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Musique et patrimoine de Carcassonne - Page 66

  • Inédit ! L'ancienne Banque Commerciale de l'Aude, 31 rue Victor Hugo

    Lorsque l’on se promène à l’intérieur de la Bastide Saint-Louis, on peut être saisi par le nombre de très beaux immeubles aux volets clos. Nous avons souhaité nous intéresser au n°31 de la rue Victor Hugo faisant angle avec la rue Jules Sauzède. Au-dessus de l’imposte de la porte d’entrée figurent encore en lettres gravées : Banque Commerciale de l’Aude. À partir de cet indice, nous avons tenté de redonner vie à cet lieu, aujourd’hui à l’abandon. 

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    Né à Perpignan en 1810, Prosper Montès vient enseigner au Collège de Carcassonne les mathématiques spéciales. En 1838, il se marie avec Marie Loubet qui donnera naissance trois ans plus tard à un fils ; celui-ci deviendra juge au tribunal de Céret. Prosper Montès quitte ensuite le collège et crée une Institution d’enseignement privé au 31, rue du Grand Séminaire. Il s’illustre également comme l’un des fondateurs de la Société des Arts des Sciences de Carcassonne. Cet homme, éprouvé par la perte prématurée de son fils unique, va dès lors laisser l’enseignement et se lancer dans une carrière de banquier. L’Institution Montès est cédée à M. Chosset et l’ancien professeur s’associe avec MM. Raymond Sarraute (négociant) et Charles Louche (banquier) pour former une société d’Escompte et de recouvrement des effets de commerce. Une partie des locaux du numéro 31 est partagée entre l’Institution Chosset et la nouvelle banque. Le 15 novembre 1883, les trois associés se déplacent au 77, Grand rue (rue de Verdun).

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    Le décès le 2 janvier 1890 de Raymond Sarraute oblige les Prosper Montès et Charles Louche à réorganiser la direction de la banque. Désormais la Société Montès et Charles Louche et Cie au capital d’un million 200 000 francs prend le nom de Banque Commerciale de l’Aude pour une durée de dix ans, du 1er juillet 1890 au 31 décembre 1900. Parmi les membres du conseil de surveillance on retrouve de grands négociants et hommes d’affaires Carcassonnais : MM. Louis Bertrand, Pierre Castel, Armand Cavaillès, Edouard Cuin, Léon Delpon, Philippe Magné, Henri Pullès, Charles Ramel et Emile Roumens. Les bureaux reviennent au 31, rue Victor Hugo.

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    Trois ans plus tard, c’est Charles Louche qui, le 13 mars 1893, est emporté par la maladie. Prosper Montès, l’unique fondateur, s’entoure alors de Robert Saurel et de Paul Coste, employés de banque. Un changement qui ne dure pas puisque Prosper Montès s’éteint le 4 juillet 1894 à l’âge de 84 ans. Le 17 juillet 1894, la Banque Commerciale de l’Aude devient Saurel, Coste et Cie suite à un acte de sous seing privé dressé par Maître Bausil, notaire à Carcassonne. L’immeuble de Prosper Montès affermé à la Banque Commerciale de l’Aude jusqu’en 1900 pour 4500 francs annuel est mis alors en vente par ses héritiers. Robert Saurel, son épouse Marie Salvaire et son fils Raymond s’y installent. C’est ce dernier qui reprend les affaires à la mort de son père avec un nouvel associé M. Labrousse puis avec M. Sibra. La Banque commerciale de l’Aude et Banque du Roussillon réunis possèdent des bureaux à Castelnaudary, Limoux et Sigean et deux succursales : la banque Cazaban et Cie à Carcassonne et la banque Joreau et Cie à Narbonne. Ses principes activités résident dans le prêt accordé aux viticulteurs.

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    Agence de la CACB à Orleansville (Algérie)  en 1959

    En 1959, La Compagnie Algérienne de Crédit et de Banque (CACB), fondée en 1948, rachète plusieurs établissements dont la Banque Commerciale de l’Aude et Banque du Roussilon réunis. L’absorption de l’établissement Carcassonnais signe la fin de l’indépendance de la Banque Commerciale de l’Aude fondée en 1890. Il ne reste que plus que le titre sur l’immeuble du 31, rue Victor Hugo et certainement quelques souvenirs dans la mémoire de nos lecteurs.

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  • L'inauguration du Canal des deux mers dans Carcassonne, le 31 mai 1810

    M. De Basville, intendant de la province de Languedoc, après avoir parlé dans on mémoire du 31 décembre 1698, de la perfection de l’œuvre de l’immortel Riquet de Caraman, ajoutait : « Comme il est impossible de ne pas manquer dans de si grandes entreprises, on remarque dans celle-ci une faute essentielle, c’est de n’avoir pas fait passer le Canal dans les fossés de Carcassonne, n’en étant éloigné que d’un quart de lieue. L’utilité du commerce demandait qu’il fut près de cette ville. »

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    Cette faute lourde n’était pas imputable à Riquet. Lorsqu’il conclut la pensée du canal, il proposa aux habitants de Carcassonne de le faire passer auprès de leur ville, à condition qu’ils contribueraient pour une certaine sommes aux frais de l’entreprise. Il s’agissait d’une indemnité de 100 000 francs, qui n’eût été qu’un sacrifice momentané, parce que les administrateurs de cette ville auraient pu solliciter et obtenir du roi la permission de percevoir pendant cinq ans un droit de subvention. Mais ceux qui savent combien l’exécution des grands projets particuliers en opposition avec l’intérêt général, ne seront pas surpris que la ville de Carcassonne ait alors rejeté une proposition aussi avantageuse pour son commerce… Elle sentit plus tard tout l’imprudence d’un pareil refus ; et lorsque les Etats du Languedoc s’occupèrent d’un plan pour remédier aux ensablements périodiques du Canal par la rivière du Fresquel, les habitants de Carcassonne représentèrent, en 1777, que la construction d’un pont-aqueduc nécessitant le tracé d’une nouvelle branche, on pourrait la diriger de manière rapproché de la ville. Ils offrirent d’ailleurs de contribuer aux dépenses d’une entreprise qui devait les faire participer à des avantages qu’on avaient dédaignés dans l’origine. Leur demande fut favorablement accueillie par les Etats, qui, après une étude approfondie, arrêtèrent en 1786 le projet définitif. Les ouvrages furent commencés la même année ; la Révolution vint les interrompre.

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    Le Pont d'Iéna

    La nouvelle branche du Canal des deux mers qui a 7064 mètres de longueur et qu’on appelle Canal de Carcassonne, passe sous les murs de la ville. Elle est à peu près divisée en deux parties égales, par le bassin et l’écluse de Carcassonne. La première de ces parties comprise entre le bassin et l’écluse de Foucaud, forme une seule retenue d’environ 3000 mètres. Le bassin ou port a 11 mètres de longueur et 48 de largeur et présente un parallélogramme arrondi par les angles. A l’extrémité aval est une écluse à sas elliptique sur laquelle est construit le port de Marengo, faisant partie de la route du MInervois. Il y a en outre sur cette retenue, un ponceau-aqueduc destiné à faire passer sous le Canal les eaux du ruisseau l’Arnouse ; un pont à plein cintre d’une grande hardiesse, ayant 17,12 mètres de hauteur depuis la base du Canal jusqu’à la clé (Pont d’Iéna) ; un autre pont qui a 12 mètres d’ouverture et 7,36 mètres de hauteur (Pont de la Paix). La deuxième partie du Canal forme deux retenues, l’une entre l’écluse de la ville et celle de Saint-Jean, l’autre entre cette dernière et le pont du Fresquel, situé à l’extrémité de la nouvelle direction du canal. Il existe deux petits ponts-aqueducs sur la première retenue, un seul pont destiné au service de l’agriculture a été construit sur la seconde ; il est lié aux bajoyers de l’écluse de Saint-Jean.

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    Le plus magnifique des ponts-aqueducs est celui du Fresquel. Il est situé à 2800 mètres, Nord-Est, de la ville de Carcassonne. Ce pont a trois grandes arches sous lesquelles passe la rivière. Les eaux du Fresquel se mêlaient autrement à celles du canal, au grand détriment de la navigation et du commerce. Chargées en effet, à la moindre crue, de sable et de limon, elles formaient dans le lit du Canal des atterrissements considérables qui interceptaient la navigation, quelquefois pendant un mois entier. On était forcé de mettre la retenue à sec et d’enlever les bancs de sable à force de bras, à des prix d’autant plus élevés que ces accidents arrivaient presque toujours à l’époque des travaux agricoles. Pour éviter ces désordres, le seul parti à prendre était de relever le niveau du Canal, en profitant des chutes supérieures jusque’à un point déterminé, et d’en faire passer les eaux sur un pont-aqueduc construit sur la rivière. C’est ce projet que les Etats du Languedoc avaient adopté le 9 février 1786, et dont les tourmentes politiques suspendirent l’exécution. Repris en l’An VI, un fonds annuel de 200 000 francs, à prendre sur les revenus du Canal, fut affecté jusque’à l’entier achèvement des travaux. La première pierre du pont ne fut néanmoins posée que le 26 prairial an X (12 juin 1802) ; il fut complètement terminé huit ans après. Cet ouvrage se fait remarquer par son élégance et sa solidité ; un entablement régulier dont la corniche est composée de consoles portant triglyphes, le couronne. Sur le côté méridional passe le Canal avec le chemin de halage, le jôtédu nord supporte la route nationale de Castres à Carcassonne, sous les arches, le Fresquel roule ses flots capricieux. Tous les ouvrages nécessités par le redressement du canal ont coûté 2 millions 5570,86 francs. Le pont-aqueduc y compris ses écluses et quelques ouvrages accessoires entre dans cette dépense pour 613 998,19 francs. Les sommes employées antérieurement à l’An VI, ne peuvent être précisées avec exactitude ; on les évalue à 400 000 francs.

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    Pont-aqueduc du Fresquel

    Le baron Trouvé, alors préfet de l’Aude, hâta le moment où le Canal vint passer sous les murs de la ville. Aussi à peine eût-il reçu le rapport qui lui annonçait l’achèvement des ouvrages, qu’il s’empressa de porter cette nouvelle à la connaissance du maire : « Vous jugerez sans doute, lui écrivait-il le 7 mai 1810, qu’une époque aussi intéressante mérite d’être célébrée avec toute la solennité des sacrifices qu’a faits les gouvernement pour le seul intérêt de vos concitoyens, et l’espoir bien fondé d’une grande amélioration dans leur commerce. »

    Le conseil municipal s’étant réuni le 12 mai, arrêta le programme de la fête, qui fut fixée au 31 du même mois. Pour en offrir un récit aussi exact que possible, nous avons le texte de M. Daniel, secrétaire général de la Préfecture de cette époque :

    Le 25 mai 1810, tous les travaux nécessaires pour assurer la nouvelle navigation furent terminés. Dès le 26 une foule immense de citoyens se porta à l’écluse pour assister à l’introduction des eaux dans leur nouveau lit, dont le préfet devait donner le signal. Ce magistrat, accompagné de son secrétaire général et assisté du maire de Carcassonne, se rendit, à six heures du soir, au moins de contact du grand Canal et de celui qui devait en changer la direction. Une rigole latérale, au milieu de laquelle était placé un châssis à deux vannes, avait été établie pour régler l’introduction des eaux. L’ingénieur ordinaire et des entrepreneurs, reçut le préfet et le conduisit à la rigole. A 7 heures, le premier magistrat du département ouvrit le cadenas qui fixait les chaînes des vannes, et tout aussitôt une immense acclamation saluait l’entrée des eaux dans le Canal des deux mers dans le Canal de Carcassonne. Le lendemain, dès la pointe du jour, tous les habitants de la ville se pressaient sur les bords du Canal et du bassin, émerveillés de cette admirable métamorphose, et ne pouvant s’arracher à un spectacle qui devait leur plaire à tant de titres.

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    L'épanchoir de Foucaud

    Le 31 mai, jour fixé pour l’inauguration solennelle, commença tristement. La pluie, qui n’avait cessé de tomber pendant les trois jours qui vient précédé, durait encore à quatre heures du matin ; le ciel mit pourtant fin à ses rigueurs, et comme s’il eût voulu prendre aussi sa part de la fête, notre soleil du midi brilla quelques heures après de tout son éclat ; aussi, vit-on accourir en groupe nombreux les habitants des communes voisines ; de Carcassonne à Foucaud, une immense multitude couvrait la route ; c’était la population en masse, la garnison au bruit éclatant des fanfares, qui se rendaient à la fête.

    Au-dessus de l’écluse de Foucaud, dix bateaux ornés de guirlandes et de draperies, suivi de plusieurs barques marchandes dont on apercevait au loin les mâts pavoisés, stationnaient sur le Canal, n’attendant que le signal du départ. La compagnie des grenadiers et cette des chasseurs, de la garde nationale, formaient deux lignes prolongées sur les bords du nouveau lit ; elles étaient précédées par 30 hommes d’élite de la compagnie de réserve, commandés par le lieutenant Durmer, et par un nombreux détachement de la gendarmerie impériale, sous les ordres du lieutenant Rivenq. Sur la rive voisine du bateau-amiral, on remarquait l’escadron de la garde nationale à cheval, commandé par M. Raymond Rivals-Gincla, receveur-général du département ; les autres officiers : MM. Sicre, Degrand, Joseph Rolland, Darles.

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    Au premier range des fonctionnaires en costume, on remarquait : MM. Claude-Joseph Trouvé, préfet de l’Aude ; Daniel, secrétaire général ; Etienne Albarel, président de la cour de justice criminelle ; Arnaud-Ferdinand de Laporte, baron de l’Empire, évêque du diocèse ; Lacaux et Lamarre, chanoines ; Florainville, colonel de la 10e légion de gendarmerie impériale ; Raymond Rolland, président du tribunal civil ; Darles, président du tribunal de commerce ; Georges Degrand, maire de Carcassonne. Les ingénieurs du Canal : MM. Clausade, Pin, Maguès, Lespinasse.

    A 10 heures sonnâtes, une salve d’artillerie annonça le commencement de la fête. La première cérémonie fut la bénédiction des eaux du Canal par Mgr de Laporte, revêtu de l’étole pastorale ; après cette consécration de l’Ouvre à laquelle il avait pris une si grande part, M. L’ingénieur en chef Georgest, prononça un discours, où furent éloquemment énumérés les efforts qu’avaient coûté l’entreprise et les avantages qu’en devait retirer la ville.

    Dès qu’il eût cessé de parler, la flottille précédée par le bateau qui portait le corps de musique, se mit en marche vers la ville ; les chevaux qui la trainaient étaient comme leurs conducteurs, parés de rubans et de lauriers ; la foule entassée sur les deux rives les accompagne et arrive avec eux à l’entrée du port. Là, le spectacle le plus magnifique vient frapper tous les yeux.

    Du côté de la ville, sur un amphithéâtre orné de guirlandes, de trophées et d’emblèmes, on distingue tout le beau sexe Carcassonnais ; les remparts et le bastion voisins sont couverts de spectateurs, les élèves du Grand séminaire assistent à la fête sur la plateforme de la tour de Saint-Vincent. Du côté Nord, la colline de Gougens offre un amphithéâtre naturel, où sont entassés de milliers de curieux. On voit au centre une chapelle élégamment décorée, entourée par la compagnie à cheval, les grenadiers et les chasseurs ; le reste des troupes borde les deux rives.

    A peine le bateau-amiral eût-il paru à l’entrée du port, qu’un immense cri de Vive l’Empereur ! s’élança de toutes ces poitrines. A cette acclamation succédèrent les salves d’artillerie et les fanfares de la musique, dirigée par M. Escudier aîné. A la vue de l’évêque quittant le bateau pour se rendre au milieu du clergé, dans la chapelle que nous avons décrite, le plus profond silence s’établit et la messe fut célébrée par M. L’abbé Pinel, succursaliste de Saint-Vincent. Immédiatement après, le prélat, s’approchant du port en bénit les eaux, puis se tournant vers cette immense multitude inclinée devant lui, il pria le ciel de répandre sur elle tout ses bénédictions. La flotille toujours suivie par la population se rendit ensuite au pont aqueduc du Fresquel. Ce monument était pavoisé de drapeaux aux armes de France et d’Autriche : on y lisait cette inscription par le Préfet : « L’hymen unit deux empires. Le commerce lie tous les peuples. »

    Il y eut le soir danses publiques, jeu du mât graissé, dont la nouveauté excita dans la population la joie la plus bruyante. A 5 heures, une table de 80 couverts réunissait dans la belle salle de l’Hôtel de ville, les principales autorités, M. De Cambon, descendant de Riquet et les cinq militaires qui avaient été mariés et dotés le mois précédent par la munificence de Napoléon. Le préfet porta un toast à LL. MM. l’Empereur et la nouvelle Impératrice Marie-Louise, dont les fêtes nuptiales coïncidaient avec l’inauguration du Canal de Carcassonne.

    Au même moment, des banquets étaient offerts aux divers corps de troupes qui avaient participé à la fête, et une gratification à tous les ouvriers qui avaient été occupés aux ouvrages du Canal, en même temps que les aliments aux familles indigentes.

    Un superbe feu d’artifice qui devait clore les réjouissances publiques ne put être tiré par suite d’une humidité persistante : la population fut ainsi privée du bouquet de la journée. Il n’en fut pas de même pour les invités au bal de la préfecture que les danses les plus animées et un souper splendide retinrent dans les salons officiels jusque’à la matinée du lendemain.

    Telle fut la fête par laquelle nos pères voulurent consacrer la réparation de la faute commise pat leurs aïeux. Elle fut populaire au plus haut degré ; car elle inaugurait un moment, dont le bienfait devait profiter à toutes les classes. Aussi toutes furent unanimes dans leur reconnaissance pour le gouvernement qui les en dotait, et pour les fonctionnaires qui avaient si bien exécuté la volonté impériale. 

    Nota Bene

    Le creusement du Canal à Carcassonne sous Napoléon Ier a également été effectué par les soldats étrangers, prisonniers des guerres de l'Empire.

    Sources

    Eugène Birotteau / 1er décembre 1849

    M. Daniel, secrétaire général de la préfecture / 1810

    Le Courrier de l’Aude

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  • Inédit ! Les derniers instants et le testament manuscrit de Joë Bousquet

    Nous avons pu récemment mettre la main sur une copie du testament manuscrit de Joe Bousquet, rédigé de sa main le 10 octobre 1943 et ouvert quelques mois après le décès du poète. Il nous a paru intéressant de le publier ici in-extenso, mais en prenant soin de ne point divulguer les noms des légataires des précieux tableaux de la collection. Il vaut mieux se demander pour quelles raisons ses anciens amis se sont presque tous - à l’exception d’un seul - empressés de les revendre, plutôt que donner leurs noms en pâture sachant que leurs descendants pourraient en souffrir. Dommage, si l’esprit de camaraderie tel qu’il ressort de ce testament n’a pas été respecté, et que les dispositions de Bousquet pour sa sépulture n’ont pas été tenues. Elles renforcent le drame d’une vie vouée à l’immobilité des membres inférieurs ; elles affermissent la mobilité d’un grand esprit dont le destin fut celui de la lumière éclairant la pénombre d’une chambre aux volets clos. A ce testament dévoilé pour la première fois, nous ajoutons en préambule, un passage des mémoires du chanoine Gabriel Sarraute qui fut le dernier confesseur de Joe Bousquet. Ce texte manuscrit - également inédit - que nous avons retrouvé, nous renseigne sur les derniers instants du poète vécus de très près par le chanoine. 

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    © Charles Camberoque

    Le chanoine Gabriel Sarraute

    28 septembre 1950

    Je vais chez lui à pied, mais très vite. Comme j’entre dans la cour, je vois un vieil homme près de la porte de l’escalier « des artistes » qui dit entre ses dents : « Il est mort. » J’entre rapidement dans la chambre dont les volets sont ouverts. La première chose que je vois est le buste blanc du « double » de Bousquet (Il s'agit du buste de Salomé Verrand, NDLR) et des vêtements en désordre. Bousquet est étendu sur le drap de son lit, avec une chemise blanche qui n’arrive pas aux genoux. Il a la tête penchée sur sa droite, les bras le long du corps, les jambes et les pieds nus moins maigres que je ne croyais, mais les orteils repliés. Il ressemble à un soldat tombé sur un champ de bataille. A côté du lit, sa sœur et plusieurs personnes. Immédiatement, je lui donne l’absolution. Je débouche mon ampoule des saintes huiles et lui donne l’extrême onction d’un signe de croix sur le front. Je lis la formule de  l’indulgence plénière. Ceci fini, je m’agenouille et je prie à ses pieds.

    Je vais avertir M. le curé et à la cathédrale, devant le St-Sacrement, je dis les prières du rituel. J’avertis M. Boyer. Je téléphone à Madame Cazaux. Après-midi, je vais faire une visite au nom de Mgr. On a serré son menton avec un mouchoir. Sa tête est noble  et belle. On ne voit pas ses mains. A sa gauche, il y a un Christ entre deux chandeliers. Je remarque les titres d’un livre dans un rayon par derrière : la cabale. Ces tableaux surréalistes jurent avec la mort. Mesdames Gally et Joucla sont assises. Il me semble que l’espace est grand entre le lit et la cheminée, plus grand qu’avant.

    29 septembre 1950

    Dit la messe pour Joë Bousquet. Inondation d’encre dans tous les journaux. Surtout un regrettable article de Cabanne qui semble vouloir attirer l’attention sur Cabanne lui-même.

    30 septembre 1950

    Sous la pluie, funérailles. Beaucoup de monde. Beaucoup de fleurs dans l’escalier, dans la chambre. Le Dr Soum me dit : « Il a pu faire quelque scandale dans sa jeunesse. Il a réparé. » Le cercueil est dans l’escalier. Suivi le cortège avec Devèze. Sur tout le parcours, grande foule. A l’église, non loin de moi J.B Fourès. La messe, dite par M. le curé, est très pieuse, très recueillie. A la fin, on porte le cercueil sous l’orgue. Là, trois discours que je n’ai pas entendus : Signoles, Nelli (qui termina qu’il retrouverait Bousquet, cum spititu tuo) et le maire, Itard-Longueville. Un fourgon emporte le cercueil  à Villalier, la sépulture au carré militaire ayant été refusée.

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    Testament olographe de Joë Bousquet

    Carcassonne, 13 octobre 1943 (erreur : ceci a été écrit le 10 octobre 1943)

    Joe Bousquet 

    53, rue de Verdun

    Carcassonne

    Moi, soussigné, Joseph Bousquet, homme de lettres, domicile au 53 de la rue de Verdun, m’engage à restituer à ma sœur Henriette Patau, née Bousquet, les sommes importantes qu’elle m’a prêtées tout le temps que ma pension ne me permettait pas de satisfaire mes besoins, et, ne me trouvant pas en mesure de lui restituer ces versements en espèces, me déclare redevable envers elle de tout ma part de propriété. Je la considère donc comme propriétaire de tout la propriété sise à Villalier et que nous avons ensemble héritée de mon père. La part que je lui abandonne ainsi représente, au jour où j’établis les faits, les 400 000 francs qu’elle m’a donnée au cours de ma vie.

    Carcassonne, le 10 octobre 1943

    Joe Bousquet.

    J’ajoute : une partie de mes tableaux et de mes livres doit être distribuée à mes amis.

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    Les papillons

    (Max Ernst)

    Suzanne D aura : Les papillons de Max Ernst - grand tableau à fond blanc qui est - en ce moment - contre la fenêtre ; et le Marcoussin : urne grecque.

    James et Jane D auront le grand Max Ernst à fond vert - avec marge blanche, qui est au-dessus des papillons.

    Jean P aura mes deux André Masson, un Tanguy à son choix, un Ernst à son choix.

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    La forêt blonde

    N aura la Forêt blonde qu’il m’a déjà donnée et le Paul Klee qui est sous verre (S’il a épousé Suzette, on ajoutera les anges de pierre).

    Georges et Georgette R auront le premier Fautrier que j’ai reçu… les fleurs nocturnes, la maison du soir de Beaudin, l’Idée fixe de Magritte, (les quatre cadres).

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    Le palais de la courtisane

    (Magritte)

    Adrien G aura le Palais de la Courtisane de Magritte (le torse nu dans une architecture), un Tanguy à son choix, un Max Ernst. 

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    La Tour

    (Salvador Dali)

    Pierre et Maria S auront l’effet de neige de Malkine, un des deux Salvador Dali à leur choix, un Arp à leur choix. A, l’autre Dali et les textes philosophiques qui lui plairont.

    A Germaine M, à Nila de Pierrefeu, on donnera des tableaux que ma sœur choisira. A François-Paul Alibert, on donnera vingt-cinq volumes rares pris dans ma bibliothèque. Je veux aussi que l’on donne à Jean-Baptiste F et à Irène, le tableau d’Othon Friesz et un grand Marcoussin.

    Que l’on donne quelques livres et un partit tableau, le Lhote, par exemple, à C. Dix volumes de la Pléiade à Biguet. Dix volumes à Jean Lebrau et dix à Suzette Ramon et l’opale que je portais au doigt, si elle est mariée avec Nelli. A Jean-Louis et à sa sœur, on partagera sans tarder tous les titres déposés chez Saurel en mon nom et mon compte en banque. Ils se partageront avec Henri, mon frère, les livres de ma bibliothèque, et les tableaux qui resteront après la distribution des souvenirs emmenés ci-dessus. S’il m’arrivait de quitter le port avant la fin de cette guerre, il faudrait prier Julien Benda, André Lang et Sari de choisir en souvenir de moi quelques-uns des livres qui sont toujours à la portée de ma maison. A la femme qui m’aura soigné jusque’à la solution, il ya à payer une rente annuelle de dix mille francs par an jusque’à ma mort. Bien affectueusement à tous

    Joe Bousquet 

    (Ce n’est rien, j’y suis j’y suis toujours) (Rimb.)

    René Nelli et Pierre Sire devront entrer dans ma chambre aussitôt après ma mort. Ils prendront les manuscrits accumulés dans une petit valise posée près de la fenêtre. Ils verront Paulhan, décideront ensemble si cela vaut la peine d’être publié, soit dans la version que j’en tirais, soit dans la version originale. Ils prendront aussi les manuscrits en cours qui se trouvent à la tête de mon lit. Les derniers, ils le garderont un an, en utiliseront - pour eux ce qui sera utilisable, puis les rendront à ma famille. Je n’oublie pas F que j’aime beaucoup. On lui donnera un beau Tanguy, le Sima, un Michaux, dix ouvrages philosophiques (je ne dis pas dix tomes).

    Je veux être enterré dans la terre, à même le sol, roulé dans une étoffe noire, si c’est possible. (Il ne faut pas que tous les fantômes aient la même couleur.) S’il est difficile d’obtenir ces facilités aussitôt, on me mettra dans un récipient, comme les autres peulucres, pour me porter au cimetière et on exécutera le plus rapidement possible les démarches nécessaires pour obtenir l’inhumation sans cercueil. Alors, on rouvrira la boite, et les fossoyeurs feront un grand trou où ils me mettront (il faudra bien les récompenser). Si la permission ne peut pas être obtenue de la mairie, on obtiendra l’autorisation pour Villalier et on m’enterrera dans un coin de la prairie, près de la tonnelle où je m’installais quand je sortais encore.

    De toutes es indications, il en est une qui un ordre : je ne veux pas être enfermé dans un bocal. Je veux que de la terre vivante prenne la place de ma chair.

    Et, si l’on tient vraiment à satisfaire mes dernières volontés, c’est dans le cimetière de la Palme que l’on me transportera, dans ce cimetière que l’on trouvera un coin ou m’ensevelir  sans isolant. Je n’ai mentionné ce souhait qu’à la fin, craignant d’encombrer les vivants avec mes fantaisies dans un temps où rien n’est facile. Mais je me flatte de l’espoir que je serai exaucé. Il y a un certain bruit de cloches, une odeur du vent qui ont été ma façon la plus haute de vivre et où La Palme est demeuré pour moi tout entier. Si l’éternité ne devait pas être autre chose que l’union avec ces appels qui font pleurer les enfants, poètes et intelligence de leur sens, elle serait bien toute la douceur dont l’existence humaine peut former le pressentiment.

    Bien à vous,

    Joe Bousquet

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    La tombe de Joë Bousquet à Villalier

    Dernier codicille. Je veux que mon appartement continue à réunir mes amis après ma mort. C’est-à-dire qu’après en avoir retiré les tableaux légués à mes amis, on comblera les vides avec les tableaux qui n’étaient pas accrochés et on laissera la chambre meublée et intacte1 pour qu’elle constitue une espèce de cercle où mes amis se réuniront. Jean-Louis veillera à cela. Ils s’arrangeront ensemble pour l’entretenir. Il y aura un impôt à payer, il sera prélevé sur le revenu de la maison. La maison restera gravée de cette servitude jusqu’à ce que le dernier de mes amis ait disparu à son tour ! Les pièces qui entourent ma chambre - bureau, cuisine, etc… pourront être utilisées, après entente entre mes amis, soit pour abriter quelque camarade dans le besoin, soir pour l’un ou l’autre d’entre eux qui voudrait y séjourner quelque temps. Quand je parle de mes amis, je pense aussi  aux membres de ma famille qui sont aussi mes amis, Adrien, Jean et Georges, Jean-Louis évidemment, Henri, et les femmes, Moune, Jeanne Ducellier, inutile de citer Nelli, Alquié. Si je nomme pas François-Paul Alibert, ce n’est pas par oubli, mais de peur qu’il ne me devance dans le bienheureux oubli.

    1. Les tableaux qui restent accrochés au mur seront donc, après soustraction des legs, la propriété de Jean-Louis. Ceci risquerait de créer une situation bizarre, s’il ne figurait -comme il est vrai - au nombre de mes amis. Si je ne disais - comme je le fais - qu’obligé, par chance ou malchance, de vendre un des tableaux à lui légués, il devra le remplacer par une œuvre plus récente d’un jeune peintre. 

    Fait à Carcassonne, le dix octobre quarante trois.

    Joe Bousquet

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    La chambre de J. Bousquet actuellement

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