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Seconde guerre mondiale - Page 2

  • La rafle des juifs étrangers du 20 février 1943 à Carcassonne et dans l'Aude

    Le samedi 20 février 1943, une importante rafle de juifs étrangers est opérée à Carcassonne et dans tout le département de l’Aude, en vue de leur déportation vers les camps d’extermination nazis. Organisée en grand secret par le gouvernement de Vichy sur ordre de l’occupant allemand, elle vise tous les hommes de 16 à 65 ans, aptes au travail assignés à résidence dans le sud du pays, à l’exception des territoires contrôlés par les Italiens. Au total, près de 2000 juifs étrangers seront dirigés depuis le camps de Gurs vers Drancy, point de départ de leur déportation. Le 19 février, le préfet de l’Aude Émile Marchais, avait adressé un courrier au préfet régional à Montpellier : « Comme suite à votre communication téléphonique de ce jour, j’ai l’honneur de vous transmettre une liste comportant 50 israélites de nationalité Allemande, ou ressortissants des pays occupés par le Reich. » Ces hommes n’avaient pas été concernés par la précédente rafle du 24 août 1942, dans laquelle femmes, enfants, vieillards et autres hommes avaient été arrêtés à Rennes-les-bains puis conduits au camp de Rivesaltes. Inutile de préciser l’issue de leur sort. Dans son extrême bonté, le gouvernement de Laval avait écarté les individus ayant servi la France en 1939, non indésirables selon la terminologie administrative de l’époque. D’autres exemptions, sauvèrent pour un temps ces hommes aptes au travail. Main d’oeuvre esclave, on les plaça chez des propriétaires viticoles, des industriels, des commerçants, etc. Ce 20 février 1943, obéissant à la circulaire des préfets, gendarmes et GMR procédèrent vers 5h du matin aux arrestations, au domicile de ces pauvres individus. C’est-à-dire à l’endroit où leurs patrons les logeaient. Ils furent escortés par la gendarmerie jusqu’à Montpellier, lieu du rassemblement, puis convoyés en train vers le camp de Gurs le 21 février 1943. Quelques jours après, destination Drancy avant leur déportation vers Majdanek (Lublin) par les convois n°50 et 51, respectivement en date des 4 et 6 mars 1943. 

    Dans des dossiers conservés aux archives de l’Hérault, nous avons retrouvé les listes des personnes arrêtés dans l’Aude. Elles comportent leurs noms, leur date et lieu de naissance, ainsi que leur dernier domicile. À partir des différents sites internet (Mémorial de la Shoah, Victimes de l’Holocauste, Généanet et Filae), nous nous sommes mis en quête de retracer leur histoire. Le plus souvent, il a fallu user de beaucoup de patience pour reconstituer des noms mal orthographiés, ou retrouver un individu n’apparaissant pas sur les listes de décédés. C’est ce travail que nous vous présentons. Il y a encore certainement des familles qui ignorent où sont passés leurs parents. Savaient-elles qu’ils vivaient à Carcassonne ou dans l’Aude, après leur exil vers la France ? Ces juifs étrangers, issus des pays annexés par Hitler, ont fui croyant être en sécurité chez nous. Le gouvernement français les a livrés aux bourreaux.

     

    Arrêtés à Carcassonne le 20 février 1943 et déportés

    rafle

    Löb Fritz

    Löb Fritz, né le 13 janvier 1909 à Nüremberg (All). Résidant 6, rue Barbès à Carcassonne. Il avait quitté Paris pour se réfugier en zone non occupée. Convoi n°51 vers Majdanek. Assassiné

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    Löb Rudolf

    Löb Rudolf, né le 25 mars 1913 à Nüremberg (All). Résidant 29, rue Courtejaire à Carcassonne. Il avait quitté l’Allemagne vers 1936 avec son frère. Durant la Nuit de cristal en Allemagne, son père fut assassiné et sa mère, blessée. Engagé volontaire dans la Légion étrangère en 1939. En 1942, il rejoignirent leur mère et de la famille à Carcassonne. Convoi n°51 vers Majdanek. Assassiné le 11 mars 1943

    Aelion Sabetay, né le 26 février 1901 à Salonique (Grèce). Résidant 36, rue des Études à Carcassonne. Engagé volontaire en 1939 dans la Légion étrangère pour servir la France. Il avait quitté Charenton-le-Pont (12 rue de Paris) pour se réfugier en zone non occupée.

    Herezfus Aron, né le 5 février 1922 à Minsk. Résidant 20, rue Voltaire à Carcassonne.

    Wajeman Józef, né le 16 juillet 1904 à Siedlce (Pol). Résidant 9, rue de la mairie à Carcassonne. Il avait quitté Paris pour la zone non occupée. Il vivait à Carcassonne avec une fillette de 14 ans, née le 7 octobre 1929 à Paris (XIXe) qu’il a pu confier à sa belle-soeur. Assassiné 

    Koumetz Wolf, né le 15 mai 1889 à Wilna (Pol). Résidant 3, rue Viollet-le-duc chez M. Mary. Marié avec Bluma, il était horloger à Paris, 4 rue de la Villette. Convoi n°50. Déporté à Auschwitz.

    Grabarsky Maurice, né le 1 janvier 1906 à Kichimeff (Rus). Résidant 12 rue du 4 septembre à Carcassonne. Habitait à Vincennes en 1931. Convoi n° 51. Assassiné en 1943

    Grabarsky Oscar, né le 25 novembre 1903 à Odessa. Résidant 98, rue Jules Sauzède à Carcassonne. 

    Kirjner Grégoire, né le 15 mai 1903 à Odessa. Résidant 20, rue des chasseurs à Carcassonne. Bijoutier, marié à Dora Gerchinovitz (1905-1987) le 31 mars 1930 à Alfortville. Employé à la société d’épépinage. Convoi n°51. 

     

    Arrêtés dans l’Aude

    Grajek David, né le 11 mai 1914 à Offenbach (Pol). Résidant 3, impasse Corneille à Narbonne. Convoi n°50. Engagé volontaire dans la Légion étrangère en 1939.

    Elle Jacob, né le 25 avril 1911 à Gomastrow (Pol). Résidant à Alet-les-bains. Terrassier.

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    Kiszka Mordka

    Kiszka Mordka, né le 12 mars 1912 à Ckiermewicz. Résidant 20, rue des chasseurs à Carcassonne. Marié avec Estera, née le 14 mars 1914 à Zalencia. Assassiné le 11 mars 1943.

    Stein Herbert, né le 5 avril 1909 à Vienne (Aut). Résidant à Chalabre aux Établissements Canat. Convoi n°50.

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    Sternlieb David

    Sternlieb David, né le 14 juillet 1899 à Lisowenhek (Pol). Résidant à Rivel. Convoi n°50

    Frankel Walter, né le 12 mars 1879 à Breslau (Aut). Résidant à Montréal d’Aude. Convoi n°50

    Béran Charles, né le 14 décembre 1889 à Luize (Tchécoslovaquie). Résidant à Limoux. Il habitait en 1931 à Paris, 11 rue du faubourg poissonnière. Convoi n°50

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    Reiss Guillaume

    Reiss Guillaume, né le 19 novembre 1882 à Francfort (All). Résidant à Cailhau. Père de quatre enfants de 13,11, 9 et 7 ans. Convoi n°50

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    Dreifuss Bernard

    Dreifuss Bernard, né le 18 février 1921 à Mannheim (All). Son père Eugène, sa mère Rose Acher est sa soeur Henriette (6, rue E. Varlin à Limoges). Résidant à Chalabre comme garçon de café. Marié à Rivel avec Marguerite Barbe le 4 septembre 1942. Convoi n°51. Assassiné le 11 mars 1943.

    Stern Wolfgang, né le 10 décembre 1912 à Leipzig (All). Résidant à Espezel. Engagé volontaire dans la Légion étrangère en 1939. Convoi n°51

    Betman Jacob, né le 14 novembre 1910 à Lublin (Pol). Résidant à Peyriac-de-mer

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    Fleischer Jakob

    Fleischer Jakob, né le 18 août 1887 à Tarnovejek (Pol). Résidant à Labastide d’Anjou. Il quitta la Pologne pour l’Allemagne en 1931 avec sa femme Schmeidel et ses enfants. La famille s’installa à Sedan puis à Lens. Après l’armistice, il se réfugia dans l’Aude avec d’être assigné à résidence. Il cacha ses plus jeunes enfants avant d’être arrêté. Le reste de la famille parvient à passer en Suisse, sauf son fils Max et sa femme qui seront déportés. Convoi n°51.

    Trojanowski Isaac, né le 11 février 1885 à Zgierz (Pol). Résidant à Tuchan.

    Ventura Israel, né le 24 juin 1899 à Bourgas. Commerçant à Levallions-Perret. Résidant 7, rue Marceau à Narbonne. Convoi n°50

    Wertheim Willy, né le 28 janvier 1892 à Hatzbach. Résidant à Taurize. Convoi n°50

    Rubenkes Moses, né le 15 juin 1887 à Brody (Aut). Ouvrier à Paris (XVIIIe). Marié à Elise. Résidant à Montréal d’Aude. Convoi n°50. Assassiné le 9 mars 1943.

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    Bergholz Alexandre

    Bergholz Alexandre, né le 7 août 1899 à Varsovie (Pol). Marié à Paris le 14 avril 1927 à Léontine Katz (1904-2004). Il habite en France depuis 38 ans. Résidant à Quillan. Assassiné. Malgré des tentatives administratives pour le faire libérer après le 20 février 1943, il est déporté par le convoi n°50. Son frère Jean (1908-2003) a été prisonnier dans un stalag XB Kommando 93. Il s’installa comme bijoutier 35 rue de la République à Carcassonne.

    Rosenberg Tobjasz, né le 2 mars 1900 à Olatow (Pol). Résidant à Bages. Convoi n°50.

    Kofman Abraham, né le 8 octobre 1904 à Zakroczym (Pol). Résidant à Castelnaudary, 68 rue du bassin. S’évade du camp de Gurs le 21 février 1943. Décédé à Coulommiers le 10 août 1999

    Lorig Charles, né le 20 mai 1923 à Obermoschel (All). Résidant à Rivel. Convoi n°51. Assassiné le 11 mars 1943.

     

    Ceux qui ont échappé à leur arrestation

    Berliner Abraham, né le 13 juin 1910 à Tomszon (Pol). Tailleur, résidant 93 rue de la mairie à Carcassonne, chez M. Ramond.

    Pasternak Herz, né le 15 janvier 1908 en Pologne. Résidant à Montréal d’Aude. Tailleur 

    Wolfowicz Rynem, né le 24 janvier 1908 à Widancka (Pol). Résidant à Rennes-les-bains. Tailleur

    Stanb Alfred, né le 8 mars 1891 en Allemagne. Résidant 20, rue de la République à Carcassonne

    Seidenberger Paul, né le 26 septembre 1899 à Nüremberg. Résidant à Caudebronde

    Steiner Ernst, né le 22 juillet 1900 à Vienne (Aut). Engagé dans la Légion étrangère. Résidant, 9 route de Limoux à Carcassonne. Naturalisé français le 6 janvier 1947

    Gräntz Ernst, né le 28 février 1895 à Charlottenburg. Habitait rue Hamelin à Paris avant la guerre. Résidant à Homps.

    Schwarz Harry, né le 15 juin 1911 à Charlottenburg (All). Résidant 90, rue de Verdun à Carcassonne

    Szapiro Meyer, né le 5 octobre 1892 à Stolin (Pol). Résidant 41, rue du marché à Carcassonne.

    Kempuiski Michel, né le 15 mai 1910 à Kolo (Pol). Résidant 33, rue Trivalle à Carcassonne

    Tryleski Zalman, né le 15 janvier 1895 à Vasoikow. Résidant 38, rue Voltaire à Carcassonne

    Goldreich Ignace, né le 14 février 1900 à Minsk. Résidant 77, rue Barbès à Carcassonne

    Schönbach Schmerel, né le 24 avril 1914 en Pologne. Résidant à Labastide d’Anjou

    Rothscheld Max, né le 14 mars 1878 à Karlsruhe (All). Résidant route de Grazaille (Villa les Amandiers)

    Edelstein Isidore, né le 30 mai 1899 à Galatz. Résidant le 17 de la Reille à Carcassonne.

    Fraenkel Paul, né le 9 avril 1906 à Francfort. Résidant à Ventenac-Cabardès. Engagé volontaire dans la Légion étrangère en 1939-1940.

    Grajek Henri, né le 25 novembre 1907 à Varsovie. Résidant à Espéraza

    Lion Adolphe, né le 9 avril 1878 à Sotern (All). Résidant à Belvis

    Movsoricius Dovidas, né le 25 décembre 1899 à Ukmerge (Lithuanie). Résidant 12, rue du pont vieux à Carcassonne

    Goldberg Rubin, né le 3 janvier 1908 à Mieler. Résidant à Quillan.

    Ces quatre derniers ont bénéficié d’une mesure administrative car leurs enfants étaient nés en France. C’est la raison de leur non arrestation. Tous les autres ont miraculeusement échappé à la rafle.

    Sources

    Archives de l'Hérault : 18W283, 84W346, 18W227

    Mémorial de la Shoah

    Filae, Généanet

    Holocaust survivors

    Crédit photos

    Historyscope

    Mémorial de la Shoah

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  • Tout le monde n'avait pas été Résistant...

    Durant la dernière semaine du mois d'août 1944, un esprit de vengeance s'empara du département de l'Aude à l'encontre des miliciens et des collaborateurs des nazis. Ils avaient agi pour le compte du gouvernement de Vichy, dirigé par Pierre Laval sous l'autorité du maréchal Pétain. Le bras séculier de la justice n'allait pas tarder à rattraper ceux qui avaient porté les armes contre les maquis, ou dénoncé résistants et juifs. Aussi étrange que cela puisse paraître, on n'eut pas de mal à les débusquer chez eux. Après la dissolution de la milice de l'Aude, les lampistes s'en étaient retournés dans leurs fermes ou châteaux. Avec naïveté, ils n'avaient sans doute pas mesuré la gravité de leurs fautes. Leurs chefs, quant à eux, avaient obtenu un passeport pour l'Argentine via l'Espagne grâce au concours de Franco. Ils ne furent jamais inquiétés lorsqu'ils revinrent en France après les lois d'amnistie des années 1950. Leurs subordonnés et quelques sous-chefs furent cueillis et incarcérés à la maison d'arrêt de Carcassonne dans l'attente de leur jugement.

    Par arrêté du préfet Jean Augé en date du 31 août 1944, la cour martiale fut instituée, s'appuyant sur la loi du 9 août 1849 sur l'état de siège. 

    Article 1

    Il est intitulé dans le département de l'Aude une cour martiale à laquelle seront déférés les infractions ou agissements ayant eu pour but ou pour effet de nuire au Peuple français, notamment les actions contre les patriotes français, les agents de la Résistance, les dénonciations faites à l'ennemi et les relations avec celui-ci, les attentats sur les immeubles privés et édifices publics ainsi que sur les personnes, les vols de biens appartenant à la Nation, ainsi que les infractions graves à la législation sur le marché noir.

    Article 2

    La cour martiale est composée d'un président, de quatre assesseurs, d'un commissaire du Gouvernement et d'un greffier. Tous ces membres sont désignés par le commandant des FFI.

    Article 3

    Les individus arrêtés seront déférés à la cour martiale par décision du commandant des FFI, ordre qui vaudra mandant de dépôt au d'arrêt.

    Article 4

    La Défense ne pourra être représentée devant la cour martiale que par un défenseur désigné d'office par le Président de cette Cour. L'inculpé aura la faculté d'y renoncer. Les débats auront lieu à huis clos.

    Article 5

    La cour martiale est compétente pour apprécier toutes les infractions commises dans le département de l'Aude ; elle connaîtra également des faits reprochés à tout individu domicilié dans le même département.

    Article 6

    L'inculpé renvoyé par décision du commandant des FFI devant la cour martiale sera amené devant cette juridiction pour être jugé sans citation et sans délai.

    Article 7

    Le jugement sera rendu à la majorité des voix ; il sera exécutoire immédiatement et ne sera susceptible de recours que devant le commissaire régional de la République. Ce recours devra être formé dans l'heure suivant le jugement.

    Article 8

    Les peines que prononcera la cour martiale seront celles prévues au Code Pénal. Si la cour se déclare incompétente, elle pourra maintenir l'inculpé en détention jusqu'à la saisie d'une nouvelle juridiction. Ses décisions seront affichées à la porte du domicile du condamné et de la mairie du lieu du siège de la cour martiale pendant un mois et publiés par voie de presse.

    Article 8

    La cour martiale pourra siéger dans toute localité de son choix.

    Contrairement à certaines idées transportées par les ennemis de la République, il ne s'agissait pas d'un tribunal sauvage dirigé par des communistes. Pour exemple, le commandant FFI Georges Morguleff qui avait remplacé Jean Bringer, avait été chassé par les bolcheviks en 1917 de Russie. C'était un Russe blanc. Par ailleurs, chaque dossier d'inculpé fit l'objet d'une instruction et de dépositions. Le début des audiences de cette cour martiale eut lieu le 1er septembre 1944 dans la salle du tribunal civil de Carcassonne en présence de : Commandant Bousquet (Président), Capitaine Louis Raynaud, Lieutenant Chaumont, Sergent Rancoule, Soldat Montaim, Capitaine Bonfils et du greffier Frontil. Le capitaine Alaux fut désigné comme défenseur.

    Lors de cette première journée, le jugement des six inculpés prononça une relaxe, une peine de Travaux forcés à perpétuité et quatre peines capitales. A chaque fois, les condamnés à mort sollicitèrent un recours en grâce. Toujours rejeté par le commandant des FFI dans l'impossibilité d'obtenir l'avis du Commissaire régional de la République, en raison de l'éloignement et du manque de communications. Il semble que l'urgence de l'exécution de la peine prévalut sur les droits du condamné. Nous citerons le cas, d'un pète et de son fils, l'un condamné aux Travaux forcés et l'autre relaxé. Leur retour à la prison, entre les mains de résistants de la 25e heure, les fit passer à trépas après d'abominables tortures. Quant à ceux qui attendaient le peloton, c'est atrocement mutilés qu'il s'y présentèrent. On leur passa les pieds et les mains dans la presse à copier.

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    Exécution au champ de tir de Romieu

    Ces suppliciés furent amenés sur un camion devant le mur du bâtiment de l'ancien manège, à la caserne Laperrine. Là, les attendaient leurs cercueils soigneusement alignés. Après s'être assis sur celui qui leur était destiné, chacun son tour ils allèrent brièvement se confesser auprès d'un prêtre (l'abbé Auguste-Pierre Pont) avant d'être passés par les armes. La foule, enivrée de vengeance, vociférait autour d'eux comme aux heures les plus sanglantes de 1793. Le plus jeune des fusillés n'avait que 21 ans. Il avait payé pour avoir tiré sur des maquisards de son âge lors d'expéditions répressives avec les Allemands. Le spectacle, si l'on peut dire ainsi, attisa tellement les haines que l'on finit par sursoir les exécutions en ville. Dans les mois qui suivirent, les condamnés furent fusillés sur le champ de tir de Romieu.

    Ce dernier paragraphe m'a été raconté par mon père. Il avait sept ans ; il a tout vu. Etait-ce un spectacle pour un enfant ? Pourtant, mon grand-père l'avait amené voir l'exécution de ces miliciens. Il faut replacer tout cela dans le contexte d'une époque de souffrances, de trahisons, de haine et de peur. La fin d'une guerre civile ou les français se dénonçaient entre eux. Mon père en fit des cauchemars pendant très longtemps.

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  • Julien Coudy a-t-il dénoncé le maquis de Belcaire en 1943 ?

    Nous avons trouvé un document aux archives de l'Hérault dans le dossier d'accusation de Robert Joseph, collaborateur notoire, condamné pour trahison en 1946 à Montpellier. Si le milicien Kromer, marchand de jouet, fut exécuté par un commando de résistants pour avoir renseigné la Gestapo sur les réfractaires de Belcaire et de Camurac, il apparaît que lui-même l'a été par un jeune de 19 ans, né à Carcassonne en 1924. Le document dactylographié dont nous reproduisons ci-dessous est signé de Pierre Escudey et tamponné du Haut commandement Français - DGER. Le commissaire de police Escudey travaillait à l'hôtel de police de Carcassonne ; il était agent du renseignement de la Résistance. Dénoncé, il fut arrêté par René Bach le 10 janvier 1944. il est mort en déportation en janvier 1945.

    En octobre 1943 ayant été obligé, avec tous mes camarades de quitter le camp de Rad à cause du mauvais temps (neige et froid), et de la prise de trois de mes camarades qui effectuaient des passages en Espagne, nous nous sommes réfugiés dans la cabine de Mazuby (Aude), située à trois ou quatre kilomètres du village portant le même nom, et qui appartenait au vacher. Trois ou quatre jours après notre installation, une jeune fille accompagnée de son fiancé, est venue nous avertir que le lendemain matin, des miliciens et des gardes mobiles viendraient nous arrêter.

    A ce moment-là, comme trois de mes camarades sur cinq que nous étions étaient partis accomplir un stage dans un camp d'instruction, et de plus, n'ayant pour toutes armes qu'un fusil de chasse et un colt, nous avons jugé qu'il était impossible  de nous défendre, et avons été obligés de nous réfugier dans un village des environs. Par suite, j'ai appris que la Milice et les gardes mobiles étaient effectivement montés le lendemain matin, un lundi, pour voir si nous étions encore là. Cette opération de police a été effectuée à la suite d'une dénonciation qu'à fait Julien Coudy, habitant Carcassonne, boulevard du commandant Roumens, en vacances chez son oncle Cazals. L'ayant rencontré, Julien Coudy lui dit qu'il était sûr que les réfractaires se trouvaient dans la cabane de Mazuby, et qu'il allait s'occuper d'eux. Cet individu, qui ne vient à Carcassonne que pour passer ses vacances, habite à Paris, 9 avenue Émile Deschanel, Paris VIIe.

    Ce julien Coudy est le Franc-garde dont nous n'avions pas pu retrouver la trace dans l'affaire de Belcaire, où en décembre dernier il y a eu un mort et cinq déportés en Allemagne, à l'issue d'une descente de la police allemande dans ce village. C'est ce Coudy, alors qu'il était en vacances à Mazuby, qui s'est rendu compte qu'il y avait des réfractaires dans les environs de Belcaire. Il vint à Carcassonne en avertir la milice, retourna à Belcaire avec le nommé Robert Joseph, employé chez Cathala; marchand de graines à Carcassonne. Robert retourna ensuite avec Kromer à Belcaire. Ils se firent passer pour des gens qui désiraient prendre le maquis. Kromer dirigea l'expédition allemande. Il est à remarquer que ce nommé Coudy, qui passe ses vacances dans la région occupait bien son temps. Pendant les dernières vacances de Pâques, il est entré en relations avec une jeune fille, étudiante, dont les parents sympathisants avec la Résistance, recevaient chez eux des membres de cette organisation. Il a passé tout son temps avec elle ; il a effectué en sa compagnie de nombreuses promenades. Tout laisse supposer qu'au cours de conversations adroites, et par certaines questions assez précises, il a pu obtenir des renseignements assez sûrs pour diriger une nouvelle opération. Individu particulièrement ambitieux, étudiant en droit, vise à devenir Ambassadeur. Il est toujours armé.

    Un seul témoignage ne pouvant à lui seul constituer une preuve, nous avons retrouvé celui du milicien Sarda, passé en jugement et interrogé après la Libération : 

    « Sans pouvoir préciser la date, courant août 1943, en qualité de milicien, j’avais pour mission d’effectuer une enquête concernant le sieur Vacquié, de Camurac. cet ordre m’avait été donné verbalement par le milicien Coudy Julien, qui fréquentait Mazuby et en particulier, la famille Cazals Louis. Cette enquête avait pour but de démontrer les agissements et les relations qu’avait Vacquié, vis à vis de la Résistance. En possession de ce renseignement, j’ai cru faire mon devoir de prévenir Vacquié, et me rappelle très bien lui avoir dit que pour mon compte, il ne serait pas inquiété.

    C’est en qualité de milicien, que le nommé Coudy s’était confié à moi, puisque la veille, j’avais adhéré à la milice, sur les conseils du sus-nommé. Il s’agissait de savoir s’il était de notoriété publique, que Monsieur Vacquié, ravitaillait et hébergeait des réfractaires, et s’il était l’agent de renseignements pour livrer passage aux résistants qui voulaient se rendre en Espagne. En ce qui concerne les recherches du nommé Coudy, je ne puis vous donner de précisions. »

    Au cours de la déclaration que le Dr Martre, maire de Belcaire, fit le 6 mars 1945 devant le Commissaire de la police à la surveillance du territoire, il déclara :

    Au cours de vos déclarations, vous nous citez le nommé Coudy. Quel a été son activité à Belcaire ?

    • A Belcaire son activité a été nulle, car le président de la Légion le sieur C, n’a pas accepté les propositions faites par Coudy, pour le recrutement de la Milice. L’activité de Coudy a surtout été effective à Camurac, où il a réussi à créer un mouvement milicien, qui comptait trois adhérents, les nommés G. Alfred, G. Benjamin et M.

    Etes-vous au courant de l’opération effectuée par la Gestapo à la cabane de Mazuby située à trois ou quatre kilomètres du village du même nom ?

    • J’ignore tout de l’opération effectuée par la Gestapo au lieu indiqué, cependant je dois vous déclarer qu’étant allé aviser le maquis de Campagne de Sault, de ce que la police devait les cerner, les membres de ce maquis m’ont dit que cette opération devait être due à une dénonciation faite par Coudy. j’ignore si Robert a joué un rôle dans cette affaire là, toutefois cela n’est pas impossible.

      Qui était Julien Coudy ?

      Né le 20 janvier 1924 à Carcassonne, Julien Coudy s'engagea à la Libération avec le 81e régiment d'infanterie dans l'armée Rhin et Danube. On lui octroya la Croix de guerre 39-45. Son parcours universitaire : Docteur en droit et avocat à la cour d'appel de Paris.– professeur honoraire à la Faculté catholique de Droit de Lille, – directeur général honoraire du Groupe ESSEC, – prix Paillet (1952), – auteur de : L’action de l’Ordre du Clergé au Conseil du Roi (thèse, Paris, 1952) ; – Les Guerres de religion (Julliard 1962), – La chute de l’Empire romain (Julliard 1967). Julien Coudy est décédé en 2012 et inhumé à Boutenac.

    On pourra lire l'article ci-dessous

    http://musiqueetpatrimoinedecarcassonne.blogspirit.com/archive/2017/10/19/l-arrestation-de-belcaire-et-camurac-par-la-gestapo-d-apres.html

    Sources

    59W101 / Archives départementales de l'Hérault.

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