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Musique et patrimoine de Carcassonne - Page 102

  • Le dessin de Dominique Ingres au Musée des Beaux-arts était-il un faux ?

    Le musée des Beaux-arts de Carcassonne possède depuis 1949, un dessin attribué à Dominique Ingres (1780-1867) qui à cet époque suscita bien des questionnements et des polémiques. Ce portrait jugé comme grossier par plusieurs spécialistes locaux, comme l’antiquaire Lambrigot, mit en doute son authenticité. Le chanoine Sarraute, ancien élève de l’école du Louvre, donna son avis en ces termes :

    « S’il est de lui et cela me parait très douteux, c’est un mauvais Ingres […] Tel quel il est laid et piteux. N’est-il pas un symbole du contribuable Carcassonnais, mis knock-out par les impôts de notre bonne ville ? »

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    © Musée de Beaux-arts de Carcassonne

    Huile sur toile, signée Ingres 1797

    L’affaire aurait pu en rester sur des considérations d’ordre artistique ; elle prit une tournure politique sur fond de querelles entre les communistes et la majorité municipale radicale du docteur Philippe Soum. La ville souhaita acheter le supposé Ingres suivant la proposition de Monsieur Esparseil, conseiller municipal R.P.F, mais surtout ancien propriétaire du tableau… 

    Il n’en fallut pas davantage à l’opposition communiste menée par M. Llante, pour jeter la suspicion sur une affaire qu’il qualifia de malhonnête. M. Esparseil répondit, non sans menacer son accusateur de diffamation, qu’il s’était dessaisi du tableau le 22 mai 1933, suivant acte de Maître Auriol. « Une maison du faubourg Saint-Honoré à Paris allait l’acheter pour le compte de l’étranger et plutôt que de le voir partir hors de France, j’en ai proposé l’achat au musée », dit-il.

    M. Esparseil remit donc une fiche de ce dessin, signé Ingres et daté de 1797, au maire de Carcassonne et sollicita 100 000 francs pour son acquisition. Il ne devrait rien en coûter au budget municipal puisque les legs « Sourbieu » d’un montant d’un million huit cent mille francs, uniquement destiné à l’achat de tableaux, couvriraient largement la facture. Restait à confirmer l’authenticité d’un dessin dont les détracteurs estimaient le prix très au-dessus de sa valeur artistique : « Quel prix vaut-il ??? Mais 100 000 francs me paraissent très exagérés. A la vente de la collection du duc de Trévise, il y avait un Ingres de ce genre, authentique, bien mieux. Il a été vendu un petit prix », souligna le chanoine Sarraute.

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    Le 13 janvier 1948, la commission des achats des Beaux-arts étudia la proposition. Elle adopta à la majorité l’achat du dessin, sous réserve de confier la photo à René Nelli - alors conservateur du musée - en lui demandant de poser la question au ministère. Le 10 mars, la réponse fut enfin connue :

    « La photographie n’apporte pas la conviction qu’on soit en présence d’une œuvre de la main du maître. Si vous aviez l’intention de poursuivre cette négociation, il serait intéressant que vous nous fassiez apporter la toile à Paris pour la soumettre au spécialiste. »

    Nelli hésita à expédier vers la capitale l’Ingres de Carcassonne et attendit le passage des inspecteurs des Beaux-arts. Lors de leur visite au musée, Madame Duprat, ainsi que M. Rivière, conclurent à l’authenticité. L’achat fut donc ratifié par la Direction des Musées de France. Dans ses mémoires, le chanoine Sarraute note :

    « Nelli m’a dit que Ningres (restaurateur des musées nationaux) estime que c’est un vrai Ingres. Il l’avait mis sur une porte (j’avais fait la remarque au maire). On l’a descendu. Beaucoup sont venus voir cet Ingres qui donnera aux Carcassonnais une triste idée de ce dessinateur merveilleux. Ningres a vu un Ingres de ce genre, fait quand il était élève de Roques à Toulouse. Il croit qu’on l’a retouché, qu’il faudrait arranger la tâche qui est sur la poitrine. »

    Afin de couper court à la polémique, Philippe Soum conclut que l’administration des Beaux-arts pouvait faire annuler la vente ou s’opposer à l’exposition du tableau. Elle n’en fit rien ; le dessin grossier de Dominique Ingres réalisé à l’âge de 17 ans fut donc considéré définitivement comme authentique. Il fait partie encore de nos jours des collections du musée des Beaux-arts de Carcassonne.

    Sources

    Archives du Chanoine Gabriel Sarraute

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    © Tous droits réservés / Musique et patrimoine / 2020

     

  • Six œuvres d'art cachées sur les ronds-points de Carcassonne...

    En passant par le rond-point du lycée agricole Charlemagne, je fus intrigué par une oeuvre d'art située en bordure de la route de Saint-Hilaire. Je m'arrêtai alors pour en prendre connaissance. Fort heureusement et chose unique dans Carcassonne — nous le verrons plus tard — la sculpture portait non seulement le nom de l'artiste mais également le titre de l'oeuvre. Je pouvais donc en rentrant chez moi, chercher avec la facilité que procure désormais internet, la biographie de Jean Suzanne et de sa sculpture intulée "Le signe méditerranéen". Cela ne me suffit pas, il me fallut connaître le fil de l'histoire qui avait pu l'amener à cet endroit. Je décidai de téléphoner à Jean-Marc Tilcke, galeriste d'art contemporain bien connu à Carcassonne. Il administre "La maison du chevalier" dans la rue Trivalle.

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    © Martial Andrieu

    L'oeuvre de Jean Suzanne

    J'apprends alors que ce sont en fait six oeuvres qui ornent les rond-points de Carcassonne depuis 20 ans. Au début des années 1990 eut lieu dans notre ville un symposium de sculpture, piloté par Jean-Marc Tilcke en collaboration avec la ville de Carcassonne représentée par Raymond Chésa, le ministère de la culture représenté par le préfet et le Conseil régional représenté par Jacques Blanc. D'après J-M Tilcke, la mairie devait à l'issue de la manifestation faire l'acquisition des sculptures. Ce qu'elle ne fit pas. Le directeur de la Maison du chevalier décida alors d'emprunter pour pouvoir les conserver à Carcassonne, pour une somme totale de 20 millions d'anciens francs (30.000 €). Finalement, un arrangement fut trouvé avec Raymond Chésa afin que les six oeuvres prissent place dans Carcassonne. Contractuellement, un commodat ou prêt à usage fut signé entre les parties. Il obligea la ville à assurer, entretenir et protéger les sculptures.

    Les six sculptures

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    © Martial Andrieu

    La nef de pierre d'Ariel Mocovici

    Cette oeuvre se trouvait jusqu'en 2003 dans le square Gambetta. Depuis seize ans, elle est entreposée aux serres municipales et attend désespérément un lieu pour l'accueillir. Notons que dernièrement une sculpture d'Ariel Moscovici a été achetée par Taïwan pour 300.000 dollars.

    http://arielmoscovici.free.fr/

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    La fracture de Jean Suzanne

    Cette oeuvre conçue en acier et inox a été débaptisé sans le consentement de l'artiste. Elle porte sur son socle le titre de "Signe méditerranéen". Elle se trouve sur le rond point de Charlemagne

    http://www.jeansuzanne.com/

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    Tcherban Gabréa

    Cette sculpture se trouve sur le rond-point Maurice Ancely, avant d'arriver à Géant Cité 2. Elle ne porte aucune mention ni sur l'artiste, ni sur l’oeuvre.

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    Bata Marianov

    Cette oeuvre en bois se trouve route de Saint-Hilaire, à l'entrée de la rue Barbacane.

    http://www.marianov.de

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    Nicolae Fleissig

    Cette sculpture se trouve sur le rond-point du Souvenir français, près de Géant Cité 2

    http://nicolaefleissig.blogspot.com/p/symposiums.html

    Michel Argouge

    Elle se trouvait sur le rond point de l'aéroport, mais...

    Quel avenir pour ses sculptures ?

    Il est évident que très très peu de personnes connaissent l'histoire de ces oeuvres et qu'un jour, on pourrait imaginer qu'un inculte en mal artistique se prenne à les repeindre en bleu. On l'a vu ailleurs récemment... Néanmoins, elles semblent plutôt en bon état au milieu d'espaces verts entretenus. Il faudrait qu'elles soient mises en valeur par un éclairage et matérialisées par un panneau explicatif.

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  • Les bâtiments de l'ancienne Franco, comme disaient nos anciens...

    Venus d’Italie, plus exactement de la ville de Monza située dans le nord de la péninsule, les frères Cordara s’installent à Carcassonne après la Première guerre mondiale. Au n°56 de la rue Barbacane, à côté de la boulangerie Rajol, Henri vit avec son épouse Joséphine et à partir de 1928, avec son fils Charles. On donnera au bambino, le prénom du tonton qui comme son père avait sans doute fait en Italie de brillantes études d’ingénieur.

    manufacture franco

    Ils vont alors fonder en 1928 une usine, connue sous le nom de Manufacture Franco-Italienne de cloches de laine, en bordure de l’Aude dans le quartier de La Prade, au pied de la voie de chemin de fer. A l’intérieur de ces bâtiments, des ouvriers fabriquaient les cloches de laine avant leur transformation en feutre à chapeaux pour les usines de Couiza et d’Espéraza. 

    manufacture franco

    © www.museeduchapeau.com

    Cordara frères, constructeurs-mécaniciens

    Sur les bastisseuses et autres sableuses conçues par Cordara frères, constructeurs-mécaniciens, une importante main-d’œuvre dont le savoir faire s’est hélas perdu, confectionnait des cloches de laine de grande qualité. L’activité de cette manufacture perdura jusqu’en 1933, c’est-à-dire cinq années après sa création. Toutefois, les vieux Carcassonnais firent de la Franco, un nom éponyme désignant les bâtiments au fond du boulevard Paul Sabatier.

    manufacture franco

    © www.museeduchapeau.com

    Machine utilisée pour donner au chapeau la forme définitive de ses bords, par pressage sous un sac de sable chaud. Bâti composé de 2 piétements trapézoïdaux, reliés par une traverse en U, sur lesquels repose une plaque chauffante en fonte, alimentée par un tuyau de vapeur. Au-dessus de cette plaque, prend place le système de pressage du feutre ou sache, fait d’un gros sac rempli de sable, en toile épaisse cousue à un disque en feutre de laine écru. Ce sac est fixé par une tige sur une « cuvette » métallique renversée, percée de 2 trous fermés par un bouchon pour le remplissage du sable. Le chapeau de feutre, renversé sur un collier en bois et recouvert d’un tissu humide, est pressé sous cette sache, chauffée au contact de la plaque en fonte. Le déplacement de la sache est assuré, sous le bâti, par une colonne installée sur la traverse en U. Cette colonne est équipée d’un vérin à pression d’air qui, relié à des tiges verticales traversant la plaque de fonte et supportant la sache, entraîne son élévation ou sa descente. Une traverse fixée aux pieds de la sableuse, à l’avant, supporte la pédale quadrillée de commande et le tuyau d’alimentation en air comprimé. Un manomètre est fixé sur le tuyau, à droite de la machine. A l’avant de la plaque, un plateau en bois permet la pose des colliers avant passage sous les sacs de sable. (Atelier-Musée du chapeau / Chazelles-sur-Lyon)

    Deux ans après, le local désaffecté servit aux réfugiés Sarrois chassés de chez eux à la suite du plébiscite du 13 janvier 1935. Ce territoire, protectorat français depuis le traité de Versailles, choisit de s’unifier à l’Allemagne et on estime à près de dix mille, le nombre de personnes réfugiées en France à cette époque. Quand les nazis envahirent la zone sud de notre pays en novembre 1942, l’ancienne Franco devint l’un des garde-mangers de l’armée d’occupation à Carcassonne. Rigoureusement protégé par des plantons vert-de-gris en armes, il fut dès lors impossible aux affamés touchés par les restrictions de nourriture, de s’en approcher. Le 13 août 1944, des lightning’s P.38 du Fighter group américain revenant d’un raid sur Toulouse, mitrailla la Franco et l’aérodrome de Salvaza. Cinq jours plus tard, juste avant de quitter Carcassonne, les Allemands mirent le feu aux dépôts de denrées de la ville et l’ancienne manufacture n’échappa pas à son sort. Autant dire que l’on ne mit pas longtemps à trouver des volontaires pour circonscrire l’incendie ; les F.F.I durent monter la garde pour éviter les pillages au péril de leur vie. Quand le peuple a faim, il est bien difficile de le contenir…

    manufacture franco

    Une fois le second conflit mondial terminé, les hangars servirent de dépôt aux autobus des Courriers Roussillon Languedoc. Ces derniers assuraient la liaison vers les villages autour de Carcassonne à partir de l’autogare, situé boulevard de Varsovie. Après l’explosion d’A.Z.F à Toulouse en 2001, les autobus urbains endommagés furent acheminés sur le site pour y être réparés. Encore de nos jours, une partie de la Franco sert à groupe de transports publics Keolis ; l’autre partie, à l’agence SERPE spécialisée dans les travaux d’élagages.

    Nous espérons que des lecteurs pourront apporter des précisions supplémentaires sur l’ancienne Manufacture Franco-Italienne. 

    Sources

    Archives personnelles d'Alfred Raucoules

    Madame Danièle Cordara, avec la médiation de J. Blanco

    Archives Seconde guerre / M. Andrieu

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