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Seconde guerre mondiale - Page 2

  • Entretien avec Gisèle Médus (100 ans), la dernière résistante de Limoux : "La République, ça voulait dire quelque chose"

    Suite à l'article que j'avais produit le 1er août dernier sur Gérard Persillon, commissaire de police à Limoux en 1944, je m'étais mis en quête de connaître ce qu'il était advenu de ses complices de résistance. La recherche généalogique m'a mise sur les traces de Gisèle Médus, sa secrétaire. A mon grand étonnement, j'appris qu'elle venait de fêter ses cent ans. Sa famille me confirma son passé de résistante, en m'indiquant qu'elle avait toujours refusé d'en parler. Je finis par obtenir une interview le 14 août dernier chez elle, à Limoux. Gisèle Médus, malgré sa surdité liée à l'âge, possède une mémoire intacte et une intelligence vive.

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    Pour quelles raisons l’envie de résister s’est-elle imposée à vous ?

    Mon éducation, d’abord. Ma grand-mère a perdu un fils à la guerre de 14. La soeur de maman a perdu un fils à la guerre de 14, aussi. Elle était toute jeune mariée. Son mari est parti, elle attendait un bébé. Il est venu la voir au moment de l’accouchement. Trois jours de permission. C’était une famille enseignante. Il n’est jamais revenu. Ma cousine aînée n’a jamais connu son père. Ça a marqué tout le monde.

    Ce qui fait que la République, ça voulait dire quelque chose.

    Quand il y a eu le soulèvement des espagnols. Un jour - je n’ai pas demandé à savoir, il y a des choses que les parents ne disaient jamais aux enfants. Un beau jour, il y a une petite espagnole qui est arrivée à la maison, qui avait mon âge et que l’on a gardé pendant un an à peu près. Mon père avait eu un contact. Un avocat était venu lui demander de garder cette petite parce que le père avait été fait prisonnier par les franquistes. On a gardé cette petite. Elle est repartie après. Alors j’étais prête à donner. C’est pour ça… La Résistance ça voulait dire quelque chose.

    A ce moment-là dans les écoles, on avait une vieille fille comme institutrice et elle nous faisait chanter « Maréchal nous voilà ! ». On chantait « Maréchal nous voilà ! » en racontant n’importe quoi. Maréchal nous voilà… Qu’est-ce qu’on disait ? « On te bottera les fesses ». Des bêtises comme ça. Quelques fois on était punies. A maman, l’institutrice disait qu’on étaient insolentes. 

    J’ai vu mon père pleurer quand Pétain a demandé l’armistice. Ça m’avait choqué et peiné, vous ne pouvez pas savoir. Je ne comprenais pas. Et je lui ai demandé pourquoi. Il m’a dit : « C’est l’armistice ».

    Déjà pour la Pologne. Quand l’Allemagne est entrée en Pologne, on tricotait des chaussettes pour les Polonais. On avait des correspondantes. On écrivait aux petites filles qui étaient à l’école.

    Comment avez-vous commencé dans la Résistance ?

    Je travaillais à la sous-préfecture comme secrétaire et Persillon se méfiait de ses inspecteurs. Il lui fallait quelqu’un pour faire ses cartes d’identités. Donc, je suis passé à la police. J’avais un petit bureau, les inspecteurs étaient toujours à naviguer, à regarder ce que je faisais. Je suis arrivée là alors que j’étais très fluette. A 17-18 ans, j’avais un corps d’une gamine de 14-15 ans.

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    L'actuelle Police municipale abritait le commissariat en 1944, rue St-Martin

    Persillon m’a dit : « Voilà ! Vous irez chercher le cachet ». Il fallait que j’aille chercher son fameux cachet et le bureau de Persillon était à l’autre bout du commissariat. Comment faire ? J’apportais le courrier à signer et en même temps je raflais les tampons. Je les mettais dans la poche. Arrivée dans le bureau, je fermais la porte. Pas toujours, d’ailleurs. C’était une espèce de petit réduit. Je fabriquais des cartes mais il fallait les faire passer. Ce n’était pas moi qui les distribuais. Les garçons, certains venaient directement les chercher, mais on ne voulait pas être vus par les inspecteurs qui étaient toujours là en train de fouiner partout. Parce qu’à l’époque, il y avait toute une équipe de jeunes qui travaillaient pour Darnand, le chef de la Milice française.

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    La sous-préfecture de Limoux, 12 rue du Palais

    J’avais une amie dont le frère était le chef d’une équipe de miliciens. Une de ses soeurs était une amie et j’allais souvent dans sa famille. Il avait une grosse épicerie. Quand ils recevaient des gens de Paris, ils ne se rendaient pas compte quand ils discutaient. La porte n’était pas fermée. On faisait de la pâtisserie avec mon amie. Tantôt chez elle, tantôt chez moi. Et quand j’étais chez elle, on les entendait discuter et j’ai appris un jour qu’ils avaient su pour un parachutage. J’avais prévenu bien sûr Persillon. Tout ça avait été changé de place. Parce que mon amie, ne faisait pas du tout de politique. Il n’y avait que son frère.

    Lorsque des gens arrivaient d’Angleterre par avion, j’allais chercher les documents dans un hôtel à Limoux dans une rue. C’était de grands résistants. Il a été transformé en restaurant mais n’existe plus. Je ramenais les informations à Persillon.

    Je faisais la liaison avec le maquis de Picaussel. A bord d’un véhicule, je portais des papiers. J’en avais pas besoin, mais c’était tellement drôle. A Belcaire. Mon père était de Belcaire. J’ai des cousins qui ont été pris avec Bayle. Joseph Dieuzère, c’était un cousin germain de papa. Il a été pris, torturé, parti dans un camp de concentration. Ce sont les Russes qui l’ont libéré. Il y avait une très bonne équipe sur le plateau de Sault.

    Votre disparition de Limoux avec Persillon et Albert Marc, racontez-moi ?

    Un jour, il a fallu aller à Vichy prévenir un colonel que De Gaulle réclamait et qui était prisonnier à l’Hôtel du Parc où vivaient Darnand et Pétain. Comment faire pour y aller et qui va y aller ? Et puis, je suis parti avec le commissaire Persillon. Bien sûr, je n’ai pas dit ça à mes parents . Personne n’en savait rien. Je suis partie et j’avais quand même prévenu des amis de mes parents,  qui eux étaient dans la Résistance, en leur disant qu’il faudra que maman déclare que sa fille a disparu. Je n’étais pas majeure ; la majorité était à 21 ans. C’est ce qu’elle a fait, maman, pour ne pas être embêtée car elle était institutrice. Elle distribuait des tracts. On avait caché des petits juives pendant plusieurs jours pour les faire passer. La directrice du lycée habitait en face de chez nous, rue Blanquerie. Et c’est pour ça qu’elle a demandé à maman de les garder. Maman ne savait pas du tout où j’étais. Il y a eu une descente à la maison. On a cherché partout, on a rien trouvé. Je ne laissais rien traîner. 

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    Hôtel du Parc à Vichy, siège du gouvernement

    D’abord, il a fallu traverser la ligne de démarcation. On arrive à Vichy. Persillon avait des contacts avec la Résistance de cette ville. Et de là, on s’est dirigé vers l’Hôtel du Parc. On avait inventé le système : j’étais la nièce du colonel. J’étais de passage et je lui apportais un colis que ma mère avait fait. J’habitais dans le coin. 

    En fait, j’avais la trouille. Je ne me suis pas rendu compte. Je suis restée là. J’avais un mot de passe. A gauche, il y avait les Allemands. A droite, les Français. La personne qui était en tenue, le garde. J’ai donné le mot de passe. Aucune réaction. Alors, je dis : « Je voudrais voir le colonel. Je suis sa nièce et j’apporte un colis ». Attendez un moment, me dit-il. Il revient : « Le colonel n’est pas là ». Ah ! C’est déplorable. Je voudrais quand même le voir. J’ai fait beaucoup de kilomètres. Petit-être que je peux l’attendre ? Ah ! Non, non. Il ne sera pas là, vous pouvez partir.

    Et je suis partie en laissant mon colis. J’ai dû être suivie, je pense. J’avais le commissaire Persillon qui m’attendait à un endroit, assez loin quand même. Et de là, on devait aller dans ce fameux restaurant. On nous a fait mettre à la cave. On a attendu la nuit pour partir. On est venu nous chercher pour nous amener à la gare. On a pris le train. L’un d’un côté, l’autre de l’autre. Les Allemands passaient, demandaient tout le temps les cartes, les laissez-passer. Des laissez-passer on en avait bien sûr, mais ils étaient tous faux. Enfin, des vrais faux. Il est monté une autre équipe allemande de la Gestapo. Là, nous n’étions pas rassurés. A un moment donné, il y a quelqu’un qui est venu là où je me trouvais et qui m’a dit : « Arrivés à Carcassonne, il faudra sauter du train avant l’arrivée ». Sauter du train, je dis ? Mais par où on va passer ?

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    Ancien café Négrail, sur la promenade du Tivoli

    Le train ralentit, le commissaire m’a rejoint. Il était suivi d’autres personnes. On a sauté du train dans les ronces. C’était sale l’entrée de Carcassonne où était la gare des marchandises. On a attendu qu’il fasse nuit pour aller sortir de cet endroit. On a été récupéré. On est entré dans un camion. On nous a mis une bâche dessus. Arrivés à Limoux, on est descendu heureux avant d’entrer dans la cave d’un café. En remontant la rue de la Goutine, c’est le café qui fait le coin (Le Tivoli). Ils étaient de grands résistants. De là, on a attendu quelques jours avec simplement de temps en temps un sandwich. Puis, nous avons embarqué à nouveau dans ce camion. Et en avant ! Il y avait le commissaire et trois autres personnes. J’ai jamais su qui c’était. Lucien Maury en parle dans son livre.

    Effectivement, nous avons relevé le récit d’Albert Marc : « La Résistance dans l’Aude » / Tome 1 / p.385.

    « Le 25 mai, surgit l’inspecteur Pech, affolé : un résistant L. Que nous avons aidé à s’évader a été repris. Martyrisé par la Gestapo, il a lâché mon nom et reconnu que la fausse carte d’identité lui a été transmise par le commissaire Persillon par l’entremise de sa secrétaire Gisèle Médus.

    Une grande réunion a suivi. Gestapo et nervis sont d’avis de m’abattre car disent-ils, celui-là ne parlera jamais. La Milice, si on nous arrête, se fait forte de nous tirer les vers du nez.

    « Tout est mis en place pour la parade grâce à la filière de Claude et Georges. Je vais faire mes adieux à Mazerolles. Dernière rencontre avec Myriel auprès de qui j’insiste. Il est brûlé lui aussi, il doit se camoufler. Il m’embrasse et s’en va. Presqu’aussitôt, vers 15 heures 30, alors que le marché du vendredi bât son plein, on m’avise de l’arrivée de la Gestapo. Je saute du jardin de la sous-préfecture sur les berges de l’Aude, contourne, arrive sur la place, rencontre le meilleure amie de ma mère, Madame Font. Bien que bouleversée, elle consent à m’accompagner tremblant de tous ses membres, vers la rue de la sous-préfecture. Ces messieurs sont devant le grand portail, recevant signes de la rue voisine. Il y a donc des complices sur place. Avertis, je ne sais de quoi, ils repartent.

    Je m’éloigne et, prévenu que les gestaltistes vont vers le commissariat où se trouve notre ami Dedieu, de Carcassonne, je parviens à les avertir. Se croyant bien informés, ces messieurs arrivent trop tard, le gibier s’est envolé. Quel beau coup de filet manqué !

    A la nuit, nous rejoignons la maison du T.R, près du café Négrail. Un fort-Chabrol est installé avec armes de toutes sortes. Epuisé, je finis par m’endormir. Le Dr Marot, de Quérigut, vient nous prendre avec son vieux tacot gazo que nous poussons jusqu’à la sortie de la ville.

    C’est Quérigut, la famille Marot, les amis du maquis, puis à pied jusqu’à Formiguères, l’inoubliable famille Soubielle-Chinaud, les gendarmes du brigadier Botet, Saillagouse, Llo, Nuria.

    Et ensuite, que s’est-il passé ?

    Arrivés à Formiguères, on est allé chez un passeur. Un paysan âgé. Il nous a offert la soupe, qui était la bienvenue et on est parti de nuit. J’avais une robe, des socquettes et des chaussures en bois. 

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    Le contre torpilleur "La trombe" en 1945

    Arrêt dans une grange où on a couché. Les soldats gardaient ce coin. Il y en a un qui voulait absolument entrer là-dedans. On était caché dans le foin, il ne fallait pas éternuer. On en avait envie. Heureusement, il y en a un parmi nous qui parlait allemand qui a entendu ce qu’ils racontaient. Ils faisaient la ronde. Un vieux les a détournés d’entrer : « Pas la peine, c’est un vieux qui y met ses moutons, du foin. C’est sale ». Ils ont fumé la cigarette et n’ont pas pu ouvrir la porte. Heureusement. Ils sont partis. On a attendu la nuit, passé des barbelés, etc. A la frontière, aucun n’avait appris l’espagnol. Je me débrouillais assez bien. J’ai pris les billets pour tout le monde. Arrivés à Barcelone, on était attendus. De là, on nous a amené au poste. Calle Butanero, c’était. Et puis, chacun est parti. J’ai plus revu le monde avec qui j’étais. Je suis restée à Barcelone et puis vers Alger. J’ai ensuite voyagé avec un régiment sur le contre-torpilleur La Trombe avec un régiment. Nous sommes ensuite remontés vers Paris où j’ai défilé en même temps que le général de Gaulle.

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    Le général de Gaulle sur les Champs-Elysées lors de la libération de Paris

    J’ai lu que le commissaire Persillon avait sauvé 50 otages limouxins avec Albert Marc, que les Allemands voulaient exécuter. Un soldat avait disparu. Ils ont convaincu les Allemands que c’était pour une affaire de moeurs. L’affaire en resta là. Qu’en savez-vous ?

    Oui ! A l’Allemand, on lui a fait : « Couic ». Quand on pouvait en attraper un, dit-elle avec beaucoup de malice.

    Pour quelles raisons n’avez-vous jamais parlé de votre action résistante ?

    J’en ai parlé seulement aux militaires en Indochine, car mon mari était officier d’artillerie. Je l’ai suivi là-bas, où j’ai connu la famille impériale du prince Sihanouk. Tout comme les généraux félons qui ont été répudiés par de Gaulle en Algérie ensuite.

    Depuis mon départ de Limoux en mai 1944, ça a été une coupure avec tout le monde. Vous savez, quand je suis revenue d’Indochine, j’ai appris tellement de choses en arrivant. Des gens qui avaient oeuvré pour Vichy et qui, au dernier moment, étaient de grands résistants. Ça m’a écoeurée ! Je ne voulais plus entendre parler de Résistance. 

    Il y a des gens qui étaient collabos et qui, au dernier moment, sont devenus des résistants ?

    Oui ! (Grand silence…)

    Je remercie vivement Madame Médus et sa fille pour leur confiance

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  • Gérard Persillon (1920-2018), un commissaire de police exemplaire à Limoux

    Avant d’être nommé à Limoux, Gérard Persillon était entré à la police le 8 juillet 1942 comme commissaire 3e classe, 1er échelon. À l’âge de 23 ans, le gouvernement de Vichy l’affecte dans la sous-préfecture de l’Aude le 13 mars 1943, en remplacement de M. Devèze. Contrairement à ses collègues, Persillon se détourne clandestinement des ordres reçus de ses supérieurs tout laissant croire à sa loyauté envers Pétain. A l’instar d’Aimé Ramond à Carcassonne, il sauve à plusieurs reprises la vie de nombreuses personnes en intervenant en sa qualité de policier.

    Un incident éclata par suite de la disparition d’un sous-officier allemand. Le commandant allemand avait demandé au Sous-Préfet et au maire, la désignation de 10 otages. C’est grâce à MM. Persillon, Commissaire de police et Marc, secrétaire en chef de la Sous-préfecture, tous deux appartenant à la Résistance, que cette désignation n’eut pas lieu. Ces deux fonctionnaires ayant obligé le Sous-Préfet et le maire de protester et de montrer aux autorités allemandes que le crime n’était pas certain puisqu’aucun corps n’avait été trouvé. Plusieurs personnes, parmi lesquelles la tenancière de la maison close, acceptèrent de témoigner faussement qu’un sous-officier allemand avait été vu ivre le soir de la disparition, se dirigeant vers la rivière. Le corps du sous-officier ayant été retrouvé à Pomas, dans le lit de la rivière quelques jours après, sans aucune blessure, l’affaire n’eut pas suite.

    Le cambriolage du service de la carte d’identité de français, 28 avenue Achille Mir à Carcassonne, permet à Albert Marc et Gérard Persillon d’établir des faux-papiers. C’est dans ce contexte périlleux que ce dernier agit de manière décisive en faveur de Perla Hauszwalb, jeune fille de 14 ans de confession israélite. En fuite depuis la rafle du Vel d’Hiv, le 16 juillet 1942, au cours de laquelle sa mère et sa soeur furent internées puis déportées à Auschwitz, elle parvint à passer en zone libre. À Espéraza, Perla put retrouver son frère et ses oncles. L’un d’eux l’accompagna au collège de Limoux, où il expliqua la situation à sa directrice, Germaine Rousset née Viala (1891-1956). En toute connaissance des dangers mortels qu’elle encourait que cette femme l’accueillit et la protégea toute sa scolarité. Les faux papiers d’identité  au nom de Perla Auswald c’est Gérard Persillon qui les lui fournit, comme il le fit pour tant d’autres personnes recherchées. 

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    Germaine Rousset, directrice du collège de Limoux

    En 1944, comme personne ne payait les frais d’internat de Perla, Germaine Rousset s’arrangea pour qu’une famille de la région l’embauche au pair pendant les vacances scolaires comme perceptrice des enfants. Par la suite, Perla fut nommée surveillante au pair à l’école.

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    Perla Hauszwald

    Se sentant menacé, averti de sa future arrestation, le commissaire ne se présenta plus à son domicile, ni à son travail. Gisèle Médus, sa sténo-dactylo, en fit de même comme Albert Marc, le secrétaire de la sous-préfecture. Tous les trois passeront par l’Espagne avant d’embarquer sur le Gouverneur-général Lépine vers Alger afin de rejoindre La France Libre. L’enquête provoqua la révocation de Persillon par le décret, signé de Darnand : « Cette mesure a été prise à la suite du rapport de MM. les inspecteurs de police Got et Jougla, adressé le 9 juin 1944 à M. Le commissaire divisionnaire, chef régional des services de sécurité publique dont ci-joint copie, et sur avis de M. l’Intendant du maintien de l’ordre. » Gérard Persilon arriva à Casablanca le 2 juillet 1944 et à Alger le 11 juillet 1944. Après la Libération, la République le réintégra dans ses fonctions. Il passa sa retraite dans le village de Saix dans le Tarn. Le mémorial de Yad Vashem lui décerna le diplôme et la médaille des Justes parmi les Nations ; le ministre des Anciens combattants le fit Chevalier de la légion d’honneur en 2014. Gérard Persilon est décédé le 17 novembre 2018 à l’âge de 98 ans.

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    Kader Arif remet la légion d'honneur à G. Persillon.

    Perla occupa un poste de surveillante du collège de Limoux après la guerre. Elle se maria puis émigra aux Etats-Unis. Elle revint en 1998 à Limoux afin de retrouver ses amis.

    Sources

    Comité Français pour Yad Vashem

    Archives de l'Aude / 106W9

    Rapport du sous-préfet de Limoux L. Cassan

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  • Emile Laffon (1907-1957), unique "Compagnon de la Libération" Carcassonnais.

    Ils étaient exactement 1038 ! Depuis 2021, il n’en reste plus aucun. La ville de Carcassonne pourrait s’énorgueillir d’avoir eu parmi ses enfants l’un de ceux-là. Compagnon de la Libération, quel beau titre ! La famille Laffon était originaire de Sallèles d’Aude. Avant de migrer vers Carcassonne, le grand-père s’était établi à Mazamet comme banquier. Jules, son fils, après des études droit, prit son premier poste à Limoux comme Juge d’instruction. Il y épousa Yvonne Garretta le 18 juillet 1904. De cette union naîtront Marcelle, Émile et Marthe. 

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    La maison dans laquelle est né Émile Laffon

    Émile Laffon voit le jour à Carcassonne le 20 juin 1907. Ses parents vivent dans un bel appartement. Situé au numéro 16 de la rue du 4 septembre, il appartient à Léonce Embry, rentier de son état. En sa qualité de juge d’instruction au tribunal civil de la ville, Jules Laffon entretient d’excellentes relations parmi la bourgeoisie locale. Il est épris d’art et de littérature. Une lettre du poète François-Paul Albert invite André Gide à lui envoyer une revue, le présentant comme un l’un de ses meilleurs amis. Membre de la Société des Arts et des Sciences de Carcassonne, Jules Laffon inculque à ses enfants les nobles sentiments des devoirs de tout français envers son pays. Émile Laffon fait ses études à Carcassonne jusqu’en septembre 1914. Il n’est âgé que de sept ans quand ses parents quittent la ville pour s’installer à Béziers. Son père vient d’être nommé Premier président de la Cour d’appel de Nîmes. De nomination en nominations, la famille finit par se retrouver à Paris. Emile entre en classe préparatoire scientifique au lycée Louis le Grand. Admis à l’École des Mines, il en sort ingénieur.

    emile laffon

    « Rappelé comme lieutenant de réserve en août 1939, il est affecté à la 38e Escadre de bombardement de nuit puis au Groupe de bombardement n° 10 en avril 1940. Observateur en avion, il reçoit une citation pendant la campagne de France avant d'être démobilisé en juillet. Refusant d'exercer dans la capitale occupée, il décide de quitter le Barreau et de s'installer en zone sud, à Nice.

    Il entre bientôt en contact avec Jean Nocher, du mouvement "Franc-Tireur", et participe avec lui à la rédaction de tracts clandestins. Emile Laffon est à partir d'octobre 1942 en relation suivie avec Pierre Juliette, officier du Bureau central de renseignements et d'action (BCRA) en mission en France, à qui il communique des renseignements sur la production aéronautique allemande.  Appelé à Londres, il franchit, avec Jacques Maillet et Roland Pré, la frontière espagnole le 20 janvier 1943 et atteint, via Gibraltar, la Grande-Bretagne le 15 mars. Engagé dans les Forces aériennes françaises libres, il est promu capitaine en juin 1943 et finalement affecté au Commissariat à l'Intérieur, à Alger.

    Après l'arrestation de Jean Moulin à Caluire, Emile Laffon est envoyé en mission pour aider à la remise en place des organismes de la résistance. Sous le nom de Lachaud, il est déposé en France par une opération Lysander le 16 juillet 1943 et remplit une première mission au cours de laquelle il envisage la création des Comités Départementaux de Libération et la nomination de Commissaires de la République chargés de faire maintenir la loi et l'ordre républicains à la Libération. De retour en Grande-Bretagne par une nouvelle opération aérienne le 13 septembre 1943, il rapporte les premières propositions de nomination de commissaires de la République et de préfets.

    Déposé sur le terrain d'aviation Orion près de Lons-le-Saulnier, le 15 septembre 1943, il repart pour une seconde mission clandestine en France visant à mettre en place les propositions qu'il a faites et qui ont été retenues ; il prépare donc la mise en place de la nouvelle administration française de la libération, en liaison étroite avec le Conseil national de la Résistance (CNR) et les responsables de la Délégation générale en France. Son calme, sa force de caractère et de persuasion lui confèrent une autorité largement reconnue dans les cercles résistants. Il tente à plusieurs reprises de regagner Londres et, le 2 février 1944, le bateau qui doit l'y emmener, le Jouet des flots, sur lequel ont embarqué également Jacques Maillet, Emile Bollaert et Pierre Brossolette, fait naufrage dans la baie d'Audierne. Mais, contrairement à ses deux compagnons, Emile Laffon à la chance de ne pas être arrêté le lendemain. Rentré à Paris, il change d'identité (devient Martet) et reste finalement en France jusqu'à la libération.

    En avril 1944 il est nommé Délégué chargé des Affaires civiles par Alexandre Parodi, délégué général. Le 25 août 1944, le jour de la libération de Paris. Emile Laffon est nommé Secrétaire général du Ministère de l'Intérieur et prend immédiatement ses fonctions. Démobilisé en septembre 1945, il démissionne du Barreau et est immédiatement nommé, en raison de ses grandes compétences administratives, Gouverneur civil de la zone française d'occupation en Allemagne à Baden Baden.

    Il devient ensuite, en 1947, le premier président des Houillères du Nord et du Pas-de-Calais. En novembre 1952 Emile Laffon devient PDG de la Société Le Nickel. Administrateur de plusieurs sociétés, il participe à la création de la Compagnie française des Minerais d'Uranium en 1955. En mai 1957, il prend la présidence de la Société des Mines de Fer de Mauritanie. » (Musée de la Résistance)

    Émile Laffon décède subitement le 20 août 1957 à son domicile, 18 avenue La Bourbonnais. Son corps repose dans le cimetière de Cuxac-Cabardès dans l’Aude.

    "Ses états de service n’indiquent pas à ceux qui n’ont pas eu le bonheur de le connaître, ce sont les qualités de cœur, la charmante ironie, l’élégance moral de cet homme extraordinaire qui, quelque grands que fussent les événements auxquels il participa, les domina toujours de son intelligence et de son courage."

    (Jacques Maillet / Revue La France libre, 1958)

    Décorations

    • Officier de la Légion d'Honneur
    • Compagnon de la Libération - décret du 26 septembre 1945
    • Croix de Guerre 39/40
    • King's Medal for Courage (GB)

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