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Musique et patrimoine de Carcassonne - Page 122

  • Chez le disquaire Boyé dans la rue de gare

    Issu d'une famille dont le père était né à Trèves en Rhénanie et d'une mère épicière dans la rue Marceau Perrutel, Maurice Boyé ouvrit un magasin dans la rue Courtejaire en 1947. A cette époque, tout le monde appelait cette artère non encore piétonne, la rue de la Gare. C'était le rendez-vous des promeneurs du dimanche, passé es-maître dans l'art du lèche-vitrine. L'anglicisme "shopping" n'avait pas pollué les neurones de notre cerveau, désormais conditionné au réflexe pavlovien du consumérisme. Comme dirait ma mère en patois : "Y a bos pas tan d'argen". Vous pouvez prononcer toutes les lettres, c'est plus authentique ! Oui, il n'y avait pas tant d'argent. On prenait grand soin des appareils car on avait mis longtemps à économiser pour se les payer. Facile, car ils duraient aussi presque éternellement. Autre monde, sans doute. Chez Boyé, installé à l'angle des rues Denisse et Courtejaire, le chaland admirait le matériel radio Haute-Fidélité, les appareils photographiques. Au fil du temps, la technologie fit des pas de géants : les premiers caméscopes, les magnétoscopes V.H.S. Pouvait-on imaginer qu'un jour il serait donné à tout le monde de réaliser des films de la famille ? Pouvait-on imaginer que l'on enregistrerait les émissions de télévision sur une bande pour les revoir ? Aujourd'hui, à l'ère du numérique cela paraît simple.

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    Eddy Aguilar

    Le père Maurice Boyé possédait dans sa boutique un jeune et beau employé, spécialisé dans la photographie. Eddy réalisait les développements photographiques dans le laboratoire du magasin. Après des stages à Anvers pour apprendre le développement de la couleur, notre apprenti se familiarisa rapidement avec la technique. Quand on lui apportait des pellicules, il attendait la fermeture du commerce et se mettait à passer le film dans le bain puis à le rincer. Comme le séchage prenait du temps, Eddy allait s'enfermer au cinéma le temps qu'il fallait. A son retour, il accrochait les pellicules et le lendemain tirait les photos dès 6 heures du matin. Le client n'avait plus qu'à venir chercher ses photos.

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    Maurice Boyé était également l'un des plus gros disquaire de France. Une profession qui n'existe presque plus à cause du téléchargement sur internet. Chaque année, il était invité en octobre chez Eddy Barclay ou Philipps pour connaître les nouveaux titres des vedettes de la chanson française. Ainsi Eddy Aguilar est-il devenu au fil du temps, l'ami d'Alain Barrière, de Nicoletta, de Gilbert Becaud, d'Annie Cordy, etc. Tout ceci favorisé également par Annie Pavernès, chez qui ces vedettes venaient dormir lors de leur passage à la Croque sel, route de Trèbes.

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    La Casa

    Maurice Boyé a mis fin à son commerce en 1984, mais il nous reste quelques souvenirs. Nous souhaitions vous les faire partager et vous remémorer cette période de la vie Carcassonnaise. Aujourd'hui, l'emplacement est occupé par un bistrot. Un terme désuet qui fait, paraît-il, vieux jeu.

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  • L'immeuble de la Société Générale, place Carnot

    La Société Générale nouvellement créée un niveau national en 1864 décide rapidement d’ouvrir des agences dans les villes industrielles, principalement tournées vers le textile. Carcassonne figure sur la liste des villes dans lesquelles la banque juge qu’il est urgent de s’implanter.

    Pour favoriser le développement du commerce et de l'industrie en France.

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    Première agence en 1874 à Carcassonne

    Le 24 avril 1874, la première agence Société Générale de Carcassonne ouvre ses portes dans la Grand rue (rue de Verdun), au numéro 71 (actuel 81). Le directeur H. Bugat nommé à Béziers en 1881, sera remplacé par M. Cuenne. On retrouve l’agence bancaire en 1912, à l’angle des rues de Verdun et Pinel au numéro 36, dans l’immeuble Perxachs. Au même moment, la société venait d’ériger un bel immeuble pour son siège à Paris, boulevard Hausmann. L’architecte Jacques Hermant, professeur à l’Ecole des Beaux-arts, réalisait un petit bijou de l’Art nouveau qui n’avait rien à envier à son concurrent le Crédit Lyonnais. A Carcassonne, on décida d’en faire de même…

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    © Martial Andrieu

    La société obtint la vente de l’immeuble de la chapellerie Patry fondée en 1830, dont les masures chancelantes inquiétaient depuis longtemps les municipalités. Plus que cela, c’est surtout son avancée de deux mètres par rapport à l’alignement, que la mairie voulait voir disparaître. Depuis les années 1880, la polémique n’avait cessé d’enfler sur le cas de la maison Patry. Le courrier de l’Aude y était allé de son attaque contre le propriétaire : « Allez-vous en », osait-il même titrer. Le cas revenait à chaque fois sur le tapis au moment des campagnes électorales, sur fond de gaspillage des deniers publics.

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    La maison Patry avec son avancée de deux mètres

    Si tout le monde s’accordait à vouloir voir disparaître la vieille demeure, aucun politique ne voulait prendre le risque d’une expropriation. Elle aurait coûté une somme astronomique à la commune, contrainte de dédommager le propriétaire au centime près en le forçant à s’aligner sur les autres immeubles. Rien n’y fit, pas même l’incendie qui obligea son locataire, la librairie Sales, à déménager plus loin. Jusqu’au jour béni où la Société Générale acquit la maison et la détruisit pour bâtir sa nouvelle agence bancaire. Elle réussit quand même à se faire dédommager de 35 000 francs en s’alignant sur la place Carnot. Patry repris par Blain, ira s’installer quelques mètres plus loin.

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    L'agence en février 1913, place Carnot

    Le travaux commencé en 1912 durèrent à peine une année, pendant laquelle les ouvriers mirent la main sur une pierre sculptée d’un blason. Il fut étudié par M. Sivade pour la Société des Arts et des Sciences de Carcassonne. Le bâtiment dont on ignore le nom de l’architecte sera livré à la fin février 1913. A notre avis, celui qui a dessiné les plans n’était pas de Carcassonne mais sans doute mandaté par la Société Générale. Il se pourrait même que ce fut Jacques Hermant, car ce bâtiment ressemble étrangement à celui qu’il avait conçu à Paris un an plus tôt. Notons qu'en deux ans Carcassonne verra sortir de terre l'agence Société Générale et le Grand Hôtel Terminus.

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    Après plus d’un siècle de présence dans ses locaux, la Société Générale décida, il y a peu de temps, de fermer son agence de la place Carnot. Aujourd’hui, le bâtiment qui n’est pas classé est mis en vente. Nous savons que de grosses enseignes se battent pour l’acquérir mais nous n’en dirons pas davantage…

    Sources

    Histoire de la Société Générale Vol.1 / Bonin / 2018

    Courrier de l'Aude, La fraternité

    Annuaires

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  • Eugène Joseph Gordien (1866-1919), architecte municipal

    Eugène Joseph Gordien naît le 10 novembre 1866 à Nissan-lez-Ensérune (Hérault) et vit à Carcassonne avec ses parents au numéro 1 de la rue Courtejaire. Sa mère Marie Rebelle originaire de Limoux s’était mariée avec Joseph, un limonadier de l’Hérault. Ce dernier ouvre le 18 mai 1884 un Grand Café à l’île du Brel près de Montplésir, sur la rive droite de l’Aude au-dessus du Païchérou. Quatre ans plus tard, il périt noyé après que l’embarcation sur laquelle il était montée pour traverser la rive a chavirée, emportant son équipage.

    Des études suivies par Eugène, on ne sait rien. Quelqu’un rapporte qu’il aurait été l’élève de l’architecte Carcassonnais Esparseil, nous n’avons pas pu le vérifier. Ce qui est certain en revanche, c’est son emploi à la mairie en qualité de voyer-municipal qu’il partage avec son supérieur hiérarchique, Etienne Roques. Né en 1832 à Lagrasse, Roques occupe les fonctions d’architecte municipal depuis 1889 bien qu’il n’en ait pas les diplômes. A ce sujet, il nous semble important de mentionner qu’au moment de sa prise de fonction, un jeune diplômé de l’Ecole des Beaux-arts de Paris qui avait fait acte de candidature n’a pas eu le faveur du choix municipal. Elève de Train (promotion 1882), Célestin Rougé âgé de 27 ans avait pourtant bénéficié d’une bourse municipale pour effectuer ses études à Paris. Chacun scrutait avec engouement la progression de cet enfant de la ville, pensant qu’un jour il pourrait revenir exercer ses talents à Carcassonne. Hélas, c’était sans compter sur des choix qui, ici, dépassent encore les compétences requises. Le fils de l’imprimeur Rougé fit les beaux jours de la Compagnie de l’Est à Thorigny-sur-Marne près de Paris, comme dessinateur.

    Quand Roques partit à la retraite en mars 1909 avec le statut d’architecte municipal honoraire, ayant passé sa carrière à superviser les chantiers de la ville, Gordien espéra naturellement lui succéder. C’était dans l’ordre des choses, mais la municipalité Faucilhon allait lui jouer un tour. Déjà lorsque le successeur de Jules Sauzède s’installa dans le fauteuil de maire, il baissa la solde de certains employés communaux. Eugène Gordien perdit 600 francs mensuels, passant à 3000 francs de salaire. Le camouflet ne s’arrêta pas là, car le conseil municipal préféra attribuer le poste à un officier du génie de Bordeaux, le sieur Mondange. Ce dernier abandonna l’armée et vint s’installer allée de Bezons avant d’être adoubé par le Dr Sempé, adjoint au maire, en juillet 1909. Voyant cela, Eugène Gordien sollicita sa mise en retraite et quitta son emploi à la ville. Il décède le 25 décembre 1919 et est inhumé au cimetière Saint-Michel (Carré 7, emplacement 519)

    Projets à l’étude

    1892 : Concours d’architecte pour la réalisation d’un Hôtel de ville 

    1894 : Médaillé pour un projet fontinal en hommage au peintre Jacques Gamelin. Il s’agit d’un piédestal, d’une vasque et d’un buste. Cette oeuvre ne se fera pas.

    1895 : Il expose ses toiles : Bouquet de fleurs, le paysage ensoleillé, Un âne tournant une noria.

    1906 : Plans et dessins d’un groupe scolaire dans le quartier des Capucins.

    1908 :Plans et dessins d’un groupe scolaire et d’une salle des fêtes sur l’emplacement de l’ancienne prison et de la gendarmerie. Ce projet sera repris en 1913 par la municipalité qui abandonne les plans de Gordien malgré l’opposition socialiste. Léon Vassas devra dresser les plans. La guerre met fin à la réalisation qui ne sera menée à bien qu’en 1928. C’est l’actuel Groupe scolaire Jean Jaurès.

    Réalisations

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    1902 : Ecole-mairie de Pennautier

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    1907 : Hôtel des postes de Carcassonne

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    1908 : Monument à Achille Mir au square Gambetta. Statuaire Paul Ducuing.

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    © Art.nouveau.world

    1906-1910 : Maison Ourmet, 50 rue Aimé Ramond. La façade de cette demeure Art nouveau édifiée sur l’emplacement de la maison Bezombes, fut décorée par le sculpteur Jean Guilhem. Certainement pas Joseph, comme nous l’avons lu chez plusieurs historiens locaux. Jean Guilhem était né à Carcassonne le 14 février 1845. Plusieurs de ses superbes sculptures ornent les caveaux du cimetière Saint-Michel. 

    Honneurs

    1905 :Officier de l’instruction publique après avoir été Chevalier de l’ordre du mérite agricole.

    Eugène Gordien, là encore qui ne s’appelait pas Etienne. On peut lire cette erreur sur plusieurs brochures officielles de la D.R.A.C émanant du C.A.U.E. (Art Nouveau / 9 juin 2016) et les écrits d’historiens locaux.

    Sources

    Cet article est le fruit d'une journée de recherches, de synthèse et de rédaction sur un architecte méconnu. Les sources proviennent de journaux anciens, d'acte d'Etat-civil, recensement de la population, recensement militaire, etc. La photo à la une a été empruntée au site art.nouveau.world. Elle est signée "isartnouveau". Si vous vous servez de cet article, nous vous remercions de bien vouloir citer le blog.

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