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Seconde guerre mondiale - Page 6

  • Le martyre d'Edouard Fabre, assassiné par la Milice de l'Aude

    © Laurent Denis / FTV

    Faisant suite à une opération menée depuis le 17 juillet 1944 par les Allemands à Villebazy, la milice fait la chasse aux maquisards du coin. Le 9 août, plusieurs d’entre eux se présentent à la ferme de Cantauque. Le régisseur, Edouard Fabre, entretient des liens avec le maquis de Villebazy ; le domaine sert de lieu de parachutages. Vassas, Detours, Latour, Bonnet et les frères Vidal se font passer pour des résistants. Non loin de là, en appui défensif, une trentaine de leurs sbires se tiennent prêts à intervenir. Une fois démasqués, ces francs-gardes procèdent à l’interpellation de Fabre et de son beau-fils, François Farges. Trois ou quatre ouvriers agricoles sont également embarqués, mais relâchés peu de temps après. On les amène à la caserne de la Milice de l’Aude, située dans l’ancien asile de Bouttes-Gach à Carcassonne. 

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    Caserne de Bouttes-Gach, route de Toulouse

    Dans la nuit du 13 au 14 août 1944, Edouard Fabre est amené dans le poste de garde par des miliciens. De mauvais traitements y sont administrés : gifles et coups de poings. Fabre s’était soi-disant blessé à la tête en dégringolant les escaliers. « Le fils Vidal était tout fier de raconter que pour calmer les douleurs à la tête, il lui administra une bonne correction, puis une douche et enfin l’avait calmé à l’éther. » François Farges, est alors sollicité pour aller chercher son beau-père afin de le ramener dans sa cellule. « Je m’y rendis en compagnie du détenu Léon Gilg et en arrivant dans le poste de garde, j’ai constaté que mon beau-père était allongé sur le parquet, sans couverture et en chemise. Il ne me reconnut pas. Un des frères Vidal qui se trouvait dans le poste de garde en compagnie d’autres miliciens, me firent savoir que mon beau-père venait d’être piqué pour être calmé. Il décédait à onze heures trente. Il ne fait aucun doute qu’il a subi de graves sévices de la part des miliciens, car son visage et son corps étaient tuméfiés, et il ne reprit pas connaissance jusqu’à sa mort. »

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    Villebazy

    Il apparaît dans le dossier militaire que Fabre a été réformé en 1940 pour éthylisme chronique. Lors de sa détention, il fut pris de démence et sa frappa la tête contre les murs afin d’obtenir de l’alcool. Le sevrage auquel le détenu fut soumis entraîna les pires tourments. On le sortit de sa cellule et dans le poste de garde, les miliciens cherchèrent à le calmer à leur manière. L’injection  sous-cutanée de l’éther sulfurique a très certainement entraîné la mort d’Edouard Fabre. Le médecin Assalit de la Milice conclut à une crise de délirium tremens. Indépendamment de sa grande dépendance à l’alcool, la mort d’Edouard Fabre est due à la responsabilité de la Milice. Le 7 mai 1957, il obtiendra la mention « Mort pour la France ». Son nom figure sur le monument aux morts de Villebazy.

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    Edouard Fabre n'a pas été assassiné par les nazis, mais par les français de la Milice

    Edouard Jean Louis Fabre était né le 7 décembre 1899 à Séverac-le-château dans l’Aveyron. Cultivateur de son état, son travail l’avait amené dans le département de l’Aude. 

    Sources

    Dossier de Jean Vidal devant la Cour de justice de l'Aude / Avril 1945

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    © Tous droits réservés / Musique et patrimoine / 2022

  • Affaire Charpentier : Meurtre avec préméditation

    Noël Blanc alias capitaine Charpentier, chef des parachutages de l'Aude.

    Dans cette affaire d’assassinat de Charpentier, il y a un élément qui n’a pas été pris en considération. C’est le caractère prémédité du meurtre. Or, Delteil fait courir le bruit parmi les résistants dès le 31 août 44, jour des obsèques de Bringer que le chef des parachutages de l'Aude est un traitre et qu’il faut le supprimer. Ce jour-là, Charpentier se trouve aux obsèques et personne ne le prévient de ce que Delteil et ses amis racontent. Pas même Louis Nicol, pourtant proche de la future victime, convaincu qu'il s'agit de fadaises. D’après les dépositions, Gilbert de Chambrun alias PAPE, ne croit pas à ces allégations que lui donnent Delteil. Ce même de Chambrun fera un virage à 180° lorsque l’affaire éclatera au grand jour pour soutenir les chefs locaux qui y sont mêlés.
    C’est prémédité non seulement pour cela, mais aussi parce que Delteil demande à Chiavacci de tuer Charpentier.
    J’espère que vous me suivez… Si on avait averti Charpentier de ce projet ou de ces menaces, il aurait été sans doute sur ses gardes. Il se serait rendu à cette réunion à la clinique Delteil avec davantage de prudence, mais il voulait que l'on lui rende des comptes. Un brassard FFI avec le tampon du gouvernement d'Alger serré autour de son bras. Il a été la victime de ses meurtriers, mais aussi de la lâcheté de ceux qui avaient entendu les menaces et qui ne l’ont pas prévenu.

    Quand on reprend la chronologie des derniers jours de Charpentier à la lumière des enquêtes.
    Le 19 août, il accueille Delteil à sa sortie de prison en l’embrassant.
    Le 31 août, Ozouf que Delteil et Charpentier ont visité à la prison se suicide du premier étage. On l’a suicidé ! Souvenez-vous que Delteil a utilisé ensuite le fait que Ozouf (collaborateur) et Charpentier se connaissaient pour dire que ce dernier travaillait pour la Gestapo. Ozouf ne pouvait plus dire le contraire ! Témoin gênant.
    Le 31 août, aux obsèques de Bringer, Delteil fait passer Charpentier pour un traitre.
    Le 4 septembre entre 20h et 24h, Charpentier est tué chez Delteil. 

    Que s'est-il donc passé entre le 19 août et le 31 août 1944 ? C'est précisément à moment-là que des doutes commençaient à poindre sur les conditions de la libération de Delteil de la prison. Après le départ des Allemands, il n'avait pas été exécuté à Baudrigue.

    Voilà pourquoi nous pensons que ce meurtre a été prémédité. Delteil a été amnistié de ces faits et a obtenu un non lieu pour subornation de témoins, au bout de 4 années de bataille judiciaire de Me. Noguères, avocat de la famille de la victime. Vu qu'il y a eu amnistie, la loi nous interdit de dire à quoi le docteur a été condamné dans les verdicts qui ont précédé celle-ci. Triste dénouement pour deux orphelins, Nicole et Ludovic.

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  • "Le dossier noir" de la Résistance Carcassonnaise dans un film d'André Cayatte

    Sans doute, vous souvenez-vous du suicide par empoisonnement du Dr Marcel Cannac dans la clinique Delteil en 1952. Nous l’avons évoque ici à plusieurs reprises. L’enquête sur ce décès, quelque peu suspect d’un ancien membre de la Résistance, eut en son temps pour effet de relancer l’affaire Charpentier ; ce capitaine, chef des parachutages, retrouvé carbonisé à la sortie de Palaja en septembre 1944. L’assassinat avait été commis là encore, à l’intérieur de la clinique d’Emile Delteil, ancien résistant lui aussi. Cannac s’était accusé du crime. Sentant l’heure de rendre des comptes arriver, il vint à Carcassonne depuis Antibes dans le nuit pour se suicider chez Delteil. Ceci c’est bien sûr ce que l’on a voulu nous faire croire. En fait, Marcel Cannac qui n’avait pas d’idées suicidaires, était résolu à lâcher le dossier noir qu’il détenait sur l’affaire Charpentier, en livrant le nom des co-responsables aux juges qui devaient le convoquer sous peu. On ne lui en donna pas le temps…

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    Fait étrange qui n’en est pas un, c’est à la fin de l’année 1953 que le réalisateur Carcassonnais André Cayatte se mit à écrire le scénario d’un nouveau film avec Charles Spaak. Ce dernier, ancien membre du réseau d’espionnage « Orchestre rouge » pour le compte de l’URSS pendant la guerre. Cayatte, ancien avocat, ayant vu son scénario sur l’affaire Seznec recalé par la censure, se mit en quête d’une oeuvre de fiction pour faire passer son message sur le pouvoir du juge d’instruction. L’affaire Seznec aurait dû être le premier film d’un triptyque ayant pour thèmes  : l’instruction, le jugement et l’appel. Pour ces deux derniers sujets, il tourna plus tard « Justice est faite » et « Nous sommes tous des assassins ». C’est donc « Le dossier noir » qui remplaça l’affaire Seznec ; ceci, dans le but de contourner la censure en ne dévoilant pas les vrais noms des protagonistes. Or, Cayatte, lorsqu’il rédige un scénario ne s’appuie presque jamais sur une fiction. Son œuvre emprunte à un fait divers, la thématique qu’il souhaite mettre en avant pour dénoncer la folie de la machine judiciaire. Par exemple, « Nous sommes tous des assassins » est inspiré de l’affaire Tejeron qui défraya la chronique à Saint-Hilaire d’Aude. Accusé de meurtre, cet ouvrier espagnol fut condamné à mort et guillotiné. D’où, le combat de Cayatte pour l’abolition de la sentence suprême. Qu’en est-il du film « Le dossier noir » ?

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    André Cayatte, réalisateur né à Carcassonne en 1909

    A bien y regarder, il s’agit de l’affaire Cannac… Le synopsis est étrangement ressemblant avec l’histoire de cette instruction qui défraya la chronique journalistique pendant plusieurs mois. « Jacques Arnaud, jeune juge d’instruction, est affecté dans une petite ville de province. En se penchant sur les dossiers de son prédécesseur, il est amené à demander un supplément d’enquête sur une vieille affaire : la mort subite de François Le Guen, auteur d’un dossier noir contre Broussaud, gros industriel de la région. L’exhumation de cette histoire va secouer la petite ville, de nombreux suspects vont être découverts et Jacques sera très vite dépassé par l’affaire ».

    Le Guen a des ambitions politiques, il détient un dossier noir contre Broussard qu’il s’apprête à révéler. Ce document contient les preuves des malversations commises pendant l’Occupation par Broussard. Un jour, alors qu’il dîne chez l’industriel, Le Guen meurt subitement d’une embolie. Le nouveau juge Arnaud se charge de l’enquête. Elle le mène sur la piste d’un empoisonnement au sulfate d’atropine, retrouvé dans les viscères de la victime après exhumation du cadavre. Reste à prouver comment le poison s’est introduit dans le corps de la victime et par l’action de qui. C’est sans compter sur la puissance politique, économique et les relations haut placées qui entourent Broussard, principal suspect. La machine s’emballe… Le journal "Le patriote", d'obédience communiste, encourage le juge (C'est le même que celui de la vraie histoire). Les notables, le maire et la police locale, aux ordres de l’industriel, sont lancés dans une course folle pour trouver des coupables qui écarteront Broussard de la responsabilité de ce crime. Ceci, quitte à suborner les témoins et à incriminer des innocents. Un commissaire spécial, venu de Paris, souhaite obtenir des résultats avec les mêmes méthodes. Tant et si bien qu’à la fin, on présente aux juges deux coupables. L’un de la police locale et l’autre du commissaire spécial. Le jeune juge ne pouvant accréditer ces résultats, les jugeant comme peu convaincants, finit par les relaxer. Voilà l’affaire Cannac-Charpentier pour laquelle le Dr Delteil a obtenu un non-lieu après cinq années de procédures. Le juge Pierre Fabre a été déplacé ailleurs.

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    Le Dossier noir, tourné du 20 janvier au 30 mars 1955, sorti en salle le 18 mai 1955. Sélection officielle du Festival de Cannes, il n’obtint pas le prix malgré sa position de favori. André Cayatte s’était entouré d’un pléiade d’excellents acteurs comme Bernard Blier, Danièle Delorme, Henri Crémieux, Jean-Marc Bory, Noël Roquevert, etc.