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Musique et patrimoine de Carcassonne - Page 105

  • Aux origines de l'Hôtel de police de Carcassonne, boulevard Barbès

    Dans quelques mois, un nouveau Hôtel de police entrera en service au lieu-dit « Prat Mary » situé près de la route de Limoux. Ainsi en ont décidé nos responsables politiques ! Il faudra alors que nos policiers déménagent et laissent un bâtiment jugé comme insalubre, dans lequel ils ont officié depuis les années 1950. Grâce à nos recherches, nous sommes désormais en mesure de retracer les origines de cet immeuble bourgeois, au cœur du boulevard Barbès.

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    © La dépêche

    C’est en 1887 que débutent les travaux de construction de ce bel hôtel particulier érigé pour le compte de Charles Salaman (1830-1916), sur l’emplacement des anciens remparts de la Ville basse. Administrateur de la Caisse d’Epargne et président du Comité des courses de l’Aude, M. Salaman avait d’abord fait carrière dans l’armée comme officier de cavalerie. Il démissionna en 1860 afin de s’occuper de son domaine de Moussoulens et s’installa à Carcassonne dans la rue de la gare avec son épouse Louise Lamarque et ses trois enfants. Son seul fils, Henri, mourra en opération en 1910 avec le grade de capitaine d’artillerie coloniale. Ses filles, Claire et Marie-Claire épouseront respectivement Edmond Alègre de la Soujeole et Gaston de Rolland. Charles Salaman était également apparenté aux Laperrine d’Hautpoul par sa mère Jeanne Laperrine (1802-1879). Cette famille bourgeoise très aisée qui s’était alliée par filiation avec l’aristocratie audoise, fréquentait les partisans de l’Action française et prenait ses vacances d’été à l’hôtel Victoria de Biarritz. L’entrée de l’hôtel Salaman - c’est ainsi qu’on l’appelait - se faisait par le n°31 de la rue Voltaire et s’ouvrait par un grand porche par lequel entraient les voitures. Un cocher et deux domestiques constituaient le personnel de la maison.

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    Entrée de l'ancien commissariat

    Jusqu’après la Seconde guerre mondiale, l’hôtel de police se trouvait rue Aimé Ramond dans ce que l’on nomme de nos jours, l’ancienne mairie. Très bientôt donc, le nouveau commissariat va ouvrir une nouvelle page de l’histoire de Carcassonne. Que va devenir l’hôtel Salaman ? Espérons qu’il ne restera pas trop longtemps fermé et qu’un acquéreur lancera les travaux nécessaires. Il le mérite !

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    © La dépêche 

    Maquette du futur Hôtel de police

    Sources

    Le courrier de l'Aude, L'Action française

    Etat-civil / ADA 11

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    © Tous droits réservés / Musique et patrimoine / 2020

  • Mgr Paul-Félix Beuvain de Beauséjour (1839-1930), évêque de Carcassonne

    Paul-Félix Beuvain de Beauséjour voit le jour le 16 décembre 1839 à Vésoul (Haute-Saône), diocèse de Besançon. Son père Louis-Ernst (1811-1859) exerce la profession d’avocat et sa mère Eugénie, née Fyard de Mercey (1813-1907), élève ses quatre enfants. Après des études à Saint-Sulpice, le futur évêque de Carcassonne est ordonné prêtre le 6 janvier 1863 et débute comme professeur à la « Catho ». C’est ainsi que l’on appelle l’Institution Saint-François Xavier.

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    Paul-Félix Beuvain de Beauséjour

    Successivement curé de Vitrey (1874-1876) puis de Luxeuil (1887-1892), Paul-Félix Beuvain de Beauséjour devient ensuite archiprêtre de la cathédrale et vicaire de Besançon, avant d’être élu le 9 juin 1902 évêque de Carcassonne. Les querelles entre le Pape et Emile Combes, président du Conseil des ministres, retarderont l’arrivée de Mgr de Beauséjour dans l’Aude de deux ans. Finalement sacré le 20 mars 1904 à Vesoul, il sera intronisé le 7 avril suivant à la suite du décès de Mgr Billard.

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    Le nouvel évêque, l’un des derniers concordataires, garda les armoiries de sa famille timbrées de la couronne comtale. L’écu de Monseigneur posé sur la crosse, on y remarquait un St-Paul sur la volute. Sa devise : « In laboribus plumiris »

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    « D’azur au sautoir d’or accompagné de quatre étoiles de même et chargé en cœur d’un bœuf de gueule. »

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    Tout au long de son ministère, Paul-Félix Beuvain de Beauséjour fit de gros efforts pour développer le recrutement de prêtres pour le département. Ceci, grâce à la création et à la promotion d’écoles presbytérales pour susciter des vocations.

    Le 16 juillet 1907, il est reconnu coupable par le tribunal d’avoir procédé le 2 juillet précédent au mariage religieux dans l’église de Grèzes de Joseph Maraval et de Marie-Antoinette Fondi de Niort, sans avoir justifié d’un acte préalablement reçu par l’officier d’état-civil. Or, à cette date le service d’état-cvil avait été suspendu à Carcassonne en raison de la démission du Conseil municipal, suite aux instructions du Comité d’Argeliers opposé au gouvernement lors de la révolte vigneronne de 1907. Monseigneur l’évêque ayant enfreint les articles 190 et 200 du code pénal maintenus par la loi du 9 décembre 1905, est condamné d’abord à 50 francs d’amende avec sursis, puis en appel à 16 francs - toujours avec sursis.

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    Le cortège funèbre le 10 avril 1930, place Carnot

    Le 5 avril 1930, Paul-Félix Beuvain de Beauséjour s’éteingnit à 5h30 du matin à Carcassonne après une longue agonie. Le doyen de l’épiscopat français avait 91 ans et venait d’écrire un ouvrage sur les Clermont-Tonnerre de Franche-Comté. Ses obsèques furent célébrées le jeudi 10 avril dans la cathédrale Saint-Michel sous la présidence de Mgr Binet, archevêque de Besançon.

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    Sa dépouille mortelle repose encore aujourd’hui dans le chœur de la cathédrale aux côtés de son prédécesseur. C’est son coadjuteur, Mgr Emmanuel Costes (1873-1934) qui lui succéda pour une année avant d’être nommé à l’archevêché d’Aix-en-Provence.

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    Mgr Emmanuel Costes, à l'arrière du corbillard

    Sources

    Armorial des cardinaux, archevêques et évêques français / Cosson / 1917

    Le figaro, L'Excelsior

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  • L'affaire du Couvent de Sainte-Gracieuse, rue Trivalle

    En 1793, les R.P Capucins avaient été chassés et dispersés du monastère que l’on connaît de nos jours sous le nom de Notre-Dame de l’Abbaye, rue Trivalle. Les bâtiments devaient passer sous la coupe des révolutionnaires et être vendus avec les Biens nationaux. Il faudra attendre le début des années 1860 pour que des religieuses de l’Ordre de Marie-Thérèse s’y établissent à nouveau en créant une maison d’éducation catholique. Elles lui donnèrent alors le nom de Sainte-Gracieuse, en hommage à une martyr dont les restes reposent dans la chapelle.

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    Au mois, d’août 1871, un fait totalement méconnu aujourd’hui de nos historiens locaux va déclencher un véritable séisme non seulement à Carcassonne, mais dans la France entière. L’affaire de Sainte-Gracieuse, ainsi dénommée par les chroniqueurs de l’époque, débute par le dépôt d’une plainte au tribunal de Carcassonne. Monsieur Merlac, propriétaire à Narbonne, sur la foi des accusations de viol portées par sa fille Alix contre les religieux du Couvent de Ste-Gracieuse, entend bien défendre l’honneur perdu de son enfant. Que diable s’est-il donc passé ? La jeune fille de dix-huit ans et pensionnaire de cette école d’éducation, prétend que sa cousine Nancy Bouis, âge de trente-six ans, l’avait amenée trois ans auparavant au couvent tenu par mes religieuses de Marie-Thérèse. Là, trois sœurs (St-Paul, Marie et St-Luc) l’auraient prise de force dans une cellule située au fond d’un souterrain. On l’aurait jeté sur un lit et l’abbé Henri, vicaire de Saint-Gimer, se serait alors précipité sur elle et l’aurait violée. Deux autres prêtres seraient entrés et chacun leur tour, en auraient fait de même. Alix Merlac accusa l’abbé Vidal de l’avoir violée le 16 août 1868, jour de St-Roch, à 20 heures dans l’église Saint-Vincent. Après quoi, l’abbé Sigé, son confesseur et curé de la cathédrale, se serait servi de sa position pour l’obliger à demeurer au couvent afin de servir d’instrument à leurs plaisirs.

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    Le 17 mars 1872, le chef du parquet et le juge d’instruction, assistés d’un greffier, se rendirent au couvent accompagnés de la plaignante pour effectuer des constatations. Le curé, objet des accusations, prisonnier dans la loge du concierge du Palais de justice, fut remis en liberté. Les autres prêtres démentirent avec vigueur avoir abusé de la jeune femme. Néanmoins, pendant la durée de l’instruction, l’évêché dut prendre des mesures à titre conservatoire. L’abbé Henri, vicaire de Saint-Gimer, fut envoyé en disgrâce à Mérone. L’abbé Sigé, dans une petite paroisse près de Castelnaudary.

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    Le cloître

    Les investigations montrèrent très vite que tout dans l’accusation était chimérique. Sur la plaignante, aucun indice ne laissait supposer qu’elle disait la vérité et peu-à-peu, on fut certain qu’elle n’avait pas été déflorée. Les états des lieux qu’elle avait décrits ne correspondaient point à ses précisions, et plus on avançait dans les recherches, plus les alibis se multiplièrent. A chaque fois, l’enquête mettait en évidence un fait contraire à celui que Mlle Mérlac mettait en avant. Une ordonnance de non lieu fut alors prononcée en faveur des abbés Sigé, Henri et Vidal, des sœurs St-Paul, St-Luc et Marie, de la mère supérieure et de Madame Bouis. Les accusés poursuivirent Alix Merlac pour dénonciation calomnieuse et au bout de son procès qui révéla ses mensonges, son avocat Me Agnel réussit à obtenir l’acquittement. Les experts ayant pu prouver la fragilité mentale de la jeune femme, la défense réussit à plaider la folie. On n’entendit plus parler d’Alix Merlac, ni d’ailleurs de cette affaire qui suscita bien des polémiques entre défenseurs de l’église et anticléricaux.

    Au cœur de cette affaire se trouva le député-maire de Carcassonne, Théophile Marcou. Patron du journal « La Fraternité », cet anticlérical viscéral titra avant même le début de l’enquête :

    «  Accusation de viol, d’attentats à la pudeur portés par Mlle Merlac de Narbonne, contre les religieuses du Couvent de Ste-Gracieuse de Carcassonne et divers prêtres du diocèse. »

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    Théophile Marcou

    Les évènements prirent alors une tournure politique à une époque où la Troisième République faisait la chasse aux cléricaux. Louis Veuillot (1813-1883), journaliste légitimiste et catholique fervent entra dans la danse en fustigeant Marcou de ses manchettes assassines dans l’Univers :

    « Le citoyen Marcou est un vieux rouge, avocat de profession, déporté au 2 décembre, préfet du 4 septembre, dégommé, maire de Carcassonne et président du Conseil général de l’Aude. Ledit Marcou est fils d’un curé défroqué et d’une religieuse qui avait jeté sa guimpe par-dessus les moulins. »

    Au milieu de cette triste affaire, une victime… Le père d’Alix, Joseph Adolphe, qui, certainement déshonoré par la tournure des évènements, se donna la mort par empoisonnement le 9 avril 1872. Là, où il eut fallu un peu de décence, les belligérants se servirent de ce terrible forfait pour poursuivre leurs querelles politiques. Marcou accuse les Jésuites d’avoir détruit les preuves de la culpabilité des religieux. Il remet même en cause la version du suicide le 14 avril 1872 dans son journal :

    « Pourquoi M. Merlac s’est-il suicidé . C’était un homme religieux, légitimiste et pratiquant. Avant de mourir, il succombait  aux remords, il se serait repenti et aurait demandé l’absolution ; pendant que le poison achevait  son travail dans ses viscères. Mais est-ce bien le remord qui l’a tué ? C’est peu vraisemblable […] Je ne peux chasser de mon esprit le souvenir d’un empoisonnement d’un prince italien par l’hostie consacrée, quand on lui a donna la communion. »

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    Louis Veuillot

    La réponse de Veuillot ne se fit pas attendre :

    « M. le rédacteur de la Fraternité, maire de Carcassonne, ne dit pas si c’est M. feu l’ex-abbé Marcou, son père, qui lui a conté cette histoire du prince italien, pour lui inspirer une juste horreur de la communion ».

    Sources

    La Fraternité

    Le Figaro / 19 juin 1873

    L. Veuillot / Mélanges religieux, historiques, politiques et littéraires

    L'Univers

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