catégorie des déportés politiques.

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    Autant chercher une aiguille dans une meule de foin... L'inconnu ayant pris soin de noter dans son récit la date de son entrée à Dachau, le 20 juin 1944, nous avons pu remonter la piste. Il faisait partie des 2140 déportés partis du camp de Royalieu à Compiègne vers Dachau, le 18 juin 1940. En grande majorité, ces individus étaient initialement détenus à la centrale d'Eysses ou à Villeneuve-sur-Lot. En consultant les registres de ce transport parti de Compiègne, nous avons épluché tous les matricules. Le numéro 72570 nous est alors apparu sous les noms de Roger Bertrand Adrien Fourès, né le 4 novembre 1918 à Toulouse. Ecoutons désormais ce qu'il raconte.

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    En arrivant à Dacahu, le 20 juin 1944. J'ai été enfermé pendant un mois au Block 17 (A), puis j'ai été envoyé à Allach, un autre camp à 8km. Quand je suis tombé malade le 15 janvier, j'ai été évacué sur Dachau et mis au Block 22 (B), puis je suis rentré à l'infirmerie au Block 13 (K). J'y suis resté 15 jours, en sortant je suis allé au Block 22 (B) et au Block 24 (C). Quand j'ai été jugé guéri on m'a mis au Block 16 (D) où tous les jours j'allais travailler au kommando des tresses (E). Là, je faisais des tresses avec des bouts de chiffons.

    La veille de la libération, les SS nous avaient réunis sur la place d'appel (L), c'était de là que nous devions partir pour aller à la gare, où on devait soi-disant nous évacuer, mais où en réalité on devait y rester. C'est d'ailleurs là (M) qu'ils ont tué tous les juifs ce même jour.

    A la Libération le 29 avril 1945, tous les Français nous avons été au Block (F) jusqu'à notre rapatriement. J'ai retrouvé mes affaires au magasin (J) et tout ce que j'ai porté nous l'avons trouvé dans les magasins des SS (H). Vous verrez que dans ce camp rien ne manquait. Il y avait aussi une maison de passe où tous les capos allaient le dimanche. Les capos, ce sont ceux qui étaient prisonniers comme nous, mais qui nous commandaient et qui nous donnaient les coups. Quand je suis arrivé à Dachau, c'est aux douches (O) qe l'on m'a pris toutes mes affaires et que l'on m'a donné le beau costume de bagnard.

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    Entrée du camp de Dachau au mois de mai 1945

    En bafouillant sur internet, nous avons trouvé des informations sur les conditions de l'arrestation de Roger Fourès. Marié en 1942 à Odette Pubill à Laroque-d'Omes (Ariège), il menait une vie ordinaire comme préposé des postes à Mazirat (Allier). Le 25 mai 1944, les Allemands arrivent à Mazirat et, pensant arrêter les résistants locaux, encerclent la maison qui leur sert de refuge. Mais les maquisards ne sont pas là et en représailles, ils alignent des hommes du village contre un mur et prennent trois otages : Jean Berger, Roger Fourès et Marcel Marionnet. Les otages sont amenés à la prison de Montluçon et de là sont transférés la prison militaire allemande de Moulins.

    Roger Fourès n'était pas résistant. Toutefois, les otages n'étaient souvent pas pris au hasard. Le maire devait établir une liste sous la contrainte. Dans le cas de Roger Fourès, son activité syndicale ou ses opinions politiques connues ont fait de lui un coupable désigné. Il a fini sa vie le 10 septembre 1987 à Lavelanet, après avoir achevé sa carrière comme receveur PTT à Rodôme dans l'Aude.

    Sources

    Fonds pour la mémoire de la déportation

    AFMD de l'Allier

    Musée de la Résistance de Besançon (Affiche)

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  • Entretien avec Gisèle Médus (100 ans), la dernière résistante de Limoux : "La République, ça voulait dire quelque chose"

    Suite à l'article que j'avais produit le 1er août dernier sur Gérard Persillon, commissaire de police à Limoux en 1944, je m'étais mis en quête de connaître ce qu'il était advenu de ses complices de résistance. La recherche généalogique m'a mise sur les traces de Gisèle Médus, sa secrétaire. A mon grand étonnement, j'appris qu'elle venait de fêter ses cent ans. Sa famille me confirma son passé de résistante, en m'indiquant qu'elle avait toujours refusé d'en parler. Je finis par obtenir une interview le 14 août dernier chez elle, à Limoux. Gisèle Médus, malgré sa surdité liée à l'âge, possède une mémoire intacte et une intelligence vive.

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    Pour quelles raisons l’envie de résister s’est-elle imposée à vous ?

    Mon éducation, d’abord. Ma grand-mère a perdu un fils à la guerre de 14. La soeur de maman a perdu un fils à la guerre de 14, aussi. Elle était toute jeune mariée. Son mari est parti, elle attendait un bébé. Il est venu la voir au moment de l’accouchement. Trois jours de permission. C’était une famille enseignante. Il n’est jamais revenu. Ma cousine aînée n’a jamais connu son père. Ça a marqué tout le monde.

    Ce qui fait que la République, ça voulait dire quelque chose.

    Quand il y a eu le soulèvement des espagnols. Un jour - je n’ai pas demandé à savoir, il y a des choses que les parents ne disaient jamais aux enfants. Un beau jour, il y a une petite espagnole qui est arrivée à la maison, qui avait mon âge et que l’on a gardé pendant un an à peu près. Mon père avait eu un contact. Un avocat était venu lui demander de garder cette petite parce que le père avait été fait prisonnier par les franquistes. On a gardé cette petite. Elle est repartie après. Alors j’étais prête à donner. C’est pour ça… La Résistance ça voulait dire quelque chose.

    A ce moment-là dans les écoles, on avait une vieille fille comme institutrice et elle nous faisait chanter « Maréchal nous voilà ! ». On chantait « Maréchal nous voilà ! » en racontant n’importe quoi. Maréchal nous voilà… Qu’est-ce qu’on disait ? « On te bottera les fesses ». Des bêtises comme ça. Quelques fois on était punies. A maman, l’institutrice disait qu’on étaient insolentes. 

    J’ai vu mon père pleurer quand Pétain a demandé l’armistice. Ça m’avait choqué et peiné, vous ne pouvez pas savoir. Je ne comprenais pas. Et je lui ai demandé pourquoi. Il m’a dit : « C’est l’armistice ».

    Déjà pour la Pologne. Quand l’Allemagne est entrée en Pologne, on tricotait des chaussettes pour les Polonais. On avait des correspondantes. On écrivait aux petites filles qui étaient à l’école.

    Comment avez-vous commencé dans la Résistance ?

    Je travaillais à la sous-préfecture comme secrétaire et Persillon se méfiait de ses inspecteurs. Il lui fallait quelqu’un pour faire ses cartes d’identités. Donc, je suis passé à la police. J’avais un petit bureau, les inspecteurs étaient toujours à naviguer, à regarder ce que je faisais. Je suis arrivée là alors que j’étais très fluette. A 17-18 ans, j’avais un corps d’une gamine de 14-15 ans.

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    L'actuelle Police municipale abritait le commissariat en 1944, rue St-Martin

    Persillon m’a dit : « Voilà ! Vous irez chercher le cachet ». Il fallait que j’aille chercher son fameux cachet et le bureau de Persillon était à l’autre bout du commissariat. Comment faire ? J’apportais le courrier à signer et en même temps je raflais les tampons. Je les mettais dans la poche. Arrivée dans le bureau, je fermais la porte. Pas toujours, d’ailleurs. C’était une espèce de petit réduit. Je fabriquais des cartes mais il fallait les faire passer. Ce n’était pas moi qui les distribuais. Les garçons, certains venaient directement les chercher, mais on ne voulait pas être vus par les inspecteurs qui étaient toujours là en train de fouiner partout. Parce qu’à l’époque, il y avait toute une équipe de jeunes qui travaillaient pour Darnand, le chef de la Milice française.

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    La sous-préfecture de Limoux, 12 rue du Palais

    J’avais une amie dont le frère était le chef d’une équipe de miliciens. Une de ses soeurs était une amie et j’allais souvent dans sa famille. Il avait une grosse épicerie. Quand ils recevaient des gens de Paris, ils ne se rendaient pas compte quand ils discutaient. La porte n’était pas fermée. On faisait de la pâtisserie avec mon amie. Tantôt chez elle, tantôt chez moi. Et quand j’étais chez elle, on les entendait discuter et j’ai appris un jour qu’ils avaient su pour un parachutage. J’avais prévenu bien sûr Persillon. Tout ça avait été changé de place. Parce que mon amie, ne faisait pas du tout de politique. Il n’y avait que son frère.

    Lorsque des gens arrivaient d’Angleterre par avion, j’allais chercher les documents dans un hôtel à Limoux dans une rue. C’était de grands résistants. Il a été transformé en restaurant mais n’existe plus. Je ramenais les informations à Persillon.

    Je faisais la liaison avec le maquis de Picaussel. A bord d’un véhicule, je portais des papiers. J’en avais pas besoin, mais c’était tellement drôle. A Belcaire. Mon père était de Belcaire. J’ai des cousins qui ont été pris avec Bayle. Joseph Dieuzère, c’était un cousin germain de papa. Il a été pris, torturé, parti dans un camp de concentration. Ce sont les Russes qui l’ont libéré. Il y avait une très bonne équipe sur le plateau de Sault.

    Votre disparition de Limoux avec Persillon et Albert Marc, racontez-moi ?

    Un jour, il a fallu aller à Vichy prévenir un colonel que De Gaulle réclamait et qui était prisonnier à l’Hôtel du Parc où vivaient Darnand et Pétain. Comment faire pour y aller et qui va y aller ? Et puis, je suis parti avec le commissaire Persillon. Bien sûr, je n’ai pas dit ça à mes parents . Personne n’en savait rien. Je suis partie et j’avais quand même prévenu des amis de mes parents,  qui eux étaient dans la Résistance, en leur disant qu’il faudra que maman déclare que sa fille a disparu. Je n’étais pas majeure ; la majorité était à 21 ans. C’est ce qu’elle a fait, maman, pour ne pas être embêtée car elle était institutrice. Elle distribuait des tracts. On avait caché des petits juives pendant plusieurs jours pour les faire passer. La directrice du lycée habitait en face de chez nous, rue Blanquerie. Et c’est pour ça qu’elle a demandé à maman de les garder. Maman ne savait pas du tout où j’étais. Il y a eu une descente à la maison. On a cherché partout, on a rien trouvé. Je ne laissais rien traîner. 

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    Hôtel du Parc à Vichy, siège du gouvernement

    D’abord, il a fallu traverser la ligne de démarcation. On arrive à Vichy. Persillon avait des contacts avec la Résistance de cette ville. Et de là, on s’est dirigé vers l’Hôtel du Parc. On avait inventé le système : j’étais la nièce du colonel. J’étais de passage et je lui apportais un colis que ma mère avait fait. J’habitais dans le coin. 

    En fait, j’avais la trouille. Je ne me suis pas rendu compte. Je suis restée là. J’avais un mot de passe. A gauche, il y avait les Allemands. A droite, les Français. La personne qui était en tenue, le garde. J’ai donné le mot de passe. Aucune réaction. Alors, je dis : « Je voudrais voir le colonel. Je suis sa nièce et j’apporte un colis ». Attendez un moment, me dit-il. Il revient : « Le colonel n’est pas là ». Ah ! C’est déplorable. Je voudrais quand même le voir. J’ai fait beaucoup de kilomètres. Petit-être que je peux l’attendre ? Ah ! Non, non. Il ne sera pas là, vous pouvez partir.

    Et je suis partie en laissant mon colis. J’ai dû être suivie, je pense. J’avais le commissaire Persillon qui m’attendait à un endroit, assez loin quand même. Et de là, on devait aller dans ce fameux restaurant. On nous a fait mettre à la cave. On a attendu la nuit pour partir. On est venu nous chercher pour nous amener à la gare. On a pris le train. L’un d’un côté, l’autre de l’autre. Les Allemands passaient, demandaient tout le temps les cartes, les laissez-passer. Des laissez-passer on en avait bien sûr, mais ils étaient tous faux. Enfin, des vrais faux. Il est monté une autre équipe allemande de la Gestapo. Là, nous n’étions pas rassurés. A un moment donné, il y a quelqu’un qui est venu là où je me trouvais et qui m’a dit : « Arrivés à Carcassonne, il faudra sauter du train avant l’arrivée ». Sauter du train, je dis ? Mais par où on va passer ?

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    Ancien café Négrail, sur la promenade du Tivoli

    Le train ralentit, le commissaire m’a rejoint. Il était suivi d’autres personnes. On a sauté du train dans les ronces. C’était sale l’entrée de Carcassonne où était la gare des marchandises. On a attendu qu’il fasse nuit pour aller sortir de cet endroit. On a été récupéré. On est entré dans un camion. On nous a mis une bâche dessus. Arrivés à Limoux, on est descendu heureux avant d’entrer dans la cave d’un café. En remontant la rue de la Goutine, c’est le café qui fait le coin (Le Tivoli). Ils étaient de grands résistants. De là, on a attendu quelques jours avec simplement de temps en temps un sandwich. Puis, nous avons embarqué à nouveau dans ce camion. Et en avant ! Il y avait le commissaire et trois autres personnes. J’ai jamais su qui c’était. Lucien Maury en parle dans son livre.

    Effectivement, nous avons relevé le récit d’Albert Marc : « La Résistance dans l’Aude » / Tome 1 / p.385.

    « Le 25 mai, surgit l’inspecteur Pech, affolé : un résistant L. Que nous avons aidé à s’évader a été repris. Martyrisé par la Gestapo, il a lâché mon nom et reconnu que la fausse carte d’identité lui a été transmise par le commissaire Persillon par l’entremise de sa secrétaire Gisèle Médus.

    Une grande réunion a suivi. Gestapo et nervis sont d’avis de m’abattre car disent-ils, celui-là ne parlera jamais. La Milice, si on nous arrête, se fait forte de nous tirer les vers du nez.

    « Tout est mis en place pour la parade grâce à la filière de Claude et Georges. Je vais faire mes adieux à Mazerolles. Dernière rencontre avec Myriel auprès de qui j’insiste. Il est brûlé lui aussi, il doit se camoufler. Il m’embrasse et s’en va. Presqu’aussitôt, vers 15 heures 30, alors que le marché du vendredi bât son plein, on m’avise de l’arrivée de la Gestapo. Je saute du jardin de la sous-préfecture sur les berges de l’Aude, contourne, arrive sur la place, rencontre le meilleure amie de ma mère, Madame Font. Bien que bouleversée, elle consent à m’accompagner tremblant de tous ses membres, vers la rue de la sous-préfecture. Ces messieurs sont devant le grand portail, recevant signes de la rue voisine. Il y a donc des complices sur place. Avertis, je ne sais de quoi, ils repartent.

    Je m’éloigne et, prévenu que les gestaltistes vont vers le commissariat où se trouve notre ami Dedieu, de Carcassonne, je parviens à les avertir. Se croyant bien informés, ces messieurs arrivent trop tard, le gibier s’est envolé. Quel beau coup de filet manqué !

    A la nuit, nous rejoignons la maison du T.R, près du café Négrail. Un fort-Chabrol est installé avec armes de toutes sortes. Epuisé, je finis par m’endormir. Le Dr Marot, de Quérigut, vient nous prendre avec son vieux tacot gazo que nous poussons jusqu’à la sortie de la ville.

    C’est Quérigut, la famille Marot, les amis du maquis, puis à pied jusqu’à Formiguères, l’inoubliable famille Soubielle-Chinaud, les gendarmes du brigadier Botet, Saillagouse, Llo, Nuria.

    Et ensuite, que s’est-il passé ?

    Arrivés à Formiguères, on est allé chez un passeur. Un paysan âgé. Il nous a offert la soupe, qui était la bienvenue et on est parti de nuit. J’avais une robe, des socquettes et des chaussures en bois. 

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    Le contre torpilleur "La trombe" en 1945

    Arrêt dans une grange où on a couché. Les soldats gardaient ce coin. Il y en a un qui voulait absolument entrer là-dedans. On était caché dans le foin, il ne fallait pas éternuer. On en avait envie. Heureusement, il y en a un parmi nous qui parlait allemand qui a entendu ce qu’ils racontaient. Ils faisaient la ronde. Un vieux les a détournés d’entrer : « Pas la peine, c’est un vieux qui y met ses moutons, du foin. C’est sale ». Ils ont fumé la cigarette et n’ont pas pu ouvrir la porte. Heureusement. Ils sont partis. On a attendu la nuit, passé des barbelés, etc. A la frontière, aucun n’avait appris l’espagnol. Je me débrouillais assez bien. J’ai pris les billets pour tout le monde. Arrivés à Barcelone, on était attendus. De là, on nous a amené au poste. Calle Butanero, c’était. Et puis, chacun est parti. J’ai plus revu le monde avec qui j’étais. Je suis restée à Barcelone et puis vers Alger. J’ai ensuite voyagé avec un régiment sur le contre-torpilleur La Trombe avec un régiment. Nous sommes ensuite remontés vers Paris où j’ai défilé en même temps que le général de Gaulle.

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    Le général de Gaulle sur les Champs-Elysées lors de la libération de Paris

    J’ai lu que le commissaire Persillon avait sauvé 50 otages limouxins avec Albert Marc, que les Allemands voulaient exécuter. Un soldat avait disparu. Ils ont convaincu les Allemands que c’était pour une affaire de moeurs. L’affaire en resta là. Qu’en savez-vous ?

    Oui ! A l’Allemand, on lui a fait : « Couic ». Quand on pouvait en attraper un, dit-elle avec beaucoup de malice.

    Pour quelles raisons n’avez-vous jamais parlé de votre action résistante ?

    J’en ai parlé seulement aux militaires en Indochine, car mon mari était officier d’artillerie. Je l’ai suivi là-bas, où j’ai connu la famille impériale du prince Sihanouk. Tout comme les généraux félons qui ont été répudiés par de Gaulle en Algérie ensuite.

    Depuis mon départ de Limoux en mai 1944, ça a été une coupure avec tout le monde. Vous savez, quand je suis revenue d’Indochine, j’ai appris tellement de choses en arrivant. Des gens qui avaient oeuvré pour Vichy et qui, au dernier moment, étaient de grands résistants. Ça m’a écoeurée ! Je ne voulais plus entendre parler de Résistance. 

    Il y a des gens qui étaient collabos et qui, au dernier moment, sont devenus des résistants ?

    Oui ! (Grand silence…)

    Je remercie vivement Madame Médus et sa fille pour leur confiance

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  • Gérard Persillon (1920-2018), un commissaire de police exemplaire à Limoux

    Avant d’être nommé à Limoux, Gérard Persillon était entré à la police le 8 juillet 1942 comme commissaire 3e classe, 1er échelon. À l’âge de 23 ans, le gouvernement de Vichy l’affecte dans la sous-préfecture de l’Aude le 13 mars 1943, en remplacement de M. Devèze. Contrairement à ses collègues, Persillon se détourne clandestinement des ordres reçus de ses supérieurs tout laissant croire à sa loyauté envers Pétain. A l’instar d’Aimé Ramond à Carcassonne, il sauve à plusieurs reprises la vie de nombreuses personnes en intervenant en sa qualité de policier.

    Un incident éclata par suite de la disparition d’un sous-officier allemand. Le commandant allemand avait demandé au Sous-Préfet et au maire, la désignation de 10 otages. C’est grâce à MM. Persillon, Commissaire de police et Marc, secrétaire en chef de la Sous-préfecture, tous deux appartenant à la Résistance, que cette désignation n’eut pas lieu. Ces deux fonctionnaires ayant obligé le Sous-Préfet et le maire de protester et de montrer aux autorités allemandes que le crime n’était pas certain puisqu’aucun corps n’avait été trouvé. Plusieurs personnes, parmi lesquelles la tenancière de la maison close, acceptèrent de témoigner faussement qu’un sous-officier allemand avait été vu ivre le soir de la disparition, se dirigeant vers la rivière. Le corps du sous-officier ayant été retrouvé à Pomas, dans le lit de la rivière quelques jours après, sans aucune blessure, l’affaire n’eut pas suite.

    Le cambriolage du service de la carte d’identité de français, 28 avenue Achille Mir à Carcassonne, permet à Albert Marc et Gérard Persillon d’établir des faux-papiers. C’est dans ce contexte périlleux que ce dernier agit de manière décisive en faveur de Perla Hauszwalb, jeune fille de 14 ans de confession israélite. En fuite depuis la rafle du Vel d’Hiv, le 16 juillet 1942, au cours de laquelle sa mère et sa soeur furent internées puis déportées à Auschwitz, elle parvint à passer en zone libre. À Espéraza, Perla put retrouver son frère et ses oncles. L’un d’eux l’accompagna au collège de Limoux, où il expliqua la situation à sa directrice, Germaine Rousset née Viala (1891-1956). En toute connaissance des dangers mortels qu’elle encourait que cette femme l’accueillit et la protégea toute sa scolarité. Les faux papiers d’identité  au nom de Perla Auswald c’est Gérard Persillon qui les lui fournit, comme il le fit pour tant d’autres personnes recherchées. 

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    Germaine Rousset, directrice du collège de Limoux

    En 1944, comme personne ne payait les frais d’internat de Perla, Germaine Rousset s’arrangea pour qu’une famille de la région l’embauche au pair pendant les vacances scolaires comme perceptrice des enfants. Par la suite, Perla fut nommée surveillante au pair à l’école.

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    Perla Hauszwald

    Se sentant menacé, averti de sa future arrestation, le commissaire ne se présenta plus à son domicile, ni à son travail. Gisèle Médus, sa sténo-dactylo, en fit de même comme Albert Marc, le secrétaire de la sous-préfecture. Tous les trois passeront par l’Espagne avant d’embarquer sur le Gouverneur-général Lépine vers Alger afin de rejoindre La France Libre. L’enquête provoqua la révocation de Persillon par le décret, signé de Darnand : « Cette mesure a été prise à la suite du rapport de MM. les inspecteurs de police Got et Jougla, adressé le 9 juin 1944 à M. Le commissaire divisionnaire, chef régional des services de sécurité publique dont ci-joint copie, et sur avis de M. l’Intendant du maintien de l’ordre. » Gérard Persilon arriva à Casablanca le 2 juillet 1944 et à Alger le 11 juillet 1944. Après la Libération, la République le réintégra dans ses fonctions. Il passa sa retraite dans le village de Saix dans le Tarn. Le mémorial de Yad Vashem lui décerna le diplôme et la médaille des Justes parmi les Nations ; le ministre des Anciens combattants le fit Chevalier de la légion d’honneur en 2014. Gérard Persilon est décédé le 17 novembre 2018 à l’âge de 98 ans.

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    Kader Arif remet la légion d'honneur à G. Persillon.

    Perla occupa un poste de surveillante du collège de Limoux après la guerre. Elle se maria puis émigra aux Etats-Unis. Elle revint en 1998 à Limoux afin de retrouver ses amis.

    Sources

    Comité Français pour Yad Vashem

    Archives de l'Aude / 106W9

    Rapport du sous-préfet de Limoux L. Cassan

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