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La grande évasion de Jean Cahen Salvador

Jean Cahen Salvador naît le 25 décembre 1908 à Paris (VIIIe) et exerce avant la Seconde guerre mondiale de hautes fonctions au sein du Conseil d’État. Dès la constitution du gouvernement Pétain, il est suspendu et mis à la retraite d’office en 1940, en raison de ses origines juives. La promulgation des lois sur le statut des juifs l’amène à fuir Paris, situé en zone occupée par les nazis. Il trouve refuge à Carcassonne, certainement aidé dans sa démarche par son ancien confrère au Conseil d’État, Paul Henri Mouton (1873-1962), lui-même suspendu par Vichy. Il y épouse, Simone, la fille de ce dernier le 6 août 1940. De cette union naissent respectivement à Carcassonne, les 4 octobre 1941 et 19 août 1943, Gilles et Anne-Marie Cahen Salvador. Le beau-père, Paul Henri Mouton, inventeur de la loterie nationale, fait partie d’un réseau de résistance qui tient des réunions clandestines au domaine de la Jasso, près du bord de l’Aude. Le couple Cahen Salvador et ses enfants, vivent au n°13 de la rue de la République.

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Le lieu de résidence des époux Cahen Salvador à Carcassonne 

Arrêté à Carcassonne le 2 septembre 1943 en raison de sa religion juive, Jean Cahen Salvador est envoyé au camp de Drancy. Son beau-père, malgré ses réseaux, n'a rien pu faire. A partir du 15 septembre, une poignée d'internés va organiser le creusement d'un tunnel clandestin à partir des caves de Drancy. Jean Cahen Salvador participe à cette périlleuse aventure pour recouvrir la liberté. Aidés dans leur tâche par le colonel Blum, chargé d'administrer le camp par les SS, les prisonniers font des prouesses avec une simple pioche. Deux mois plus tard, le tunnel fait 35 mètres de long, soit deux mètres avant les limites du camp. L'évasion est prévue pour le 11 novembre 1943, jour où l'appel doit se faire une heure plus tard. Hélas, le 9 novembre, cette entreprise a été dénoncée aux allemands. Les SS fouillent les caves et finissent par découvrir le tunnel. Henri Swarz est passé à tabac et finit par donner le noms de quelques complices parmi les plus gaillards à ne rien avouer. 

jean cahen salvador

Camp de Drancy en 1943 gardés par la police française

La gestapo de la rue Lauriston doit venir sur place pour faire sauter le tunnel avec des grenades, mais celui-ci résiste.  Les internés vont être obligés de boucher l'entrée avec des briques et du mortier. "Pour des juifs vous avez très bien travaillé. On a besoin de gens comme vous en Allemagne", leur dit Aloïs Brunner. Ils vont être déportés vers Auschwitz par le convoi n°62, non sans avoir réussi à dissimuler des outils.

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Ancienne gare de Bobigny, départ pour Auschwitz

Le 20 novembre 1943 à 5h du matin, les tunneliers de Drancy montent dans un autobus en direction de la gare de Bobigny. Jean Cahen Salvador raconte : "Au départ de l'autobus, on a chanté la Marseillaise ce jour froid de novembre". Les gardes mobiles français se sont même mis au garde-à-vous. Arrivés à Bobigny, les gens du tunnel n'ont pas été séparés et ont été mis dans le même wagon à bestiaux. Un wagon uniquement composé d'hommes. Après les recommandations d'usage d'un SS sur les tentatives d'évasion, le train s'ébranle en direction de l'Est de la France. Les hommes savent que le convoi arrivera vers 6h à Bar-le-Duc, puis à la côte de Lérouville où le train sera obligé de ralentir. C'est là qu'il faudra sauter. Au préalable, il faut faire sauter les barreaux de la lucarne du wagon pour s'échapper. Eugène Handschuk et Serge Bouder sortent leurs tourne-vis, mais rien n'y fait. Tout est bien solidement scellé et la nuit arrive. Alors, les frères Roger et Georges Gerschel se mettent à l'ouvrage. Ils tirent avec leurs deux mains sur les barreaux en s'appuyant de leur pied sur la cloison de bois. Leur force est herculéenne. Ils parviennent finalement à faire sauter les barreaux. 

jean cahen salvador

C'est par ce trou de souris que vont s'échapper les frères Gerschel, Oscar Handschuk et ses deux fils, Serge Bouder, Maurice Kalifat, Jean Cahen Salvador. Au total, douze des quatorze tunneliers plus sept autres n'ayant pas participé au creusement. Henri Swarz et Robert Dreyfus resteront dans le convoi et n'en reviendront pas. Tout comme le colonel Blum, entassé dans un autre wagon.

Ces hommes seront recueillis et trouveront refuge chez des agriculteurs et des cheminots de la région de Bar-le-Duc. On les change de vêtements, on leur donne à manger et même de l'argent pour prendre le train. Marcel et Odette Ménard seront reconnus "Juste parmi les nations". Les évadés atteignent la gare de Bar-le-Duc, puis repartent en direction de Paris avec de faux papiers. Jean Cahen Salvador arrivera à Gex (Ain) en provenance de Paris en passant par Lyon et Bellegarde. Sa femme Simone et ses enfants le rejoignent. De là, ils gagnent Versonnex, puis à pied les bois de Villars Dame. Grâce à Charles Pomaret, ils trouvent refuge en Suisse jusqu'à la fin de la guerre.

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En 1980, le tunnel est redécouvert lors de la construction d'un gymnase

C'est ainsi que Jean Cahen Salvador échappa à la mort. Deux autres juifs arrêtés à Carcassonne et faisant partie du convoi n°62 n'ont pas eu cette chance. Il s'agit de Charles Lévy qui travaillait à Saint-Denis (Aude) comme comptable et d'Albert Médioni qui résidait à Leuc chez un propriétaire.

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© Alain Pignon

Madame Cahen Salvador lors d'une assemblée générale de l'Association des Amis de la Ville et de la Cité en 1980

Après la guerre, Jean Cahen Salvador retrouvera son poste au Conseil d'État et mourra en 1995. Son épouse, Simone Cahen Salvador (1913-2003) née Mouton, officiera longtemps comme présidente de l'Association des Amis de la Ville et de la Cité. Quant à leur petite fille Sidonie, c'est actuellement la directrice de la Société de films Gaumont.

Sources

Documentaire "Les évadés de Drancy" / Nicolas Lévy-Beff/ 2016

Blog "Musique et patrimoine" / 2015

"Passages clandestins des juifs en Suisse" / Ain.fr

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Commentaires

  • Merci pour ce récit et vos recherches.toujours très intéressantes.car souvent méconnues

  • Merci pour ce bel article très émouvant !
    Quel parcours de vie que celui de Jean Cahen Salvador !

  • Très émouvante relation qui illustre de bien tristes moments de notre histoire contemporaine. Ne jamais oublier le courage, l'opiniâtreté de ces femmes, de ces hommes ... merci à vous de les honorer.
    Cher Martial, continuez à nous éclairer sur notre ville, notre histoire., vous êtes précieux. Je vous souhaite une belle, heureuse et sereine année.
    Bien cordialement. M-A

  • Très émouvante relation qui illustre de bien tristes moments de notre histoire contemporaine. Ne jamais oublier le courage, l'opiniâtreté de ces femmes, de ces hommes ... merci à vous de les honorer en mettant l'accent sur "ceux de chez nous".
    Cher Martial, continuez à nous éclairer sur notre ville, notre histoire., vous êtes précieux. Je vous souhaite une belle, heureuse et sereine année.
    Bien cordialement. M-A

  • Merci e rendre hommage à ces martyrs qui en fait sont de héros! Quelle époque et dire que certains en sont nostalgiques, navrant!!!

  • Merci martial pour ce récit poignant.
    Amicalement

  • J’ai eu la chance de rencontrer J et S Cahen Salvador pour des raisons professionnelles. Je ne connaissais pas le passé glorieux de J Cahen Salvador décrit dans cet article.
    Mme Cahen Salvador m’a livré à cette occasion l’anecdote selon laquelle ses parents avaient appelé leur propriété de la plaine Mayrevieille «  La Jasso » du fait de leur nom de famille, à savoir Mouton évidemment. la jasso etant la bergerie en occitan...

  • bonjour, excellent récit, bonne continuation, meilleurs voeux

  • Merci pour ce recit du courage d'hommes qui nous ont permis d être libres !

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