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Musique et patrimoine de Carcassonne - Page 158

  • Mlle Gabrielle Saulnier, pianiste Carcassonnaise et amie de Gabriel Fauré

    © Archives de la famille Saulnier

    Seconde fille de l'architecte Charles Saulnier à qui nous devons notamment l'immeuble de la Caisse d'Epargne, Gabrielle (1872-1964) fut une pianiste émérite. Ancienne élève du célèbre musicien Francis Planté, Mlle Saulnier côtoyait et aimait jouer les œuvres de Paul Lacombe (1837-1927). Tantôt dans les salons de l'hôtel de Rolland (actuelle mairie) tous les lundis, tantôt à la belle saison sous le kiosque à musique du square Gambetta. La belle société de musicale de l'époque venait également chez elle, rue du marché. On y croisait même de célèbres figures de la musique classique française, comme Gabriel Fauré ou Déodat de Séverac. Nous avons retrouvé une partition de Lacombe dédiée à Gabrielle Saulnier ; il s'agit de la 2e valse en si bémol.

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    L'ancien salon de musique de l'hôtel de Rolland. Aujourd'hui, bureau d'Isabelle Chésa, premier adjoint au maire. On aperçoit les éléments décoratifs de la musique au-dessus de la cheminée.

    Dans son appartement de l'actuelle rue Tomey, la pianiste donne des cours et partage son local avec une confrère, Madame Combes. Toute la bourgeoisie carcassonnaise, prend des cours chez mademoiselle Saulnier. Ne vous méprenez pas, elle donne aussi des cours à des élèves peu fortunés dont elle ne réclame rien. On tient salon chez Mlle Saulnier et au cours d'après-midi musicales, les élèves interprètent des pièces à deux ou quatre mains. Pendant la guerre de 1940, l'école sera le refuge d'intellectuels de passage qui avaient fuit la zone occupée. Ce sera le cas de son neveu J-C Briville avec son ami Albert Camus. On y dansait également avec les élèves de l'école Topart dirigée par madame Chausson. Mlle Saulnier invitait aussi de grands pianiste comme Henriette Fauré, élève de Maurice Ravel et Simone Saulnier, élève d'Henrique Granados, nièce de Gabrielle. Mlle Simone se trouve sur la photo en tête d'article, en arrière plan. Ce sérail artistique a marqué les esprits de beaucoup d'élèves aujourd'hui disparus. Fort heureusement ma tante Isabelle Alay qui a fréquenté cette école a pu me rapporter ce témoignage. Elle a eu la chance d'y apprendre le piano malgré les petits moyens d'une mère espagnole, veuve à 24 ans avec quatre enfants à nourrir. A son tour, professeur de piano, elle a emprunté les méthodes et l'esprit de Mlle Gabrielle Saulnier, décédée à 92 ans et inhumée avec son père.

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    Le caveau de la famille Saulnier au cimetière Saint-Vincent à Carcassonne. Gabrielle Saulnier y repose avec son père, Charles Saulnier.

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  • Qu'a voulu cacher la Résistance de Carcassonne ?

    Cela fait plusieurs mois maintenant que je mène un travail d'enquête sur les conditions de dénonciation, d'arrestation et d'exécution de Jean Bringer, chef de la Résistance audoise. Sa veuve a toujours clamé qu'on l'avait vendu pour de l'argent suite à la disparition d'un parachutage d'Alger pour lequel il s'était mis en tête de retrouver les coupables. Après sa disparition Madame Bringer tentera de mener sa propre enquête, jusqu'à ce que M. Pastour, Procureur de la République de Carcassonne, ne lui conseille d'arrêter car selon lui, elle risquait de mettre sa vie en danger : "Vous tombez dans un panier de crabes, lui dit-il".

    Que de cadavres retrouvés assassinés dans des conditions suspectes... Et maintenant que de dossiers importants disparus ! Des auditions du procès de René Bach, l'agent de la Gestapo, on a expurgé les dossiers les plus compromettants. Ceux qui sans doute mettaient en cause des responsables de la Résistance Carcassonnaise et du maquis de Villebazy. Qu'importe ! J'ai retrouvé des copies à 500 km de Carcassonne dans un autre service d'archives. Lors du meurtre du capitaine Charpentier dans la clinique Delteil, la sûreté militaire s'est saisie d'enquêter. On lui a fait obstacle, car des hauts responsables locaux parmi lesquels MM. Morguleff, Sablé et Amiel auraient avoué s'être rendus à Montpellier auprès du colonel Leroy. Les dossiers d'enquêtes furent alors brûlés. Ce que ne voulaient pas ces chefs c'est que l'on salisse l'honneur de la Résistance, même si pour cela il fallait faire entrave à la justice et protéger les crapules. Que de contradictions dans les auditions, d'une année à l'autre !

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    Au mois de mai dernier, je fais une demande de dérogation auprès du Ministère de la culture, afin de pouvoir consulter le registre d'écrou de la Maison d'arrêt de Carcassonne entre avril et novembre 1944. Etant indexé et consultable dans la série W (préfecture) des archives de l'Aude, j'espère enfin pouvoir constater les noms et le nombre de prisonniers internés par les Allemands avant la Libération et déterminer ceux qui furent relâchés de ceux qu'on exécuta le 19 août 44 à Baudrigues. On ne peut tout de même pas inscrire ces noms sur la seule foi d'une liste rédigée par le Dr Delteil à sa sortie. D'autant plus qu'il aurait dû logiquement mourir avec Ramond et Bringer...

    L'autorisation m'arriva par courrier à la fin du mois d'août. Lundi, je me rends aux archives de l'Aude avec le précieux sésame. On me présente donc le registre d'écrou suivant la côte que j'avais demandée, mentionnant Maison d'arrêt de Carcassonne.
    Je l'ouvre... Oh ! surprise et déception, il s'agit de celui de Limoux. Evidement point de résistants, mais que des voleurs de poules.
    Je rends compte à l'archiviste de service de cette erreur très inhabituelle pour ne pas dire impossible. L'heure est grave, car je viens de découvrir une énorme lacune. La nouvelle directrice des archives de l'Aude me fait la faveur de descendre me voir. Une personne charmante et dévouée à ma cause, signalons-le. Tout comme d'ailleurs l'ensemble du personnel des archives.
    Pourquoi donc a t-on remplacé sous une fausse côte le registre de la Maison d'arrêt de Carcassonne par celui de Limoux ? Bizarre... Les autres registres classés par ordre chronologique dans la série sont bien de Carcassonne, seul celui pour la période Juillet-Août 44 manque.
    A t-on interverti les registres ? Non, après vérifications.
    Mais où est donc passé ce registre ?
    Je me souviens alors avoir lu dans un document d'archive daté de 1945 (il ne se trouve pas à Carcassonne) sur l'enquête de la mort du Capitaine Charpentier, occis dans la clinique Delteil qu'en 1945, ce registre avait disparu. Puis, on l'aurait retrouvé à Montpellier. Puis, il serait revenu à Carcassonne.
    Sans être formel, je peux dire qu'il y a des gens dans cette ville qui ont eu intérêt à faire disparaître des documents avec la complicité de l'administration, afin de protéger les intérêts de certains à une époque où cela chauffait pour eux.
    Mon enquête se poursuit...

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  • La Milice de l'Aude attaque le village de Gaja-la-Selve en juillet 1944

     © Un village français / Laurent Denis

    La Milice de l'Aude, formée en février 1943 à Carcassonne et obéissant aux ordres de Joseph Darnand, fut jusqu'à la Libération un supplétif aux opérations meurtrières menées par les nazis. Sans cette organisation d'extrême-droite fidèle à l'idéal de la Révolution Nationale prônée par le maréchal Pétain, les Allemands n'auraient sans doute pas fait le quart de ce qu'ils ont produit contre les maquis. Il est sans doute facilement compréhensible que ces français possédaient une meilleure connaissance des lieux, qu'un étranger venu de Germanie. Si la Milice éprouvait une haine viscérale contre la République, ses adversaires privilégiés et qui le lui rendaient bien, étaient communistes. Contrairement à ce que l'on peut croire, ce groupe à l'insigne gamma, fort mal équipé et entraîné, ne se risquait pas à attaquer les maquisards de front. Il pratiquait plutôt des campagnes d'intimidation, de délation, de renseignement et de pillage. Dans la caserne de Bouttes-Gach à Carcassonne, sous la torture plusieurs patriotes furent interrogés parfois jusqu'à la mort, comme le maquisard Edouard Fabre de Villebazy.

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    L'existence d'un maquis à Gaja-la-Selve constitué au printemps 1944 est connue. Il s'agit d'un groupe clandestin Franc-Tireurs et Partisans d'obédience communiste. Au début du mois de juillet, les inspecteurs Leleu et Bouchet viennent dans le village et interrogent les habitants sur la situation exacte du maquis. Ils font courir la rumeur que la Milice va venir exterminer ces "terroristes" et que leurs complices seront arrêtés. Le lendemain, une colonne d'une centaine de miliciens de Carcassonne en armes et placés sous les ordres de Prax investit l'ensemble du secteur. A Cahuzac, ils intiment l'ordre aux habitants de rester chez eux pendant qu'ils perquisitionnent toutes les maisons et les campagnes du coin. Certains sont placés au croisement de la ferme "Las coutines" et empêchent la circulation. Pendant ce temps, à Gaja-la-Selve le chef Renoux (Condamné à mort par la Cour martiale de Carcassonne en septembre 1944) et ses hommes procédent sous la menace à l'interrogatoire de la femme du chef du maquis, le lieutenant F.T.P Raoul Cambours. L'appartement est entièrement pillé par les sbires de Darnand. Quatre otages dont Madame Cambours, sont gardés. Au cas où le maquis interviendrait, ils seraient immédiatement abattus car Prax a donné l'ordre de tirer à vue. Leur forfait achevé et sans qu'aucun coup de feu ne soit tiré, les miliciens se sont retirés vers la caserne de Bouttes-Gach à Carcassonne. 

    Sources

    Procès de la Cour de justice de Carcassonne / ADA 11

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