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Musique et patrimoine de Carcassonne - Page 76

  • Quand la Cité de Carcassonne s'envola vers New-York

    Le 14 mars 1953, la cité médiévale de Carcassonne prit son envol dans un avion affrété par la compagnie Air France en direction des Amériques. Oh ! certes, il ne s'agissait pas là de l'une des acquisitions d'un riche américain pour compléter sa collection de monuments français réinstallés sur le sol des Etats-Unis, mais plutôt d'un vol touristique à but promotionnel.

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    À l'initiative du Dr Jean Girou, président du Syndicat d'initiatives de l'Aude, la superbe maquette réalisée par M. Bouichou - artisan menuisier dans notre ville - allait entamer un périple à travers les aéroports du Nouveau monde. Présentée avant son départ à Me Georges Soum, président de la délégation spéciale municipale faisant office de maire, la cité miniature devait s'envoler depuis Orly vers les aéroports de New-York, Washington, Philadelphie et Boston dans lesquels elle serait exposée aux yeux des voyageurs.

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    Son périple se poursuivit vers l'Amérique latine avant de revenir à Carcassonne. Depuis tout ce temps, la maquette a été remisée au premier étage de l'ancienne mairie sous sa vitre de protection. Nous suggérons qu'elle puisse être désormais exposée dans le hall de l'Office du tourisme, si une place peut lui être trouvée.

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    La cité de Carcassonne de M. Bouichou, artisan menuisier

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  • Le Théâtre des Nouveautés : la plus belle salle de cinéma de France !

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    Lorsqu’en 1912 l’architecte Florentin Belin dresse les plans du futur Grand Hôtel Terminus, la société Terminus-Cité souhaite que l’on inclus à l’intérieur de l’établissement, une salle des fêtes. Idéalement située au-dessus du garage de l’hôtel sur une longueur de 25 mètres, le public peut depuis ses larges fenêtres profiter du point de vue sur le boulevard Omer Sarraut. Pendant huit années elle accueille les nombreuses manifestations culturelles de la ville, comme les fêtes carnavalesques, mais son usage ponctuel ne semble pas satisfaire la direction du Terminus. Aussi, lorsqu’après la guerre le banquier Auguste Beauquier, administrateur de la Société des Grandes hôtelleries de France, se retrouve seul aux commandes de l’établissement, celui-ci décide de transformer la salle des fêtes en théâtre. Le directeur de la banque Pragma de Carcassonne, né à Conques-sur-Orbiel en 1884, avait financé avec Raoul Motte la construction du Terminus en 1914.

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    Les bow-windows ont été installés en 1922

    Au mois de novembre 1921, il convoque la presse et expose les grandes lignes de son projet. Beauquier a confié à d’éminents architectes parisiens, MM. Uldry et Mazouillé, le soin d’édifier une nouvelle salle de spectacle avec tout le confort moderne. Il compte bien attirer le public qui, d’ordinaire, assiste aux représentations lyriques dans une salle municipale vétuste et bien mal chauffé. Le nouveau théâtre sera édifié selon les techniques en vigueur ; le cabinet d’architecte utilise pour le gros œuvre le béton hennebique, mais les parties visibles devront conserver le style Art-Nouveau de l’hôtel. Les décorateurs envoyés depuis Paris, dont hélas nous ne connaissons pas les noms, exécuteront un travail remarquable. Mis à part peut-être la verrière au plafond, rien ne laisse penser que le théâtre est construit à l’époque de l’Art-déco des Années folles. Actuellement, la seule salle de spectacle de ce type en France reste l’Opéra de Vichy édifié en 1903. Si l’on y regarde de près, on s’aperçoit que de la courbure du balcon jusqu’aux baignoires près de la scène, les architectes ont copié les dessins de Charles le Coeur.

    théâtre des nouveautés

    Le balcon et les baignoires

    Le Théâtre des Nouveautés - en référence à l’illustre salle parisienne du même nom reconstruite en 1921 - comprendra au parterre des fauteuils et trois baignoires de chaque côtés, au premier étage des gradins afin de bien voir la scène et dans l’encorbellement 18 loges de quatre fauteuils. Pour les spectateurs on a prévu deux jolis promenoirs pourvus de trois bow-windows donnant sur l’extérieur. Une entrée sur le boulevard, trois sorties dont une par le Café Terminus, où il sera permis de consommer, comme dans le bar contigu au théâtre. Les spectacles comporteront des opérettes, des revues, des pièces de théâtres, ainsi que la projection de films cinématographiques.

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    Deux mois de travaux suffiront à donner au nouveau théâtre, décoré dans le style Art-nouveau de l’hôtel, tout l’éclat de son luxe et de sa beauté. La direction artistique du Théâtre des Nouveautés est confiée au compositeur carcassonnais François Fargues. Au mois de mars déjà, on y donne les premiers concerts symphoniques. L’inauguration a lieu le 1er avril 1922 avec l’opérette La fille de Madame Angot de Charles Lecocq, interprétée par des artistes du Grand Théâtre de Bordeaux sous la direction du chef Bioulès. Bien que les bénéficies aillent à une œuvre caritative de la ville, la presse regrette que l’ouvrage n’ait pas attiré un public nombreux. Toutefois, « le gratin était là » note t-elle. Les jours suivants, Les dragons de Villars d’Aimé Maillart partage l’affiche avec des spectacles plus populaires. Le spectateur préfère se divertir avec le célèbre Félix Mayol le 23 avril 1922. Ainsi programme t-on opérettes, revues, projections cinématographiques et pièces théâtrales jusqu’en 1932. Cette année-là, le Théâtre des Nouveautés a vécu… Les affaires financières d’Auguste Beauquier avaient été rattrapé par la justice. Après huit mois de prison préventive, le directeur de la banque Pragma était condamné en février 1926 à deux ans de prison et 5000 francs d’amende pour détournement au préjudice de 57 clients.

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    La verrière au plafond

    Le cinéma Le Colisée, équipé en Idéal sonore, s’installe en août 1932 dans la grande salle du Terminus avec Marcel Fargues (1899-1983) pour succéder à son père. Ayant échoué à obtenir le Grand prix de Rome de composition en 1925, le jeune Fargues s’est lancé dans l’administration des théâtres. Pendant plusieurs années, il a dirigé l’Alhambra et le théâtre municipal d’Orléans. A Carcassonne, il rachète avec son père les parts des trois actionnaires du Colisée en juin 1932. Les grands films du cinéma parlant figurent à l’affiche, comme Sans famille de Marc Allégret qui avait été tourné à Carcassonne en 1935. Dans la vitrine de M. Artozoul, le marchand d’articles de pêche de la rue de la gare, on peut lire les programmes des cinémas de la ville.

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    Pendant la seconde guerre, le Colisée sert de lieu de conférences pour les propagandistes nazis. En 1980, deux nouvelles salles sont crées puis cinq, formant un complexe. La salle de l’ancien Théâtre des nouveautés sera entièrement restaurée en 2001, mais fermée au public en 2012. Le Colisée racheté récemment à CGR par la ville de Carcassonne est actuellement en train d'être restauré et va réouvrir au public. C’est l’une des quatre plus belles salles de cinéma d’Europe ! Après l’Opéra de Vichy, on peut lui décerner le titre d’unique théâtre Art-nouveau de France. 

    Sources

    Cet article totalement inédit a été réalisé avec de nombreuses recherches dans la presse locale de l'époque. Tout ceci grâce à des abonnements payants mensuels aux sites Filae, Généanet, Retronews. A un travail de fourni dans les listes de recensement militaire, d'état-civil et des délibérations des conseils municipaux. A l'appui pour la partie cinéma, des connaissances d'Isabelle Debien. Tout ceci représente des heures au service de l'histoire de notre ville. Toutes ces informations ne sauraient être reprises sans citer le contributeur.

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  • Le Variétés Music-Hall de Carcassonne de la Belle époque à nos jours

    Malgré l’absence cruelle de mise en valeur, on peut tout de même admirer ce qu’il reste de la magnifique façade de l’ancien théâtre « Variétés Music-Hall » au n°10 du boulevard du Commandant Roumens. Cette salle si coquette avait été édifiée durant l’année 1911 selon les plans de l’architecte Eugène Joseph Gordien (1866-1919), assisté par Jean Gaston Maugüé (1875-1940) pour les éléments de sculpture et par Joseph Baptiste Henri Courapied pour la décoration intérieure. L’entrepreneur Carcassonnais Marty devait ensuite exécuter la construction du bâtiment, aujourd’hui dénaturé par sa transformation en Maison des syndicats.

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    Si l’on ne sait trop dire le nom du propriétaire de cette salle, M. Duffaut en est l’administrateur dès son inauguration le 5 octobre 1911. Nous supposons que le banquier Motte qui financera le Grand Hôtel Terminus en 1914 et avec lequel Duffaut était en affaire, peut être l’argentier du Variétés Music-Hall. Edmond Joseph Duffaut (1870-1956), artiste lyrique de son état, s’était installé à Carcassonne avec son épouse Marie Play à la fin du XIXe siècle. Ce couple d’artistes itinérants devait faire les beaux jours de l’Alcazar, propriété de M. Feuillat sur le boulevard Jean Jaurès. Fixé dans notre ville, M.Duffaut se voit ensuite confier la direction du Cinéma des familles et de l’Eden-Théâtre, tous deux sur ce même boulevard. Ces deux salles ont disparu : la première se trouvait sur l’emplacement de la clinique Saint-Vincent ; la seconde, sur celui de l’actuel centre de contrôle technique. C’était là l’Alcazar, baptisé ensuite Eden-Théâtre. Nombreux parmi nous l’ont connu sous le nom du cinéma Le Boléro.

    Quand le Variétés Music Hall fait son ouverture, l’orchestre dirigé par M. Chataigner donne Le coup de minuit, une espèce de revue d’opérette dans laquelle Duffaut est distribué. A Chaque saison, il engage une troupe d’artistes en résidence pour les spectacles donnés pendant l’hiver. A ceux-là s’ajoutent des galas de boxe, du cirque et du théâtre. On y entendra le célèbre comique Dranem et sa troupe, l’opérette d’Offenbach Le violoneux. A partir du mois de juin, la terrasse offre à la clientèle un cinéma muet de première qualité du jeudi au dimanche avec des films sans cesse renouvelés. Tant et si bien que M. Duffaut transforme la salle du Variétés en cinéma en octobre 1915 ; L’évasion de Rocambole est diffusée. Il conserve toutefois une programmation de spectacles. Il est important d’observer comment ce lieu artistique à côté du café Glacier parvient à fonctionner pendant la Grande guerre, grâce notamment à la garnison installée à Carcassonne. C’est un endroit charmant sous les tilleuls du boulevard où l’on vient se distraire, pendant que loin d’ici tonnent les canons sous lesquels les enfants de l’Aude tombent un à un.

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    Le 4 octobre 1917, M. Duffaut signale à sa clientèle qu’ayant achevé sa première période de bail au Variétés Music-Hall, il la prévient qu’il n’a plus aucun rapport avec cet établissement. M. Motte venait d’être fusillé pour l’exemple par des français pour abandon de poste… Ainsi s’achève l’administration de Duffaut aux Variétés ; il retourne au Cinéma des familles. Pendant ce temps, un nouveau propriétaire fait l’acquisition de la salle de spectacles et le 20 octobre 1919, elle prend le nom de Eden-Ciné-Théâtre. L’administration est assurée par M. Arnaubec ; la direction artistique et la mise-en-scène par Juguler. Le nom d’Eden restera dans la mémoire des Carcassonnais, celui de Variétés Music-Hall disparaîtra avec les plus anciens. Certains se sont souvenus y avoir entendu le ténor Tony Poncet, Maurice Chevalier ou encore Fernandel. L’entrée des artistes se faisait par la rue Voltaire, sur l’emplacement de la Bourse du Travail.

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    L’Eden demeure longtemps un cinéma mais le bâtiment se dégrade faute de travaux. On y projète des documentaires pour les élèves dans les années 1960, puis la salle devient un entrepôt de matériel de la mairie. A la fin des années 1970, la coquette salle du Variétés Music-Hall ne ressemble plus à rien. Toutes les tentures sont déchirées, la décoration tombe en morceaux, la sécurité de la salle ne permet plus d’y recevoir du public.

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    L'Eden en 1975

    En 1985, le maire Raymond Chésa décide de réhabiliter le bâtiment afin d’en faire une Maison des syndicats. Pla doumatje ! L’architecture est confiée au cabinet Falandry qui installe une verrière dans le fond du bâtiment et place des fenêtres en PVC à la façade. C’est d’un goût certain dans le respect de l’Art nouveau !

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    La verrière de l'architecte Falandry à l'arrière du bâtiment

    Ce qui l’est moins c’est l’acceptation par les syndicats de ce cadeau par un maire de droite… Aussi, d’emblée plusieurs d’entre-eux refusent d’y installer leurs bureaux : la C.F.D.T et la C.G.T. Ils seront trop à l’étroit, argumentent-ils. La vraie raison est ailleurs : « Loger des amis. Nous nous battrons pour qua la ville améliore nos bâtiments vétustes. Le maire est entrain de loger les syndicats nés après sa victoire aux municipales », s’exclame la CGT. Quant aux autres (FO, CFTC et CGC), ils expriment leur satisfaction.

    Aujourd’hui, la salle du Variétés Music-Hall mérite au moins un cartouche pour rappeler son histoire. Nous sommes disposés à transmettre notre article aux services concernés. Supprimer ses fenêtres en PVC dans une Bastide en secteur sauvegardé serait la moindre des choses. Enfin, classer la façade à l’inventaire des monuments historiques est d’une urgence impérieuse. Cet article inédit a été réalisé avec le concours d’Isabelle Debien, historienne du cinéma à Carcassonne. Jamais on avait donné autant de renseignements sur cette salle avec le nom de l’architecte et la date de construction.

    Sources

    Le courrier de l'Aude, La bataille républicaine

    Etat-civil / Archives de la Gironde

    Le cinéma dans les cafés carcassonnais / I. Debien / 1995

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