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Musique et patrimoine de Carcassonne - Page 160

  • Souvenirs et anecdotes des foires d'autrefois à Carcassonne

    Il était de tradition à Carcassonne d’avoir chaque année deux foires attirant un très grand nombre de personnes. A la fin de l’hiver, c’était la foire du 6 mars et au début de celui-ci, la foire Sainte-Catherine se déroulait le 25 novembre. Les anciens appelaient cette dernière « La pichairo » en raison de la pluie qui s’abattait souvent ce jour-là. On disait vulgairement que Sainte-Catherine pissait sur les badauds du foirail. On peut également évoquer, la petite foire des comportes au moment de la vendange. A peine quelques vendeurs de « semals, gorps et ferats à vendemia » (comportes, seaux à vendange et hottes), occupaient le boulevard Barbès. Les fabricants d’échelles en bois dressaient « las escalos » contre le mur de l’ancien bastion du Calvaire.

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    © Martial Andrieu

    Le pavillon des vins

    A l’origine, au mois de novembre 1861 la foire se tenait sur la « Place au charbon » matérialisée de nos jours par le Square Gambetta. Ce n’est qu’à partir de 1901 que les foires se déplacèrent sur le boulevard Barbès. Le marché-foirail aux bestiaux avait lieu entre les deux ponts, précisément sur l’emplacement actuel de la place Gaston Jourdanne. Parfois, plus de mille bêtes se concentraient à cet endroit et l’on sentait leur odeur depuis la chapelle Notre-Dame de la Santé, au bout du Pont-vieux. Sur le marché, les animaux, les propriétaires et les maquignons à longue blouse noire (la blodo) avec leur fouet enjambant l’épaule et le large chapeau de feutre noire fixé sur la tête, s’activaient autour des bêtes. La vente ne se concluait pas par une signature sur un contrat, une poignée de main suffisait.

    Le 25 novembre 1935, ce sont plus de 2000 moutons, 400 chèvres, 600 agneaux, 120 ânes et 450 chevaux, sans compter les cochons qui animaient le foirail. 

    D’autres emplacements étaient réservés au divers marchands de chevaux. Ils occupaient les affenages du boulevard du Canal (Varsovie) et les allées d’Iéna. Tous présentaient de magnifiques poneys, percherons, chevaux de selle. Superbement préparés, certains portaient des colliers de sonnailles, et des harnachements à pompons rouges. La vente d’un mulet en 1930 rapportait à son propriétaire 140 francs soit 2800 sous. Ceci ne nous donne guère d’indications si l’on ne le compare pas avec le niveau de vie de l’époque. Or, le salaire annuel d’un garçon d’écurie se montait à 6000 francs. L’acquisition d’une voiture munie d’un van pour le transport des équidés coûtait 6800 francs. Le prix d’un kilo de pain valait deux francs. 

    Les attractions

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    © Collection Henri Alaux

    "Au Palace", sur la place d'Armes vers 1930

    Sur la place d’armes (Général de Gaulle), s’installait en face du Café Lapasset, "Au Palace." L’entrée générale de cette attraction fixée à 5 francs, donnait le droit d’accès à tous les stands. La piste à patins à roulettes (à l’époque, on parlait encore le français. On ne disait pas des Rollers), au tonneau, au « pont tremblant » enjambant une petite cascade, à la « salle des miroirs » déformants, au tapis roulant, à la chenille avec un tunnel sous le lequel les amoureux s’embrassaient. Et, une piste de danse animée par un orchestre ! Tout ceci se déplaçait de foire en foire grâce à plusieurs camions Berliet. 

    Le cercle de la mort ou Cercle infernal permettait à des motards entraînés par la force centrifuge, de tourner à des vitesses folles dans une cuve en bois. Deux véritables champions le faisaient en sens inverse et se croisaient dans un bruit assourdissant et au milieu d’un nuage de fumée bleue.

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    © Martial Andrieu

    Le Plazza de toros

    A côté du Portail des Jacobins, le dresseur de puces dans un minuscule chapiteau à la dimension de ses pensionnaires. Les puces savantes étaient logées dans de petites boites vitrées avec le fond tapissée de coton. Les vedettes de cette troupe vêtues de tutus d’un millimètre de toile, sautaient au commandement de cet étrange dresseur. Une fois le numéro terminé, le dresseur exhibait ses bras criblés de piqûres et ajoutait : « Je nourris mes pensionnaires moi-même ».

    Dans une roulotte peinte aux couleurs pastel et enjolivée de moulures dorées, un présentateur exhibait : La femme la plus grosse du monde ! Sur la bascule, elle accusait un poids de 340 kg. On la présentait au public toutes les demi-heures, sur un trône à armature en fer, vêtue d’une jupe saumon et le front ceint d’un énorme nœud. Les mollets étaient énorme et selon le présentateur, ils faisaient 1 mètre 25 centimètres. Chacun pouvait le vérifier grâce à un double mètre ruban : « Touchez mes cuisses, c’est pas du toc ! » Le soir, elle regagnait sa chambre à l’hôtel Terminus et l’on était obligé de demander la porte tournante pour lui faciliter l’entrée dans l’établissement.

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    © Martial Andrieu

    Le Musée Brelier, Bd des Tilleuls

    Le musée Dupuytren, du nom du célèbre chirurgien français, exposait des mannequins atteints de toutes sortes de maladies. Dans des bocaux remplis de formol, des pièces d’anatomie attiraient la curiosité des visiteurs. Une façon sans doute pédagogique d’alerter sur les dangers liés à la mauvaise hygiène de vie.

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    Cire du musée Dupuytren. Opération d'un bec de lièvre

    La baraque de lutte et de boxe montrait des hommes soulevant des poids de fonte. Le public était invité à défier et à combattre les vedettes de cette attraction. Le présentateur avec son porte-voix excitait la foule à encourager les concurrents, mais parfois le combat dégénérait à cause d’un trop plein de frustration. 

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    © Martial Andrieu

    Baraques sur le boulevard des Tilleuls

    Une pancarte géante annonçait sur une baraque : « Le passage dans votre ville de la femme sans corps ». La tête d’une jeune fille souriante reposait sur une plaque de cuivre. Elle reflétait dans des miroirs. Le corps était caché sous le plancher afin de donner l’illusion. 

    Les gourmandises

    Le long du boulevard des Tilleuls (Commandant Roumens) se tenaient les baraques des confiseurs. Des saucisses de cinq mètres enroulées, constituées avec de la farine, de l’eau et du sucre excitaient les papilles des gamins. C’étaient les ancêtres des churros que feront découvrir aux Carcassonnais, les confiseurs d’origine espagnole, Coma et Pérez. Cette vente persistait en dehors des foires en période scolaire ; deux vendeuses de cette famille proposait ces churros aux collégiens entre midi et deux heures, dans la rue de la mairie.

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    © Martial Andrieu

    La famille Coma-Pérez

    Les loteries

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    La loterie « La chance » proposait avant-guerre aux joueurs, des chocolats de grandes marques : Peter, Cailher, Kolher, Nestlé. Cette loterie était munie d’une immense roue semblable à la roulette des casinos. On y gagnait des ronds de chocolat de la dimension du cul d’une bouteille. On pouvait également les conserver et les échanger contre des lots plus importants, comme des tablettes. Une loterie identique faisait remporter du sucre… Un Carcassonnais en gagna l’équivalent de 75 kg d’un seul coup ! Après la guerre, ce sont les loteries pour gagner des dindes et des oies qui firent leur apparition. Mon père me raconta l’embarras de sa mère, lorsqu’il arriva à la maison avec des canards vivants qu’il venait de remporter à la loterie. 

    Souvenirs d'enfance de Marcel-Yves Toulzet

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  • Paul Charles, le souvenir d'un professeur d'Anglais du lycée de Carcassonne

    Paul Charles, Camile était né à Bône en Algérie le 22 janvier 1911. Nombreux parmi nos lecteurs se souviendront certainement avec nostalgie de ce professeur d'Anglais du lycée de Carcassonne. C'est d'abord à Toulouse que Paul Charles effectue ses études en Hypo-cagne et cagne et obtient un Licence es-lettres en Anglais.

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    La grand Khagne de Toulouse en 1930-1931

    A la Libération, Paul Charles est désigné par le Comité Départemental de Libération comme juré de la Cour martiale chargée de juger les miliciens et les collaborateurs. D'après son fils, il restera marqué par la brutalité pour ne pas dire la sauvagerie de certains prétendus résistants. Pour exemple, il tenta de s'opposer aux sévices que subissait une femme dans un local du boulevard Jean Jaurès. Des membres des Milices patriotiques communistes la marquaient à rouge avec des mégots de cigarettes. Il ne put rien faire à part se faire lui-même tuer. Paul Charles ne vota jamais la mort et sauva même la vie d'un notaire et d'un professeur grâce son intervention.

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    Carte de membre de la Police politique de l'Aude

    Mettons au crédit de Paul Charles, le présidence du Ciné-Club en remplacement de Pierre Sourbès dès 1949. Il y restera pendant dix ans et sera l'un des fondateurs du Festival du cinéma de Carcassonne. C'est Clément Cartier qui lui succédera. Parallèlement à cet investissement culturel, le professeur d'Anglais dirigera les colonies de vacances à Alet-les-Bains, Escouloubre et Labastide-de-Sérou.

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    Le lycée de Sokodé (Togo)

    En 1959, Paul Charles quitte Carcassonne et devient chef d'établissement au lycée de Sokodé au Togo. Il y restera pendant cinq années avant d'aller au Congo.

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    Le voilà en 1964 au firmament de sa carrière, lorsqu'il accède au poste de proviseur du lycée Victor-Augagneur de Pointe-Noire. Il s'agit là de la deuxième ville du Congo et de la capitale économique du pays. Paul Charles sera le dernier chef d'établissement avant l'africanisation des cadres de l'enseignement. Il finira comme Inspecteur d'Académie à Brazzaville et retournera prendre sa retraite à Carcassonne. Parmi ces élèves qui deviendront des congolais célèbres, citons le journaliste Jean-Gilbert Foutou (1942-1994) qui a cette époque évoluait dans l'équipe nationale de football du pays.

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    Paul Charles était Chevalier de la légion d'honneur et Commandeur dans l'ordre des Palmes académiques. Il décéda à Carcassonne le 5 octobre 1997 et fut inhumé à Tournon-sur-Rhône.

    Merci à son fils Julian pour tous ces documents

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  • Paul Emard-Lacroix, victime civile de la Libération de Carcassonne

    Ce n'est plus qu'une plaque commémorative que l'on ne remarque plus. Une victime civile de plus inscrite sur le registre des crimes à mettre au crédit de l'armée Allemande. Comme elle n'a pas été assassinée au Quai Riquet, elle n'a même pas droit aux honneurs des célébrations de la Libération chaque année. Pas une fleur, pas une minute de silence... Et pourtant, une vie brisée dont sa famille n'a sans doute pas pu se consoler. Dernièrement, sur mon intervention auprès du service du patrimoine de la ville, on a fixé solidement cette plaque car les écrous qui la tenaient avaient disparu. Aujourd'hui, grâce à nos recherches, nous sommes en mesure raconter l'histoire tragique Paul Emard-Lacroix. Qui était-il ?

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    Né le 22 janvier 1897 à Ruffec (Charente), Paul Emard-Lacroix travaille pendant la Seconde guerre mondiale comme ingénieur au Génie rural à Carcassonne, en qualité de chef de service. Il demeure au n°89 de la rue de la mairie, actuelle rue Aimé Ramond. Le 20 août 1944, alors que le gros des troupes Allemandes a quitté la ville pour rejoindre la vallée du Rhône, il reste encore quelques tireurs isolés. Paul Emard-Lacroix va alors être pris pour cible. Sérieusement blessé, il sera évacué sur l"hôpital mixte de Carcassonne situé à l'époque sur l'emplacement actuel de la salle du Dôme, boulevard Pelletan. Le lendemain 21 août 1944, il décède et est inhumé au cimetière Saint-Michel, tombe 14 Carré 15. Dans la déposition du policier Raymond Puyane, nous avons eu la chance de trouver les circonstances dans lesquelles, ce civil a été mortellement blessé.

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    "Le dimanche 20 août alors que les Allemands tirent en ville, je suis en service place de la poste, on apporte un blessé à la pharmacie Billot (flèche verte), malgré le tir, je m’y rends, empêche les civils de traverser le carrefour de la rue de Verdun, et j’organise le service en attendant l’arrivée de l’ambulance, malgré que plusieurs coups de feu soient tirés dans notre direction. Un peu plus tard me trouvant devant l’immeuble n°31 rue de la préfecture (flèche rouge), un coup de feu est tiré, deux hommes s’effondrent sur le trottoir devant l’immeuble de l’ex Légion (flèche bleue). Je me porte à leur secours en longeant le mur et en compagnie d’un civil, un autre coup de feu est tiré contre nous, du coin du Bar de la Poste car les Allemands tirent de là et nous ne sommes qu’à environ trente mètres d’eux, par miracle nous ne sommes pas atteints, on ramène les blessés dans le couloir n°31 (flèche rouge). Je fais téléphoner à l’ambulance et procèder à un pansement sommaire aux deux blessés. L’un d’eux M. l’ingénieur Lacroix devait succomber des suites de ses blessures."

    Sources

    Archives des victimes civiles 

    Archives départementales de l'Aude

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