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La donation Delteil au Musée des Beaux-art de Carcassonne en 1984

« Ce qu’il y avait chez Delteil aurait pu enrichir un antiquaire pendant 20 ans ! » C’est en ces termes qu’un homme avisé me décrivit l’impressionnante collection des époux Delteil. Pas un mur, pas un espace même qui ne fut occupé par une toile, fut-elle sans intérêt apparent. Bien entendu, il fallait être invité à entrer dans le logis personnel du couple. Émile dissimulait sous son vieux pardessus les troublants secrets de la Résistance locale. Après sa mort, on dit qu’Eugénie perdit un peu la raison. Elle se livra à la kleptomanie dans les rayons de Monoprix, mangeait les restes des patients dans sa clinique. Lorsqu’elle sortait, sa fortune se cachait sous des haillons, des bagues à trois francs. La seule richesse qu’elle fut disposée à dévoiler à quelques privilégiés, ce sont ses tableaux. Un témoin m’assura y avoir vu plus d’une centaine de tableaux. Certains sans intérêt, mais d’autres… Corot, Derain et même Picasso. Les légendes ont la vie dure à Carcassonne. Y avait-il vraiment la signature du maître du cubisme accrochée au Bastion ? Depuis la Libération, les Delteil cherchèrent à évacuer les soupçons pesant sur eux. Ils finirent par enfoncer la vérité dans un cul de basse fosse, sans pour autant parvenir à éteindre les rumeurs. Les mythomanes créèrent tant de fausses pistes que plus d’une se retourna, malgré eux, contre leurs intérêts. Dans l’ouvrage qu’écrivit Eugénie sous un pseudonyme, elle laissa entendre que Ruiz, docteur et frère de Picasso, était ami avec son mari. Qu’il vint même au Bastion avec sa femme. Or, Picasso n’eut jamais de frère. Seulement une sœur prénommée Lola ; le premier modèle de Pablo. Elle s’était mariée en 1909 avec un docteur barcelonais, le sieur Juan Bautista Vilato Gomez. Le médecin n’était donc pas le frère, mais le beau-frère de Picasso. 

Nous croyons que le Dr Vilato Gomez et Lola Picasso ont pu visiter les époux Delteil. Depuis 1936, la clinique du Bastion accueillait des réfugiés espagnols. Delteil comme ses confrères Carcassonnais entretenait des relations avec les médecins catalans, via le réseau du Rotary-Club. D’ailleurs, le Dr Trias en avait été le président barcelonais. Cet éminent chirurgien officiait à la clinique du Bastion de 1939 à 1942. Toute sa famille y résidait. Rien ne s’oppose donc à ce que Trias ait eu le mari de Lola Picasso dans ses relations professionnelles. Ceci justifierait-il que les Delteil ait eu un ou plusieurs Picasso en leur possession ? Dieu seul le sait… Le poète Joë Bousquet et ses amis, d’autres collectionneurs, auraient sans doute pu nous éclairer sur la question. Magritte, Ubac et Scutenaire, artistes repliés à Carcassonne, entretenaient des relations avec le maître du cubisme. Décidément d’amateurs de tableaux dans cette ville, mais aussi de placements.

De la considérable collection des époux Delteil nous ne saurons rien de plus, sinon qu’ils léguèrent une partie de leur trésor au Musée des Beaux-arts de Carcassonne. En 1982, après la mort de son mari, la femme du chirurgien invita chez elle le conservateur du musée. Camille Viguié fit un choix parmi les œuvres qu’on se proposait de donner. Ne disposant pas de la liste complète, nous avons retrouvé la trace de vingt-deux toiles. Madame Maynard, conservatrice du musée, en a dressé un inventaire dans un ouvrage publié en 2005. Elle écrit à ce sujet : « Les pièces du don Delteil sont souvent très restaurées, très usées. Parfois, il peut s’agir de médiocres copies voire de faux ». D’après nos investigations, les propriétaires du Bastion logeaient un espagnol à la Villa Roy. Joseph Calvo, selon les témoins, possédait l’art de la restauration de tableaux. On dit même qu’avec talent, il réalisait des copies pour satisfaire M. Delteil. Celui-ci négociait l’achat de tableaux pour sa collection à vil prix. Eugénie Delteil, elle, se montra généreuse envers l’église Saint-Vincent dont elle fut l’une des ouailles les plus assidues. Elle fit don d’une vierge gothique (XVIe siècle), une piéta et une toile de Prache. 

Don Delteil au Musée de Carcassonne

1982-1984

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Jean-Baptiste Camille Corot

(1796-1875)

Paysage

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Achille Laugé

(1861-1944)

Cailhau

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Jacques Gamelin

(1738-1803)

L'enfant malade

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Léonard Saurfelt

(1840-1890)

Le marché

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Otto Brandt

(1828-1892)

Paysanne avec enfant

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Anonyme 

XVIIIe siècle

Nicolas Poulhariez en marchand franc

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Jan Lievens

XVIIe siècle

Enlèvement de Proserpine

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Anonyme

XVIIe siècle

Paysage avec trois personnages

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Anonyme

XVIIIe siècle

Putti jouant avec une chèvre

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Jose Maria Sert y Badia

(1874-1945)

Tobie et l'ange

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Anonyme

XIXe siècle

Vierge à l'enfant avec une perruche

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Anonyme

XVIIe siècle

La continence de Scipion

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Gerard Ter Borch (Copie)

Joueuse de Luth

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Jacques Gamelin

(1736-1908)

Naufrage au soleil couchant 

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Anonyme

XVIIe siècle

La vierge à l'enfant avec Sainte Anne

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Jan Gossaert (Copie)

XVIIe siècle

Vierge à l'enfant

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Anonyme

XVIIe siècle

Vénus et l'amour

Autres toiles : Femme au masque (XVIIIe siècle - Michel Ravillon), Portrait de Pierre Bouyer (XVIIIe siècle - Michel Rabillon), Tête de femme âgée (1920 - Jacques Ourtal), Douteuse (1900 - Edmond Aman-Jean)

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Commentaires

  • Merci Martial pour ce bel article sur les « Delteil » et leur don.
    Le Bastion et ses……mystères.
    Bravo

  • voilà de quoi redorer "l'histoire" de cette famille qui a tenu la une , des évènements carcassonnais pendant longtemps

  • Très longtemps après la fin de la guerre -et comme nous avons eu l'occasion d'en parler , Monsieur Andrieu - voilà qu'on se débarrasse des preuves matérielles des "affaires glauques qui ont ensanglanté le temps de la Libération ...!
    Il fallait bien -comme on jette autant d'objets de sortilèges- que l'on fit "table rase " de toutes ces oeuvres .Malgré certainement leur très grande valeur marchande . Bien que l'on eut pu les conserver Il faut croire que ce n'était pas cette valeur-là qui était en cause . Merci , Monsieur Andrieu pour votre travail colossal sur cet épisode historique : grâce à vous j'ai bien pu cerner les tenants et aboutissants des auteurs de ces "affaires de Carcassonne". Je tiens à vous dire que je regrette votre mise à l'écart volontaire, tout en la comprenant . Je demeurerai toujours votre fidèle lecteur et obligé.

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