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Musique et patrimoine de Carcassonne - Page 332

  • Tournage du film "La merveilleuse vie de Jeanne d'arc, fille de Lorraine", en 1927 à la Cité

    A partir du 3 novembre 1927, la Cité de Carcassonne accueille le tournage d'un grand film muet d'envergure nationale, financé par les productions Natan à hauteur de 8 millions de francs. Toute la troupe est arrivée de Mazamet. Depuis un mois on préparait les machines de guerre et les décors sur les remparts de la Cité médiévale.

    La merveilleuse vie de Jeanne d'arc,

    fille de Lorraine.

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    L'écriture du scénario qui retrace la vie de la pucelle d'Orléans depuis Vaucouleurs jusqu'au bûcher de Rouen, a été confié à Jean José Frappa. Louis Aubert assure l'édition de l'oeuvre mise en scène par le peintre et désormais réalisateur, Marco de Castine. Après un concours au cours duquel de très nombreuses  actrices auront participé, une jeune femme de 16 ans a été choisie pour incarner l'héroïne principale.

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    Simone Genevois

    (1912 - 1995)

    Là, sur un vaste enclos qui domaine les célèbres fossés, une foule bigarrée se presse curieuse et enthousiaste. Figurants Anglais, Français, metteur en scène, administrateur, journalistes, tout ce monde ne forme un instant qu'une masse compacte... Mais un coup de sifflet strident donne un ordre et chacun court à la place qui lui est assignée. Les armes sont distribuées. Les cuirasses aux Français, les cottes de maille aux Anglais, appareils aux opérateurs et un magnifique porte-voix à Marco de Gastyne.

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    Les opérateurs Asselni et Belladone entourant M. Gaston Brun. Chef de la prise de vue Delval et son équipe surveillent les mouvements d'ensemble et expédient écuyers et arbalétriers  ans le champ utile où l'artiste Mailly leur donne les derniers conseils.

    M. René Ginet, notre distingué confrère de la presse cinématographique parisienne, délégué des Productions Natan, nous a aimablement invité a suivre les opérations d'une prise de vues. Et notre excursion ne s'est réalisée qu'après un excellent déjeuner, où tous les confrères furent réunis.

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    La troupe est rassemblée. Sous une même cuirasse on ne reconnaît plus soldats, ni civils. L'égalité est si uniforme que tout esprit de commandement disparaît. Et pourtant, ces hommes obéissent au moindre geste du metteur en scène. Il y a là, comme figurants des Carcassonnais, des soldats du 80E, des artistes même qui, pour les encourager et former une atmosphère nécessaire se sont glissés parmi eux. Marco de Gastyne harangue tous ceux qui vont se battre et transmet à l'artificier qui, par hasard, se nomme Pétard, ses ultimes recommandations.

    A droite, il dit que les Anglais prennent l'offensive !

    A gauche, il crie que les Français se méfient !

    Au milieu, il nous crie de rester tranquilles !

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    Et pendant ce temps, la foule des curieux se presse aux alentours gênant parfois les mouvements et offrant le spectacle comique de particuliers béatement ahuris.

    Un coup de sifflet. Le capitaine anglais , Lord Glasdal, aperçoit les Français. Il donne à ses soldats l'ordre de s'élancer. Mais nous ne sommes plus aux temps des arbalétriers et des catapultes. Nos soldats du XXe siècle s'élancent mollement. Alors Marco, énervé, leur crie dans le haut-parleur.

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    - Cent mètres de gâchés ! Un peu plus d'ardeur, s'il vous plaît !

    Et l'on recommence jusqu'à la perfection. Les soldats du 80e sont pétris de bonne volonté. Le soleil baisse à l'horizon. Il est quatre heures. Nous interviewons tour à tour MM. Gaston Modot - le capitaine anglais - et Mailly - le capitaine Lahire. Tous deux sont satisfaits. Et Marco de Gastyne nous dit :

    - Si je suis content ? Il faudrait que je sois fou pour ne pas l'être. Je suis enchanté, ravi, exultant de joie. Nous assistons à un effort comme jamais il n'en a été fait en France jusqu'à ce jour, effort dépassant même celui si considérable qui fut osé pour "Le miracle des loups". Et quel appuis, quels concours, quelles facilités ne nous a t-on pas accordés. Pensez-donc, la porte des monuments historiques largement ouverte. Toutes les facilités possibles pour tourner à Reims, Carcassonne, Aigues-Mortes, Mont Saint-Michel, Pierrefonds, etc... décors uniques au monde, ce qui nous permet, tout en évoquant la plus magnifique pas de notre histoire, de porter à l'écran les plus beaux sites de France.

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    Devant la cathédrale de Reims

    A Reims, nous avons obtenu pour la première fois l'autorisation de tourner à l'intérieur de la cathédrale, transformée pendant quelques jours en studio de cinéma. Pouvoir utiliser pour la figuration un nombre presque illimité de soldats volontaires des 6e, 15e, 16e et 17e corps d'armée : avoir pu joindre ainsi aux figurants civils pour la bataille de Patay, l'effectif d'une brigade de dragons, et pour le siège d'Orléans celui de deux régiments d'infanterie et d'un régiment de cavalerie. Et vous me demandez si je suis content ?

    Tant que le cinéma nous apparaît ainsi, il semble auréolé de gloire et de prestige. Quelle erreur ! Le cinéma est très beau nous dit-on : on y gagne 6, 8 ou 10 000 par mois. Mais il faut mettre en garde tous ceux qui veulent en faire à tort et à travers. Car si on réalise des bénéfices, on ne vit heureux qu'à condition de tourner toujours. Et ce n'est pas le cas, même pour les plus grands artistes ! Je crois que cette situation se retrouve partout, qu'il s'agisse de grand théâtre, d'opérette ou de music-hall.

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    La scène du siège d'Orléans à la Cité de Carcassonne

    Interviews

    Simone Genevois vient de nous quitter. Marco de Gastyne, impitoyable, l'a invitée à venir au plus tôt tourner quelques minutes. Et, mutine, elle a abandonné brusquement une partie de Mh-Jong pour aller revêtir son armure. C'est que Simone Genevois n'a que seize ans. Et il est permis, à cet âge heureux, d'avoir quelques distractions. Mais à la table où nous sommes, Mesdames Choura-Milena et Dora Starni restent encore. Aussi, pendant que Lord Glasdal, discute aimablement avec son ennemi le capitaine Lahire, nous interviewons nos deux charmantes interlocutrices.

    - Carcassonne, nous dit-on, est une jolie ville. Mais... je préfère Toulouse, avoue Mme Starni. Nous avons trouvé auprès des Carcassonnais, un accueil chaleureux. Toute la population nous a été favorable. c'est si rare, savez-vous ! Imaginez qu'un jour...

    Mais Mme Choura nous interrompt.

    - Je devise ce que vous voulez, nous dit-elle. Eh bien ! dites à vos lecteurs que "Jeanne d'arc" sera une de nos plus belles productions et aussi un film qui diffusera étonnement les beaux sites de votre France. Nous avons tourné à Reims, à Aigues-Mortes, au Mont Saint-Michel, à Pierrefonds, aujourd'hui à Carcassonne.

    - Ce qui vous évite d'aller à Beauvais.

    - Laissons-là le mauvais souvenir de ces ridicules histoires entre deux villes. Carcassonne l'emporte aisément. Du reste vous voyez combien est grand l'engouement des interprètes du film. Nous sommes ici tous réunis. Vous avez vu Simone Genevois, voici Mme Marie Laurent qui joue le rôle d'Eléonore, alors que Mme Starni incarne celui de Gilda. Vous savez que l'on m'a désigné pour le rôle d'Isabeau.

    - A ce moment Gaston Modot, qui venait de tourner plusieurs scènes sur les remparts ainsi que nous l'avons décrit dernièrement, complète cette distribution. Philippe Thérial tient le rôle de Gilles de Rais, autrement dit Barbe Bleue, et Daniel Mandaille assure l'interprétation du fameux Lord Talbot. Mailly, le si sympathique artiste, joue le capitaine Lahire, et Dehucourt incarne Charles VII digne d'être couronné par l'héroïne Jeanne d'arc. Louis Alibert, Georges Paulais, P-P Stock, Viguier, Soarez J. d'Albe, Marc Vahele, interprètent successivement les rôles de Rémy l'oiseau, Dunois, Bâtard d'Orléans, Jean Poitou, le frères de Ponargès et un page.

    Gaston Modot vêtu de sa lourde côte de maille venait de nous quitter, lorsqu'un homme, un géant, s'avance. c'était Vasseur, le célèbre champion de force, que les productions Natan avaient enté pour réaliser certaines scènes du film où l'acteur doit faire preuve d'une constitution robuste et d'une habileté extraordinaires. Ce bon géant, paternel et débonnaire, soulève facilement à bras tendus deux hommes de forte corpulence. 

    Le légendaire coup de sifflet retentit.

    - A vous les Anglais ! crie Marco de Gastyne

    - Attaquez ! les Français, lance Lahire...

    Et un journaliste compatriote ajoute justement :

    - C'est curieux, mais les Anglais n'ont jamais été si dociles !

    Source

    L'express du midi

    Crédit photos

    Collection Martial Andrieu

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    © Tous droits réservés / Musique et patrimoine / 2016

  • Louis-Napoléon Bonaparte à Carcassonne, le 2 octobre 1852

    C'est un Louis-Napoléon Bonaparte conquérant, tout auréolé d'avoir réussi à prendre le pouvoir par la force militaire d'un coup d'état le 2 décembre 1851, qui arrive dans Carcassonne en ce début d'octobre 1852. Arrivé à la fin de son mandat de Président de la République, la constitution ne lui permettait plus de se représenter. La répression contre les opposants au futur monarque sera féroce : 27 000 arrestations, des centaines de tués et une presse aux ordres. Après avoir rétabli le suffrage universel masculin, Louis Napoléon Bonaparte provoque une élection les 20 et 21 décembre 1851 afin que le peuple se prononce sur les réformes du Prince-président - seule la presse favorable au régime est autorisée. Les civils se prononcent à bulletin secret... Le Oui est imprimé, le Non doit être écrit à la main ; le bulletin est ensuite donné à la main à président du bureau de vote pour qu'il le mettre lui-même dans l'urne. Les militaires, eux, votent à bulletin ouvert. Les résultats publiés par décret en janvier 1852, donnent près de 80% de Oui. A ce sujet, Vladimir Poutine n'a pas fait mieux... Se considérant de fait plébiscité par le vote populaire, plus rien n'empêche le couronnement du futur Empereur qui interviendra le 2 décembre 1852, jour d'anniversaire du sacre de Napoléon 1er et de la bataille d'Austerlitz.

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    Auparavant, le prince-président Louis-Napoléon Bonaparte entreprend une tournée à travers la France dès le 1er septembre 1852. Persigny, ministre le plus favorable au rétablissement de l'Empire veille à museler toute tentative d'opposition sur le parcours. Partout où passe le futur Napoléon III - d'Orléans à Marseille - ce n'est que liesse populaire et distribution d'argent et de cadeaux aux autorités locales.

    Nous avons retrouvé dans un vieux livre le récit du passage de Louis-Napoléon Bonaparte à Carcassonne, le 3 octobre 1852. 

    "À dix heures, le prince quitte Narbonne et tous les coeurs, tous les bras se lèvent vers lui. Dans toutes les localités que traverse le Prince, à Cruscades, à Moux, à Barbaira, il trouve des arcs de triomphe, des guirlandes de verdure, des estrades drapées avec élégance et richesse. Les maisons sont pavoisées, les rues sont ornées de faisceaux de l'aigle, portant des écussons où l'ont lit :

    A Louis-Napoléon ! A Napoléon III ! Vive l'Empereur !

    Carcassonne a reçu le Prince avec cet éclat de fêtes et cette chaleur d'enthousiasme, que nous avons trouvé dans tout le Midi. Aux portes de la ville S.A.I est attendue par M. Edouard Bosc, maire de la ville, entouré du conseil municipal et du Conseil général de l'Aude, du conseil d'arrondissement, de la magistrature, du clergé et de tous les fonctionnaires. Sa voiture s'étant arrêté M. Bosc, maire, lui a adressé les paroles suivantes :

    La ville de Carcassonne est heureuse de vous recevoir dans ses murs. Chef du corps municipal, je suis fier d'un titre qui naguère me permettait d'être auprès de vous l'interprète de ses sentiments, et me donnent aujourd'hui le droit d'offrir à Son Altesse Impériale les clefs de notre Cité.

    Entrez, Prince, les voeux de nos concitoyens vous appellent  ; continuez, au milieu de nous, cette marche triomphale qui, sur votre passage, fait éclater les transports les plus vifs, résumés dans ce cri, symbole de l'ordre et de la gloire :

    Vive Napoléon ! Vice l'Empereur !

    Ces paroles et la réponse du Prince ont été suivies d'une vive acclamation

    Vive L'Empereur !

    À deux heures, le Prince a fait son entrée à cheval, au bruit de l'artillerie, au son des cloches, au milieu des cris d'enthousiasme de toute la population. À la Préfecture, il avait été attendu par cent jeunes filles qui lui ont offert des fleurs ; l'une d'elle lui a adressé un compliment auquel il a répondu par les paroles les plus gracieuses. Après quelques instants de repos, le Prince est sorti par la porte du jardin, il parcouru les boulevards du Palais et du Cours, où il a trouvé rangés les délégués des communes et les anciens militaires de l'Empire, ces dignes descendants des braves que César signalait comme les "hommes forts et vaillants de Carcassonne, qui vinrent lui prêter l'appui de leurs bras."

    Les délégués des communes étaient conduits par les maires, adjoints et conseillers municipaux. Les quatre cent trente-cinq communes du département avaient répondu à l'appel pour se rendre au chef-lieu ; on en cite plusieurs où tout le a marché, et où on a dû tirer au sort le nom des deux ou trois hommes valides qui resteraient pour avoir soin des troupeaux.

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    © ADA 11

    Louis-Napoléon Bonaparte devant la caserne de Carcassonne

    Après la revue des communes, le Prince a passé celle de l'armée. Le 2e hussards, une batterie du 3e d'artillerie, un autre bataillon du 67e et du 20e léger, rangés en bataille ont offert un superbe spectacle, et ont défilé aux cris de : Vive l'Empereur ! Un arc de triomphe élégant, élevé devant la porte d'une caserne, portait ces mots : Fiat Imperium.

    En rentrant, le Prince a reçu les différents corps, toutes les autorités et tous les fonctionnaires du département. Il a remis la croix de la légion d'honneur à M. Bosc, maire de Carcassonne, et Champeaux, sous-préfet de Limoux. 

    Le général comte d'Hautpoul, grand référendaire du Sénat et président du Conseil général, a présenté les membres du conseil à S.A.I. Le Prince s'est entretenu avec eux et leur a dit : " Je sais que les intérêts du Midi ont été depuis longtemps sacrifiés : il ne tiendra pas à moi que cet oubli-là ne soit réparé."

    Mgr de Bonnechose qui était allé au-devant à du Prince jusqu'à Narbonne, était revenu à Carcassonne pour présenter son chapitre et le clergé de la ville épiscopale. Il a rappelé au Prince que la cathédrale de Narbonne est inachevée et qu'on lit sur les murs de la façade ce distique latin, qui ne manquait certainement pas d'à-propos pour la visite du Prince-Président :

    Interrupta utinam tandem haec sacra maenia surgant imperio fiat quod cogitate pietas !

    (Plaise à Dieu que ces saintes murailles inachevées s'élèvent, que cette oeuvre s'accomplisse par un ordre que la piété réclame.)

    Le soir, la ville est toute entière illuminée. Spectacles gratis, danses publiques, feu d'artifice. Le Prince se rend à un bal qui lui est offert par la ville.

    La journée avait commencée par un acte de bienfaisance de la municipalité, qui avait décidé qu'une distribution de pain et de viande serait faite aux pauvres de la ville. Le Prince voulut qu'elle se terminât de la même manière, et il a laissé une somme pour être distribuée aux moins heureux des vieux soldats de l'Empire.  

    En quittant Carcassonne, le Prince a chargé M. E. Fugué, préfet de l'Aude, de remercier les habitants de ce département de l'accueil  qu'ils lui avaient fait.

    (Voyage de S.M Napoléon III, empereur des Français / F. Laurent / 1853)

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    Napoléon III

    La tradition orale locale raconte que la future impératrice -Eugénie de Montijo"- a laissé de nombreux cadeaux aux églises de Carcassonne.

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    À Saint-Vincent, elle aurait offert la parure et les habits pour la statue Notre-Dame de la parade. À l'église paroissiale de Villalbe, c'est le superbe lustre qui orne le centre de la nef.

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    Lustre de l'église de Villalbe

    Le plus beau des cadeaux de Napoléon III à la ville de Carcassonne est sans aucune contestation la restauration de la Cité médiévale. 

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    "Il examina les dessins de Carcassonne qui accompagnaient un rapport de Viollet-le-duc pendant une heure, raconta Mérimée, et parla avec lui de la cathédrale de Laon." 

    (Prosper Mérimée / Correspondance générale Vol.8)

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    © Ministère de la culture

    Ce rapport, daté du 15 mars 1853, sur les restes de l'ancienne Cité de Carcassonne, a été adressé à son excellence Monsieur le ministre d'état. Il était accompagné d'un atlas de 29 feuillets et fut imprimé.

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    © Tous droits réservés / Musique et patrimoine / 2016

  • Janvier 1914 : le département de l'Aude est coupé du monde par le gel et la neige.

    L'hiver de 1913 avait été particulièrement doux avec une moyenne de 10° pour le mois de janvier enregistrée à Carcassonne. La population commençait à commenter ce radoucissement général en des termes que personne ne renierait aujourd'hui :

    "Quel sale temps ! Nous n'avons plus d'hiver, il y a quelque chose de détraqué"

    On se souvenait alors - faisant appel à la mémoire des anciens - des épisodes hivernaux les plus marquants ; ceux des Grands hivers de 1709, 1830 et 1870. L'espoir de retrouver le gel et la neige si nécessaires à l'équilibre du cycle des saisons, allait dépasser de loin tous les scénarios en ce mois de janvier 1914. L'année d'une nouvelle guerre, comme si le début de l'année d'une météo catastrophique en était le mauvais présage... 27 jours de gel consécutifs à Toulouse sous une température minimale de -27°

    Situation météorologique

    Une dépression couvre le sud de l'Europe et de la méditerranée ; son centre se trouve à Livourne (Italie). Une autre passe au nord de la Russie. En France, le vent souffle fort sur les côtes nord-est de la Manche et du golfe du lion. Des chutes de neige se produisent dans toutes les régions. La station de Toulouse indique -2,5° dans la nuit et -6,5 en journée.

    14 Janvier 

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    Dans la nuit du 15 au 16 janvier, la température s'est abaissée à 6° en dessous de zéro. À Narbonne, une tempête de neige a déposé un manteau de plus d'un mètre dans les rues de la ville. La circulation est interrompue ; les trains sont à l'arrêt et le vent continue à souffler. La ligne de chemin de fer de Puichéric  est ensevelie sous la neige et deux locomotives équipées de chasse-neige sont réquisitionnées pour dégager les voies.

    15 janvier

     À Sallèles d'Aude, depuis 18 heures la neige n'arrête pas de tomber et le vent du nord est glacial. Plus de 70 centimètres de poudreuse dans les rues et par endroit, les congères atteignent les quatre mètres de hauteur. Pas de courrier, de communications, de journaux, de tramways...

    16 Janvier

    La station d'essai agricoles de Carcassonne signale qu'il est tombé jusqu'à 2m80 de neige dans le Narbonnais dans la nuit de jeudi à vendredi et que la moyenne générale dans le département est d'un mètre. La circulation des trains est toujours interrompue entre Moux et Sète et entre Quinlan et Rivesaltes. En ville, plusieurs équipes d'ouvriers s'occupent activement de déblayer le milieu des rues pour permettre tout du moins la circulation des piétons.

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    Le Canal du Midi est gelé à Carcassonne

    À Bram, le froid est très vif, le vent du nord-ouest souffle toujours et rien en dégèle. Les courriers entre Villasavary et Villepinte ont repris du service. Dans la Montagne noire, les tramways sont à l'arrêt à cause d'une couche de neige atteignant un mètre par endroits. Le canal du midi est glacé.

    À Narbonne, une couche uniforme d'un mètre couvre le sol. Dans certaines rues, accumulée par le vent, la neige atteint presque le premier étage. Les gens sortent par les lucarnes des toits et les cheminées pour tenter de se ravitailler. Plus de 800 voyageurs sont pris au piège ; ceux ne trouvant pas de place dans les hôtels sont logés chez l'habitant. Depuis vendredi, le rapide de Perpignan est arrêté à trois kilomètres de Narbonne. On ravitaille les voyageurs restés dans le train. La température ne dépasse -4° en journée. La Canal de la Robine est complètement glacé.

    17 janvier

    À Lézignan, la hauteur de neige en ville est d'un mètre et atteint le premier étage avec les cumuls poussés par le vent. Des équipes d'ouvriers déblayent les rues, mais toute communication avec l'extérieur est interrompue. Le train de messagerie 187 et une machine de secours sont bloqués en gare. Pas de trains entre Carcassonne et Sète.

    Dans la tranchée de Montredon des Corbières, la hauteur dépasse quatre mètres sur une distance de 500 mètres. Le train 119 qui porte les journaux est en panne en gare de Moux. 

    18 janvier

    À Carcassonne la situation s'est radoucie et l'épaisse couche commence à fondre. Les trains vers le Narbonnais sont toujours à l'arrêt ; on forme des convois vers Toulouse. À Narbonne, c'est le statu-quo. Les températures sont de -8° et des boulangers ont fermé leurs fours. On manque de vivre et la situation fait craindre la famine. Le bois de chauffage commence à manquer et la ville est privée d'eau. À Gruissan, on n'a pas vu une telle neige depuis 1876 : soixante centimètres dans les rues.

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    Les voies à hauteur de Narbonne

    Le ministre des Travaux publics, M. Fernand David, s'est entretenu de la situation avec le directeur de la Compagnie des chemins de fer du Midi. Les préfets de l'Aude, de l'Hérault, du Tarn et des Pyrénées-Orientales ont été appelés à requérir la main d'oeuvre militaire pour les travaux de déblaiement. Ce n'était pas le cas jusqu'à présent...

    Dans la nuit du 18 au 19 janvier, il fera -10,4° à Toulouse.

    La polémique

    Les journaux se déchaînent contre l'incurie lamentable de la Compagnie des chemins de fer du Midi, responsable du retard des trains. On se moque de la compagnie incapable de se prémunir contre l'obstruction des voies par la neige. Aussitôt qu'il tombe 50 centimètres, c'est la paralysie totale de la vie économique. Comment fait le nord de la France, là où il en tombe fréquemment plusieurs mètres ?

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    "Depuis mercredi, tous les courriers venant de Toulouse sont entassés en gare de Carcassonne : lettres, valeurs, journaux de Paris, de Bordeaux, de Bayonne et de Toulouse empilés, forment d'immense ballots au dépôt de Carcassonne attendant qu'un mauvais plaisant guise par-dessus une allumette. Les voyageurs bloqués aussi manquent leurs rendez-vous d'affaires, perdent non pas seulement leur temps, mais aussi, quelques-uns, de grosses sommes, et s'ils ont le malheur de réclamer ou simplement de demander la date où leur détention prendra fin, ils sont obligés d'encaisser les sourires gouailleurs du chef de gare de Carcassonne ou de subir la description des beautés roussillonnaises exposées par le chef de gare de Perpignan.

    Nous voulons relater ici, parmi cent autres, un exemple du je m'en foutisme de la compagnie.

    Hier au soir, dimanche, trois de nos amis sont venus dans nos bureaux nous raconter leurs aventures. Elles valent d'être publiées. A Quillan où ils se trouvaient bloqués depuis trois jours, on voulut bien leur faire savoir avant-hier samedi, que le lendemain un train serait formé pour Carcassonne à 7h du matin. A 7 heures, nos camarades étaient en gare. Mais le train n'y était pas. Il n'y était pas non plus à 8 h : pas davantage à 9 heures. Mais à 9 heures et demi, il appareilla et partit à une allure que vous devinez. A chaque station arrêts interminables. Nos amis qui sont du nord, protestaient énergiquement au grand ahurissement des autres voyageurs qui trouvaient cette lenteur normale.

    Arrivés en gare de Pomas, station qui compte parmi les moins importantes, on vit la locomotive se détacher du train et faire la manoeuvre pendant 20 minutes ! Finalement le train atteignit Carcassonne à 3 heures de l'après-midi ! On était parti à 9 h du matin. Six heures pour 55 kilomètres. Et où déjeunèrent les voyageurs ???

     A Carcassonne, une trentaine de victimes allèrent protester et signer le registre des villes. Mais cela ne leur donna pas à manger et le chef de gare ne leur en donna pas davantage. C'est là que nos amis virent un pitoyable spectacle...

    Une foule d'ouvriers espagnols venant de Cerdane, appelés en France pour des travaux de terrassement pour de grandes entreprises ont été arrêtés dans la vieille Cité et se sont trouvés dans l'impossibilité absolue d'avancer ni de reculer. Voilà quatre jours que ces miséreux encombrent les trottoirs de Carcassonne, sans provisions, sans argent, sans crédit. Là, un de nos trois amis - de qui nous tenons ces détails - navré de tant d'insouciance - se rendit à la Préfecture pour savoir les mesures qu"on prenait pour mettre fin à cette situation. Il ne put joindre le préfet, qui sans doute solutionnait la question au coin du feu. Mais il trouva le chef de cabinet.

    - Eh ! quoi, lui dit-il, vous êtes isolé depuis trois jours et vous ne faites rien ?

    - Ne pourriez-vous pas télégraphier ou téléphoner au ministère pour lui demanderl'autorisation de réquisitionner la troupe afin de déblayer ? La troupe reste dans les casernements. Elle ne peut pas manœuvrer. En l'utilisant vous n'interrompez pas son instruction.

    - Qu'attendez-vous donc ?

    - Bah ! répondit enfin le chef de cabinet du préfet, la population ne dit rien. Déjà, il ne neige plus. Bientôt le soleil brillera ou la pluie tombera et la neige finira bien par fondre toute seule. Et vous même de quoi vous plaignez-vous ? Carcassonne est une agréable cité ; on y vit bien. Que vous importe d'y passer trois jours de plus que vous ne l'aviez prévu ?

    Ces propos candides et les sombres tableaux qui le précèdent ne sont pas inventés. Ils sont authentiques. Et on n'aura pas de peine à croire qu'ils ne sont pas exagérés lorsque nous aurons dit que nous les tenons des citoyens Durre, député du Nord et Laudier, délégué permanent du Parti. Ils sont venus hier au soir dimanche dans nos bureaux en débarquant du train nous conter leur mésaventure. Ils s'étonnèrent de me voir sourire. Je leur expliquai que la compagnie est coutumière du fait. Je leur racontai comment il y a quelques jours, le froid ayant empêché les disques de tourner, des trains s'arrêtaient en pleine campagne. Je leur dit que lorsque les trains n'avaient pas plus de 50 minutes de retard, on s'estimait ici très heureux.

    - Ah ! m'affirma Durre, ce n'est pas dans le Nord qu'on supporterait pareille inconscience. D'abord, ajouta Laudier, si on s'avisait chez nous de détacher une locomotive du train comme on l'a fait aujourd'hui à Pomas, tout le monde serait descendu pour l'empêcher de manoeuvrer. Et si des voyageurs bloqués avaient constaté qu'on ne faisait rien pour les débloquer ; que ni la troupe, ni les cantonniers n'étaient appelés, on saccagerait la gare.

    (L'express du Midi)

    20 janvier

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    À Carcassonne, Après une journée de répit, le froid a redoublé d'intensité ; le thermomètre est descendu hier matin, à -12°8. Il y avait du givre sur tous les arbres ; le soleil en s'est pas montré de la journée. En ville, de rares véhicules se hasardent dans les rues et sur les boulevards, où une épaisse couche de glace recouvre le sol. On transporte les vivres et le charbon sur des charretons à bras. Le bois de chauffage est complètement épuisé chez les marchands de combustible depuis plusieurs jours. La circulation des trains est rétablie depuis hier entre Carcassonne et Moux.

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    À Narbonne, -10° la nuit dernière. Cet après-midi sous le soleil, le dégel s'est produit légèrement. Le maire a fait appel aux marchands pour ne point augmenter le prix des denrées de première nécessité. Il a convoqué le comité permanent des fêtes pour lui demander de renoncer aux fêtes de carnaval et de provoquer des souscriptions destinées à parer à la misère présente.

    22 janvier

    À la Livinière, qui compte 1200 habitants, les boulangers n'ont plus de farine. Le village est coupé du monde depuis huit jours. Laure, Rieux-Minervois et Peyriac-Minervois sont isolées depuis vendredi. Le chasse-neige a dégagé une voie dans le sens Carcassonne-Narbonne. Dans le Lauragais, le charbon, le coke et le bois de chauffage commencent à manquer. Les boulangers sont obligés de demander du bois aux usines de poterie pour pouvoir chauffer leurs fours. Les villages de montagne sont isolés ; Verdun-en-Lauragais est le plus touché par le manque de bois.

    23 janvier

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    La situation du ravitaillement à Narbonne est à son point critique. La neige tombe encore, mais les trains circulent à la vitesse de 40km à l'heure. Il fait -10° et le rapide de Perpignan vient de dérailler, sans faire de victimes.

    25 Janvier

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    Place Carnot, les soldats déblayent la neige

    La neige fond grâce au radoucissement des températures. Des équipes d'ouvriers sont à l'oeuvre à Carcassonne et l'autorité militaire a réquisitionné certaines quantités de charbon dans les divers entrepôts de la ville pour approvisionner la manutention. À Narbonne, la situation s'améliore mais il faudra plusieurs jours pour faire disparaître les traces de cet épisode hivernal. Les températures maximales enregistrées à Toulouse sont de +3,5°

    Sources

    L'express du Midi

    Le Midi Socialiste

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