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Musique et patrimoine de Carcassonne - Page 118

  • Mgr Pierre Marie Puech, l'évêque des ouvriers de l'Aude

    Pierre-Marie Puech naît le 8 mars 1906 à Mazamet au cœur de l’industrie de délainage où son père Albert exerce la profession de commissionnaire. Après ses études secondaires à l’école Barral à Castres, le jeune séminariste est ordonné prêtre le 2 juillet 1930 à l’âge de 24 ans. Un an après, l’évêque du diocèse lui confie pour mission d’ouvrir une colonie de vacances pour petits séminaristes à la métairie de Pratlong. Ce domaine avait été légué par le maquis de Villeneuve à l’évêché du Tarn. A cette époque, l’abbé Puech enseigne à l’école catholique Barral, dont il deviendra le directeur à partir de 1937 et jusqu’en 1947.

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    Ecole Barral à Castres

    Au moment l’armistice de juin 1940, Pierre-Marie Puech dit avoir d’abord admiré, comme la majorité de français, les paroles « dignes et courageuses du maréchal Pétain, puis ses appels au pays pour qu’il retrouve le sens du sacrifice. » Toutefois, nuance t-il, « les mesures prises par Vichy à l’encontre des juifs, les tentatives pour une « Jeunesse unique », le texte de la « Charte du travail » avaient provoqué un réel désenchantement. » Au sein de l’école Barral, on ne se mêlait pas de politique en raison de la diversité des opinions dans l’établissement. Certains professeurs écoutaient Radio-Londres, quand d’autres voulaient faire de la propagande pour la Légion de Pétain. Jamais on ne chanta « Maréchal, nous voilà ! » lors du salut aux couleurs chaque dimanche. C’est dans cette atmosphère de suspicion que l’école vécut sous la menace d’une fermeture. C’est surtout au sein de cette institution que l’abbé Puech va sauver la vie à plusieurs personnes de confession juive. Parmi le corps professoral, se trouvait Marcel Bernfeld qui enseignait l’Anglais et que l’abbé logea en dissimulant son identité sous le nom de Bernède. Il y avait également l’élève Henri Englander, auquel on fit un faux certificat de baptême sous le nom d’Anglade. Ces israélites assistaient aux messes et au cours de religion, sans leur demander d’en changer. Si on avait prévu de les interroger sur leur instruction chrétienne, on leur avait donné les réponses avant le cours. Le jeune Englander âgé de 15 ans qualifiera l’abbé Puech de « Tsadik », ce qui signifie en Hébreu : « Juste ». Dans les maquis de la Montagne noire, les prêtres de Barral allaient parfois dire la messe lorsqu'ils étaient sollicités.

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    Mgr Puech, à droite

    Le 7 juin 1947, l’abbé Puech est nommé évêque auxiliaire d’Albi par le Pape ; il sera consacré le 24 septembre de la même année dans la cathédrale Sainte-Cécile. Il devient évêque de Carcassonne le 18 mars 1952 et succède à Mgr Pays, décédé quelque temps plus tôt. En 1959, il est invité à participer à Rome aux quatre sessions du Concile Vatican II qui va réformer l’église catholique romaine pour les décennies à venir. Les positions de Mgr Puech demeureront sur un plan idéologique assez conservatrices. Il considère par exemple que l’amour pour Dieu s’exprime pleinement dans le célibat des prêtres. Sur les questions éthiques, comme celle de l’I.V.G, il s’exprime ainsi au début des années 1970 :

    « Les chrétiens ne sauraient demeurer silencieux et inactifs. Ils feront la preuve qu’un enfant peut toujours trouver sur son chemin quelqu’un qui l’aime. Notre fidélité à l’Evangile est en cause. Tuer une cellule initiale, si ténue soit-elle, c’est un meurtre. »

    Ce caractère conservateur doit être nuancé, car Mgr Puech procéda à la première ordination d’un diacre, père de nombreux enfants, dans la cathédrale Saint-Michel. Il fit également en sorte d’assouplir les positions de l’église sur les mariages mixtes.

    Sur le plan social, l’évêque de Carcassonne n’hésite pas à se ranger du côté des pauvres et du monde ouvrier à chaque fois qu’il lutte contre l’injustice sociale. « L’attention privilégiée aux petits et aux pauvres n’attire pas toujours les sympathies », écrit-il. Au mois de mai 1968, Monseigneur Puech prend parti pour les ouvriers en grève et approuve l’abbé Cazaban, Supérieur du lycée Saint-Stanislas, qui tolère des manifestations d’élèves avec drapeaux rouges et noirs. Mentionnons que quelques prêtres se trouvaient aux premiers rangs des cortèges et que deux professeurs laïcs d’obédience trotskiste enseignaient à Saint-Stanislas. Dans ce même lycée, Mgr Puech et le vicaire Mazière s’opposent en 1971 à Maurice Grignon, le président de l’Association responsable de la gestion financière de l’établissement. Ce dernier reproche la qualité de l’enseignement catholique qui est dispensée aux élèves ; l’évêque lui répond : « Qui est plus qualifié que l’évêque pour juger du caractère catholique d’un établissement ? » Le chanoine Alcouffe, directeur de l’enseignement libre, dénoncera la convention qui liait Stanislas à l’association d’expansion. Le fondateur de ce groupement, Maurice Capdevilla, fit savoir qu’il ne céderait pas devant l’évêque : « Cette école nous colle à la peau. Nous nous battrons jusqu’au bout. » Plainte fut déposée pour pour dénonciation abusive de contrat.

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    Mgr Puech regretta la fin des prêtres ouvriers. Dans le cadre de ses fonctions, il intervint à plusieurs reprises auprès du patronat. Dans ce Lauragais où les gens vivaient encore dans des maisons au sol en terre battue et sans eau courante. Dans un lettre pastorale, Il invita les propriétaires agricoles à inciter leurs ouvriers à se syndiquer. De son point de vue, c’était un moyen pour que ceux-ci s’affranchissent de leur misère en faisant la promotion de l’agriculture. Ce langage fut difficilement admis par ses interlocuteurs. 

    A Chalabre, il se rend la nuit pour discuter avec le patron d’une usine.

    « J’ai toujours pris soin de dire et de redire que je n’intervenais pas pour prendre parti dans des revendications salariales, mais uniquement contre le dureté de certaines conditions de travail ou pour le dialogue entre ouvriers et patrons. »

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    Une grève s’éternisait à la SOMECA sur la route Minervoise à Carcassonne. Mgr Puech reçut le dirigeant de l’entreprise Michel Talmier à l’évêché, mais celui-ci ne voulut rien entendre des revendications des ouvriers. Il expliqua à l’évêque comment parti de rien, il avait fait de cette usine l’une des plus importantes de l’Aude. La situation empira, à tel point, que les employés séquestrèrent leur patron dans son bureau. Au milieu d’une vingtaine de maires et de conseillers généraux, d’un député, apparut Mgr Puech à 14 heures au milieu de l’usine. La stupéfaction fut totale auprès des journalistes sur place. Dans le bureau du patron assiégé, l’évêque tenta une nouvelle fois de le raisonner, sans succès. Le préfet réussit à venir à bout de l’entêtement de Michel Talmier, car sans reprise de l’activité la SOMECA risquait de perdre un importante commande de l’Etat pour l’armée française. L’action mal comprise de l’évêque, lui vaudra la qualification « d’Evêque rouge », inscrite en graffiti sur les murs de la ville.

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    A l’âge de 75 ans, celui qui avait refusé d’être nommé cardinal et archevêque - ce poste alla finalement à Mgr Marty, archevêque de Paris - donna sa démission au pape en 1981. Cette disposition était prévue dans le droit canon. C’est Mgr Jacques Despierre qui le remplaça comme évêque de Carcassonne en 1982. Avant de mourir le 1er janvier 1995, Pierre-Marie Puech se vit décerner le titre de « Juste parmi les Nations » par le Mémorial de Yad Vashem pour avoir sauvé des juifs pendant l’Occupation.

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    La tombe de Mgr Puech dans la cathédrale Saint-Michel

    Sources

    Témoignages pour l'histoire / P-M Puech / Siloë

    L'église persécutée / Sergio Grossu / 2002

    Vichy et les Justes : l'exemple du Tarn / Ed. Privat / 2003

    Vie sociale / CEDIAS / 1982

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    © Tous droits réservés / Musique et patrimoine / 2019

  • Charles Antoine Cazanave, un peintre Carcassonnais oublié

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    Charles Antoine Cazanave naît le 17 février 1882 à Carcassonne dans une famille aisée de négociants en meubles. Son père, Jacques (1842-1911), est associé avec Théophile, son frère, au sein de l’entreprise familiale d’ébénisterie et de décoration fondée en 1760. Les ateliers de fabrication se trouvent dans la rue Basse, dans un grand bâtiment qui fait angle avec la rue de l’Olivier. Longtemps après, il fut occupé par les locaux de la Bibliothèque départementale. Les deux frères Cazanave exposent leurs meubles au n° 26 de la Grand rue (actuelle rue de Verdun). On distingue encore dans l’imposte au-dessus de la porte, l’inscription « Cazanave frères ». Quant au jeune Charles Antoine, il passe sa jeunesse avec son frère Jean (1876) et ses sœurs Lucie (1879) et Célestine (1891) dans un immeuble au n°6 du Square Gambetta.

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    © Galerie Drylewicz

    Il y avait une fois (1923)

    A l’instar des familles de la bonne société Carcassonnaise, les enfants participent à des activités artistiques. Le talent de Charles Antoine pour le dessin s’exprime d’abord au sein du lycée de la ville dans la classe d’Henri Pringuet. Oublié de notre mémoire, Pringuet fut un peintre remarquable dont on peut admirer les tableaux à l’intérieur de l’Hôtel de la Cité. On peut supposer ensuite que Charles Antoine Cazanave, poussé par son professeur, s’en alla étudier à l’Ecole des Beaux-arts de Toulouse. Dans cette ville, il fit la connaissance d’Henri Martin et d’Antonin Delzers (1873-1943) qui lui prodiguèrent mains conseils pour perfectionner sa technique. Les rapports entre Delzers et Carcassonne, se retrouvent dans une œuvre gravée que le maître réalisa à partir du tableau de Benjamin-Constant conservé au Musée des Beaux-Arts de la ville : « Les Chérifas ».

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    © Christie's

    Femmes alanguies 

    Vendu chez Christies en 2012 pour 2375 £

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    Salammbô chez Matho, d'après l'œuvre de Gustave Flaubert

    Vendu 2912 €

    Peu avant la Grande guerre que Charles Antoine Cazanave ne fera pas à cause d’une atrophie de la jambe, il se marie avec Françoise Paule Magne († 17.05.1945). Dès lors, le peintre ne s’occupe guère d’ébénisterie et se consacre pleinement à son art.

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    © Artnet

    Figures chinoises

    C’est un pastelliste de très bonne facture inspiré par l’orientalisme. Nous avons retrouvé un certain nombre de toiles passées récemment en salle des ventes afin que vous puissiez en juger. Charles Antoine Cazanave réalisera également des portraits. L’un d’entre eux nous est parvenu ; il s’agit de celui de Joë Bousquet. Le mère du poète née Marie Cazanave, était  la cousine germaine de Charles Antoine.

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    © Collection privée

    Portrait de J. Bousquet

    Les œuvres de Cazanave figureront à de nombreuses reprises au salon de la Société Nationale des Beaux-Arts et à celui des Artistes français. Il est étonnant que ce peintre soit oublié à Carcassonne après la lecture de la biographie inédite que nous réalisons. Son nom est simplement mentionné dans le dictionnaire Bénézit avec des dates erronées. La vie de Charles Antoine Cazanave s’achève à Palaja le 24 juillet 1952, après quoi son corps est inhumé dans le caveau familial du cimetière Saint-Vincent à Carcassonne (Carré 00, Tombe 28).

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    Tombe de Charles Antoine Cazanave

    Sources

    Cet article inédit a été réalisé à partir de recherches généalogiques. Nous remercions le gardien du cimetière Saint-Michel et les services des concessions funéraires de la ville de Carcassonne. 

    Explications des ouvrages de peinture / Hérissany / 1934

    Photo en Une

    Le peintre et son modèle (1925). www.paulbert-zerpette.com

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  • Henri Andrieu, un artiste peintre Carcassonnais oublié

    Marie Jean Henri Andrieu naît à Carcassonne le 26 avril 1839 dans une famille de la bourgeoisie locale. Son père Jean est propriétaire et s’est marié avec Mélanie Besaucèle issue d’une lignée de personnages connus, dont le plus célèbre fut l’évêque constitutionnel de l’Aude Guillaume Besaucèle entre 1791 et 1801. Le jeune Henri possède de grandes dispositions pour le dessin et on l’envoie naturellement chez le maître Jean Jalabert, 12 boulevard Barbès. C’est son meilleur élève, dit-on. Toutefois, les parents qui n’ont pas dut tout l’intention d’en faire un artiste sans le sou, tentent de modérer les ardeurs de ce fils qu’ils destinent aux affaires commerciales. Qu’importe ! A vingt-ans, Andrieu file à Paris et se fait admettre à l’atelier de François Edouard Picot. Ses qualités étaient telles qu’il fut reçu l’un des premiers à l’Ecole des Beaux-Arts. Il y rencontre le languedocien Alexandre Cabanel qui lui prodigue ses conseils - un de ses tableaux « Martyr chrétien » est conservé au Musée des Beaux-Arts de Carcassonne. Autour de lui, Vibert, Bellecour et Guillaumet se sont tous fait un nom. Qu’est-il donc arrivé à Henri Andrieu pour que son œuvre tombe dans l’oubli ? La paresse, l’éloignement ? Peut-être, mais surtout sa famille qui, pour le forcer à rentrer à Carcassonne, lui coupa les vivres. Andrieu n’eut pas d’autre choix que d’abandonner l’Ecole des Beaux-Arts et un avenir artistique prometteur.

    Andrieu Henri

    Nature morte aux faunes

    Il revint donc chez lui et fit de la peinture l’un de ses passe-temps. Au mariage de sa sœur - future épouse du cousin banquier Arnaud Antoine Louis Marie Besaucèle - il officie en tant que parrain : « Henri Andrieu, vingt-six ans, sans profession. » C’est certainement plus chic qu’artiste peintre… Le vieux garçon se met au chevalet en dilettante et avec son ami Edouard Vié, envoie ses toiles au Salon de Paris.

    Andrieu Henri

    Une rue d'Alet

    En 1877, un étude « l’Oiseleur » fut très remarquée. L’année suivante, « Une rue d’Alet » gagne son billet pour l’Exposition Universelle au Palais des Champs-Elysées. Cette toile sera achetée chez Drouot récemment pour 8000 euros par un amateur d’art.

    Andrieu Henri

    © Drouot

    "Nature morte aux alouettes, gibecière et miroir aux alouettes"

    Cette toile de 1884 proviendrait des collections du château du Chesnay à Courcemont (Drouot)

    A l’instar de son contemporain Narcisse Salières dont nous avons évoqué le souvenir hier, Henri Andrieu finira sa vie à Marseille. Dans la cité phocéenne, il décède le 25 octobre 1908 à son domicile 9, Quai du Canal. C’est aujourd’hui, le Cours Jean Ballard. Le Carcassonnais Henri Andrieu ne s’est pas marié et n’a pas eu d’enfants. Ses toiles sont vendues aux enchères publiques, mais on ne sait pas ce que fut la vie de cet artiste. Espérons désormais qu’à la lueur de cet article, un crédit plus grand sera apporté à l’ensemble de ses œuvres.

    Sources

    Cet article a été surtout réalisé à partir d'une recherche généalogique. Les informations sur l'activité artistique du peintre proviennent du journal La Cité, publié en 1880. Les photographies ont été recherchées sur internet. Aucun renseignement n'a été puisé chez les historiens locaux contemporains, qui n'ont certainement jamais écrit sur Henri Andrieu. Ceci constitue donc un article inédit.

    Photo en Une

    Paysanne sur un chemin. Huile sur toile d'Henri Andrieu acquise pour 200 € sur un site d'enchères.

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