Roger Charles Fourès naît à Carcassonne le 8 avril 1916. Mobilisé lors de la déclaration de guerre en 1939 au 81e R.I.A, il est ensuite fait prisonnier par les Allemands à partir du 12 juin 1940 et envoyé de l’autre côté du Rhin. Au Stalag VI G, près de Cologne, ses sentiments profondément anti-allemand lui inspirent de saboter tout travail qui lui est confié. Fourès cultive auprès de ses camarades la haine du Pétain à travers le Trait d’Union, journal collaborateur publié par Vichy. C’est un Gaulliste convaincu. Ses frères d’armes en captivité se nomment : Raymond Boquet (professeur de lettres à Castres), Augustin Béziat (Représentant à Carcassonne), Charles Laffargue (Lieutenant à Meknès), Pistre (Boucher à Villepinte), Cathala (Propriétaire à Leuc), Moutounet (Habitant à Rambouillet).
Entrée d'un Stalag
Le 8 août 1941, Charles Fourès parvient à s’évader en compagnie de Charles Laffargue. « Nous avons franchi à pied deux frontières, deux lignes de démarcation (Germano-Belge à Malmédy-Stavelot et Franco-Belge à Waterloo-Roubaix). La zone occupée à Amiens et la zone libre à Castillon par Libourne grâce au Bar des Allées qui nous a servi de passeur. Nous sommes arrivés à Carcassonne le 16 août 1941. Au moins d’octobre, j’étais en contact avec la Résistance de l’Aude, embryonnaire à cette époque. A Carcassonne, diffusion de tracts. Contacts avec Mesdemoiselles Bénet de Quillan, Madame Degon, Raoul de Volontat, Audirac à Espéraza, le docteur Marx. En même temps, une ossature de résistance se dessine à Carcassonne au début de 1942 avec le Chef de l’Armée Secrète, le colonel Picard. Madame Degon établit ma relation avec un régional Franc-Tireur nommé Hervé. Je suis nommé départemental pour la diffusion de journal».
Pendant une année, Fourès diffuse clandestinement Franc-Tireur. Le paquet est remis à la bibliothèque de ses parents à la gare de Carcassonne au nom de Roland, son pseudo. La distribution s’effectue avec Vitalis-Cros à bord de la camionnette de la librairie de sa mère. Fourès constitue un réseau de responsables autour de lui : M. Germer, rue du 4 septembre, servait de boîte postale ; Perdigou de Cazilhac, Rivérola, Berseille, Gayraud, Fort, Testa, Reynès, Armagnac de Conques qui sera tué au maquis de Trassanel.
Après l’arrestation de Hervé, le journaux n’arrivent plus. Charles Fourès rentre aux M.U.R (Mouvements Unis de Résistance) et s’approche de Lucien Roubaud, chef départemental. Le chef de l’Armée Secrète devient Gayraud, rue Raspail. « Je suis contacté à ce moment en tant que prisonnier évadé par Fontaine et le colonel Planes de Montpellier, ainsi que par M. Tricou. Je suis désigné comme chef départemental M.N.P.G.D (Mouvement National des Prisonnier de Guerre Déportés) avec comme adjoint M. Couderc. Le mouvement s’intègrera ensuite avec les F.F.I pour toutes les missions de camouflages, propagande, renseignements, sabotages, etc.
Courant 1943, dissimulé sous une fausse identité, il se met en relation avec Sablé (Chef départemental du N.A.P - Noyautage des administrations publiques), Graille (liaisons régionales) Daraud alias Bel (Chef départemental Maquis), Bonnafous alias Richard, Morguleff alias Georges, etc. Fourès a trouvé un emploi de contrôleur aux Allocations familiales, rue Frédéric Mistral. A deux pas de la librairie de Vitalis-Cros. Cette administration a joué un grand rôle dans la Résistance audoise à l’insu de son directeur. Seuls Madame Guilhem (secrétaire) et M. Fort (comptable) étaient au courant. « Je ne couche plus chez moi. Je possède une chambre chez Arnal, droguiste. Une autre chambre est réservée à cette adresse pour les autres camarades de passage ».
La droguerie Arnal, Bd Omer Sarraut
Début 1944, Jean Bringer lui est envoyé pour rentrer dans la Résistance audoise par Pech, inspecteur de police. Bringer devient chef départemental des F.F.I qui viennent de ses créer ; Fourès entre à son service comme adjoint. Il fait la connaissance de Louis Amiel, Jean Delpech, Azéma, Ferrier, Dardié, Francis Vals, Rose Beauviel, Louis Raynaud, André Coumes, Ribeill, Delteil. La chambre chez Arnal sert aux réunions des chefs départementaux et régionaux, aux dépôts de papiers compromettants, d’armes. L’équipe des tueurs du milicien Kromer, loge chez lui. La bonne d’Arnal découvre le stock d’armes. La chambre est évacuée. Transport des armes en plein jour de chez Amiel, chez Fourès avec le camion de Trotte, primeur. Perquisitions de la Milice chez Arnal, la planque est grillée.
« Je suis chargé en même temps par M. Roubaud de former le R.O.P (Recrutement, Organisation, Propagande), aidé par MM. Monnié et Castel. La ville est divisée en secteurs. Ce mouvement est destiné, en cas de débarquement allié dans la région, à prendre l’initiative des opérations par la présentation aux alliés d’un mouvement de renseignements. Des brassards sont confectionnés par Riverola.
La librairie Cros, rue Frédéric Mistral
« Juillet 1944 : Jean Bringer est arrêté et remplacé par Morguleff. Fourès, contacté par l’Intelligence Service devient « Le Saint ». Les réunions deviennent plus nombreuses, le danger est plus grand. Un plan est établi pour essayer de sauver Bringer avec Coumes, Ferrier et Daraud. On surveille les voitures de la Gestapo. Un coup de main est envisagé par le maquis de Raynaud, mais il est anéanti trois jours après. Durant cette période, j’ai assuré la fabrication de faux papiers. Les messages attendus passent enfin et je monte au maquis de Picaussel avec Morguleff et Berseille le 15 août 44. Ce fut ensuite la reconnaissance dans Carcassonne libérée sur ma moto avec Berseille, une voiture portant le drapeau tricolore avec le commandant Alaux, le capitaine Soual, le capitaine Tallon, le lieutenant Guy David.
Obsèques de Jean Bringer. Charles Fourès, à droite, tient les cordons du poêle
A la libération. Fourès prend les fonctions de président du Comité d’épuration. Il démissionne, car il ne supporte pas de voir des jeunes miliciens de 20 ans se faire fusiller. Les vrais chefs de la Milice, eux, s’étaient enfuis en Espagne. Après la Libération, Il est désigné par l’Etat-major des FFI pour devenir Sous-Préfet de Narbonne. Il refuse, car considère qu’il n’a pas fait de la Résistance pour obtenir un poste administratif. Francis Vals, Président du Comité départemental de Libération, prend alors sa place et deviendra ensuite le maire socialiste de Narbonne jusqu’en 1971. Nous voyons ici qu’il y a une différence entre ceux qui briguaient des fonctions électives pour leur parti, et les autres. Finalement, Charles Fourès participera au lancement de « La République du Midi », journal censé remplacer « La dépêche du Midi » qui s’était compromis avec Vichy. Quelques années plus tard, il rejoint le Midi-Libre en tant que responsable départemental de la publicité. Il mourra le 19 mai 1989 à 73 ans.
Décorations
Médaille militaire, Croix de guerre avec palme, Médaille de la Résistance, Médaille des Combattants Volontaires de la Résistance, Chevalier de l’Ordre national du Mérite.
Cécile Fourès reçoit l'Ordre National du Mérite
On ne peut parler de Charles Fourès sans évoquer le souvenir de son épouse, Cécile Farges. Ce couple s’était rencontré chez Maître Nogué où elle travaillait. Par amour pour lui, la jeune femme dactylographiait clandestinement des documents chez Arnal pour Jean Bringer. Elle servait également d’agent de liaison en dissimulant les papiers dans le guidon de sa bicyclette. Madame Fourès est décédée l’année dernière dans sa 96e année. C’était la dernière à avoir connu Jean Bringer, alias Myriel.
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