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Seconde guerre mondiale - Page 3

  • Angel Carruesco (1925-1944), héros du maquis de Trassanel.

    Il venait d'avoir dix-neuf ans depuis quelques jours à peine. Son anniversaire, il l'avait fêté avec ses camarades d'infortune au milieu des bois de la Montagne noire. Angel Eugène Carruesco était né à Sainte-Eulalie le 16 juillet 1925 de parents immigrés espagnols. Sa mère Joséphine née Lassierra (1902-1982), avait sollicité et obtenu la nationalité française en 1928. Trois ans exactement après le décès de son mari, Angel Carruesco Encuentra (1895-1925). Veuve, dans un pays étranger avec trois enfants en bas âge, elle devait affronter son destin avec courage. Angel, qui n'avait pas connu son père, pouvait-il compter sur ses soeurs Raymonde (1920-2010) et Joséphine Simone (1923-2000) ? On ne sait presque rien de cette famille. Toutefois, la naissance des enfants dans trois villages différents (Sainte-Eulalie, Villalier et Malviès) laisse supposer que les parents travaillaient à la tâche comme ouvriers agricoles. Qu'est ce qui poussa ce jeune garçon à prendre le maquis ? Nous l'ignorons, mais il se peut qu'appartenant au Corps Franc de la Montagne Noire il se soit trouvé à Trassanel suite à l'attaque Allemande sur la Galaube. La dispersion des maquisards après cet affrontement inégal, eut pour effet de faire grossir les rangs du maquis de Trassanel. Le 8 août 1944, Angel Carruesco se trouvait à l'intérieur de la grotte lorsqu'elle fut assaillie par les tirs ennemis. Il résista comme ses camarades avec bravoure et détermination. Le lendemain, il fut retrouvé en état de mort clinique près de la grotte. On le ramena à Cabrespine dans la maison d'Armand Chiffre, qui ravitaillait le maquis du Minervois en vivres.

    Nous étions le 9 août 1944 en début d'après-midi lorsque le Dr Hippolyte Rouanet vint se porter au chevet du blessé. Le médecin vit que le jeune homme, étendu sur la table de la cuisine, n'allait certainement pas s'en tirer. Alerté par Louis Raynaud, le Dr René Varennes fit alors son apparition : "Deux blessures par balle à bout portant. L'une ayant pénétré par le sommet du crâne, l'autre en pleine nuque. Les orifices de sortie l'un à la base du cou, l'autre sur la partie gauche de la poitrine. Enorme oedeme de la région cervicale du à une hémorragie interne abondante. Le pouls est très rapide. Aucun réflexe sensitif ou moteur ne subsistant. Le pronostic était la mort à très brève chance."

    Que faire du maquisard ? La guerre n'étant pas terminée, prodiguer des soins ou héberger un terroriste, était passible de la peine de mort. Chose surprenante, Armand Chiffre, qui avait déjà pris de gros risques, aurait sollicité le Dr Varennes afin que celui-ci allât déclarer le blessé à la préfecture. C'est d'ailleurs ce que comptait faire le docteur. Tous les deux se retranchent derrière le fait qu'Angel Carruesco n'avait aucune chance de s'en sortir. Par conséquent, le dénoncer ne lui faisait pas courir de risques, contrairement à eux. "Vu que je sortais de la prison et en liberté provisoire, arrêté par la Milice le 14 juillet et remis en liberté le 29 juillet, j'ai jugé utile de déclarer ce blessé vu qu'il était mourant, comme le disaient les docteurs", déclara M. Chiffre. Louis Raynaud assura que le Dr Varennes avait été sollicité par lui pour soigner des maquisards, mais que le médecin ne voulait l'accepter qu'à condition de déclarer les blessés en préfecture. Le lendemain matin du 10 août 1944, Angel Carruesco cessa de vivre.

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    Monument aux victimes de la grotte de Trassanel. Sur une plaque figure l'inscription suivante :

    "Ici mortellement blessé le 9 août 1944 Angel Cuaresco  fut recueilli par Chiffre Armand de Cabrespine."

    Le Dr Joutau, confrère du Dr Varennes à Caunes-Minervois, fit ressortir cette affaire après la Libération. Médecin lieutenant du CFMN puis du 173e RIA, résistant convaincu, Jourtau avait soigné clandestinement les maquisards. C'est lui qui vint en aide, dans une cabane isolée, à Rodriguez, Tahon et au tunisien Amor ben Amar. Jourtau qui avait reproché à Varennes son attitude fut convaincu de le poursuivre. Celui-ci arguant qu'il avait voulu se protéger, Jourtau répondit : "Pourquoi ? Ta peau vaut bien celle d'un maquisard." Quelques jours avant les élections municipales du 29 avril 1945 à Caunes-Minervois, le Dr Varennes figurait sur la liste d'opposition à celle de la Résistance. Le sang de Jourtau ne fit qu'un tour. Il se mit dans l'idée de faire payer à Varennes sa supposée lâcheté. Varennes finit par retirer sa candidature. Le 31 mai 1945, la plainte de Jourtau fut classée sans suite par le parquet de la Cour de justice.

    L'affaire n'en resta pas là. A son tour, le Dr Varennes attaqua le 27 juillet 1945 le Dr Jourtau pour dénonciation calomnieuse. Elle sera retirée le 4 septembre 1945. 

    Sources

    ADA / 123J110

    Journal Officiel / 8 avril 1928

    Etat-Civil

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    © Tous droits réservés / Musique et patrimoine / 2023

  • Cruauté et actes de barbarie dans la prison de Carcassonne à la Libération

    Après le 20 août 1944, alors qu’il n’y a plus un seul allemand dans Carcassonne, l’heure des comptes a sonné. La foule, avide de vengeance, réclame la tête de tous ceux qui se sont compromis avec l’occupant nazi. Peu importe finalement le prix, les traitres devront être châtiés. Tout ce monde se souvient de Trassanel, de Baudrigue et dernièrement du massacre au Quai Riquet. À défaut de pouvoir s’en prendre aux principaux responsables de ces exactions, leurs suppôts français devront subir la sentence populaire. Il s’agit principalement des miliciens et collaborateurs ayant porté les armes contre la Résistance. La cohorte de ces individus avait fui Carcassonne le 15 août 1944 à l’appel de son chef, Joseph Darnand. N’ayant pu passer à Nîmes, elle avait dû se résoudre à tenter un passage en Espagne. La frontière étant bien gardée, les chefs audois disloquèrent la milice à Perpignan, laissant chacun à son sort. Les moins compromis s’en retournèrent chez eux, convaincus naïvement de n’avoir rien à craindre. Ceux qui les avaient poussé à commettre des crimes, passèrent en Espagne. Ils revinrent à Carcassonne après l’amnistie de 1951. La police politique de l’Aude n’eut qu’à aller cueillir, assez facilement d’ailleurs, les anciens membres de la milice revenus dans leurs foyers. Certains se constituèrent prisonniers. Il s’agit le plus souvent de jeunes hommes ou de chefs subalternes n’ayant eu qu’une action de soutien aux opérations de répression ou de délation. Ce sont ceux-là qui, en majorité, payèrent l’addition.

    Durant la dernière semaine du mois d’août 1944, on institua une Cour martiale à Carcassonne afin de juger les traitres. Celle-ci délibéra à l’intérieur du Palais de justice sous la présidence du commandant Bousquet. Parmi les jurés se trouvaient des maquisards appartenant tous aux FTPF. C’est-à-dire à la résistance communiste. Le gibier d’hier allait juger les chasseurs. Pouvait-il se rendre magnanime ? Avant que l’on juge les suspects, il fallut les déférer devant ce tribunal militaire. C’est le commandant des FFI de l’Aude, lui-même communiste, qui s’en chargea. Georges Morguleff avait remplacé Jean Bringer après son arrestation. On alla donc quérir un par un à la prison départementale, les miliciens arrêtés depuis le 22 août 1944 afin de les faire comparaître. Aussi expéditive que soit la justice, elle se devait d’instruire et d’obtenir les aveux des suspects.

    Dès la Libération, Julien Daraud avait été nommé comme chef de la police politique par Francis Vals et le préfet Augé. Le résistant s’était organisé afin de doter la prison départementale d’une nouvelle administration. Il désigna Julien Céréza, adjudant de carrière, comme directeur avec l’accord du Comité départemental de Libération. Céréza et son adjoint, un ancien gardien de prison révoqué par Vichy, choisirent des gardiens subalternes. Pendant cette période, la maison d’arrêt fut livrée au désordre le plus absolu. N’importe qui y entra, souvent sous la pression et la menace, comme dans un zoo où l’on aurait enfermé des bêtes féroces. Dépassés, les gardiens ne purent que laisser la cruauté s’y installer et en constater les sombres effets. Avant chaque interrogatoire des détenus par d’anciens policiers du commissariat, une équipe spéciale prit soin de les préparer. Un pâtissier de la rue de Verdun, ancien boxeur, y trouva un là un excellent lieu d’entraînement. Tous les jours jusqu’au 7 septembre à partir de 21h30, une équipe de neuf maquisards FTPF s’employa à torturer deux ou trois prisonniers de la manière la plus atroce. Les tortionnaires allaient chercher leurs victimes dans leurs cellules et les amenaient nues au sous-sol. Le ceinturon de Hams, ressortissant polonais, guidait la cadence sur le corps de ces hommes. À côté des cuisines, se trouvait un local pour y déposer le charbon. Après quelques questions anodines rythmées de gifles et de coups de poings, le traitement spécial exercé par ces bourreaux enivrés débutait. Ils se servaient d’abord du plat d’une lame de sabre frappée sur le dos des victimes. Le tison rougi d’une pique à viande faisait également partie de la panoplie utilisée dans les chairs des suppliciés. Ensuite, ils plaçaient les mains puis les pieds dans une presse à copier et serraient jusqu‘à écrasement des membres. Enfin, ils terminaient invariablement leurs séances en arrosant le corps avec de l’essence ou de l’alcool à brûler en y mettant le feu. Ils poussaient même la cruauté jusqu’à laisser leurs victimes éteindre elles-mêmes les flammes en se roulant dans la poussière de charbon de la pièce. 

    Qui n’entendait pas crier et supplier les bourreaux d’en finir ? Les gardiens s’ils n’étaient pas complices, essayèrent de faire stopper ces tortures. Cependant, sous la menace ils durent laisser faire. On alerta Julien Daraud. Il publia une circulaire et se rendit à la prison pour la reddition des bourreaux. Il ne dut son salut qu’à Jean Sébédio dit Le sultan, ancien joueur de l’ASC, qui prit en main la direction de la prison. Il parvint à la débarrasser de ces sauvages et à en contrôler l’entrée à partir du 9 septembre 1944.

    Des conséquences de ces tortures, plusieurs hommes sont morts avant de passer en jugement. Nous évoquerons le cas de ce jeune milicien de 21 ans, décédé dans les bras de Sébédio et de l’aumônier Auguste-Pierre Pont. Les coups portés sur lui, lui éclatèrent le foie. Dans son interrogatoire, il reconnut avoir obéi à l’ordre de ses chefs sans tirer un seul coup de feu : « J’affirme une fois de plus que je n’ai pas fait de coups de feu contre les patriotes français, mais je reconnais que si j’en avais reçu l’ordre, je n’aurais pas hésité à tirer sur les maquisards que je croyais être des bandits. » Son père qui l’avait encouragé à entrer dans la Franc-Garde, faisait de la propagande pour la milice. Au sortir de la Cour martiale, celle-ci lui reconnut des circonstances atténuantes en raison de sa non participation à l’action armée. On ne le condamna pas à mort, mais à 20 ans de Travaux forcés. Les maquisards qui le ramenèrent à la prison, jugeant que le verdict avait été trop clément, rendirent leur justice. Au retour du tribunal, la voiture dépassa la porte principale de la prison et s’engagea dans un petit chemin qui borde le mur d’enceinte. Un coup de feu retentit, la portière s’ouvrit et l’homme tomba sur le bas-côté de la route. Comme il vivait toujours, le meurtrier descendit et l’acheva d’une balle dans la tête. Les dénommés Pedro, Jules et Raymond prétendirent que le détenu avait cherché à s’évader. Il ne pouvait en être rien, puisque l’homme avait été traîné au tribunal. On lui avait préalablement écrasé les pieds dans la presse à copier.

    Un autre homme est mort dans d’atroces souffrances après une agonie de deux mois. Il s’agit d’un comte dont les trois enfants avaient été dans la Franc-Garde. Ils étaient en fuite en Espagne avec les chefs de la milice. Que savait le comte de l’endroit où ils se trouvaient ? Sûrement rien. Toutefois, l’équipe de bourreaux entrepris de le faire parler. Il subit le même traitement que ceux passés entre les griffes de ces barbares, agissant en toute impunité dans une période de guerre civile. À plusieurs reprises, ils invitèrent avec cynisme le comte à suicider mais sa croyance ne le lui permettait pas. Son état de loque encore vivante n’offrait pas la possibilité de le passer en Cour martiale ; il aurait été intransportable devant le peloton. On l’envoya à l’hôpital où le chirurgien Jacques Héran fut chargé de lui prodiguer des soins. Les conclusions de ce médecin après le décès de ce comte, sont pour le moins hors de l’imaginable : « Brûlures de toute la face postérieure du corps (tronc, siège et cuisses). Ces lésions étaient du 2e degré. Elles étaient plus marquées (3e et 4e degrés) au niveau du périnée, pourtour de l’anus et des bourses. Espèces d’éclatement des pommes des mains et des plantes des pieds avec contusions des parties molles environnantes. Début octobre 1944, il est apparu une paralysie du membre supérieur droit avec aphasie et confusion mentale, troubles liés à l’auto-intoxication des brûlures. Les blessé est mort le 30 octobre 1944 dans un état d’urémie."

    D’autres prisonniers que l’on amena vers le peloton d’exécution se trouvait dans un tel état que l’on dut les traîner. L’un d’entre eux avait tellement les chairs à vif et la peau qui se détachait qu’il fut impossible de lui mettre une chemise. L’autre, c’était les pieds qui ne rentraient plus dans des chaussures. Bien entendu, l’historien doit toujours étudier les événements dans le contexte d’une époque où les français avaient souffert. Toutefois, la vraie résistance eut beaucoup de mal à avaler les actions de ces maquisards de la 25e heure. Ils furent condamnés en 1950 devant le Tribunal militaire de Bordeaux pour actes de cruauté, vols et pillages. Hams, dont nous avons parlé ne sera jamais retrouvé. Ancien soldat, déserteur de l’armée allemande après une attaque à Couiza, il avait été enrôlé dans le maquis FTPF Jean Robert.

    Sources

    107W607 / ADA 11

    Cour de justice de l'Aude / Archives de l'Hérault 

    Procès du Tribunal militaire de Bordeaux / 18 novembre 1950

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  • Léon Bonnemaison (1891-1963), résistant communiste de la première heure.

    Léon Bonnemaison naît à Carmaux dans le Tarn le 18 janvier 1891. Après avoir combattu dans la marine au cours de la Première guerre mondiale, le jeune homme entre à la Compagnie des Chemins de fer du midi. C’est à Carcassonne qu’il fera toute sa carrière de cheminot. Il fonde l’Union locale de la CGT dont il devient le secrétaire en 1926 puis adhère au Parti communiste français. Dans les années 1930, il possède son bureau à la Bourse du travail, rue Voltaire. 

    léon bonnemaison

    Léon Bonnemaison ne fait partie de ces communistes ayant attendu qu’Hitler attaque l’URSS pour s’opposer à la politique de collaboration de Vichy. Dès le mois de juin 1940, il entre en résistance. A cette époque, ce mot n’existait pas encore. Il fallait compter sur les doigts d’une main les français courageux disposés à mener des actions de propagande contre l’illustre Pétain. La France de 1940 est majoritairement maréchaliste. Avec quelques amis dont Albert Picolo, Bonnemaison distribue des tracts. Arrêté sur ordre de M. Allapetite, préfet de l’Aude, le syndicaliste est conduit sous escorte de gendarmes au camp de Rivel-Montbel, le 30 septembre 1940. Faute de preuves sur son activité, on le remet liberté provisoire en 1941. Sans mettre un terme à ses actions, il adhère au Front National, organisation de résistance à l’occupant. Rien à voir avec le parti d’extrême droite, connu sous ce nom et rendu célèbre par Jean-Marie Le Pen. Sur dénonciation, Léon Bonnemaison se fait à nouveau arrêter le 3 mars 1943 à Carcassonne. On le place successivement aux camps de Saint-Sulpice-la-pointe (Tarn), à la centrale d’Eysses (Lot-et-Garonne) et à la citadelle de Sisteron. Le 8 juin 1944, il parvient à s’en échapper ; deux jours seulement avant sa déportation en Allemagne. Il rejoint le maquis des Basses-Alpes (Alpes de Haute Provence), puis il se cache durant trois mois dans le grenier de sa maison de village.

    léon bonnemaison

    Léon Bonnemaison assiste au procès de René Bach, agent tortionnaire de la Gestapo de Carcassonne

    À la Libération, il participe activement au comité local de libération et sollicite l’internement pour certaines personnes suspectées de collaboration. Au nom de l‘Union locale des syndicats ouvriers de Carcassonne, il demande par écrit que le Dr Tomey soit passé en Chambre civique. L’ancien maire radical de Carcassonne avait été nommé par Vichy, président du Conseil départemental. Il avait également assisté à l’inauguration de la Milice en février 1943 au théâtre municipal. Le comité d’épuration ne retint pas de charge contre Albert Tomey.

    Léon Bonnemaison fait partie du conseil municipal provisoire de Carcassonne à partir de septembre 1944. En avril 1945, il est élu sur la liste conduite par Henri Gout sous l’étiquette communiste. Retiré de la vie publique après sa retraite, il décède le 21 octobre 1963 à l’âge de 72 ans. 

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