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Seconde guerre mondiale - Page 5

  • Léon Bonnemaison (1891-1963), résistant communiste de la première heure.

    Léon Bonnemaison naît à Carmaux dans le Tarn le 18 janvier 1891. Après avoir combattu dans la marine au cours de la Première guerre mondiale, le jeune homme entre à la Compagnie des Chemins de fer du midi. C’est à Carcassonne qu’il fera toute sa carrière de cheminot. Il fonde l’Union locale de la CGT dont il devient le secrétaire en 1926 puis adhère au Parti communiste français. Dans les années 1930, il possède son bureau à la Bourse du travail, rue Voltaire. 

    léon bonnemaison

    Léon Bonnemaison ne fait partie de ces communistes ayant attendu qu’Hitler attaque l’URSS pour s’opposer à la politique de collaboration de Vichy. Dès le mois de juin 1940, il entre en résistance. A cette époque, ce mot n’existait pas encore. Il fallait compter sur les doigts d’une main les français courageux disposés à mener des actions de propagande contre l’illustre Pétain. La France de 1940 est majoritairement maréchaliste. Avec quelques amis dont Albert Picolo, Bonnemaison distribue des tracts. Arrêté sur ordre de M. Allapetite, préfet de l’Aude, le syndicaliste est conduit sous escorte de gendarmes au camp de Rivel-Montbel, le 30 septembre 1940. Faute de preuves sur son activité, on le remet liberté provisoire en 1941. Sans mettre un terme à ses actions, il adhère au Front National, organisation de résistance à l’occupant. Rien à voir avec le parti d’extrême droite, connu sous ce nom et rendu célèbre par Jean-Marie Le Pen. Sur dénonciation, Léon Bonnemaison se fait à nouveau arrêter le 3 mars 1943 à Carcassonne. On le place successivement aux camps de Saint-Sulpice-la-pointe (Tarn), à la centrale d’Eysses (Lot-et-Garonne) et à la citadelle de Sisteron. Le 8 juin 1944, il parvient à s’en échapper ; deux jours seulement avant sa déportation en Allemagne. Il rejoint le maquis des Basses-Alpes (Alpes de Haute Provence), puis il se cache durant trois mois dans le grenier de sa maison de village.

    léon bonnemaison

    Léon Bonnemaison assiste au procès de René Bach, agent tortionnaire de la Gestapo de Carcassonne

    À la Libération, il participe activement au comité local de libération et sollicite l’internement pour certaines personnes suspectées de collaboration. Au nom de l‘Union locale des syndicats ouvriers de Carcassonne, il demande par écrit que le Dr Tomey soit passé en Chambre civique. L’ancien maire radical de Carcassonne avait été nommé par Vichy, président du Conseil départemental. Il avait également assisté à l’inauguration de la Milice en février 1943 au théâtre municipal. Le comité d’épuration ne retint pas de charge contre Albert Tomey.

    Léon Bonnemaison fait partie du conseil municipal provisoire de Carcassonne à partir de septembre 1944. En avril 1945, il est élu sur la liste conduite par Henri Gout sous l’étiquette communiste. Retiré de la vie publique après sa retraite, il décède le 21 octobre 1963 à l’âge de 72 ans. 

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  • 5 février 1939 : 29 avions de la république espagnole se posent à Carcassonne.

    Le 5 février 1939, la guerre civile espagnole est considérée comme perdue pour le camp républicain. L’occupation de la Catalogne par les fascistes s’achève. Bientôt, près de 450 000 réfugiés vont se retrouver sur les routes de l’exil avec quelques valises pour tous bagages. Ce 5 février à Carcassonne, les élèves de la S.A.P s’entraînent à voler au-dessus de la capitale audoise. M. Andrieu et son élève viennent de décoller de Salvaza en Luciole et se dirigent vers le centre-ville. À 200 mètres d’altitude, ils aperçoivent alors devant eux une escadrille de 29 biplans. Le temps n’est pas au beau mais, plus près d’eux, le moniteur les reconnaît pour être des appareils espagnols. Un virage à 90° les porte en direction des Pyrénées. Comme la guerre d’Espagne bat son plein, M. Andrieu pense que cette formation rentre chez elle après une mission en France. N’y prêtant qu’une faible attention, il poursuit son circuit en double commande. Tout à coup, les avions réapparaissent devant lui. Au lieu de se diriger vers l’Espagne, ceux-ci virent à droite et descendent en direction de l’aérodrome de Salvaza. M. Andrieu, vire sec, se pose au début du terrain, court vers le hangar et s’empare de deux drapeaux ; l’un rouge et l’autre vert. Au milieu du terrain, se trouve déjà un espagnol en approche pour se poser. Avec les drapeaux, utilisant le code international, il guide les aviateurs à mesure de leur arrivée le long de la route de Montréal. Une fois arrivés, le moniteur se rend compte qu’il s’agit d’avions de chasse de type Chato.  Il les reconnaît d’autant plus que deux de ces appareils s’étaient posés le mois précédent dans un champ du côté de Moussoulens. Ce champ est devenu ensuite de le terrain de dégagement de Salvaza. 

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    Les avions Polikarpov I-15 gardés à Salvaza par la gendarmerie française

    Les pilotes espagnols sont amenés à l’Hôtel Central, situé sur le boulevard Jean Jaurès. Ils seront détenus par les autorités françaises. À Salvaza, des gendarmes prennent la garde, de jour comme de nuit, de ces 29 avions aux couleurs de la république espagnole. Des bottes de paille font un abri pour ces gendarmes dont le premier soin consiste à démilitariser les appareils. C’est-à-dire enlever les munitions des mitrailleuses de manière à ne plus risquer d’accident. Se conformer à la réglementation des pays non belligérants qui doivent désarmer les militaires franchissant leur frontière. Dans les jours qui suivent, des moniteurs venus de Châteauroux viendront pour convoyer les appareils à Francazal près de Toulouse. Pour l’heure, il faut mettre en marche des avions que personne ne connaît.

    « On a essayé tous les moyens de fortune dont un Sandow, un piquet pour coincer l’hélice, une camionnette pour tendre le Sandow, qui faisait sauter le piquet et faisait faire une paire de tours à l’hélice. Au bout de plusieurs essais, un seul avion avait pu être mis en marche. Les mécanos ont regardé de plus près et mieux compris le principe de démarrage, mais cela s’est avéré inutile car on a appris qu’au camp de Rivesaltes avaient été garés des véhicules ayant passé la frontière par la route. Parmi eux, une camionnette sur laquelle était monté un dispositif à moteur de mise en marche pour ce type d’avions. Aussitôt, une équipe a été envoyée pour la récupérer."

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    © Musée de l'air espagnol

    Avion Polikarpov "Chato" aux couleurs de la République d'Espagne.

    Que s’était-il donc passé pour qu’une telle escadrille survolât notre ville ? Les soviétiques avaient fournis à l’armée républicaine espagnole 93 appareils de type Polikarpov I-15 et I-15 bis, appelés respectivement « Chato » et « Super Chato ». Le 5 février 1939, ce sont 29 de ces avions qui décollèrent de Vilajuiga près de Figueras en Catalogne. À leur tête, le capitaine Emilio Galéra Macias.

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    Pilotes de la République espagnole en 1937

    Au-dessus de Carcassonne, le fort vent marin les contraignit à se poser à Salvaza. Toutefois, c’est à Francazal près de Toulouse qu’aurait dû se trouver leur destination finale. Comme nous le décrivons plus haut, les pilotes furent internés et les avions gardés au sol. Lorsqu’on su comment les mettre en route, l’adjudant-chef Gaston Lavagne se saisit de l’un d’eux afin de le tester. Appareils capricieux pour tous pilotes non instruits ; le sous-officiers alla s’écraser dans un champ à proximité. Les Chato furent en effet transportés à Toulouse, puis remis au gouvernement franquiste au mois de mars 1939. Ceci, en raison de l’accord Bérard-Jordana signé entre la France et l’Espagne le 25 février. Entr’autres dispositions, ce traité prévoyait que la France restituerait à Franco toutes les armes républicaines ayant franchi la frontière. A quel prix ? La République française du gouvernement Daladier reconnaissait désormais le pouvoir franquiste, comme unique représentant de l’Espagne et abandonnait les républicains espagnols à leur sort. En échange, Franco s’engagea à rester neutre en cas de conflit avec Hitler et Mussolini. Et quel personnage fut envoyé comme ambassadeur de France en Espagne le 2 mars 1939 ? Un certain Philippe Pétain.

    Le capitaine Emilio Galera Macias, originaire de Jaen, s’engagea ensuite comme pilote dans la Royal Air Force. Son fils et son épouse, Delia de la Puente, furent arrêtés et emprisonnés au mois d’octobre à San Marcos. Galéra Macias finit sa vie en Angleterre en 1986. Dix ans plus tôt, après la mort de Franco, il put retourner voir sa famille à Léon.

    Sources

    Alfred Raucoules, L'aviation à Carcassonne, Tome II, pp.152

    Patrick Lauréan, L'aviation républicaine espagnole, 1978, Ed. Larivière

    Hors-série "Avions" n°3

    Aeroplano, Révista de historia aeronautica, 2004, N°22

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  • Le Commissariat Général aux Questions Juives de Carcassonne de 1942 à 1944

    Durant l’occupation, la ville de Carcassonne n’échappa pas à l’installation en ses murs d’un Commissariat Général aux Questions Juives. Véritable « Ministère de l’antisémitisme » fondé au mois de mars 1941 par le gouvernement de Vichy, ses pouvoirs permirent à ses dirigeants de s’en prendre aux biens des israélites. Les candidats à la présidence de cette organisation répressive se bousculèrent aux portillon : Jacques Doriot, Louis-Ferdinand Céline, etc. C’est finalement l’ardéchois Xavier Vallat, plusieurs fois ministre de la IIIe République, qui emporta l’adhésion. La principale des missions du CGQJ fut d’aryaniser les biens juifs. En quoi cela consistait-il ? Dans l’esprit des ultras de ce ministère très particulier, les propriétés mobilières et immobilières devaient être débarrassées de la souillure juive. On organisa donc par la loi, les moyens permettant de déposséder les juifs de leurs possessions. Une première mesure entreprise afin d’arriver à ce résultat, fut en juin 1940 de recenser les israélites vivant en France. Il était dès lors plus aisé de les spolier lorsqu’on les avait déjà domicilié. 

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    Afin d’accomplir cette tâche, le CGQJ nomma des administrateurs provisoires. Volontaires et choisis parmi des fervents admirateurs du maréchal Pétain, ces personnes occupaient des professions diverses : notaires, huissiers de justice, avocats, militaires, etc. Parfois, ils avaient été recommandés au sein de la Légion française des combattants. En vérité, l’appât du gain devait être la principale motivation de ces vautours planant au-dessus de leurs proies. 

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    Le CGQJ se trouvait 16, rue Pierre Germain à Carcassonne

    Nous l’avons dit, les CGQJ étaient dirigés par des antisémites notoires. Parfois, ils s’illustreront tristement au sein de la Milice, avec laquelle des liens étroits seront entretenus. A Carcassonne, le Commissariat aux Questions Juives s’installe 16, rue Pierre Germain. C’est là que se trouvent les bureaux du « Ministère de l’antisémitisme ». On y vient travailler, comme dans n’importe quel bureau de la préfecture. Tout ceci est finalement fort banal dans le contexte de l’époque.

    Le CGQJ Carcassonnais s’illustre lors de la rafle des juifs étrangers de Rennes-les-bains. Après que la police, sous la direction de Valentin Durot, a livré ces gens aux nazis, on spolia leurs biens. L’administrateur provisoire Jules B, agent d’assurance à Carcassonne, natif d’Espéraza, fut chargé d’organiser la vente des biens : argenterie, fourrures, vaisselles, cuisinière, habits, etc. Aidé dans sa tâche par un huissier limouxin, les enchères publiques se tinrent dans la cité blanquetière. Il est donc encore aujourd’hui des familles du coin possédant, sans doute, des objets ayant appartenu aux juifs de Rennes-les-bains, envoyés à Auschwitz. 

    Plusieurs Carcassonnais d’origine juive se retrouvèrent dans le viseur. Par exemple, Paul Haguenaeur, ingénieur et patron d’une société de machines agricoles. Ses biens furent confiés à Jules B, nommé le 26 mars 1942 comme administrateur. Maître T, huissier de justice à Carcassonne se chargea de l’inventaire. Le CGQJ ne s’arrêta pas là. L’antenne régionale, située 2 rue des Etuves à Montpellier, écrivit le 30 septembre 1942 à Freund-Valade, préfet de l’Aude :

    « J’ai l’honneur de vous demander l’internement administratif du juif Haguenaeur Paul, dont les agissements et l’activité croissante en qualité d’ingénieur conseil portent un grave préjudice aux vrais français. »

    Haguenaeur fut mit en résidence surveillée au centre de séjour de Fort-Barraux (Isère). Il échappa à la déportation et rejoignit le Corps franc de la Montagne-noire. À la Libération, Haguenaeur alla demander réparation afin qu’un libraire Carcassonnais lui restituât sa bibliothèque et que la Belle Jardinière, lui rendît ses costumes. Ces biens avaient été acquis par ces deux commerçants lors des enchères publiques. 

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    Autre cas sensible, celui de Raphael Romi. Commerçant en textiles, l’ensemble de ses biens tombèrent sous le coup du CGDJ. L’avoué Carcassonnais, Jacques P, accepta la charge d’administrateur provisoire. Le fonds de commerce fut vendu aux enchères par-devant Maître A, notaire, le 8 avril 1943. Le tout, acquis par Charles C, ingénieur agronome à Alet-les-bains. Arrêté par la Milice, M. Romi ne dut son salut qu’à la fuite de celle-ci vers Montpellier le 15 août 1944.

    Comme nous l’avons évoqué précédemment, la Milice entretenait des liens étroits avec le CGQJ. Elle pouvait renseigner et exiger de lui d’entreprendre des actions contre des juifs dénoncés. La plupart des miliciens de Carcassonne avaient adhéré à l’Action Française. L’inspecteur départemental du CGQJ, Louis Quitté, appartenait au parti de Maurras. Originaire de Nantes, il occupait cet emploi dans la capitale audoise pour 5300 francs mensuels. Sans compter quelques arrangements… Certains israélites, pourtant connus du CGQJ, s’en sortiront. La liberté pour le seul radiologue d’une clinique, contre quelques dessous de table de son patron vers le CGQJ. A la libération, ceux qui avaient mis le doigt dans le pot de confiture s’évertuèrent à atténuer la responsabilité de l’inspecteur départemental. Le silence, en échange d’un témoignage favorable.

    Sources

    Vichy dans la solution finale / Laurent Joly

    128j79/ADA 11

    Dossiers de policiers épurés

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