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Peintres et sculpteurs - Page 20

  • La place Carnot en 1858, par l'architecte Louis Boitte (1830-1906)

    Qui sait si ce n'est pas la plus ancienne représentation connue de la place aux herbes de Carcassonne, que j'ai le plaisir de vous faire découvrir aujourd'hui. Ce lavis porte au crayon la mention suivante :

    Place de Carcassonne, 2 novembre 1858

    Il est signé par l'un des plus éminents architectes français du XIXe siècle

    Louis François Philippe Boitte

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    Au centre de la place, la fontaine en marbre avec Neptune. Le roi des eaux tourne le dos au peintre ; ceci nous donne une indication sur la position dans laquelle il se trouvait au moment du dessin. Il se peut fort bien qu'il était attablé à la terrasse du café qui a précédé l'établissement Julien Not. C'est aujourd'hui, le Crédit agricole.

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    Les néréides supportant la vasque ainsi que les dauphins sont remarquablement représentés. Un détail cependant attire l'oeil... Boitte a dessiné entre les dauphins et le grand bassin, un jet d'eau qui n'existe pas sur l'actuelle fontaine. Est-ce une vue de son esprit ou bien a t-il disparu depuis ? Autre élément troublant : le trop plein d'eau s'écoule au-dessus de la vasque et retombe dans le grand bassin. Ceci peut nous apprendre bien des choses sur le fonctionnement de cette fontaine à cette époque.

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    Louis Boitte à la Villa Médicis

    © Musée d'Orsay

    Louis Boitte naît à Paris en 1830 et entre à l'âge de 17 ans à l'école des Beaux-arts. Après ses études, il voyage énormément et se prépare à passer le concours du Grand prix de Rome, qu'il obtient en 1859. On peut supposer sans crainte de se tromper, que Louis Boitte arrive à Carcassonne par le train depuis la gare d'Austerlitz sur la ligne des Chemins de fer d'Orléans et du Midi. Peut-être se rendait-il en Italie pour passer son concours, quand il fit une halte à Carcassonne pour visiter la Cité médiévale promise aux restaurations de Viollet-le-duc.

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    Vue des remparts ouest de la Cité médiévale

    © Médiathèque du patrimoine

    Le dessin ci-dessus signé par Louis Boitte semble être de la même époque, puisque Violet-le-duc restaure cette partie de la Cité à partir de 1855. La tour carrée de l'évêque est achevée, alors que la Porte d'Aude et le château comtal sont encore à l'état de ruine.

    Les techniques des architectes

    Tous les grands architectes du XIXe siècle maîtrisent l'art du dessin ; cela leur permet d'étudier au plus près les éléments à restaurer. De nombreux dessins de Louis Boitte sont des études réalisées durant son long séjour de quatre ans à la Villa Médicis : ruines de Pompéi, temples romains, statues, etc... Comme son illustre confrère Eugène Viollet-le-duc, il se servira de cette technique pour restaurer le château de Fontainebleau, dont il devient l'architecte en chef en 1877. En 1959, sa famille lègue son important fonds documentaire au Musée château de Fontainebleau ; il sera déposé au Musée d'Orsay en 1986.

    Ce lavis représentant la place aux herbes de Carcassonne est actuellement en vente sur ebay.fr. Il serait peut-être intéressant que la ville de Carcassonne en fît l'acquisition pour la collection de son musée des Beaux-arts. Ce serait dommage qu'un tel document aille alimenter un fonds privé qui sera inaccessible au public pour de très longues années...

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    © Tous droits réservés/ Musique et patrimoine/ 2016

  • La visite du peintre Edgar Degas à Carcassonne en 1890

    Le célèbre peintre impressionniste Edgar Degas (1834-1917) se trouve dans la station thermale de Cauterets à la fin du mois d'août 1890.

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    Comme beaucoup de personnes de la "bonne société", il est d'usage de prendre les eaux à cette période de l'année. Le mercredi 3 septembre, il prend le train à Pau pour se rendre à Genève en Suisse et envisage de s'arrêter à Carcassonne dans le but de visiter la Cité médiévale. Ce sont surtout les restaurations de Viollet-le-duc qui attirent la curiosité du peintre. Le voyage ne se déroulera pas selon son plan initial, puisque Degas pris par la faim, fera halte à Toulouse à 6 heures et demi du soir. Ceci l'obligera à attendre jusqu'à 11 heures, un nouveau train en direction de Carcassonne qu'il atteindra seulement deux heures plus tard.

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    © Martial Andrieu

    L'hôtel Bernard en 1914

    Il se couche à l'hôtel Bernard (actuelle Résidence de l'officialité) situé dans la Grand-rue (rue de Verdun), vers 1 heure du matin et se lève une heure plus tard que l'horaire prévu. De sorte qu'il n'a pas pu se rendre par le service de voiture de l'hôtel Bernard, à la Cité et repartir de Carcassonne par le train de 9 heures et demi.

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    Degas s'installe à la terrasse du futur café Not (aujourd'hui, agence bancaire) sur la place Carnot. Il sirote une anisette tout en écrivant une lettre à son ami, le peintre Albert Bartholomé :

    "Je tiens à vous écrire dans ce lieu et devant le marché ombragé par de beaux platanes."

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    La place aux herbes en 1890

    Il est 10 heures et demi du matin. Degas repartira vers Cette en direction de Genève à 1 heure de l'après-midi, après avoir déjeuné à l'hôtel Bernard. De ses impressions sur Carcassonne, il indique :

    "Je repartirai de ce lieu qui ne me déplaît pas"

    Il n'a malheureusement pas posé son chevalet à Carcassonne. Qui sait s'il n'a pas pris un cliché de la Cité, car Degas comme beaucoup de ses collègues s'était pris de passion pour la photographie. Cette visite serait passée inaperçue sans le courrier envoyé à Bartholomé. La bibliothèque municipale de Carcassonne en conserve l'original dans ses archives. Nous espérons qu'après le déménagement à Montquiers et l'épisode malheureux du désherbage de 2010, elle s'y trouve encore.

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    Ce courrier se trouve dans l'ouvrage édité chez Grasset en 1931

    "Lettres à Degas"

    Livre

    Edgar Degas / Natalia Brodskaya

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    © Tous droits réservés/ Musique et patrimoine/ 2015

  • Ginette Lauer (1914-2001), mécène et femme de lettres

    Après une conférence de René Nelli sur Joë Bousquet en 1961 dans la salle des fêtes de la mairie, le journaliste du Midi-Libre acheva son article par cette phrase 

    "Il faut remercier la Société des Belles Conférences et féliciter Madame Ginette Lauer de maintenir à Carcassonne une certaine primauté des valeurs de l'esprit. De nos jours, il faut sauver l'intelligence."

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    Née en novembre 1914 - seulement quelques mois après le début de la Grande guerre - Ginette Lauer épouse ensuite Jacques-Ernest Lauer, le dernier représentant de la brasserie Fritz Lauer fondée au XIXe siècle dans le quartier de la Trivalle. Cette femme cultivée et élégante - lauréate à 16 ans des Jeux floraux de poésie - fut des nombreux visiteurs de la chambre de Joë Bousquet, après s'être occupée bénévolement de la bibliothèque municipale avant guerre. Elle s'investit ensuite pleinement dans les domaines artistiques, à la fin des années 1950. A t-on oublié qu'elle fut à l'origine de la création du Festival de la Cité, dont elle assurait la gestion administrative aux côtés de Jean Deschamps ? Le compagnon de route de Jean Vilar participa avec Henri Castella et  Clément Cartier à l'ouverture de Fontgrande, au pied de la Cité. Ce domaine - propriété actuelle de Christine Pujol - avait été acquis par Ginette Lauer ; il fut le lieu d'exposition et de concerts de nombreux artistes. Parmi eux, le jeune débutant Henri Gougaud animait de ses textes et avec sa guitare quelques soirées.

    Portons au crédit de Madame Lauer son dévouement au sein des Jeunesses Musicales de France avec Robert Meynard et Louis Signoles.

    La galerie Mistral

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    © chroniques de Carcassonne

    La librairie de la Cité vers 1990

    Vers 1957, Ginette Lauer rachète la librairie de la Cité - rue G. Clémenceau - à Vitalis Cros.  La vente de livres est conservée au rez-de-chaussée et une galerie d'art s'implante au premier étage dans un cadre feutré. L'accès se fait depuis la rue Frédéric Mistral dont elle empruntera le nom. On se souviendra de Charles Castres, le charismatique vendeur de cette librairie.

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    Jean Cau dédicace "La pitié de Dieu" (Prix Goncourt), à la librairie Mistral en 1961

    Le 28 avril 1961, la galerie est inaugurée après son agrandissement et sa rénovation. Tout a été repensé : éclairage, suspensions par chaînettes à crémaillères, meubles de style... Jean Deschamps et Henry de Monfreid honorent de leurs présences cet évènement. Les oeuvres de Georges Artemoff sont en vedette, ce jour-là.

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    Exposition Gérard Calvet en février 1962

    Au centre, le poète Jean Lebrau entouré de Ramon Marti et de Gérard Calvet

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    Exposition Toulouse-Lautrec et Tiné

    À gauche, M. Hussenot, le mari de Tiné, parle à un groupe de jeunes des sculptures de sa femme. Accrochées au mur, les toiles abstraites de Lautrec.

    La galerie Mistral exposa des peintures, tapisseries, dessins, lithographies et céramiques. Parmi les peintres de renom : Pierre Palué, Desnoyers, Brayer, Lhotte, Simone Oddou, Camoin, Lotiron et Gromaire, Max Savy, Declaux, Bardou, De Galkeim. Ajoutons les gravures sur bois de Jean Camberoque et la céramique de Saint-Avit. Bien entendu, les visiteurs pouvaient acquérir des oeuvres pour un prix allant de 12000 à 15000 nouveaux francs.

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    © Charles Camberoque

    Gravure sur bois de J. Camberoque

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    Exposition Moussia de Saint-Avit (1961)

    Moussia s'entretient avec M. Jules Fil (Maire de Carcassonne) accompagné par son épouse. À gauche, M. Joulia (adjoint au maire)

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    Armand Meffre, peintre et acteur

    Ginette Lauer s'éteint à l'âge de 87 ans en novembre 2001 à Saint-Didier (Vaucluse). Nous espérons par cet hommage que de nombreux Carcassonnais se souviendront et que d'autres, connaîtront désormais le nom de cet illustre femme d'esprit.

    Merci à sa fille Bénédicte pour l'ensemble de ses archives

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