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Seconde guerre mondiale - Page 11

  • La compromission d'Albert Tomey et de son Conseil municipal sous Vichy

    Nous avons été bercé jusqu’ici par les légendes qui voulaient sans doute entretenir des versions édulcorées de l’histoire. Des versions qui exonéraient certains bons républicains Carcassonnais de leur compromission avec le pouvoir honni du gouvernement de Vichy. De rares apôtres du radicalisme socialiste, comme le docteur Henri Gout, ont refusé de voter les Pleins pouvoirs à Pétain ; il l’ont chèrement payé de leur personne. D’autres comme le docteur maire de Carcassonne, Albert Tomey, furent bien moins regardant sur les valeurs qu’ils défendaient. C’est sans doute toute la complexité des hommes au même moment de l’histoire. Il n’en demeure pas moins que de vrais résistants de la première heure comme Albert Piccolo, certes communiste, n’ont pas eu les honneurs d’une rue dans Carcassonne. A contrario, Albert Tomey a bénéficié de la mansuétude de Jules Fil dans les années 1967. Vingt-trois ans après, tout le monde avait-il oublié ? Quoi donc ? Qu’Albert Tomey, bien que déchu par Vichy en 1941 de son poste de maire, avait accepté le poste de Président du Conseil départemental, nommé par ce même Vichy. Qu’à ce titre, il avait assisté au théâtre municipal en février 1943 à l’inauguration de la Milice en compagnie de grands collaborateurs du Reich. Les faits l’attestent et nul ne pourrait nous l’opposer. Sommes-nous donc des révisionnistes ? Non, nous ne décrocherons pas la plaque de la rue Tomey, car cet homme fut un grand maire pour sa ville. Nous souhaitons simplement lutter contre les légendes. En voici une autre, pourtant inscrite dans les livres de notre histoire locale. Quand le conseil municipal républicain d’Albert Tomey a été révoqué par Pétain, celui qui l’a remplacé, Jules Jourdanne, a fait changer le nom du boulevard Jean Jaurès par celui de Philippe Pétain, maréchal de France. C’était donc en 1941, n’est-ce pas ? Eh ! Bien, c’est inexact. Le changement de ces noms de rues est intervenu par délibération municipale en date du 10 décembre 1940. Exactement, six mois après l’arrivée de gouvernement de Vichy. Et qui sont les élus à la manœuvre de cette lumineuse idée, parfaitement anti-républicaine ? Le conseil municipal radical-socialiste d’Albert Tomey, toujours en place à cette date. Voici ci-dessous le texte de la délibération adoptée par le Conseil municipal :

    "L’effort vers l’Union qui se manifeste un peu partout dans les diverses catégories sociales, et qu’exigent au surplus les circonstances pathétiques que nous traversons, s’accommode mal des survivances trop publiques des luttes partisanes que nous avons naguère connues et que constituent certaines dénominations attribuées à nos rues et boulevards.

    Il est vrai qu’on ne serait, sans discrimination, condamner toutes les appellations qui, à un titre quelconque, évoquent des luttes politiques, certaines de ces appellations sont trop impuissantes à entretenir le moindre esprit de parti, soit que les querelles auxquelles elles peuvent permettre de faire allusion s’estompent dans le souvenir, soit, surtout, que l’activité partisane de l’homme dont elles tirent leur origine cède le pas, dans la mémoire des populations, à l’activité administrative et aux résultats de l’œuvre sociale accomplie ; encore convient-ils de limiter le bénéfice de ces considérations aux grands hommes ou personnalités dont les attaches locales sont certaines, et qui peuvent être considérés comme des enfants du pays.

    Si donc vous adopter ce point de vue, l’Administration vous propose de pourvoir à une modification dans la dénomination :

    1. Des boulevards Jean Jaurès et Camille Pelletan qui deviendraient l’avenue du Maréchal Pétain, dont le nom s’est à jamais inscrit dans les annales glorieuses de notre histoire et dont plus tard l’admirable dévouement, en des jours de détresse profonde, a justifié, et justifie encore les espoirs de vigoureux redressements qui hantent tous les cours français.
    2. De la rue Francisco Ferrer, qui s’appellerait désormais rue Joseph Poux, en témoignage de gratitude à l’égard de l’historiographe précis et pourtant passionné de notre Cité à laquelle il a consacré des ouvrages auxquels la haute qualité de la forme, leur richesse et solide substance assurent une survivance à jamais profitable à notre centre touristique.
    3. De la rue de l’Orient, qui deviendrait la rue Montesquieu, en hommage à la clairvoyance de cet écrivain et théoricien, auteur des Considérations et de l’Esprit des Lois, où foisonnent les enseignements dont la méditation et la pratique eussent rendu la nation française plus prudente et plus sage, et l’eussent ainsi préservée du désastre que nous connu."

    Le préambule signé par Albert Tomey vaut son pesant de cacahouètes. Nous préférons laisser les lecteurs apprécier ce morceau d’architecture. Jean Jaurès fut un partisan de la paix avec l’Allemagne. Camille Pelletan un défenseur républicain de la laïcité. Francisco Ferrer, un anarchiste catalan, fusillé par les monarchistes espagnols. Quant à la rue de l’Orient, c’est là que se trouvait la loge maçonnique du Grand Orient de France. C'est plus qu'un reniement c'est un faute politique oubliée depuis la Libération.

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  • Inédit ! Les enquêtes allemandes sur les anciens criminels nazis de l'Aude

    Les choses sont ce qu’elles sont, mais il faut bien admettre que soixante-seize ans plus tard l’Allemagne doit pouvoir regarder les vérités qui dérangent avec l’âme du pénitent. Il n’est pas question pour la génération qui est la nôtre de garder les rancoeurs de nos parents envers un pays ami, co-fondateur de l’Union européenne. Toutefois, l’honneur de nos martyrs nous oblige à revendiquer un droit d’inventaire sur les crimes de guerre impunis des barbares germains. Qui pouvait se douter que la République Fédérale Allemande avait lancé des enquêtes au début des années 1960 contre les auteurs des massacres perpétrés dans l’Aude ? Dans les ouvrages locaux traitant de la Seconde guerre mondiale, aucun des auteurs n’y fait référence. Et pour cause… Ces enquêtes diligentées par les tribunaux des Länder allemands se sont uniquement basées sur les témoignages des accusés. Ni les familles des martyrs, ni les résistants survivants n’ont été sollicités par les juges fédéraux d’Outre-Rhin. Vous le verrez - car nous avons retrouvé et traduit les compte-rendus - leurs conclusions juridiques sont pour le moins déconcertantes. Elles ne sont que l’expression à cette époque, de tribunaux non encore débarrassés d’anciens membres du Parti Nazi (NSDAP) reconvertis en démocrates chrétiens. Prenons garde de ne pas donner de leçons aux Allemands ; nous avons eu chez nous de multiples exemples d’anciens fonctionnaires de Vichy non épurés, comme Maurice Papon. Le cynisme qui ressort des délibérations de ces tribunaux fédéraux aurait fait bondir de colère tout le village de Trassanel. Il valut mieux sans doute qu’il n’en fut pas au courant. Soixante-seize ans après, donc, nous avons exhumé les archives grâce à un contact, citoyen allemand, dont le grand-père avait obéi dans les rangs de la troupe criminelle qui assassinat les maquisards de l’Aude. 

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    Generalfeldmarschall Gerd von Rundstedt, logeait au château de Capendu

    Le rapport d’enquête réalisé le 10 août 1967 (Staatsanwaltschaft bei des Ladgericht) définit les conditions dans lesquelles ont été commis les crimes de Trassanel, de Lairière, de Villebazy, de Baudrigue, de Ribaute. Tous ces massacres perpétrés par la sinistre troupe du 5e régiment de l’air dit « Lisieux » sous les ordres du capitaine Nordstern. Nous n’allons pas reproduire ici les différents témoignages des personnes inculpées ; nous les gardons afin de nourrir le récit des différentes attaques qui ont eu lieu contre les maquis de l’Aude. A l’aide ce document inédit, émanant des archives allemandes, nous souhaitons communiquer les arguties juridiques sur lesquelles les juges ont fondé leurs délibérés. Inutile de préciser que les témoins soupçonnés ont tous, à l’exception d’un seul, décliné leur responsabilité. Ils n’étaient pas évidemment pas présents, ne reconnaissent pas les faits reprochés ; ils se sont tous entendus avant les auditions sur les mêmes arguments à déclarer aux juges.

    Procédure

    Dans tous les cas (Ribaute, Galaube, Bousquet, Lairière), les coupables n’ont pas été identifiés. La poursuite de l’enquête ne promet pas de succès, car les tirs ont été effectués essentiellement dans le cadre de combats purement militaires, où la personne qui tire n’a pas de vision particulière. En outre, il existe aucun élément indiquant que les révélations essentielles auraient été remplies à cet égard. 

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    La grotte des maquisards massacrés à Trassanel

    Ce qui est indiqué ci-après pour Trassanel s’applique en conséquence. Dans le cas de Trassanel, il est nécessaire de déterminer si les personnes identifiées ont, par l’intermédiaire de leurs participants, s’être rendues coupables de l’assassinat ou de complicité. Tous les autres délits éligibles seraient prescrits. La compétence du parquet devant la justice du Land de Lübeck découle des articles 8 et 13 StPO. Les parties concernées sont des ressortissants allemands et, conformément à l’article 3, le droit pénal allemand s’applique bien que la scène du crime soit située à l’étranger. Selon l’article 2, paragraphe 2 StGB de la loi, c’est la loi en vigueur au moment de l’acte qui est déterminante.

    A l’époque des faits (juillet-août 1944), le 211 StGB, dans la version de la loi sur l’incarcération, appliquait le code pénal du 4 septembre 1941, self lequel le caractère particulièrement répréhensible de l’acte ou de l’exécution des faits, distinguait la mort de l’homicide. Les deux assassinats de résistants blessés et capturés ne se justifiaient pas par des actes de guerre dans le cadre d’un conflit. Vous ne pouvez pas être considéré comme meurtrier au terme de l’article 211 StGB. Les indices pour agir sur des motifs faibles sont difficiles. Les motifs sont minces parce que s’ils se placent derrière les considérations ethico-sociales, il est particulièrement méchant et donc méprisable. Les motifs des commandants pour mener à bien la fusillade sont inexpliqués. Dans les deux cas, il s’agissait de deux résistants non armés, capturés dans une zone dominée par la résistance, loin d’un lieu sécurisé par des unités allemandes. Il y avait donc un risque immédiat pour la compagnie. Cette situation dangereuse a nécessite des mesures exceptionnelles pour garantir le succès de l’opération militaire et sa sécurité. Dans l’état actuel des choses , les massacres ont eu lieu pour prévenir les attaques des résistants et pour répondre aux besoins de sécurité des soldats allemands. Le fait que les prisonniers étaient des personnes prêtes à utiliser des armes à tout moment contre les soldats allemands a été un élément déterminant pour les massacres et constituent donc un danger permanent pour les unités allemandes. Si dans cette situation les membres de la compagnie incriminée dans l’intérêt de la sécurité et de la protection des troupes allemandes, c’est à dire pour des raisons militaires, exécutaient les ordres d’exécution, ce comportement ne justifie pas qu’ils se soient arrogés le droit à la vie et à la dignité humaine d’autrui ; décider de la vie et de la mort des résistants serait un motif moralement répréhensible. 

    Rien n’indique non plus que les exécutions aient été cruelles. Aucune des personnes interrogées n’a parlé d’une procédure particulièrement brutale et impitoyable. Seul celui qui inflige cruellement douleur et agonie à sa victime par une attitude insensible et sans pitié, tue cruellement. Il faut ajouter à cela que le fait d’infliger des douleurs corporelles particulières ou des souffrances psychologiques est dû à un comportement insensible de la part du coupable. Un tel élément ne peut être constaté ici.

    Etant donné que les caractéristiques des meurtres d’après l’article 211 SrGB ne sont pas réunies, les pourraient tout au plus être considérés comme un homicide volontaire d’après l’article 212 StGB. Toutefois, il n’est pas possible de procéder à un examen plus approfondi, étant donné que l’homicide volontaire ne pourrait plus être poursuivi en raison de la prescription depuis l’article 67StGB.

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    Lairière

    En vertu de l’article 67 StGB, le délai de prescription pour les homicides est de 15 ans. Il a commencé à courir à la fin du 8 mai 1945, date à laquelle la prescription était suspendue. Il n’y a pas d’acte juridiquement susceptible d’interrompre la prescription et les poursuites sont donc prescrites le 8 mai 1960.

    Dans les cas F (Baudrigue), il n’est pas non plus possible de prouver que l’accusé Kullack et les membres du peloton d’exécution se sont rendus coupable de meurtre ou de complicité de meurtre. Malgré une enquête approfondie, il n’a pas été possible de déterminer les raisons pour lesquelles les prisonniers ont été tués. Il est probable qu’ils ne devaient pas être remis entre les mains de la Résistance après le retrait des unités allemandes, et qu’il n’y avait pas de transport pour eux. Par conséquent, la sécurité intérieure pouvait rendre inévitable l’assassinat de prisonniers. Le raisonnement qui, dans les circonstances actuelles, se justifiait avant le départ des unités allemandes, bien que la fusillade ait probablement eu lieu sans jugement et qu’elle ait été incompatible avec la loi martiale, ne peut pas être considéré comme un motif faible.

    Le rapport de la police criminelle de Heidelberg le 22 avril 1963 contre les crimes de la 5e compagnie du Landesschützenregiment der Luftwaffe Lisieux, a été envoyé après la mort du capitaine Nordstern qui était jusqu’à lors la juridiction de Düsseldorf. De nombreux membre de l’armée de l’air ont été interrogés dans le cadre de cette vaste enquête. L’ancien adjudant Greiner a annoncé l’exécution de 30 résistants blessés (Trassanel). Il était le sergent que vous avez nommé, qui, à la fin de la fusillade avait reçu l’ordre de se taire, alors qu’il avait reçu plusieurs invitations à tirer. Il n’a pas non plus été le seul à tirer sur les blessés, mais plusieurs membres de la compagnie ont tiré. Il n’y a pas eu 30 morts, mais seulement 4 à 5 blessés graves qui en raison de leurs graves blessures ne pouvaient plus être transportés. Comme lui et ses camarades savaient qu’ils allaient mourir de toute façon, ils ont voulu abréger leurs souffrances. Ils n’ont pas été abattus d’une balle dans la nuque.

    Le témoin Kolk a confirmé ces informations et contre quelques résistants blessés, des coups de grâce ont été donnés. L’ancien lieutenant Matthäus a nié avoir participé à cette opération lors de son interrogatoire, qui a porte sur l’exécution de 40 résistants. L’ancien adjudant chef Schmidt a également refusé de participer à la fusillade. Il a déclaré que l’opération était dirigée par Schiffner. Que la compagnie était sous les ordres de Kullack qui avait remplacé Matthäus en mai 1944.

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    Baudrigue : 15 martyrs

    L’ancien membre du SD Schiffner, a également contesté une partie des exécutions. L’ancien lieutenant Kullack a finalement refusé de témoigner. Il n’a pas été possible d’identifier les membres de la compagnie qui ont participé. Il ne reste que les témoins qui en ont entendu parler.

    La question est de savoir si ces affirmations correspondent à la réalité. De toutes façons, les personnes ne pourraient plus être poursuivies pénalement. Les soupçons à l'encontre des personnes énumérées à l'annexe du présent mémorandum reposent sur la Commission et le Registre central des criminels de guerre et des suspects de sécurité dressés par le Bureau central des administrations judiciaires nationales. Le bureau central a évalué la liste de l'UNWCC en conjonction avec la liste finale des personnes recherchées (liste Crowcass) de juin 1948 (à compter de mai 1948), qui est incorporée à la liste de l’UNWCC. Les suspects énumérés en annexe sont répertoriés comme "criminels de guerre" (catégorie A) ou "suspects" (catégorie S) pour homicide volontaire (meurtre de masse, massacre, assassinat, déportation). Les violences nationales socialistes et les crimes de guerre dans le département de l'Aude ont déjà fait l'objet des poursuites suivantes :

    • Le procureur de la République de Lübeck contre Heinz Matthäus, né le 1.9.1911. La procédure avait pour objet des fusillades de partisans français à l'été 1944 aux environs de Carcassonne par d'anciens membres de la 5e compagnie du Landeschützenregiment der Luftwaffe Lisieux. La procédure a été interrompue le 8 août 1967.
    • Parquet de Düsseldorf contre Josef Nodstern, né le 11.10.1912, pour les faits susmentionnés. Cette procédure s’est terminée avec la mort de Nordstern.

    Pour des raisons de personnel, le Bureau central ne peut contrôler le total des plus de 30 000 personnes répertoriées dans les listes des personnes recherchées que sur la base de leur fichier central et des informations à en tirer. En particulier, il n’est pas possible d’évaluer les documents de la Commission qui ont été récemment publiés aux fins de vérification par l’ONU sur les faits sous-jacents aux listes de personnes recherchées. Pour consulter les documents de l'UNWCC, il peut être nécessaire de demander à l'ONU ou à l'État membre de l'UNWCC qui a lancé l'appel d'offres à ce moment-là. Ce dernier s'applique également aux documents Crowcass.Entre-temps, la Zentrale Stelle Ludwigsburg a reçu des preuves de l'inventaire des documents de l'UNWCC sur microfilm. De celles-ci, des photographies sont faites. Dans la mesure où les photographies sont déjà disponibles, elles ont été assemblées à nouveau pour chaque opération. Le reste de la photocopie comprendra encore une partie du matériel documentaire de l'UNWCC, le numéro de dossier de l'UNWCC.

    Après lecture de ce rapport judiciaire de 1967, on distingue tout le cynisme des autorités allemandes à considérer avec des arguments identiques à ceux des nazis, les actions menées contre la Résistance. Les troupes d'Occupation étaient en légitime défense contre des terroristes. Ceux-ci n'ont pas été tués de manière sauvage, on a abrégé leurs souffrances en les achevant. Même si c'est contraire à la Convention de Genève sur les prisonniers de guerre... A Baudrigue, il fallait bien faire quelque chose des prisonniers. Donc, le plus évident a été de les faire sauter sur un tas de munitions. La prescription des faits vient couronner l'ensemble de ce cirque judiciaire.

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  • Le rugby à XIII interdit et spolié par le gouvernement de Vichy au bénéfice du XV

    On se perd très souvent en conjecture lorsqu’on recherche les raisons de la rivalité entre deux rugby. Il suffit pourtant de regarder l’histoire en face et ce qu’elle nous apprend. Les traces de rancune et de frustration contre la Fédération de rugby à XV sont encore vivace ; cette fédération, dont les dirigeants choisirent de collaborer avec le gouvernement de Vichy en 1940 et les nazis afin de dresser les bûchers contre les hérétiques treizistes. Quel fut leur tort ? Surtout, quel fut leur sort ? Là, encore, une petite chronique historique s’impose.

    Le rugby à XIII naquit en Angleterre en 1895 en raison de l’exclusion de la presque totalité des clubs du Lancashire et du Yorkshire évoluant dans la Rugby Union. Ces régions partisanes du « manque à gagner » et du dédommagement des frais médicaux pour les joueurs se heurtèrent aux défenseurs du plus strict amateurisme. Elles créèrent donc une fédération dissidente appelée la Rugby Football League ; celle-ci décida de modifier les règles (suppression de la touche) et réduisit en 1903 le nombre de joueurs dans l’équipe à 13. Elle adopta également deux réformes majeures qui permirent à l’ouvrier de récupérer le manque à gagner par des primes tout en exigeant qu’il conserve son métier. Le jeu ne devait devenir une profession, mais beaucoup de ceux qui le pratiquaient travaillaient à la mine ou à l’usine. La seconde réforme modifia les règles afin que le jeu soit plus loyal que brutal.

    Dans chaque école, les instituteurs firent office de dirigeant, de moniteur et d’arbitre. Le rugby à XIII se pratiqua de 8 à 14 ans, divisé en trois séries d’équipes. Ce seront les futures recrues des grands clubs. Ainsi, le rugby à XIII s’étendit aux provinces puis au monde entier. D’abord en Australe en 1910, en Nouvelle-Zélande en 1912 puis en France en 1934. C’est celle année-là que fut créée le 6 avril la Fédération Française de Rugby à XIII.

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    L'équipe de France de 1934

    Déjà en 1930, l’équipe de France à XV avait été exclue du Tournoi des 5 nations en raison de son jeu brutal. On observa alors la migration de très nombreux joueurs vers le rugby à XIII, jugé plus loyal et bien plus agréable à regarder. Au fur et mesure, le nouvelle fédération s’enrichit au détriment de sa rivale historique, proposant toujours d’indemniser ses joueurs. La grogne, la jalousie et disons-le, la haine, gagna les rangs du rugby à XV prêt à en découdre pour retrouver sa grandeur perdue et ses finances. Aussi, lorsqu’après la débâcle militaire de 1940 la France appela à sa tête le maréchal Pétain, les dirigeants du XV trouvèrent là l’occasion rêvée de se venger du XIII. De la même manière que Pétain réorganisa d’une manière cynique l’ensemble des associations d’anciens combattants sous une unique bannière, son ministre les sports fit de même avec le rugby. Le basque Jean Borotra, ancien champion de tennis et de l’extrême droitière organisation des Croix-de-feu, se chargea le 19 octobre 1940 d’obliger les deux rugby de fusionner. Et, pour sceller la réconciliation, il fut décidé que le dimanche suivant tous les terrains de France joueraient… A quoi ? Je vous le donne en mille : au rugby à XV ! Bien entendu, l’ensemble des gazettes de collaboration encensèrent cette fusion, trop heureuse de s’être débarrassées d’un rugby hérétique accusé de corrompre la jeunesse française. Les deux clubs Basque de XIII, l’AS Côte Basque et le Celtic, n’eurent pas d’autre choix que de passer à XV.

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    Borotra - qui ne sera pas poursuivi après la Libération - obtint même la dissolution de la Ligue de rugby à XIII suivant décret paru au Journal Officiel le 19 décembre 1941 : « La patrimoine de l’association dissoute est transféré sans modification au Comité national des sports, qui en assume toutes les charges et qui sera représenté aux opérations de liquidation par son secrétaire général, M. Charles Denis, Officier de la légion d’honneur. » Frappé d’hérésie, le gouvernement d’extrême droite interdit le XIII et attribua ses fonds, ses terrains et ses joueurs à la Fédération Française de Rugby à XV.

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    Paul Barrière

    Il fallut attendre la Libération pour que le rugby à XIII relevât enfin la tête. Le 26 septembre 1944, sous l’impulsion de MM. Laborde et Galia, la Ligue Française de Rugby à XIII se reconstitua en annonçant l’adhésion de plusieurs clubs, la création de trois divisions ainsi que le retour du championnat et de la Coupe de France. Grâce au Carcassonnais Paul Barrière, vice-président de la Ligue et ancien Résistant, le championnat fut lancé le 5 octobre 1944 avec douze clubs : AS Béziers, AS Carcassonne, AS Côte Basque, Bordeaux XIII, FC Lézignan, RC Albi, Toulouse Olympique, Treize Catalan, USO Montpellier, Villeneuve XIII, Tarbes XIII, Stade Toulousain. Des contacts furent repris avec John Wilson, président de la Rugby Football League. 

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    © Treize mondial

    Puig-Aubert

    Les rancœurs quinzistes demeurèrent, le mois suivant, des procès en moralité furent intenté au XIII accusé de piller les clubs de XV en attirant ses joueurs à coup de billets de banque. A une époque où les français crevaient encore de faim avec le rationnement, l’affaire fit grand bruit. Puig-Aubert, Trescazes et Carrère payés 100 000 francs chacun pour rejoindre l’AS Carcassonne. L’ancien résistant, Paul Barrière, fit observer qu’en terme de moralité le XIII n’avait pas leçon de recevoir du XV… Le 11 avril 1949, la Fédération de Jeu à XIII fut fondée sans pouvoir prétendre à s’appeler rugby à XIII. Il faudra attendre une procédure lancée en 1985 et remportée douze ans plus tard pour retrouver la Fédération Française de Rugby à XIII, malgré l’opposition farouche de Bernard Lapasset, président de la FFR XV. Aujourd'hui, les Dragons Catalans XIII jouent dans le stade Gilbert Brutus, un résistant quinziste perpignanais assassiné par les nazis. Un beau symbole.

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