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Musique et patrimoine de Carcassonne - Page 97

  • Pierre Cabot (1918-2019), le dernier collègue d'Aimé Ramond est mort

    C’était le dernier des fonctionnaires du commissariat de police de Carcassonne à avoir côtoyé l’officier de paix Aimé Ramond. Sans aucun doute, le seul survivant qui, à l’âge de 101 ans, pouvait encore évoquer le souvenir de ce martyr de la Résistance exécuté à Baudrigues le 19 août 1944. Pierre Cabot, inspecteur de police judiciaire, s’est éteint chez lui à Villemoustaussou le 17 décembre dernier dans le silence le plus complet. Cet homme discret s’est éclipsé avec le même zèle que celui qu’il appliquait pour traquer les malfaiteurs, lorsqu’il les filait à bicyclette ou avec sa voiture personnelle dans Carcassonne. Pierre Cabot, « au nom prédestiné » comme s’amusait à le décrire Me Pédron lors des audience au tribunal lorsqu’il défendait ses clients en mimant la queue d’un chien, était l’as de la filature et reniflait les truands de loin.

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    © Droits réservés

    Pierre Cabot chez lui en 2012

    Né à Valras dans l’Hérault le 27 septembre 1918 dans une famille de viticulteurs, M. Cabot effectuait d’abord ses études primaires à l’école de Montblanc. Après quatre années d’internat à l’Ecole Pratique Supérieure de Saint-Pons-de-Tomières, il décroche un C.A.P de d’ajusteur mécanicien puis travaille à l’usine Fouga à Béziers. Lorsqu’éclate la Seconde guerre mondiale, au moment où il se trouve sous les drapeaux, Pierre Cabot se retrouve à l’armurerie de son régiment. Démobilisé en 1940, il retourne à la vie civile sans emploi, sans projet, sans argent. Répondant alors à un annonce de concours, il entre à l’école de police avant d’être affecté au commissariat de Montpellier en 1942. Il est ensuite envoyé à Carcassonne en 1943 comme inspecteur stagiaire et rejoint les bureaux de la section judiciaire, au rez-de-chaussée du 11 avenue Arthur Mullot. Pierre Cabot n’a pas beaucoup de chemin à faire pour se rendre à son travail ; il loge 31, square Gambetta.

    Cabot Pierre

    L'officier de paix Ramond, héros de la Résistance

    A l’instar de tous ces collègues, il côtoie l’Officier de Paix Aimé Ramond dans le cadre de ses fonctions. Jamais Pierre Cabot ne se rangea comme beaucoup de policiers du commissariat du côté de la collaboration ; ceci est attesté par les dossiers de l’épuration que j’ai consultés. Il est décrit comme ayant d’assez bonnes aptitudes, dévoué et n’ayant aucune activité connue contre la Résistance. Tout ceci m’a été confirmé par l’intéressé lui-même quand je me suis entretenu avec lui, voilà maintenant un an. Pierre Cabot ne s’est jamais fait valoir auprès de moi comme ayant fait preuve d’un grand courage pendant la tourmente de l’Occupation. Il a rendu des services à Aimé Ramond en dissimulant des papiers, en faisant passer des documents. De son point de vue, le courageux et le héros c’était cet officier de paix qui, au mépris des risques, donnait de sa personne pour libérer le pays du joug des nazis. Dans combien de situation Ramond a-t-il sauvé la vie de résistants en passe d’être arrêtés ? On ne le saura jamais, mais sûrement un grand nombre. Pourtant, toujours selon Pierre Cabot, le service ressemblait à un panier de crabes dans lequel il était difficile de séparer le bon grain de l’ivraie. Si Ramond n’a jamais trahi ses collègues, il en est qui ne vécurent pas avec la conscience tranquille après le 19 août 1944. Là encore, cela reste l’un des secrets les mieux gardés de Carcassonne. Des fonctionnaires de police zélés pour faire respecter à la lettre les directives de l’Etat-Français, on en trouva pour rafler les juifs installés à Rennes-les-bains. Beaucoup parmi eux furent épurés et rayés des cadres de la police en 1945, mais aussi beaucoup de chefs passèrent à côté et trouvèrent l’aubaine d’une mutation dans un autre département. A ce sujet, M. Cabot n’avait guère de bons sentiments et même de la détestation pour un dénommé Bianconi. En revanche, l’inspecteur Germanaud, agent du réseau Gallia, avait toute son admiration.

    Après la Libération, notre policier se marie avec Joséphine Badia dont il aura deux fils, Serge et Hervé. Il est également promu inspecteur sous-chef de la sûreté en 1949. Au service de la République et de l’état de droit retrouvé, il fait preuve de grande qualité dans les résolution des enquêtes dont il a la responsabilité. A cette époque, le commissaire Garnon fait son entrée au commissariat de Carcassonne et va être confronté à l’affaire Cannac. A ce sujet, Pierre Cabot m’a confié avoir considéré Emile Delteil comme un honnête homme ; je respecte son point de vue même si je ne le partage pas.

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    © Archives de la famille Garnon

    Les inspecteurs Ribeiro, Roby, Cautenet, Fontès, Bargeton, Cabanié et Cabot. Au bureau, le commissaire Garnon. Jean Cautenet avait été membre du Corps Franc Lorraine (Maquis de Villebazy)

    Au cours de sa carrière, Pierre Cabot a réalisé plus de mille arrestations bien souvent dans des situations rocambolesques. Michel Sawas qui l’avait consacré un article pour le Petit journal en 2018 avait obtenu le récit du cambriolage de la bijouterie Millet : « C’est en circulant à vélo, la nuit, qu’il a vu deux types avec un gros sac se diriger vers la gare. Il les a suivis et coffrés avec l’aide d’une paire d’agents. »

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    A droite, Pierre Cabot lors d'une arrestation

    Ainsi était Pierre Cabot qui, après une retraite méritée en 1973, alla s’installer dans un pavillon à Villemoustaussou avec son épouse jusqu’à son décès le 17 décembre 2019 à l’âge de 101 ans. Avec lui, c’est une grande page du livre d’or de la police Carcassonnaise qui s’est refermée.

    Sources

    Entretien personnel avec Pierre Cabot

    Le Petit Journal / Michel Sawas

    La dépêche

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  • Auguste Cotte, bandagiste dans la rue de Verdun en 1904

    Auguste Cotte né le 21 février 1867 à La Mure (Isère) avait quitté son pays natal pour s'installer à Carcassonne avec son épouse Delphine Jacquier. Il ouvre en 1904 au n°33 de la rue de Verdun, un commerce spécialisé dans les bandages de précision "capables de contenir la hernie sans souffrance dans toutes les positions et tous les travaux." On y vend également de l'optique médicale, tels que lunettes et pince-nez.

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    De l'union des époux Cotte, était né à Crest (Drôme) leur fils unique Georges, le 21 juillet 1896. Promis à un bel avenir après de brillantes études à Paris et un concours d'entrée réussi à l'Ecole Centrale, la déclaration de la Grande guerre en 1914 mit un terme aux ambitions universitaires de Georges. Il revint de ce conflit meurtrier avec le grade de lieutenant d'artillerie. En 1918, Georges Cotte n'eut pas d'autre choix que de travailler avec son père comme bandagiste, mais sa passion s'exprimait ailleurs. Notamment dans la peinture où plusieurs de ses toiles signées sous le pseudonyme de Leka, furent primées. Dernièrement, l'exposition consacrée aux artistes Audois au Musées des Beau-arts de Carcassonne permit d'admirer le talent de Cotte. Un jour, peut-être, ressortira t-on des tiroirs la Messe de Requiem, que ce musicien écrivit lorsqu'il dirigeait les Choeurs de la cathédrale. Comme cela ne suffisait pas, cet homme vouait également sa vie aux mathématiques qu'il enseignait à l'école privée Saint-Stanislas. Ajoutons à cela, la présidence qu'il exerça à la Société des Arts et des Sciences de Carcassonne de 1969 à 1982. "Il est comme un couteau de poche à plusieurs lames dont aucune ne coupe", disait son père avec sévérité.

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    Georges Cotte à la baguette lors d'une répétition de son Requiem

    Après avoir succédé à son père comme bandagiste en 1946, Georges Cotte s'associa avec Jean Brunon. Ce dernier, originaire de Saint-Etienne et diplômé de l'Ecole Nationale d'Optique, s'était marié une Carcassonnaise, Mlle Malacan. Féru d'histoire et d'archéologie, Jean Brunon participa en 1956 aux premières fouilles d'un site de l'Haute-Vallée de l'Aude qui fit couler beaucoup d'encre.

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    © Carlos Recio

    Ce magasin successivement désigné sous les noms de "Cotte bandagiste", "Cotte et Brunon", "Brunon opticien", situé au rez-de-chaussée d'un hôtel particulier du XVIIIe siècle reste encore dans la mémoire de certains Carcassonnais. Dominique Brunon, la fille de Jean, prit sa succession jusqu'à sa retraite.

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    Depuis ce temps, beaucoup de locataires se sont succédé à cet endroit où le souvenir de Cotte s'efface inexorablement.

    Sources

    Etat-Civil / ADA 11

    La dépêche / 13 février 1997

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  • L'aventure EINSTEIN, Exposciences régionale à Carcassonne de 1988 à 2000

    Dès 1981, Guy Anduze fonde avec quelques amis passionnés le Club d’astronomie de la M.J.C de Carcassonne « Alpha Centauri ». Ce dernier dispose toujours d’un observatoire astronomique performant doté d’un télescope de 400 millimètres de diamètre installé d’abord à Malras puis à Cailhavel. C’est ainsi que débuta la conquête spatiale à Carcassonne à travers diverses manifestations scientifiques organisées par la Maison des Jeunes et de la Culture, comme les Rencontres sur les techniques de détection optique en astronomie amateur au mois de septembre 1984. Cet évènement organisé à six reprises, d’abord dans les locaux de la MJC puis à la Salle du Dôme, réussit à drainer 1350 congressistes de neuf pays différents.

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    Jeffrey Hoffman corrige en 1993 le télescope Hubble dans l'espace

    Après avoir été à l’origine du collectif inter-associatif qui l’organisait, Guy Anduze eut l’idée d’organiser sur le modèle des exposciences du Québec, la première Exposciences Régionale EINSTEIN à la Salle du Dôme de Carcassonne en 1988. Nées au Québec dans les années 1960, les exposciences se développèrent en France à partir de 1985. Cette année-là, à l’initiative de l’ANSTJ (Association Nationale Sciences Techniques Jeunesse), les plus grandes associations françaises de jeunesse et déduction populaire, regroupées au sein du CIRASTI, réunirent à Toulouse 830 jeunes provenant de 34 pays  à l’occasion du Premier rendez-vous mondial des sciences et de la jeunesse. Dans la foulée, les premières exposciences régionales françaises virent le jour en Midi-Pyrénées, Bretagne et Rhône-Alpes. C’est ainsi que Carcassonne accueillit cette première manifestation en Languedoc-Roussillon du 25 au 29 mai 1988.

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    EINSTEIN, acronyme de Exposition Inter-associative Sciences Techniques Et Industries, devint donc la référence régionale en matière scientifique. Tous les deux ans, avec un budget de 500 000 francs alloué par divers partenaires : ville, département, région, ministère de la recherche, DRAC, Jeunesse et sports, rectorat, ANVAR, EDF-GDF, etc. Jusqu’en 2000, ce sont 5000 jeunes qui ont exposé 500 projets scientifiques et techniques dont beaucoup furent primés et représentèrent Carcassonne dans des exposciences à l’international organisées par le MILSET : USA, Canada, Tunisie, Maroc, Koweit, Portugal, Afrique du Sud, etc.

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    La nébuleuse de l'Aigle

    En 1994, Guy Anduze organisa une grande exposition dans la Tour Narbonnaise à la cité pour commémorer les 25 ans des premiers pas de l’homme sur la lune. EINSTEIN avait accueilli cette année-là plusieurs milliers de scolaires lors de visites commentées, au milieu de 70 photos grand format de la NASA. Serge Chevrel - astronome à l’observatoire de Midi-Pyrénées - était allé sélectionner spécialement ces clichés à Houston aux Etats-Unis, une maquette à l’échelle du site d’alunissage d’Apollo 11, des vidéos des missions lunaires, des échantillons de sol lunaire et le drapeau français qui avaient fait le voyage aller-retour vers la lune en 1969.

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    Jeffrey Hoffman en 1993

    L’idée était également de faire venir à Carcassonne de prestigieux invités pour valoriser les projets exposés pendant EINSTEIN par des milliers de jeunes. A ce titre, trois Prix Nobel de physique français se déplacèrent à Carcassonne pour donner des conférences au théâtre municipal : Pierre-Gilles de Gennes, Georges Charpak et Claude Cohen-Tannoudji.

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    Jeffrey Hoffman à la Salle du dôme en 2000

    En 2000, dans le cadre parallèle des « Rencontres Jules Verne pour ouvrir le XXIe siècle », trois grands chercheurs et explorateurs vinrent à la rencontre des 800 jeunes exposants : le mathématicien Christophe Yoccoz, le paléoanthropologue Henry de Lumley (découvreur de l’homme de Tautavel en 1971) et l’astronaute américain Jeffrey Hoffman. Guy Anduze raconte comment il réussit à faire venir le grand spationaute :

    Je savais que Jeffrey Hoffman, retiré du corps des astronautes actifs de la NASA après ses cinq fabuleux vols spatiaux, était basé à Paris dans les locaux de l’ambassade américaine puisqu’il était en 2000 le représentant de la NASA en Europe. Je lui avais donc envoyé une invitation écrite à l’ambassade et n’ayant pas reçu de réponse, j’avais plusieurs fois téléphoné à sa secrétaire sans succès. Entre noël 1999 et le nouvel an, j’ai retenté ma chance sans trop y croire et là, miracle, sa secrétaire étant en vacances, il a lui-même décroché le téléphone ! Je lui ai parlé longuement des objectifs d’EINSTEIN que j’organisais depuis douze ans à Carcassonne. Je lui ai aussi signalé que tous les prestigieux chercheurs qui l’avaient visité dans le passé y étaient intervenus gracieusement sans aucune rétribution. Il a été immédiatement enthousiasmé par l’idée et nous avons convenu d’une date. Il parlait un français parfait et la Cité médiévale qu’il ne connaissait pas, m’a beaucoup aidé dans les négociations. Je suis allé le chercher à Salvaza et il a gentiment accepté de passer avec moi à l’Astronaute au Viguier, où Jean-Christophe Garino avait réalisé une gigantesque fresque murale sur le thème de Jules Verne et de la conquête spatiale. Jeffrey Hoffman l’a signée à la peinture blanche : « Jeffrey Hoffman - NASA - 30 mai 2000 »

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    Jeffrey Hoffman fit 795 fois le tour de la terre lors de cinq vols de navettes spatiales (Discovery, Columbia, Atlantis, Endeavour, Columbia) et corrigea la myopie du télescope spatial Hubble en 1993 après 22 heures d’acrobaties lors de la navette spatiale Endeavour. Il anima durant l’exposcience EINSTEIN de Carcassonne, une conférence-débat animée par Bernard Chabbert au Conseil général (Salle des 500) sur le thème « Vivre et travailler dans l’espace »

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    L’astronaute répondit aux questions sans orgueil démesuré : « Je suis très fier d’être l’homme qui a réparé le télescope Hubble, en apesanteur, relié par un simple câble d’acier à la navette spatiale. » Cela vous tenterait-il, un nouveau vol dans l’espace ? « Non, on m’a proposé un sixième vol, mais j’ai tourné la page. Mon poste à Paris m’intéresse. Ce sont les enfants de leur âge qui seront les premiers colons de l’espace. »

    A l’invitation du lycée Jules Fil, le mathématicien Jean-Christophe Yoccoz se plia également à l’exercice de la conférence-débat le 27 mai dans la salle Gaston Defferre au milieu des lycéens.

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    Le passage de la comète de Hale-Bopp au-dessus de la Cité en 1997, photographié par Guy Anduze depuis l'arborétum de Pech-Mary.

    A l’occasion de ce 7e exposciences, le grand public se déplaça en nombre à Carcassonne tout comme les scolaires, venus en autocars de toute la région. Cette affluence fut à mette à l’actif d’une communication ambitieuse : Ida pour créer le logo, mise à disposition du Conseil général et de la ville des affichoirs Decaux, 24 articles dans les trois quotidiens locaux. Une synergie qui s’est perdue lorsque Guy Anduze sollicita davantage de moyens tels au Festival Scientifique comme l’est celui de la BD à Angoulème. Hélas, les batailles politiques - comme il est de coutume dans l’Aude - eurent raison de l’énergie du fondateur qui rendit son tablier et passa la main. 

    Sources

    Archives Guy Anduze que je remercie

    La dépêche du midi / Mai 2000

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