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Portraits de carcassonnais - Page 59

  • L'homme qui sauva Joë Bousquet

    L'écrivain audois Joë Bousquet (1897-1950), comme chacun le sait a passé plus de la moitié de sa vie alité, en raison d'une paralysie consécutive à une blessure lors de la grande guerre. Dans sa chambre dont il tenait les volets clos, il reçut les plus grands penseurs et poètes de son temps: André Gide, Louis Aragon, Julien Benda...etc. Sa maison située dans la rue de Verdun abrite aujourd'hui La maison des mémoires; l'on peut visiter sa chambre telle qu'elle fut au moment de son décès.

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    Joë Bousquet

    (1897-1950)

    Ce que l'on dit moins peut-être, mais qui n'est pas sans importance, c'est que Bousquet dut sa vie à un homme. Sans son intervention, le poète ne serait jamais hélas revenu de l'enfer de 14-18.

    Cet homme s'appelait...

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    Alfred Ponsinet

    "Nous sommes dans l'Aisne, sur le plateau de Brenel, dans la nuit du 26 au 27 mai 1918, les divisions allemandes se massent en vue d'une grande offensive, à croire décisive pour eux, et le 27 mai au matin, les observateurs regardent à la jumelle et signalent la présence de cette masse de soldats de toutes les armes, qui attendent l'heure H. C'est la grande ruée sur les troupes françaises de la 39e division, qui tiennent ce secteur. Le capitaine Houdard, commandant de la 3e compagnie du 156e régiment d'infanterie, demande de toute urgence le lieutenant Bousquet qui se présente aussitôt à son supérieur. Celui-ci lui explique la mission qu'il doit remplir. Cette mission très périlleuse, consiste à prendre contact avec l'ennemi. Il faut constituer immédiatement une patrouille. Mais le lieutenant ne veut qu'une poignée d'hommes. Il demande au sergent Sales s'il veut être de la mission, sa réponse est affirmative. Il interroge le caporal Potard, même réponse; il se retourne vers moi et je réponds: "Oui! mon lieutenant." Nous partirons donc avec lui, une confiance et un moral de fer, le lieutenant avec son révolver, le sergent Sales, sa musette bourrée de grenades, ainsi que le caporal Potard, Ponsinet armé de son fusil mitrailleur. Nous partons et nous marchons déjà depuis un long moment, lorsque nous voyons venir dans notre direction une estafette à cheval qui remet un pli au lieutenant lui annonçant que nous devons faire demi-tour. Il dit simplement: "Nous continuons, en avant". Le cavalier repart et nous admirons le courage de notre chef. Quelle cible en plein découvert! Car déjà les obus éclatent, c'est un tir de harcèlement sur nos arrières. Nous marchons plus lentement, nous sentons que les patrouilles d'avant-garde allemandes ne sont pas loin. Disposées de trente en trente mètres d'intervalles, elles progressent, alles aussi, avec prudence.

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    "Encore quelques mètres et nous tombons sur l'une d'elles. Devant nous les ennemis se dressent, mais nous sommes plus prompts qu'eux, une rafale de mon fusil, quelques jets de grenades de mes deux camarades et la patrouille allemande est anéantie. Mais une seconde se lève à trente mètres. Le lieutenant Bousquet me fait signe de tirer dessus. Hélas! Au même instant il me tombe dans les jambes en disant: "Je vais mourir ici, j'ai accompli mon devoir."

    A ce moment, le sergent Sales est aussi tué; il ne reste plus que Potard et moi. Immédiatement, je déroule ma toile de tente que je que porte en bandoulière et avec Potard nous le relevons, l'enveloppons tant bien que mal dans cette toile, nous nous regardons et nous disons: "Nous serons sans doute tués, mais il ne restera pas entre leurs mains". Le lieutenant Bousquet respire encore, il faut absolument faire très vite. Malgré sa terrible blessure, nous sommes obligés de le secouer et d'augmenter ainsi ses souffrances. Notre marche est rendue souvent très pénible, les balles crépitent de tous côtés, les obus éclatent autour de nous, mais nous continuons. Il y va de la vie de notre chef, c'est une question de secondes.

    Mais, Dieu merci, nous voilà au poste de secours de la compagnie. Le capitaine Houdard demande le nom du blessé: "Mon capitaine, c'est le lieutenant Bousquet". Il se penche alors sur lui et l'embrasse. Et ce chef, ce héros, que jamais nous n'avons vu trembler, nous le voyons maintenant qui pleure... Le lendemain il mourra, son revolver à la main, face à l'ennemi. Mon camarade Potard aussi trouvera la mort de la même façon héroïque. Et je resterai miraculeusement seul... avec le lieutenant Bousquet, qui survivra heureusement à ses blessures et qui, jusqu'à la mort, restera mon meilleur, mon plus cher ami... (Alfred Ponsinet)

    Sources:

    L'Indépendant du 11 novembre 1965

    Crédit photos:

    Site web du Centre Joë Bousquet

    L'Indépendant

    Ministère de la défense

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  • Henri Daraud, facteur de pianos

    La récente fermeture du magasin "Piano Porchez" dans la rue A. Tomey, a sonné le glas du métier de facteur-accordeur de piano dans notre ville. A la fin du XIXe siècle, ils étaient trois à Carcassonne (Gillon, Cauvet et Barbot). Au milieu du XXe, ce fut Henri Daraud (rue Courtejaire) puis Jean-Jacques Trinques (Pianos Porchez) et dans une moindre mesure Claude Serrano (Claude musique, Bd Omer Sarraut), M. Reta (SOS musique, Allée d'Iéna). Il ne s'agit pas de vendre seulement des instruments, faut-il encore avoir été formé pour les réparer et les accorder sans l'aide d'un diapason numérique comme beaucoup aujourd'hui. Un vrai accordeur dispose uniquement d'une clé et de son oreille pour ajuster les cordes du piano à la bonne fréquence. C'est ce qui s'appelle avoir l'oreille absolue; ce qui permet de chanter par exemple un la, sans avoir eu aucune référence harmonique auparavant. Il faut 1h à 1h30 à un accordeur pour équilibrer harmoniquement un piano (75 euros en moyenne) et 3h à un bricoleur qui vous prendra bien plus cher. Ne faites pas accorder vos pianos en cadre bois, cela ne sert à rien! Il y avait autrefois des écoles comme des pianos Pleyel ou Erard qui formaient en 10 ans des facteurs-accordeurs, mais ce temps est révolu... Aujourd'hui la dernière manufacture de pianos se trouve à Alès (Gard), ce sont les pianos Rameau, mais pour combien de temps? Rameau possède l'ancienne marque française Pleyel. Sachez donc que si vous achetez Rameau ou Pleyel, vous faciliterez la production française sérieusement concurrencée par les pianos chinois ou coréens.

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    Henri Daraud s'installe comme facteur-accordeur de piano dans la rue A. Ramond (en face Stanislas) où il a son atelier. Le magasin de vente ouvert en 1955, se trouvait à l'angle des rues Ramond et Courtejaire. On y trouvait des partitions et divers autres instruments de musique. Henri Daraud qui était diplômé de chez Erard et Gaveau, était très demandé par tous les artistes qui se produisaient dans le sud de la France. Il est décédé en 1989 et sa fille a repris à sa suite le magasin, pour assurer la vente de disques jusqu'en 2000.

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    Une séance de dédicaces chez Daraud, où sont passés de nombreux artistes. Jean-François Daraud est ainsi tombé tout petit dans ce milieu artistique qui fait de lui, le carcassonnais détenteur du plus beau carnet d'adresse d'artistes. C'est lui et J-J Trinques qui ont fondé le musée du piano à Limoux, que la ville de Carcassonne n'a pas souhaité accueuillir à l'époque. Une exposition d'anciens instruments, unique en Europe.
     
    A lire:
     
    Le piano Pleyel d'un millénaire à l'autre (J-J Trinques / Editions L'Harmattan / 2003)
     
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  • La maison natale d'André Cayatte, cinéaste

    André Cayatte (1909-1989), réalisateur de nombreux films cinématographiques, est né à Carcassonne le 3 février 1909. Après de sérieuses études, il devient avocat au barreau de Toulouse puis de Paris, avant de se lancer dans le journalisme et finalement, le cinéma. Cayatte est un farouche opposant de la peine de mort depuis que son cousin, aumônier à la prison de Carcassonne, pour n'avoir pas supporté d'être contraint d'assister à une exécution capitale, s'était suicidé.

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    Je ne citerai pas ici les films d'André Cayatte car d'autres sites le font mieux que moi. Simplement, retenons parmi eux Mourir d'aimer (1971) avec Annie Girardot.

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    Ce film est fortement inspiré d'un fait réél. Celui de Gabrielle Russier (1937-1969) qui s'était suicidée pendant son jugement suite à sa liaison avec un jeune élève.

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    Les parents d'André Cayatte étaient épiciers dans la rue de Denisse

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    C'est dans cette maison qui fait angle avec les rues Denisse et Pinel qu'est né André Cayatte. Vous y passez souvent devant sans savoir; demain, ne sera plus comme hier. Où se trouve la plaque sur la façade qui devrait indiquer le nom de ce célèbre carcassonnais? Où se trouve l'école qui porte son nom? Il fallait pourtant être militant pour oser s'opposer dans les années 50 et 60 à loi sur la peine de mort. Rien, la ville n'a rien retenu de lui. Un festival André Cayatte, contre l'injustice et pour le droit à la présomption d'innocence, cela aurait de la gueule dans cette ville plus prompte à juger qu'à défendre !!!

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