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Portraits de carcassonnais - Page 45

  • Ce député de l'Aude qui s'opposa au serment du Jeu de paume, le 20 juin 1789

    578 députés du Tiers-état, du clergé et de la noblesse se réunissent en ce jour du 20 juin 1789 dans la salle du Jeu de paume à Versailles. Ils font serment de ne point se quitter avant l'élaboration d'une Constitution. Sans fondement juridique sous l'Ancien-régime, cet évènement politique, fort de ce symbole, préfigure la naissance de la Révolution française. Il annonce l'Assemblée nationale constituante qui mettra un terme à plusieurs siècles d'un régime monarchique absolu.

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    Le serment du Jeu de paume par David (1791)

    Au moment d'apposer sa signature au bas du texte, un seul député va s'y opposer. Il s'agit du représentant du Tiers-état pour la Sénéchaussée de Castelnaudary, le sieur Joseph Martin-Dauch.

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    © Archives nationales

    En bas à gauche, la signature du député est suivie du mot "Opposant".

    Aussitôt après la prestation du serment, l'appel du baillage, sénéchaussées, provinces et villes, fut fait selon l'ordre alphabétique, et chacun des membres présens, en répondant, s'approcha du bureau du président, et signa.

    Tout-à-coup Camus d'interrompant :

    "J'annonce à l'assemblée, s'écrie t-il, que Martin d'Auch (baillage de Castelnaudary) a signé opposant !"

    À cette exclamation un grand tumulte s'élève dans l'assemblée. Cette défection à l'unanimité d'une décision aussi solennelle, cause généralement un sentiment douloureux. L'indignation succède à la douloureux, et bientôt à la fureur à l'indignation. Bailly s'élance au milieu de la foule menaçante, monte sur la table pour être mieux entendu ; et, après être parvenu non sans peine, à ramener le calme, il demande à ce que l'on entende les raisons de l'opposant.

    Martin d'Auch répond aussitôt, avec le ton de la plus parfaite imperturbabilité :

    "Je déclare, dit-il, que je crois pas pouvoir jurer d'exécuter des délibérations qui ne sont pas sanctionnées par le roi, et que..." Il est aussitôt interrompu par un nouveau cri de mécontentement général ; Bailly cette fois désespère de ramener les esprits ; cependant il parvient à se faire entendre :

    "L'assemblée, dit-il, a déjà publié les mêmes principes dans ses adresses et dans ses délibérations, il est dans le coeur et dans l'esprit de tous ses membres de reconnaître la nécessité de la sanction du Roi pour toutes les résolutions prises sur la constitution et la législation ; mais il s'agit ici d'une détermination intérieure prise par l'assemblée, et par conséquent d'un acte qui n'est pas susceptible de sanction."

     Le député Martin ayant persisté dans son opposition, l'assemblée délibérera sur l'espèce de protestation qu'il s'était permise sur le procès-verbal même ; quelques membres voulaient que la signature du député et le mot "opposant" fussent rayés ; mais les esprits s'étant calmés, on décida que ces mots subsisteraient comme une preuve de la liberté des suffrages, et que l'on mettrait en tête de l'arrêté qu'il avait été pris à l'unanimité des voix, moins une.

    (Journées mémorables de la Révolution française / Charles F. Marchand)

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    La salle du Jeu de paume à Versailles avec dans le fond le tableau de David, dans lequel figure Martin-Dauch.

    Soudain se produit une altercation, d’abord inaperçue parmi les clameurs et les piétinements. Au moment où on lui passe la plume, Martin Dauch, député du bailliage de Castelnaudary, a dit :

    « Mes électeurs ne m’ont pas envoyé pour insulter et déchirer la monarchie. Je proteste contre le serment adopté ! »

    Aussitôt houspillé par ceux qui se pressent autour du bureau, il tient hardiment tête et déclare qu’« il ne peut jurer d’exécuter des délibérations non sanctionnées par le roi. » Bailly l’exhorte à ne point entacher d’une disparité unique l’unanimité de ses collègues ; Dauch s’obstine ; le président insiste : « On a le droit de s’abstenir, non de former opposition au vœu de toute l’Assemblée. » Mais déjà Dauch a tracé son nom, suivi du mot opposant. Une voix sévère impose un semblant de silence :

    « J ‘annonce à l’Assemblée que M. Martin Dauch a signé : opposant ! »

    Un hourra d’indignation accueille le nom de ce traître. Qui le dénonce ? C’est Camus, député de Paris, membre de l’Académie des inscriptions et belles lettres. On se précipite, on entoure le renégat, le transfuge : les mains tendues le désignent à la fureur de la populace qui, du haut des fenêtres, mêle ses huées à celles des députés. C’est miracle si Dauch évite le poignard d’un de ses collègues ; on va le jeter à la porte, le peuple fera justice de ce misérable parjure. Un huissier, nommé Guillot, lui sauva la vie en le poussant vers une porte dérobée par laquelle il put sortir et s’esquiver dans les rues tortueuses du vieux Versailles. Le président parvint à clore l’incident en proclamant que la signature de cet unique opposant serait conservée au registre comme une preuve de la liberté des opinions. On la retrouve en effet, cette signature, sur le procès-verbal exposé dans les vitrines du musée des Archives ; elle est presque illisible, tracée par une main agitée d’une violente émotion ou qu’on retient peut-être et qu’on empêche d’écrire dans une furieuse bousculade.


    Le lendemain, Bailly tenta d’obtenir de cet entêté une rétractation. N’ayant pas réussi, il lui conseille de s’abstenir, durant quelque temps, de paraître à l’Assemblée ; mais Dauch n’avait pas peur, et il reprit sa place parmi ses collègues. Il y siégea jusqu’à la Constituante, se mêlant peu aux débats, car les Tables du « Moniteur » ne citent pas de lui une seule intervention. On sait seulement qu’au jour de 1791 où Louis XVI se rendit à l’Assemblée pour donner son agrément à la Constitution, comme tous les députés avaient jugé digne de rester assis, chapeau sur la tête, pour recevoir le roi, un seul eut l’audace de se lever et de se découvrir : c’était Martin Dauch, fidèle à sa résolution d’intransigeante indépendance. Rentré dans sa province, il parut se désintéresser de la politique, mais la Terreur ne se désintéressa pas de lui. Un sans-culotte tenta de l’assassiner. Dauch se retira à Toulouse, y fut arrêté, mis en prison, et aurait été bien certainement guillotiné si les comités locaux s’étaient doutés qu’ils détenaient le Judas du Jeu de Paume. Par bonheur, son nom, au registre d’écrou, était écrit « Martin d’Auch » ; cette opportune apostrophe le sauva de l’échafaud, les recruteurs du bourreau croyant que cette mention désignait quelque vague Martin, originaire du chef-lieu du Gers.

    (Histoire pour tous)

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    David a représenté le député de Castelnaudary dans le coin droit de son tableau. Sa posture est recroquevillée avec les bras croisés en signe de pénitence. Or, jamais Martin Dauch ne s'est récusé d'avoir été l'opposant au serment du Jeu de paume. Ce tableau a été réalisé deux ans après... David montre ainsi une image détournée de la vérité historique à des fins de propagande.

    « Dauch, écrit-il, fut loin d’être un hésitant et un timide. Il soutint son opinion avec la plus grande énergie, ayant en face de lui ses six cents collègues exaspérés et la foule des tribunes qui le huait… »

    (Armand Brette / historien)

    Royaliste et conservateurs ont loué le courage de Joseph Martin-Dauch. Tous les journaux orthographièrent d'Auch avec une particule, faisant de lui un noble. Certains pensèrent même qu'il était député du Gers. Disons que Martin-Dauch eut le courage que d'autres, passés entre-temps à la postérité, n'eurent pas malgré leurs dires. Ainsi, Mirabeau :

    « Je signe… parce que je serais roué comme je l’ai été, ces jours derniers, en effigie, à Paris ; mais je vous déclare que ceci est une vraie conjuration. » 

    Martin-Dauch mourut le 5 juillet 1801. La république ne lui en a pas tenu rigueur puisqu'une avenue porte son nom dans Castelnaudary...

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    © Tous droits réservés/ Musique et patrimoine/ 2016

  • J-P Cros-Mayrevieille sauva la Cité de Carcassonne de la ruine

    Jean-Pierre Cros-Mayrevieille naît le 31 août 1810 dans la quartier de la Trivalle. Sa famille fait partie d'une illustre lignée de Consuls carcassonnais qui se sont succédés du XVe au XVIIIe siècle. À 6 ans, il va habiter avec sa famille dans la rue du marché (A. Tomey).

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    © Chroniques de Carcassonne

    C'est à peu près à cette époque qu'il assiste à la destruction de la grande barbacane (place St-Gimer) et l'on prétend que ce cruel évènement a été le déclencheur de son action future. A ce propos, il écrira plus tard:

    "J'ignore si la postérité élèvera une statue au vandale qui a vendu la tour de la barbacane; mais que cette statue ne soit pas placée à l'intérieur de nos vieux remparts: les ombres des anciens chevaliers en seraient outragées."


    Il entre au collège et à 20 ans, il fait des études de droit qui lui vaudront une licence, puis un doctorat en droit romain et un en droit français. Il publie en 1830, une étude sur le cours de philosophie deM. Gatien-Arnault. Quatre ans après, dans le Journal des connaissances utiles, un plan d'association pour l'éducation primaire populaire. Dans le journal politique et littéraire de Toulouse, 5 articles politiques, économiques et statistiques sur l'Aude. Enfin, un mémoire sur l'amélioration du sort des ouvriers.
    1837, est l'année où il fonde le journal L'Aude avec Théophile Marcou pour rédacteur en chef et où il publie "La vie de Félix Armand", curé de St-Martin, initiateur de l'ouverture de la voie de la Pierre Lys communément appelée "Trou du curé" près de Quillan.
    Pendant onze ans de 1837 à 1848, il est Conseiller municipal de la ville et entre à la Société des arts et sciences. Toujours soucieux de la condition ouvrière et de son éducation, il fait voter la création de la première salle d'asile à Carcassonne.

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    Le 18 juillet 1839, au cours de fouilles menées dans la basilique St-Nazaire, il découvre le tombeau de Guillaume Radulph, évêque de carcassonne au XIIIe siècle. La même année, il est nommé Correspondant du ministère de l'instruction publique pour les travaux historiques. Viollet le duc écrira ceci à propos de lui en 1844:

    "M. Cros a déjà sauvé bien des parties de cette cathédrale et, grâce à son zèle et à sa persévérance, il est à croire que St-Nazaire sera garanti de la ruine qui le menace."

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    Classée encore comme place de guerre en 1791, la cité est déclassée le 26 brumaire an XIII (17 novembre 1804) et livrée à la vente. Les domaines de l'état se désaisissent alors des fossés, glacis et les remparts cédés à la commune pour percevoir l'octroi. C'est dans ces conditions que disparut la barbacane du château en 1816. La tour du Trésaut faillit subir le même sort, mais l'intervention de Guiraud de St-Marsal et du prefet St-Hillaire Angelliers, permit de classer à nouveau la cité dans le cadre des places de guerre le 1er août 1821.
    Nommé Inspecteur des monuments historiques pour l'Aude, Cros-Mayrevieielle attira l'attention des autorités sur le sort de la cité. On lui promit un architecte "sous peu" pour dresser un état des lieux en vue d'une complète restauration, mais on ne le vit point. Au contraire, le décret du 8 juillet 1850 déclasse à nouveau la cité et la transforme en future carrière. Cros-Mayrevieille provoque dans l'urgence une réunion du conseil municipal et de la Société des arts et sciences qui se prononceront pour le maintien du classement. Le ministre abonda dans ce sens et les travaux de restauration purent débuter en 1852. Voilà pourquoi nous pouvons affirmer que nous devons à Cros-Mayrevieille, une fière chandelle...

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    J-P Cros-Mayrevieille est décédé le 16 octobre 1876. Fidèle à ses convictions, il a légué par testament la somme de 10000 francs aux hospices de Carcassonne et la même somme à ceux de Narbonne. Il a également ordonné à son fils Antonin de faire construite au domaine de Mayrevieille, une chapelle identique à celle de l'évêque Radulphe.

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    La chapelle dans le domaine de Mayrevieille à Carcassonne.

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    Le 31 juillet 1910, pour le centième anniversaire de sa naissance, un buste fut sculpté par Jean Rivière et exposé dans la maison natale au 70 de la rue Trivalle. Ensuite un monument fut érigé dans la cité et le buste placé à son sommet. Pendant l'occupation allemande le buste fut fondu, de sorte qu'aujourd'hui celui qui trône aujourd'hui, a été inauguré le 1er février 1989 par la municipalité Chésa. Après quarante années d'absence! On doit ce renouveau à l'activisme de l'Association des Amis de la Ville et de la Cité.

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    © Garcia / L'Indépendant

    Ce nouveau buste identique à l'original, a été réalisé par le sculpteur Jean Augé d'après le moulage qui avait été conservé.

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    © Tous droits réservés/ Musique et patrimoine/ 2015

  • René Ferrié, le dernier forgeron de Carcassonne

    René Ferrié était né à Carcassonne le 25 août 1903 dans l'atelier, situé 21 rue Montpellier, où son père exercait déjà le noble métier de forgeron. Il était de coutume de reprendre l'activité familiale qui se perpétuait ainsi tout au long des générations. C'est ce que fit le jeune René qui à l'âge de 16 ans apprit les rouages du métier, jusqu'à succéder à son père en 1929.

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    René Ferrié devant sa forge

    L'arrivée des moteurs à considérablement modifié un métier qui a dû s'adapter. Dans son atelier de la route Minervoise, le forgeron entretenait pour le compte de la Compagnie Carcassonnaise des cars et pour celui du garage Citroen, les suspensions d'une soixantaine de véhicules "P45" et "Isobloc". Il réparait les lames de ressort et les essieux.

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    La forge de René Ferrié, 28 route Minervoise

    Dès l'aube on trouvait René Ferrié dans sa forge, ses deux grands feux et ses soufflets actionnés à la main. A cette époque pas de soudure électrique, tout se faisait à chaud ou à froid en maniant le marteau de deux kilos et demi. Un métier qui n'était pas sans riques... Après la seconde guerre mondiale, rien ne fut comme avant pour le dur labeur de forgeron. Alors, Réné se reconvertit dans le montage des tentes jusqu'à sa retraite en 1968. Ses deux fils avaient eu la chance de poursuivre des études et se sont naturellement dirigés vers une autre profession. Ainsi disparaissait le dernier forgeron Carcassonnais...

    Sources

    Claude Ferrié

    J. Blanco

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