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Musique et patrimoine de Carcassonne - Page 51

  • Quand l'île de Sournies à Limoux accueillait les vedettes de la Comédie Française

    L’île de Sournies, située au coeur de la ville de Limoux, vient d’être récemment remise en état par la municipalité de la cité blanquetière. Nous avons souhaité retracer un épisode oublié de ce que fut ce site au début du XXe siècle.

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    En ce lieu, autrefois propriété de Baradié, allait être installé un magnifique Théâtre de la Nature. La tragédie revenait à la mode en même temps que l’Art nouveau en architecture, laissait sa place à un Art-Déco, largement inspiré de l’antiquité. A Carcassonne, depuis 1908, on s’était habitué aux représentations dramatiques à l’intérieur du Théâtre de la Cité. Limoux va alors profiter après la Grande guerre du succès de la capitale audoise. Les grands noms de la Comédie Française, aux premiers rangs desquels Romuald Joubé et Madeleine Roch, sont approchés par les membres du Comité des fêtes. Louis Gibert, son président, est soucieux d’organiser des représentations théâtrales de grande qualité sur l’île de Sournies. Au milieu des bosquets d’arbres, une scène aménagée dans ce cadre bucolique, accueille dès le dimanche 9 juillet 1922 « La fille de Roland ». La pièce d’Alexandre Dumas fils compte parmi les comédiens, outre M. Joubé et Jeanne Rémy de la Comédie Française, les artistes de l’Odéon : MM. Menoud, Dherviel, Desmarès, Vidalin, Ortet, Angerau, Gauthier, Issorin et Saintes. La figuration a été choisie parmi les membres de l’Artistic-Club Limouxin. C’est d’emblée un grand succès ! L’organisation doit même vendre des billets aux Nouvelles Galeries, tenues par M. Chabrol.

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    La même année, on joue Phèdre de Jean Racine avec la grande tragédienne Madeleine Roch (1883-1930). C’est la première fois où elle se produit à Limoux, mais pas la dernière. Elle y a désormais de nombreux amis et vient d’acquérir le château de Belvianes qu’elle a entièrement restauré. Elle y reçoit des poètes, des écrivains et des politiciens. D’une santé fragile, celle qu’on surnomme « La Rachel moderne » prend les eaux à Alet-Les-Bains à la belle saison.

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    Le château de Belvianes

    Le 8 juillet 1923, le Théâtre de la Nature de l’île de Sournies fait un triomphe au Cid de Pierre Corneille. Les 2000 spectateurs ovationnent une distribution époustouflante. L’interprétation de Chimène par Madeleine Roch et de Rodrigue par Romuald Joubé soulève l’enthousiasme de Comœdia, le journal théâtral national.

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    Le Cid à Limoux, le 8 juillet 1923

    Le 20 juillet 1924, la représentation d’Andromaque de Racine n’éteint pas la flamme des habitués : « On s’étonne que Madame Madeleine Roch et M. Joubé reviennent ainsi tous les ans à Limoux et préfèrent notre modeste théâtre à des scènes plus célèbres. Nous ne saurions leur en exprimer assez vivement notre gratitude ». Cette aventure avec les grands noms de l’Art dramatique se poursuit jusqu’en 1925. L’année suivante, place à l’Art lyrique avec le Barbier de Séville de Rossini.

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    © 'L'indépendant 

    Jean-Claude Drouot et Sabine Haudepin au Festival Nava

    La tradition théâtrale demeure à Limoux avec le Festival NAVA qui attire de grands noms du théâtre français comme Jean-Claude Drouot. Nous le devons au talent du régional de l’étape, le dramaturge et comédien Jean-Marie Besset. Gageons que l’île de Sournies face l’an prochain un triomphe à l’ensemble de ses créations. 

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  • Hippolyte Champagne (1803-1883), artiste peintre

    Photographie d'un tableau d'Hippolyte Champagne envoyé par un collectionneur

    Hippolyte Champagne naît le 3 frimaire An 12 (25 novembre 1803) à Carcassonne. C'est le fils de l'architecte Jean-François Champagne, auquel nous devons de nombreux bâtiments dans notre ville, et de Marguerite Projet. Nous avons dû partir de zéro afin d'essayer de rédiger une biographie à l'usage des amateurs d'art, car la vie et l'œuvre de cet artiste se sont perdus depuis longtemps. Néanmoins, en farfouillant dans de vieux grimoires, nous avons pu apprendre certaines choses. Hippolyte Champagne fit ses études à l'Ecole Royale de Dessin et des Beaux-arts de Lyon. Il y reçut en 1826 une 1ère mention. Le peintre Philippe-Auguste Jeanron a été de ses professeurs, bien qu'il soit de cinq ans son cadet.

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    Maison et pavillon de la famille Champagne

    A Carcassonne, il résidait dans la maison familiale située rue St-Michel (actuelle rue Voltaire). Il reste un pavillon construit par son père et donnant sur le boulevard Roumens. Membre de la Société des Arts êet Sciences de Carcassonne, Hippolyte Champagne fit régulièrement don de ses œuvres au Sou des Ecoles laïques. L'un de ses œuvres "Paysage au pastel" figure dans les collections du Musée des Beaux-arts de la ville. Parmi d'autres aquarelles, citons "Vue d'une ferme à la Bastide-Rouairoux", "La pierre Lys", "Le chêne après l'orage", "Le moulin", "Effet du matin","Bords de la rivière de l'Aude". Hippolyte Champagne s'est éteint le 13 septembre 1883 à l'âge de 79 ans, rue Marceau. Sa dépouille se trouve au cimetière Saint-Michel dans le caveau de la famille Champagne.

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    Caveau de la famille Champagne.

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  • La compromission d'Albert Tomey et de son Conseil municipal sous Vichy

    Nous avons été bercé jusqu’ici par les légendes qui voulaient sans doute entretenir des versions édulcorées de l’histoire. Des versions qui exonéraient certains bons républicains Carcassonnais de leur compromission avec le pouvoir honni du gouvernement de Vichy. De rares apôtres du radicalisme socialiste, comme le docteur Henri Gout, ont refusé de voter les Pleins pouvoirs à Pétain ; il l’ont chèrement payé de leur personne. D’autres comme le docteur maire de Carcassonne, Albert Tomey, furent bien moins regardant sur les valeurs qu’ils défendaient. C’est sans doute toute la complexité des hommes au même moment de l’histoire. Il n’en demeure pas moins que de vrais résistants de la première heure comme Albert Piccolo, certes communiste, n’ont pas eu les honneurs d’une rue dans Carcassonne. A contrario, Albert Tomey a bénéficié de la mansuétude de Jules Fil dans les années 1967. Vingt-trois ans après, tout le monde avait-il oublié ? Quoi donc ? Qu’Albert Tomey, bien que déchu par Vichy en 1941 de son poste de maire, avait accepté le poste de Président du Conseil départemental, nommé par ce même Vichy. Qu’à ce titre, il avait assisté au théâtre municipal en février 1943 à l’inauguration de la Milice en compagnie de grands collaborateurs du Reich. Les faits l’attestent et nul ne pourrait nous l’opposer. Sommes-nous donc des révisionnistes ? Non, nous ne décrocherons pas la plaque de la rue Tomey, car cet homme fut un grand maire pour sa ville. Nous souhaitons simplement lutter contre les légendes. En voici une autre, pourtant inscrite dans les livres de notre histoire locale. Quand le conseil municipal républicain d’Albert Tomey a été révoqué par Pétain, celui qui l’a remplacé, Jules Jourdanne, a fait changer le nom du boulevard Jean Jaurès par celui de Philippe Pétain, maréchal de France. C’était donc en 1941, n’est-ce pas ? Eh ! Bien, c’est inexact. Le changement de ces noms de rues est intervenu par délibération municipale en date du 10 décembre 1940. Exactement, six mois après l’arrivée de gouvernement de Vichy. Et qui sont les élus à la manœuvre de cette lumineuse idée, parfaitement anti-républicaine ? Le conseil municipal radical-socialiste d’Albert Tomey, toujours en place à cette date. Voici ci-dessous le texte de la délibération adoptée par le Conseil municipal :

    "L’effort vers l’Union qui se manifeste un peu partout dans les diverses catégories sociales, et qu’exigent au surplus les circonstances pathétiques que nous traversons, s’accommode mal des survivances trop publiques des luttes partisanes que nous avons naguère connues et que constituent certaines dénominations attribuées à nos rues et boulevards.

    Il est vrai qu’on ne serait, sans discrimination, condamner toutes les appellations qui, à un titre quelconque, évoquent des luttes politiques, certaines de ces appellations sont trop impuissantes à entretenir le moindre esprit de parti, soit que les querelles auxquelles elles peuvent permettre de faire allusion s’estompent dans le souvenir, soit, surtout, que l’activité partisane de l’homme dont elles tirent leur origine cède le pas, dans la mémoire des populations, à l’activité administrative et aux résultats de l’œuvre sociale accomplie ; encore convient-ils de limiter le bénéfice de ces considérations aux grands hommes ou personnalités dont les attaches locales sont certaines, et qui peuvent être considérés comme des enfants du pays.

    Si donc vous adopter ce point de vue, l’Administration vous propose de pourvoir à une modification dans la dénomination :

    1. Des boulevards Jean Jaurès et Camille Pelletan qui deviendraient l’avenue du Maréchal Pétain, dont le nom s’est à jamais inscrit dans les annales glorieuses de notre histoire et dont plus tard l’admirable dévouement, en des jours de détresse profonde, a justifié, et justifie encore les espoirs de vigoureux redressements qui hantent tous les cours français.
    2. De la rue Francisco Ferrer, qui s’appellerait désormais rue Joseph Poux, en témoignage de gratitude à l’égard de l’historiographe précis et pourtant passionné de notre Cité à laquelle il a consacré des ouvrages auxquels la haute qualité de la forme, leur richesse et solide substance assurent une survivance à jamais profitable à notre centre touristique.
    3. De la rue de l’Orient, qui deviendrait la rue Montesquieu, en hommage à la clairvoyance de cet écrivain et théoricien, auteur des Considérations et de l’Esprit des Lois, où foisonnent les enseignements dont la méditation et la pratique eussent rendu la nation française plus prudente et plus sage, et l’eussent ainsi préservée du désastre que nous connu."

    Le préambule signé par Albert Tomey vaut son pesant de cacahouètes. Nous préférons laisser les lecteurs apprécier ce morceau d’architecture. Jean Jaurès fut un partisan de la paix avec l’Allemagne. Camille Pelletan un défenseur républicain de la laïcité. Francisco Ferrer, un anarchiste catalan, fusillé par les monarchistes espagnols. Quant à la rue de l’Orient, c’est là que se trouvait la loge maçonnique du Grand Orient de France. C'est plus qu'un reniement c'est un faute politique oubliée depuis la Libération.

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