C'est en novembre 1965 que l'équipe de tournage dirigée par Stellio Lorenzi s'installe à Carcassonne pour tourner la dernier opus de
"La Caméra explore le temps"
Les Cathares.
Depuis 1957 ce sont 36 épisodes scénarisés par Alain Decaux et André Castelot, consacrés à l'histoire de France qui sont diffusés sur la première chaîne de la RTF. Les rôles sont confiés à d'excellents comédiens dont beaucoup d'entre eux sont pensionnaires de la Comédie française comme François Chaumette ou Michel Bouquet. J'insiste sur ce point car à cette époque on n'a pas encore besoin de pousser le son du téléviseur pour comprendre les dialogues. Le jeu est certes un peu trop théâtral mais la diction est parfaite. A ce sujet, ne demandons pas à "Joséphine ange gardien" de faire des miracles !
Nous avons retrouvé Francis Aracil - figurant et comédien Carcassonnais à cette époque - qui a bien voulu nous raconter ses souvenirs de tournage :
"Guy Vassal m'écrit un jour pour m'informer que dans le cadre de "La caméra explore le temps", émission télévisée, il allait venir sur Carcassonne, aux pieds de la Cité médiévale un téléfilm sur les Cathares. Il souhaitait ma présence sur le plateau en tant que figurant. Je me souviens avoir demandé une autorisation d'absence au proviseur du lycée qui me l'accorda. Un problème se posa : le réalisateur, Stelio Lorenzi exigeait pour les figurants une taille de 1m 75. Je ne les faisais pas. Guy mit au point un stratagème. Stelio Lorenzi devait venir ce matin-là au Théâtre municipal pour choisir les figurants, parmi tous ces jeunes attroupés dans la rue, devant les marches du Théâtre. Guy m'avait dit qu'il me présenterait personnellement à Stelio Lorenzi, mais qu'à ce moment-là je devais être sur une marche de l'entrée. Ainsi, paraissant plus grand, le réalisateur accepterait de ma prendre, ce qui fut fait. Je revois ce minibus à l'enseigne de l'ORTF dans lequel je m'engouffrai avec les les autres figurants. Direction les abords de la Cité, la route de Saint-Hilaire, la plaine Saint-Jean.
Là, sous une pluie fine et froide, nous étions pris en main par l'équipe du tournage, en repli dans un corps de ferme voisin qui servait aussi de loges pour les acteurs. Quand mon tour arriva, on me remit une tunique de croisé avec cotte de mailles, plastron blanc porta la croix rouge, casque, ceinturon et épée. L'habilleuse nous recommandait d'aller uriner avant, car elle nous cousait ensuite dans le dos la cotte de mailles qui allait de la tête jusqu'aux pieds, sans braguette évidemment. De là, nous traversions la route pour être conduits vers ce terrain bourbeux, où des tentes moyenâgeuses avaient été dressées avec des oriflammes, auprès de chevaux superbement harnachés, où les acteurs et actrices se protégeaient de la pluie glaciale. Je portais aux pieds des espadrilles en toile et corde qui prenaient l'eau. On nous affecta une place qu'il ne fallait pas quitter. Vue sous cet angle, l'histoire prit un caractère surréaliste dès que l'heure du tournage proprement dit arriva.
Guy Vassal interprétant le rôle de Raymond-Roger Trencavel, devait arriver au galop depuis le fond du champ, au-delà duquel se détachait l'imposante Cité de Carcassonne, et parvenir jusqu'à nous, où l'attendait Simon de Montfort. Là, après un échange de dialogue, Trencavel jetait, en signe de reddition, son épée aux pieds de Simon de Montfort, incarné par Jean Topart. Trencavel repartait escorté vers la Cité où il s'était réfugié. Simon de Montfort, dialoguant ensuite avec une gente Dame à cheval, devait monter à son tour sur le sien et partir au galop... Sauf que tout cela était bien cocasse et que le réalisateur dut "couper" plusieurs fois. Guy Vassal avait du vernir, jeter son épée, repartir, au moins quatre ou cinq fois. "Coupez" encore, et soudain retentit un éclat de rire général : La gente Dame, en pleine concentration dans son échange avec Simon de Montfort, ne s'était pas aperçue que sa monture avait déployé toute sa vigueur pour uriner de toutes ses forces... Et puis, Simon de Montfort, c'est-à-dire Jean Topart, ne savait pas conduire son cheval ! Il avait beau tirer d'un coup sec sur les brides, le cheval restait sur place, impassible. Après plusieurs tentatives, Stelio Lorenzi trouva une solution : il avait fait porter de la grange une table sur laquelle il installa une chaise. Une fois sur le cheval l'acteur redescendit s'asseoir sur la chaise surélevée et cette fois, imitant de tout son corps le mouvement du cheval, il fit semblant de tirer sur des brides et, pliant le torse brusquement en avant, donna l'illusion d'un départ à plein galop. Je ne sais pas si j'avais ri aussi franchement que toute l'équipe lorsque Stelio Lorenzi annonça : "C'est terminé !"
Stelio Lorenzi déjeune au Café de la comédie, rue Courtejaire.
Ce téléfilm existe désormais en DVD
Si vous avez des photographies ou des souvenirs de ce tournage, n'hésitez pas à nous les envoyer. Merci à Francis Aracil pour son témoignage.
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