Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Seconde guerre mondiale - Page 2

  • Julien Coudy a-t-il dénoncé le maquis de Belcaire en 1943 ?

    Nous avons trouvé un document aux archives de l'Hérault dans le dossier d'accusation de Robert Joseph, collaborateur notoire, condamné pour trahison en 1946 à Montpellier. Si le milicien Kromer, marchand de jouet, fut exécuté par un commando de résistants pour avoir renseigné la Gestapo sur les réfractaires de Belcaire et de Camurac, il apparaît que lui-même l'a été par un jeune de 19 ans, né à Carcassonne en 1924. Le document dactylographié dont nous reproduisons ci-dessous est signé de Pierre Escudey et tamponné du Haut commandement Français - DGER. Le commissaire de police Escudey travaillait à l'hôtel de police de Carcassonne ; il était agent du renseignement de la Résistance. Dénoncé, il fut arrêté par René Bach le 10 janvier 1944. il est mort en déportation en janvier 1945.

    En octobre 1943 ayant été obligé, avec tous mes camarades de quitter le camp de Rad à cause du mauvais temps (neige et froid), et de la prise de trois de mes camarades qui effectuaient des passages en Espagne, nous nous sommes réfugiés dans la cabine de Mazuby (Aude), située à trois ou quatre kilomètres du village portant le même nom, et qui appartenait au vacher. Trois ou quatre jours après notre installation, une jeune fille accompagnée de son fiancé, est venue nous avertir que le lendemain matin, des miliciens et des gardes mobiles viendraient nous arrêter.

    A ce moment-là, comme trois de mes camarades sur cinq que nous étions étaient partis accomplir un stage dans un camp d'instruction, et de plus, n'ayant pour toutes armes qu'un fusil de chasse et un colt, nous avons jugé qu'il était impossible  de nous défendre, et avons été obligés de nous réfugier dans un village des environs. Par suite, j'ai appris que la Milice et les gardes mobiles étaient effectivement montés le lendemain matin, un lundi, pour voir si nous étions encore là. Cette opération de police a été effectuée à la suite d'une dénonciation qu'à fait Julien Coudy, habitant Carcassonne, boulevard du commandant Roumens, en vacances chez son oncle Cazals. L'ayant rencontré, Julien Coudy lui dit qu'il était sûr que les réfractaires se trouvaient dans la cabane de Mazuby, et qu'il allait s'occuper d'eux. Cet individu, qui ne vient à Carcassonne que pour passer ses vacances, habite à Paris, 9 avenue Émile Deschanel, Paris VIIe.

    Ce julien Coudy est le Franc-garde dont nous n'avions pas pu retrouver la trace dans l'affaire de Belcaire, où en décembre dernier il y a eu un mort et cinq déportés en Allemagne, à l'issue d'une descente de la police allemande dans ce village. C'est ce Coudy, alors qu'il était en vacances à Mazuby, qui s'est rendu compte qu'il y avait des réfractaires dans les environs de Belcaire. Il vint à Carcassonne en avertir la milice, retourna à Belcaire avec le nommé Robert Joseph, employé chez Cathala; marchand de graines à Carcassonne. Robert retourna ensuite avec Kromer à Belcaire. Ils se firent passer pour des gens qui désiraient prendre le maquis. Kromer dirigea l'expédition allemande. Il est à remarquer que ce nommé Coudy, qui passe ses vacances dans la région occupait bien son temps. Pendant les dernières vacances de Pâques, il est entré en relations avec une jeune fille, étudiante, dont les parents sympathisants avec la Résistance, recevaient chez eux des membres de cette organisation. Il a passé tout son temps avec elle ; il a effectué en sa compagnie de nombreuses promenades. Tout laisse supposer qu'au cours de conversations adroites, et par certaines questions assez précises, il a pu obtenir des renseignements assez sûrs pour diriger une nouvelle opération. Individu particulièrement ambitieux, étudiant en droit, vise à devenir Ambassadeur. Il est toujours armé.

    Un seul témoignage ne pouvant à lui seul constituer une preuve, nous avons retrouvé celui du milicien Sarda, passé en jugement et interrogé après la Libération : 

    « Sans pouvoir préciser la date, courant août 1943, en qualité de milicien, j’avais pour mission d’effectuer une enquête concernant le sieur Vacquié, de Camurac. cet ordre m’avait été donné verbalement par le milicien Coudy Julien, qui fréquentait Mazuby et en particulier, la famille Cazals Louis. Cette enquête avait pour but de démontrer les agissements et les relations qu’avait Vacquié, vis à vis de la Résistance. En possession de ce renseignement, j’ai cru faire mon devoir de prévenir Vacquié, et me rappelle très bien lui avoir dit que pour mon compte, il ne serait pas inquiété.

    C’est en qualité de milicien, que le nommé Coudy s’était confié à moi, puisque la veille, j’avais adhéré à la milice, sur les conseils du sus-nommé. Il s’agissait de savoir s’il était de notoriété publique, que Monsieur Vacquié, ravitaillait et hébergeait des réfractaires, et s’il était l’agent de renseignements pour livrer passage aux résistants qui voulaient se rendre en Espagne. En ce qui concerne les recherches du nommé Coudy, je ne puis vous donner de précisions. »

    Au cours de la déclaration que le Dr Martre, maire de Belcaire, fit le 6 mars 1945 devant le Commissaire de la police à la surveillance du territoire, il déclara :

    Au cours de vos déclarations, vous nous citez le nommé Coudy. Quel a été son activité à Belcaire ?

    • A Belcaire son activité a été nulle, car le président de la Légion le sieur C, n’a pas accepté les propositions faites par Coudy, pour le recrutement de la Milice. L’activité de Coudy a surtout été effective à Camurac, où il a réussi à créer un mouvement milicien, qui comptait trois adhérents, les nommés G. Alfred, G. Benjamin et M.

    Etes-vous au courant de l’opération effectuée par la Gestapo à la cabane de Mazuby située à trois ou quatre kilomètres du village du même nom ?

    • J’ignore tout de l’opération effectuée par la Gestapo au lieu indiqué, cependant je dois vous déclarer qu’étant allé aviser le maquis de Campagne de Sault, de ce que la police devait les cerner, les membres de ce maquis m’ont dit que cette opération devait être due à une dénonciation faite par Coudy. j’ignore si Robert a joué un rôle dans cette affaire là, toutefois cela n’est pas impossible.

      Qui était Julien Coudy ?

      Né le 20 janvier 1924 à Carcassonne, Julien Coudy s'engagea à la Libération avec le 81e régiment d'infanterie dans l'armée Rhin et Danube. On lui octroya la Croix de guerre 39-45. Son parcours universitaire : Docteur en droit et avocat à la cour d'appel de Paris.– professeur honoraire à la Faculté catholique de Droit de Lille, – directeur général honoraire du Groupe ESSEC, – prix Paillet (1952), – auteur de : L’action de l’Ordre du Clergé au Conseil du Roi (thèse, Paris, 1952) ; – Les Guerres de religion (Julliard 1962), – La chute de l’Empire romain (Julliard 1967). Julien Coudy est décédé en 2012 et inhumé à Boutenac.

    On pourra lire l'article ci-dessous

    http://musiqueetpatrimoinedecarcassonne.blogspirit.com/archive/2017/10/19/l-arrestation-de-belcaire-et-camurac-par-la-gestapo-d-apres.html

    Sources

    59W101 / Archives départementales de l'Hérault.

    ___________________________

    Tous droits réservés / Musique et patrimoine / 2024

  • Mathias Puyeo (1906-1945), le résistant Carcassonnais oublié

    Mathias Puyeo naît à Carcassonne le 9 février 1906 dans le quartier des Capucins, 7 rue des Rames. Ses parents, Mathias et Françoise Almerge, sont d'origine espagnole. De condition très modeste, ils ont émigré en France pour donner un meilleur avenir à leur famille. Lorsque l'extrême droite tente de prendre le pouvoir par la force en Espagne contre la République, Mathias Puyeo s'engage dans les Brigades internationales. La victoire de Franco l'oblige à regagner la France. Le combat ne s'arrête pas pour autant. Il se poursuit dans l'Armée Secrète contre l'Allemagne. 

    Capture d’écran 2024-02-24 à 19.51.37.png

    La maison natale de Mathias Puyeo, 50 rue des Rames

    À Carcassonne, le groupe "Combat" d'Henry Frenay est constitué autour de Lucien Roubaud et Albert Picolo. Ce sont des professeurs du lycée Sabatier. Guy Serbat, lui-même enseignant, commande deux trentaines de l'Armée Secrète dont le chef est Paul Pierre Picard. Anti-communiste, ce dernier rompt avec Serbat qui adhère au Parti communiste à Noël 1942. Puyeo suit Serbat jusque dans le Rhône, où les FTP ont créé un comité spécifique militaire à la zone sud : le CMZ. Mathieu Puyeo en devient le commissaire technique.

    Capture d’écran 2024-02-24 à 19.54.33.png

    Le Cap Arcona

    Le 13 mai 1943, le Carcassonnais est arrêté par la Gestapo sur dénonciation et incarcéré au fort de Montluc. Après être passé entre les mains du sinistre Klaus Barbie, Puyeo est envoyé en déportation à Neuengamme. Peu avant l'armistice du 8 mai 1945, il est embarqué par les SS sur le bateau "Cap Arcona" avec d'autres rescapés des camps. Le 3 mai 1945, le navire est bombardé par les Anglais suite à une méprise à Lübeck. Ce n'est qu'en 2014 que sa famille apprendra fortuitement les causes de sa disparition dans le Journal Officiel. Mathias Puyeo est très certainement mort noyé à la suite de ce bombardement. Il a obtenu la mention "Mort pour la France", mais pour l'heure, aucune reconnaissance des autorités locales.

    Joseph, le frère de Mathias, tenait le magasin de vaisselle Puyeo dans la rue de Verdun.

    _________________________________

    © Tous droits réservés / Musique et patrimoine / 2024 

  • En une lettre, la France du maréchal Pétain en 1942

    Quand un état, quel qu’il soit, promulgue des lois raciales et institut le droit pour tout citoyen de dénoncer ses compatriotes touchés par le bras séculier de ces textes, voici les dérives que l’on peut attendre. L’histoire que nous allons vous raconter se passe au mois de mai 1942. À cette époque, la France a perdu honteusement une guerre qu’elle avait largement les moyens de remporter. La lâcheté des gouvernants pacifistes au pouvoir a cru pouvoir arrêter la machine infernale du nazisme par un traité, abandonnant les démocraties de l’Est à leurs bourreaux. Un armistice fut signé en juin 1940, puis la République abandonna son honneur pour le livrer à un maréchal de France cacochyme et antisémite. A partir de ce triste jour, l’État français, ainsi débarrassé des valeurs républicaines, entra dans la voie de la collaboration avec l’Allemagne hitlérienne en concédant une partie de son territoire à son administration. De nombreux français de confession israélite durent passer en zone Sud pour se mettre à l’abri. Ils pensèrent légitimement que le gouvernement, installé à Vichy, ne s’en prendrait pas à ses compatriotes, dont la plupart avaient servi sous le drapeau tricolore dans les tranchées de Verdun. Nous sommes parti pour rédiger cet article d’une simple lettre figurant dans un dossier conservé aux Archives départementales de l’Aude.

    Capture d’écran 2024-02-06 à 09.26.56.png

    Fuyant Paris, occupé par la horde brune germanique, les époux Caen et leur fille Huguette  (1914-2010) parvinrent à passer la ligne démarcation. Ils venaient de laisser derrière eux leur logement cossu du XVIIe arrondissement, l’entreprise de confection et l’ensemble de leurs clients. Sarah née Schwab (1890-1968), la femme de Georges (1883-1944), déclara au Comité d’épuration de l’Aude en novembre 44 :

    « Nous nous sommes réfugiés à l’exode à Villeneuve-sur-Lot où, en raison de nos origines essentiellement française et des états de service de mon mari, Vichy n’a pas pu nous refuser l’autorisation de nous réinstaller, bien modestement d’ailleurs, afin de faire vivre nos enfants. »

    Là, dans petite cette bourgade du Lot-et-Garonne, Georges Samuel Caen relocalisa sa société qu’il appela « Textiles et confections du Sud-Ouest ». Il employa des ouvriers et des apprentis, jusqu’au jour où Fernand Nicolas, le père de l’un d’eux eut à se plaindre de leur patron. Une lettre lui fut adressée le 19 mai 1942 dont nous donnons copie ci-dessous :

    Monsieur Georges Caen,

    En réponse à votre drôle de lettre du 11 courant adressée à mon fils, je vous dirai que ce dernier a eu tort de correspondre avec vous étant fixé maintenant sur votre personnalité.

    Mon fils n’est pas un enfant d’israël (d’ailleurs, je déteste cette maudite race qui nous a fait tant de mal et qui doit disparaître totalement de France : je travaille de tout coeur à cette épuration) pour se laisser manier par vous.

    Vous n’avez pas honte ! Vouloir exiger un travail impeccable pour un veston en offrant 89 francs la pièce, alors qu’un tailleur de 8e ordre donne pour le même travail 130 francs. Vous dîtes que vous cherchez des ouvriers et des non des entrepreneurs. Cela est faux, car vous cherchez des poires.

    À l’époque quand vous étiez à Paris et Angers, c’était la belle vie, il est vrai que c’était le règne des Blum, des Gozland, des Zorbib, des Adda, des Cohen, etc…. Mais cela a changé grâce à notre vénérable maréchal Pétain. 

    Je fais suivre votre lettre à Vichy à M. Vallat, chargé de la Question Juive, pour savoir si vous êtes en règle car vraiment vos réserves sont typiques.

    Salutations

    Capture d’écran 2024-02-05 à 20.59.54.png

    L’affaire se passe à la fin du mois de mai 1942 ; les Allemands n’envahiront la zone non occupée que le 11 novembre de la même année. Donc, nous sommes toujours sous administration française à Villenueve-sur-Lot. En septembre, Georges Samuel est arrêté chez lui par la gendarmerie et conduit au camp de Pithiviers en région parisienne. Le 21 septembre, il est livré aux nazis et déporté par le convoi n°15 à destination d’Auschwitz dans des wagons à bestiaux de mille personnes. Parmi elles, des femmes et des enfants qui sont assassinés à leur arrivée, deux jours après. Georges Samuel Caen, désigné apte au travail forcé, survit un mois. Il meurt le 25 octobre 1942.

    Capture d’écran 2024-02-06 à 09.14.48.png

    L'arrivée des déportés à Auschwitz

    Sarah et ses enfants furent épargnés, sans que l’on en connaisse la raison. Ils se réinstallèrent à Paris après la guerre. Huguette, leur fille, s’était mariée avec André Paul Blum. De leur union naquit Martine en 1939 à Paris et Alain (1940-1987) à La Baule. Le traumatisme d’avoir été ainsi pourchassés en raison de leur religion poussa la famille à solliciter un changement de nom. Le 1er mars 1946, les Blum devinrent Brieu. 

    Sources

    ADA 11, Etat civil de Paris et de Vesoul, YadVashem, Généanet

    ______________________________

    © Tous droits réservés / Musique et patrimoine / 2024