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Musique et patrimoine de Carcassonne - Page 48

  • Le domaine de Prat-Mary, propriété de la ville de Carcassonne, va t-il sombrer ?

    N'ayant jamais eu plus qu'un levier pour alerter sur l'incurie du patrimoine culturel Carcassonnais, nous avons informé nos lecteurs sur les réseaux sociaux de l'état de la bâtisse du domaine de Prat-Mary. Plus largement, de l'aqueduc du XVIIe siècle du sieur Cailhau qui traverse la propriété le long de la route de Limoux, depuis l'Auberge des chênes jusqu'au rond-point de l'ancien hôpital A. Gayraud. L'une ne serait être dissociée de l'autre, tant ces deux éléments patrimoniaux risquent fort de disparaître. Au moins, ne pourra t-on pas nous reprocher d'être resté silencieux. 

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    Si l'état du parc, amputé de ses magnifiques buis, demeure un lieu conservé et entretenu par un gardien. Il n'en est pas de même pour la bâtisse dont la toiture prend l'eau depuis trop longtemps. C'est l'arbre qui cache la forêt ! À l'arrière de la maison, l'humidité a envahi les murs en même temps que la mousse. Les anciennes gouttières en céramique émaillée sont cassées. Ne parlons pas des huisseries, ni des fenêtres. 

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    En 2005, la ville de Carcassonne sous l'impulsion de M. Larrat fit l'acquisition du domaine et de ses dépendances. La commune a dès lors vendu presque la totalité des terrains agricoles, hérités du Marquis de Gonet. Seul le jardin finit par bénéficier d'un traitement à la hauteur du site. Entretenu et gardé, il offre encore aujourd'hui la quiétude à ceux qui s'y rendent. Que dire de la bâtisse ? Depuis 2005, elle se trouve dans son jus. Chacun peut aisément comprendre ce que cela signifie pour un immeuble du milieu du XIXe siècle.

    Malgré l'exception d'un tel site, aucun projet n'a vu le jour afin de lui trouver une destination. Ah ! si... La municipalité Pérez de 2009 a installé une structure réceptive pour la location de mariages. Pour la somme de 400€, les nouveaux époux pouvaient s'offrir un cadre champêtre chez l'ancien marquis de Gonet. Il n'en demeure pas moins que la bâtisse ne leur était pas ouverte. Sinon, pourquoi aurait-on importé dans le parc un algéco blanc en aluminium du plus bel effet ? En prenant soin de restaurer l'édifice, on aurait évité d'acquérir cet immonde structure. Ne valait-il pas mieux mettre cet argent dans la réhabilitation ? D'autant qu'aujourd'hui, il n'y a guère plus de mariages à cet endroit. M. Oudanne, propriétaire de l'ancienne Auberge des Chênes, vient à 200 mètres de créer une même structure réceptive pour les mariages. C'est son métier. Quoi de plus normal ?

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    Ce qui nous paraît choquant, c'est que depuis 2005 personne n'ait songé au potentiel culturel du domaine de Prat-Mary ? D'abord, on a construit un EPHAD à 300 mètres de là : Les Rives d'Odes. La ville aurait pu chercher à intégrer la maison de retraite au parc du domaine. Ainsi, les résidents (valides) n'auraient pas à faire tant de chemin pour profiter de l'ombrage du parc. Des manifestations culturelles (expositions) auraient créé du lien social et intergénérationnel dans ce quartier. Les élèves de l'Ecole es Arts auraient pu y donner des concerts. Le Festival Off aurait pu s'exporter hors les murs de la Bastide. Après tout, les quartiers ont aussi droit à la culture. Pas seulement la leur qui les enferme dans des guettos communautaires. Ils ont aussi droit au jazz, à l'opéra, au théâtre classique.

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    Les buis du parc, photographiés en 2017, ont disparu

    Au lieu de cela, il n'est pas une idée qui ne soit arrivée à germer dans l'esprit de nos décideurs. Nous les invitons à aller visiter d'autres villes, comme Aix-en-Provence. Ils ont Cézanne ? Nous avons Achille Laugé. Ils ont le compositeur Darius Milhaud, dont la maison a été transformé en Office du tourisme. Nous avons Paul Lacombe ! Enfin, nous avons deux patrimoines mondiaux : La Cité et le Canal du Midi. Comment font-ils pour avoir une fondation de mécènes (Suez, LVMH, Orange) qui finance la restauration du patrimoine ? S'est-on une seule fois posé la question ici, quand nous n'avons pas un centime à dépenser pour cela ? Qu'il faut des siècles pour voir un projet enfin aboutir !

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    Le journal l'Indépendant dans son édition d'aujourd'hui, consacre un article au domaine de Prat-Mary. Il relaie nos craintes et nos remarques. L'élu en charge de la culture y répond en ces termes :

     — Nous avons évidemment des envies, quant à la destination du site, mais encore une fois, la politique, la gestion d'une ville demande d'opérer des choix. La destination viendra, pour l'heure nous sommes dans la conservation.

     — Les gouttières seront réparées.

     — Le domaine de Prat-Mary n'est pas la priorité du moment en matière de gestion publique.

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    Il appartient à chacun de se faire une opinion à la lumière de ce que nous venons de publier.

    Ci-dessous l'histoire de Prat-Mary

    http://musiqueetpatrimoinedecarcassonne.blogspirit.com/archive/2021/04/17/la-veritable-histoire-du-domaine-du-marquis-de-gonet-a-prat-3251058.html

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  • Meurtre du capitaine Charpentier : Une affaire de docteurs...

    Nous avons souvent abordé sur ce blog l’étrange affaire de l’assassinat du capitaine Charpentier alias Noël Blanc, chef des parachutages de l’Aude et agent du BCRA à Londres. Le 4 septembre 1944 en fin d’après-midi, Charpentier se trouve chez Louis Nicol dans la rue de l’Hospice (actuelle rue Brassens). À 20H30, le capitaine, brassard FFI au bras sort de chez Nicol pour se rendre à la clinique du Bastion où une importante réunion de résistants l’attend. Charpentier semble soucieux et inquiet, Nicol propose de l’accompagner. Charpentier refuse, il n’est pas homme à fuir ses responsabilités. Il doit le lendemain rendre à son chef régional à Béziers, le capitaine de Riencourt alias Nonce, l’avance de 50 000 francs. Comme tout agent du service des parachutages, cette somme doit être restituée pour clôturer les comptes. Nicol a t-il pris la peine d’informer Charpentier que depuis l’inhumation de Bringer le 31 août, le docteur Delteil tente de faire passer le capitaine pour un traitre ? Nicol était pourtant au courant, mais n’aurait pas pris la chose au sérieux. De toute manière, Charpentier n’a peur de rien. De son propre aveu, il va chez Delteil pour demander des comptes. 

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    Le 6 septembre 1944, à l’aube, des chercheurs de champignons circulent à bicyclette sur la route n°42 entre Palaja et Fajac-en-Val. Il s’agit de MM. Pierre Roquefort âgé de 38 ans et de Étienne Plantié, 25 ans. Avant d’entrer dans le bois, tous deux prennent soin de dissimuler leurs vélos sous un ponceau passant sous la route. Il ne faudrait pas qu’ils se les fassent subtiliser. En écartant les branches qui en obstruent l’entrée, les hommes aperçoivent la silhouette d’un individu couché sur le dos. Et si c'était un bôche ? Ils remontent sur la route en enfourchant leurs bicyclettes. La cueillette se fera un peu plus loin… Lorsque vers midi, ils redescendent en direction de Palaja, l’un d’eux à l’idée de s’arrêter sous le ponceau. Il faut vérifier si cet inconnu a fini par quitter les lieux. Oh ! Surprise. L’individu, toujours étendu, n’a pas bougé d’un centimètre. Ils prennent la décision de s’en approcher. Arrivés à sa hauteur, ils finissent par découvrir un corps presqu’en entièrement calciné au niveau des membres inférieurs. Ils dressent les premières constatations. Le crâne présente deux orifices d’entrée de balles.

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    N’écoutant que leur courage, nos deux hommes décident d’alerter à Palaja M. Joseph Ricard, président du Comité Local de Libération. Il remplit provisoirement les fonctions de maire de la commune. Ce dernier, une fois sur les lieux, s’empresse de prévenir la gendarmerie et le docteur Henri Piétrera, résidant rue Barbacane à Carcassonne. Le voisinage n’a rien vu ; n’a rien entendu.

    A 16h, les constatations sont établies. Le Dr Piétrera rédige son certificat médical sur place. Il s’agit d’un homme blond mesurant 1,85 cm entre 25 et 30 ans et de forte corpulence. Il ne reste que des lambeaux de tissu d’un costume bleu marine à rayures blanches. La mort est due à l’impact d’une balle d’un pistolet de 7 ou 8 mm ayant traversé l’espace inter-omo-vertébrale jusqu’au-dessus de la clavicule gauche. La perforation du cœur a entraîné un décès instantané. La carbonisation a eu lieu post-mortem. On a retrouvé une quinzaine d’allumettes près du cadavre. La mort remonterait à moins de 18 heures. Les témoins qui assistèrent à cette découverte macabre MM. Menjucq et Ricard, affirmèrent que le corps était parfaitement reconnaissable. Ce dernier constata deux orifices dans la nuque.

    En fin d’après-midi, le corps est transporté à la morgue de l’hôpital. Au même moment, le docteur Piétréra s’en va prévenir son confrère le docteur Emile Delteil de la découverte de ce corps. Pour quelles véritables raisons le chirurgien du Bastion devait-il être si rapidement mis au courant ? Notons que l’ensemble de ceux qui ont connu Charpentier, comme Nicol et d’autres résistants ne seront avertis que le 14 septembre. Exactement, une semaine après… Le Dr Piétréra prétexta qu’il avait eu connaissance lors des obsèques de Bringer que Delteil connaissait bien Charpentier. Or, au moment, où le cadavre fut découvert, personne n’avait encore identifié le capitaine. Fait encore plus troublant, Piétréra savait que Delteil l’avait désigné comme traitre.

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    Le Dr Emile Delteil

    Le cadavre entre à la morgue. Il n’est autopsié que le lendemain, 7 septembre 1944 à 16h30, par le médecin légiste Philippe Soum en présence du juge d’instruction Darles. Que s’est-il passé à l’hôpital entre la soirée du 6 septembre et le moment de l’autopsie ? Les conclusions de celle-ci paraissent assez surprenantes puisque les caractéristiques de l’individu autopsié ne correspondent pas avec la description faite à Palaja. Nous voilà en présence d’un homme  corpulent, mesurant 1,72cm. Le corps est entièrement brûlé ; ses mains le sont aussi. A Palaja, l’individu mesurait 1,85 cm. Seuls les membres inférieurs étaient entièrement carbonisés ; ses mains ne l'étaient pas. MM. Roquefort et Plantié ont décrit des mains d’intellectuel. 

    Le corps autopsié n’a rien au thorax, contrairement aux observations du Dr Piétréra. En revanche, le Dr Philippe Soum signale une plaie de 20 cm à l’abdomen où s’échappe l’estomac et une partie du duodénum et de l’intestin grêle. Robert Soum, le fils, qui aidé son père au cours de l’autopsie indique en 1953 : « Cette plaie n’a pu se produire spontanément pendant le séjour du cadavre à la morgue ». Contrairement à son père qui note dans son rapport en 1944 que les gaz, contenus dans l’estomac, ont pu sous l’action de la chaleur faire exploser l’abdomen. Le crâne présente trois orifices d’entrées de projectiles : Deux côte à côte dans la région frontale et un sur la ligne médiane de l’occipital (nuque).

    Après la découverte du cadavre, finalement identifié comme étant celui de Charpentier, l’enquête est confiée à la justice militaire. Celle-ci est dépêchée depuis Montpellier pour enquêter sur les auteurs du meurtre. La thèse de la substitution du corps de Charpentier à la morgue par un autre individu retient l’attention des militaires. L’officier en charge de l’affaire, consulte les registres d’entrée de la morgue pour les journées du 6 et 7 septembre 1944. Aucun cadavre carbonisé, autre que celui de Palaja, n’a été déposé à la morgue. L’enquêteur ne peut pas démontrer l’échange des corps, malgré les différences constatées lors de l’autopsie. 

    Interrogé par les enquêteurs, le Dr Marty, radiologue à l’hôpital, déclare avoir vu entrer à la morgue le cadavre d’un homme découvert à Palaja de haute stature et forte musculature. Cépendant, il ajoute : « qu’à cette époque révolutionnaire l’entrée du dépôt mortuaire restait ouverte en permanence et qu’on y entrait et sortait des cercueils sans qu’un contrôle efficace soir exercé ». Il précise que la morgue, en fait, ne restait pas ouverte la nuit, mais il était loisible à tout résistant de la faire ouvrir sans que le personnel hospitalier puisse s’y opposer…. "À cette époque, conclut-il, le domaine des morts appartenait davantage à la Résistance qu’à nous-mêmes. »

    A défaut d’avoir trouvé parmi les miliciens exécutés ce 6 septembre 44 des raisons valables pour expliquer une substitution de l’un de leurs corps, l’enquêteur militaire à apporté cette hypothèse : « Faut-il penser également à un corps quelconque, non identifié, correspondant à la taille du corps autopsié, faute de mieux, qui aurait été carbonisé pour les besoins de la cause. Faut-il encore trouver un cadavre au moment où il était nécessaire de l’utiliser. »

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    Noël Blanc alias Charpentier

    Voyez-vous, chers lecteurs, c’est cette dernière phrase qui m’a mis la puce à l’oreille. Je me suis alors souvenu que le 6 septembre 1944, un inspecteur de police a été assassiné par les Milices patriotiques communistes de Limoux. J’avais quelque part ce dossier dans mes archives. Oui ! L’inspecteur André Got a été affreusement tué par la bande à René Chiavacci à Saint-Martin-de-Villeréglan. Et alors, me direz-vous ? Il se trouve que le Dr Philippe Soum, médecin légiste de l’hôpital de Carcassonne, a autopsié le cadavre. Dans ce rapport, il se trouve que l’individu présentait à l’abdomen une plaie de 20 centimètres de laquelle sortait tripes et boyaux. Or, le cadavre carbonisé présenté à la morgue comme étant celui de Palaja, avait exactement la même blessure. Ce n’est quand même pas si courant d’avoir deux corps aux plaies identiques le même jour, non ? Nous pourrions donc en conclure que l’on aurait fait passer le cadavre d’André Got, après l’avoir carbonisé, pour celui du capitaine Charpentier. L’entrée différente des projectiles entre les deux hommes facilite ensuite la dissimulation de la vérité vis-à-vis du tireur. 

    Le capitaine Charpentier a reçu trois balles, ainsi que les témoins de Palaja le décrivent : Une en plein coeur, tirée de l’arrière, à perforé l’omoplate gauche. Les deux autres, tirées dans la nuque. Thérèse Paillet, infirmière à la clinique, s’est accusée du meurtre en plaidant la légitime défense. Or, le tir dans la nuque ne peut accréditer cette thèse. De plus, il fallait savoir bien viser et avoir une connaissance de l’anatomie pour viser la région du cœur. Il a été prouvé lors de la reconstitution que l’infirmière ne savait pas manier les armes. Alors, un homme. Un gaucher… comme qui, par exemple ? Un certain chirurgien, mais rien ne le prouve encore.

    Sources

    Les documents qui m'ont permis de mener cette enquête ne sont pas conservés aux Archives départementales de l'Aude. Une partie se trouve dans un fonds de justice militaire. L'autre partie, dont les originaux ont disparu, m'a été donnée par le fils d'un enquêteur qui avait gardé des copies. 

    Photo en une

    Le capitaine Charpentier et son épouse

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  • Analyse historique du "Donjon dans la tourmente"....

    De nombreuses affaires ont perturbé l’existence de la clinique du Bastion et de leurs propriétaires après la guerre. La libération du docteur Delteil le 19 août 1944 des geôles nazies, a jeté le trouble dans la population et chez certains résistants. Lorsqu’on a appris la fin tragique de Bringer et de Ramond à Baudrigue, le capital patriotique du chirurgien a été mis à mal. Les résistants locaux se sont tus. Au plus haut sommet de la gouvernance des FFI, on a feint de ne pas savoir. A cette époque, on ne pouvait pas remettre en cause la probité de cet homme, sans faire le procès de la Résistance toute entière. Début septembre, il fallait absolument rétablir la République et s’en prendre aux collaborateurs des Allemands. Pendant ce temps, le docteur a tenté par les moyens dont il disposait de travestir la vérité et d’obtenir des attestation de virginité. Ceci est formellement établi par les dépositions en notre possession.

    On peut d’ailleurs s’interroger sur le fait qu’il n’ait participé à aucun Comité de Libération, pas plus qu’à l’administration d’une juridiction d’exception comme la Cour martiale, ni au Comité d’épuration et de sélection de l’Aude. En revanche, on l’a vu très souvent se rendre au bureau de la police politique, ou à la prison pour s’entretenir avec le sinistre Bach. Sans aucun mandat, ni habilitation à le faire. L’agent français Bach, interprète de la Gestapo, aux méthodes brutales. Celui qui a arrêté Jean Bringer, Ramond et le docteur Delteil, mais qui niera étrangement à son procès avoir interpellé ce dernier. A la Maison d’arrêt, le chirurgien s’est aussi entretenu avec Ozouf, agent interprète des Allemands. Ozouf, grand trafiquant de marché noir. Après qu’il en soit sorti, on apprendra que le prisonnier s’est jeté depuis le deuxième étage. Il se serait suicidé, comme plus tard le Dr Cannac. Ce jour-là, le docteur était accompagné par le capitaine Charpentier, alias Noël Blanc. Cinq jours plus tard, le capitaine sera assassiné dans la clinique et retrouvé sous un pont à Palaja. On a brûlé son corps pour empêcher toute identification, mais sa carbonisation n’a été que partielle. Les témoins reconnaîtront tous le capitaine, sauf un seul homme… Le patron de la clinique du Bastion. Thérèse, l’infirmière de la clinique, s’accusera du crime. Elle se récusera, puis associera son geste au malheureux Dr Cannac. L’Otho-Rhino, revenu d’Antibes en novembre 1952 pour répondre la convocation du juge d’instruction, mourra dans la clinique après s’être soi-disant suicidé. Personne n’a jamais compris qu’un homme fasse 600 kilomètres en train et de nuit, pour avaler du Gardenal à 2h30 du matin dans une chambre du Bastion. Mystère…

    Au bout de toutes ses suspicions et faits délictueux annexes sur lesquels nous préférons nous taire, les accusés ont fini par obtenir un non-lieu en 1955. Jugement, appel, cassation… Les affaires alimentèrent la chronique judiciaire nationale, avec disons-le, trop de romance dans le but de vendre du sensationnel. L’historien s’interroge… Pour quelles raisons des gens, qui disent n’avoir rien à se reprocher, ont passé toute leur existence à travestir la vérité ? Toute leur existence à rechercher les honneurs, les médailles ?

    Le non-lieu ne suffisait pas ! Dans le Caqueyrolles de Joe Bousquet, tout finit par se savoir, les langues se délient au coin de la rue. Celle-ci avait rendu son implacable verdict : Coupables ! Il fallait donc une nouvelle fois que les suspects puissent donner leur version. Celle déjà entendue au procès et qui n’avait convaincu personne, mais que la loi leur interdisait à présent de publier. Alors, l’épouse du docteur à l’aide d’un nom d’emprunt se mit à écrire un roman. Avec beaucoup de talent littéraire, Ariane Desnoyer, dissimulait son véritable patronyme pour échapper au bras séculier de la loi. Sous de faux noms, on s’assure de ne pouvoir être attaqué en diffamation. Avec habileté, Ariane Dénoyer alias Stéphanie Dubreuil alias Eugénie, maquille les patronymes des principaux protagonistes des affaires pour lesquelles son mari a été inquiété. Lady Macbeth n’a plus qu’à entrer en scène…

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    Distribution des rôles : 

    Dubreuil (Dr Delteil), Sattac ( Dr Cannac), Serrurier ou Pascal Noir (Charpentier alias Noël Blanc), Scarfali (Chiavacci), Damon (Ramond), Théonie (Thérèse Paillet), Nicole (Denise), Flaguières (Maître Noguères), Valon (Lieutenant Talon), Saint-Luc (Dr Saint-Paul), Bastardy (Dr Reverdy), Disjole (Dr Deixonne), Ariel ou Jean Gringer (Myriel ou Jean Bringer), Bonel (Dr Bernard), Malvy (Dr Maury), Delhomme (Dr Bonhomme), Pancrace (Boniface), Chanoine Font (Curé Pierre Pont)

    Catalpa (Palaja), Villebazy (Villebazy), La Bigale (La Trivalle), La sarbacane (La Barbacane), Rodrigue (Baudrigue)

    Analyse

    Ce roman place son action en Amérique-du-sud. Stéphanie Dubreuil se rend en Argentine afin de rendre visite à des amis. Le lieu n’a pas été choisi au hasard, car c’est là que ce sont réfugiés après guerre tous les anciens collaborateurs et criminels nazis. Malheureusement, l’avion qui transporte notre héroïne s’écrase au milieu de la forêt brésilienne. A la suite de péripéties, Stéphanie Dubreuil (Eugénie Delteil) fait la rencontre de Serrurier alias Pascal Noir (Charpentier alias Noel Blanc). Cet homme n’est autre que l’homme dont le corps avait été trouvé carbonisé à Catalpa (Palaja) le 6 septembre 1944. En France, on le croit mort. En fait, il s’est réfugié au Brésil. Toute l’astuce de l’auteur consiste à relater des faits mensongers et des jugements diffamatoires à travers la bouche de ses deux héros. Cette argutie littéraire lui permet ainsi d’échapper à d’éventuelles poursuites, tout en calomniant les victimes et leurs familles. Notre travail s’est évertué à démonter tout l’argumentaire fallacieux. 

    Page 22 : « Elle ne le quitta pas sous la Gestapo, au temps où il échappait à la tuerie de Rodrigue, ni pendant ces dernières années où l’on se plaisait à exhiber entre deux gendarmes, les poignets enchaînés, ce survivant de l’enfer de Verdun, des gaz de combats et geôles allemandes ».

    Le Dr Dubreuil n’a jamais été au front à Verdun. Il était à l’arrière au sein du 13e Régiment d’Artillerie de Campagne au service des automobiles. Il a été évacué le 1er juillet 1916 à cause de problèmes hépatiques et a été réformé.

    Page 46 : « Pour ne pas entacher la mémoire d’un mort, sans hésiter à laisser peser sur des vivants de terribles accusations, Théonie s’est tue. Le cœur à ses raisons… »

    Ariane Dénoyer laisse entendre que Théonie a laissé accuser le Dr Dubreuil de la mort de Serrurier, pour défendre son amant le Dr Sattac. Signalons que ce roman a été publié en 1959. L’épouse du Dr Sattac était encore vivante, ainsi que leur fille. Voilà une assertion digne des ragots de quartier qui porte préjudice l’honneur de la famille du défunt.

    Page 48 : « Pour avoir cru sa situation désespérée, il a fallu que l’oto-rhino perde tout contrôle ; lors de notre dernière entrevue, quatre mois avant son suicide, son moral n’était pas déjà brillant, nous l’avions tous constaté. » 

    L’enquête a révélé que le Dr Sattac n’avait aucun instinct suicidaire. Qu’on n’a jamais retrouvé de Gardénal dans sa valise. Un membre de sa famille nous a dit que le docteur était très heureux à Antibes. Une très vive altercation avec le docteur Pierre S au téléphone la veille de son départ pour Carcassonne.

    Page 49 : « Apparemment, au point de départ, il y a deux femmes résolues à toutes les compromissions pour se procurer de l’argent : Mme Serrurier et Mme Sattac »

    Ces deux veuves n’ont souhaité qu’obtenir la vérité sur la mort de leurs époux. Elles sont portées partie civile. Il n’est point question d’argent. D’ailleurs Maître Noguères, résistant et ami de Serrurier, a voulu laver l’honneur de celui que le Dr Dubreuil accusait de traitrise pour justifier son assassinat.

    Page 60 : « Chargé de visiter les blessés du maquis, il félicita en ma présence le docteur Disjole des soins que, forcé par les circonstances, il nous avait donnés et je me souviens que le chirurgien qui sortait des prisons nazies, se tenait à peine debout. 

    Le docteur Dubreuil a indiqué n’avoir jamais été maltraité à la prison. Quant au docteur Disjole, comment laisser entendre que ce chef de clinique de Quillan a été forcé de soigner les maquisards. C’était le médecin officiel du maquis de Picaussel. Dubreuil qui convoitait sa clinique, avait demandé à Martimort, chef du maquis d’Aunat d’excuter Disjole. Martimort n’a jamais voulu car Disjole rendait de grands services à Picaussel et n’était pas un traitre.

    Page 61 : « Ce Pascal là (Serrurier) avait dû quitter notre vallée natale (La Lozère) en vitesse, à la suite d’une histoire de marché noir. »

    C’est totalement faux ! Serrurier avait quitté son poste de chef de réseau en Lozère en 1943 car il avait été arrêté par la gendarmerie, s’était échappé et était brûlé. A la suite, il fut envoyé dans l’Aveyron.

    Page 67 : « Le suicide de ce privilégié (Dr Sattac), qui aimait toutes les satisfactions que l’argent procure à ceux qui savent le dépenser, m’a paru inexplicable. Somme toute, peu importe les motifs, c’est le malchanceux Dubreuil qui a supporté les conséquences. »

    Ici, on fait passer le Dr Sattac pour un cupide. Sous entendu, c’est son besoin d’argent qui l’a amené au suicide. 

    Page 104 : « Non, c’est impossible. Serrurier Fut tué le 6 septembre 1944 et son cadavre tout d’abord brûlé à Catalpa dans un fossé, fut autopsié à la morgue de l’hôpital. »

    Serrurier a été assassiné au Donjon dans la nuit du 4 au 5 septembre et retrouvé à Catalpa le 6 septembre. Dubreuil a toujours prétendu que le 5, des employés de la clinique ont aidé Serrurier à pousser sa voiture pour la faire démarrer. Ceci pour justifier qu’il ne pouvait être mort le 4 au soir. Or, ces témoins sont tous revenus sur leurs dépositions en 1950. 

    « Ce n’est pas mon cadavre qui fut grillé à Catalpa et apporté à l’hôpital, mais un mort anonyme que tout le monde a pris pour moi. »

    Ceci est en partie exact. A une différence de taille… Le cadavre de Serrurier a été identifié comme le sien à Palaja par les témoins. Celui qui a été autorisé à l’hôpital n’était pas le sien. On a donc substitué à la morgue un corps par un autre. Il pourrait s’agir du policier André Got, assassiné le même jour à Saint-Martin-de-Vileréglan. Il présentait une plaie identique de 20 cm à l’abdomen à celui autopsié par le docteur Philippe S et figurant dans le rapport. Or, le corps de Serrurier n’avait pas de plaie à Palaja. On aurait carbonisé le cadavre de Got pour le faire passer pour celui de Serrurier. La plaie constituerait une preuve.

    Page 108 : « On enterrait le chef de la Résistance du département, massacré à Rodrigue le 19 août, avec dix-huit de ses camarades. Pendant l’absoute donnée en l’église Cathédrale, je surpris des regards de haine  braqués sur moi (Serrurier). A l’issue de la cérémonie je saisi le geste du docteur Sattac : d’un clin d’œil il me désignait à une personne que je pouvais discerner, mettant en même temps la main à sa poche-révolver dont le renflement permettait de deviner ce qui s’y dissimulait. » 

    Jamais le Dr Sattac n’a cherché à tuer Serrurier lors de l’inhumation de Bringer. En revanche, le Dr Dubreuil a fait courir le bruit que Serrurier était un traitre et qu’il fallait l’arrêter. Ceci est attesté par les dépositions de Gilbert de Chambrun et de Louis Nicol. La déposition de Sacarfali atteste qu’il aurait reçu l’ordre de Dubreuil d’abattre Serrurier, après la cérémonie. 

    Page 114 : « Un samedi de juillet, la police allemande s’emparait dans la rue du chef départemental de la Résistance : Ariel, qui accablé par les documents portés sur lui ne put se défendre. »

    Ariel ne portait pas de documents sur lui pour la bonne raison qu’il a été arrêté dans la clinique. Laisser supposer qu’il avait des documents compromettants cherche à prouver que personne n’a donné son identité aux Allemands. Or, nous sommes persuadés que Ariel a été arrêté le même jour que Dubreuil et Damon. Que tous les trois se sont retrouvés à la Gestapo et interrogés. La Gestapo ne savait absolument pas qui était le chef de la Résistance le jour de l’arrestation. Ceci est attesté par la déposition de René Bach, agent de la Gestapo.

    Page 150 : « Pour gagner la partie, Falguière tablait sur ses relations, nombreuses au prétoire et surtout dans les milieux politiciens où il avait été mêlé à pas mal de péripéties : le scandale Philippe Daudet, la mise en accusation du Maréchal Pétain, le litige Radio-Andorre… »

    Maître Louis Noguères (1881-1956), résistant de la première heure, avait refusé comme député de voter les pleins pouvoirs à Pétain en 1940. Membre de la SFIO, il avait été déchu et mis en surveillance par le gouvernement de Vichy. Président de la Haute-Cour de Justice, il jugea Philippe Pétain et les hauts fonctionnaires de Vichy. Quand il mit en oeuvre de défendre la veuve du capitaine assassiné au Bastion, il fut convoqué par le Président de la République Vincent Auriol. Celui-ci lui conseilla d’arrêter les poursuites contre les coupables. Noguères refusa d’obéir. Comment Stéphanie Dubreuil peut-elle mettre en cause la respectabilité d’un homme tel que Noguères ? L’avocat a toujours cru à la culpabilité de Dubreuil.

    Page 150 : « Or ceux qui furent « les résistants » n’étaient pas obligatoirement des êtres d’exception, mais des individus standard qu’un élan avait soulevés au-dessus du médiocre, où il retombèrent vite dès que la clandestinité baissa pavillon. »

    Drôles de propos pour une personne ayant accueilli des maquisards dans sa clinique…. 

    Page 135 : « Vous méconnaissez la toute puissante presse qui dirige les masses, influence les tribunaux, dicte leur verdict aux jurés. « 

    « Les policiers n’ont pas d’amis. Leur rôle consistant à obtenir des aveux de ceux qui tombent sous leur coupe, les procédés employés pour y parvenir ne sont pas toujours dignes d’un pays qui se dit civilisé : Le Guépou et la Gestapo ont fait école. »

    Quand on attaque la liberté de la presse et l’indépendance de la justice, doit-on raisonnablement penser que l’on est républicain ?

    Page 173 : « Il faut faire la part à une jeunesse qui aimait la belle vie, s’excusa Pascal (Noir), les vêtements confortables chèrement achetés au marché noir, les restaurants gastronomiques sans tickets, mais avec coup de barre à l’addition, sans parler des petites amies coûteuses en cadeaux. »

    Voilà la mémoire de Noël Blanc habillée pour l’hiver. On a construit une sale réputation, après son décès, au capitaine Charpentier. Ainsi pouvait-on aisément l’accuser post-mortem d’avoir été malhonnête.

    Page 175 : « Mon père et ma mère (serrurier qui parle) ne sont plus, ma linotte de femme est remariée, elle n’avait pas une nature à supporter le veuvage. Si elle a mis, je l’ai su, les sanglots doubles à l’annonce de ma prétendue mort, c’était pour avoir plus tôt fini. Elle m’a aimé, j’en suis certain, avant qu’elle chérit son actuel époux et, si celui-ci venait à lui manquer, elle mettait ses ardeurs à la disposition d’un troisième. C’est une créature frivole qu’une permanente, un chapeau neuf et un collier de perles de culture consolent des chagrins les plus cuisants."

    L’auteur fait ici parler le capitaine au sujet de sa femme, plaignante au procès contre les assassins de son mari. Madame Blanc s’était remariée après la mort de son époux. Elle est ici présentée comme une femme de peu de vertu.

    Page 190 : « Dubreuil est-il toujours le sosie du Grand Général ? Votre mémoire visuelle est fidèle ; mon époux ayant peu changé a conservé à dix centimètres près l’apparence qu’avait le libérateur en 1944. Il résulte que le chirurgien ressemble maintenant au Général plus que le Général ne ressemble à lui-même. »

    La cerise sur le gâteau.

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