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Musique et patrimoine de Carcassonne - Page 76

  • La construction du Palais de la Chambre de commerce de Carcassonne

    Le décret impérial du 20 novembre 1806 autorise l’acquisition de l’hôtel Murat, destiné au logement de l’évêque du diocèse de Carcassonne. L’acte d’achat retenu le 17 février 1807 chez Me Cazes, notaire, officialise la propriété de l’immeuble, partagée entre le département de l’Aude et celui des Pyrénées-Orientales, respectivement à hauteur de 81,80% pour l’un et 18,20% pour l’autre. La somme globale dépensée dans l’achat et les travaux s’élève à 80196,38 francs. Pendant un siècle, le Palais épiscopal voit ainsi se succéder sept évêques jusqu’à ce que la loi de 1905 n’entraîne l’expulsion de Mgr de Beauséjour de ses appartements. Il ne dut son secours qu’à l’hospitalité de la famille du poète Joë Bousquet, chez qui l’évêché s’installa pendant un certain temps. Le Conseil général de l’Aude décide alors de mettre en vente l’ancien Palais épiscopal avec l’ensemble du riche mobilier qui s’y trouve. Dans un premier temps, l’administration départementale émet le vœu que la ville de Carcassonne en fasse l’acquisition. Cros-Mayrevieille considére que les tapisseries de grande valeur, confectionnées sur mesure pour les salles de l’hôtel Murat, devaient rester sur place afin de ne pas les abîmer. D’où la nécessité pour la commune d’acquérir l’immeuble afin d’agrandir le musée des Beaux-arts. Celle-ci manifeste son intérêt en juillet 1908, mais y renonce finalement un an plus tard. L’offre la plus sérieuse vient de la Chambre de commerce, cantonnée à l’étroit depuis trop longtemps dans un immeuble de la Grand-rue.

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    La Chambre de commerce, 6 rue de Verdun

    Le 10 mai 1809, le Conseil général accepte de se dessaisir de l’ancien évêché au profit de la Chambre de commerce pour un montant de 55 000 francs (168 000€). Le rapporteur de la commission chargée de la transaction fera inscrire dans l’acte de vente une clause particulière. Elle stipule que le bâtiment devra désormais s’appeler le Palais de la Chambre de commerce. La référence à l’ancien Palais épiscopal plaît à MM. Fondi de Niort et Castel, conseillers généraux conservateurs. Durant les mois précédant l’acte officiel de vente, un fait divers va ébranler quelque peu la période de transition entre les deux parties. Le 4 mars 1910, le gardien de l’évêché s’aperçoit que deux carrés de tapisseries de grande valeur ont disparu. Monsieur Sourou, antiquaire de la ville, se trouvait bien ce jour-là à l’intérieur du bâtiment, accompagné d’un couple de personnes inconnues. Monsieur Rougé, le gardien, s’est souvenu leur avoir fait visiter les salons de l’hôtel Murat puisqu’ils se recommandaient de l’architecte du département dont ils détenaient la carte de visite. L’individu s’étant fait annoncer sous le nom de M. Lantenoy de Boiviers, riche collectionneur d’art, souhaite effectuer un croquis des tapisseries. Cet homme n’est autre qu’un Arsène Lupin qui avec sa compagne ont déjà dérobé statues et porcelaines dans divers musées en France et en Belgique. Pendant que Germaine Figard détourne l’attention du gardien, René Ferrand découpe avec une lame de rasoir les carrés de tapisseries d’un fauteuil et d’un siège. Leur forfait accompli, avec la mine des plus honnêtes et respectables citoyens, ils quittent avec révérence le gardien et s’évaporent dans la nature. Ils ne seront arrêtés qu’en avril 1912, mais la chronique ne nous renseigne pas sur l’éventuelle restitution des tapisseries.

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    © J-P Gourmandin / A. Pignon

    Salon d'honneur et bureau du président de la CCI

    A toute chose malheur est bon, dit-on. M. Dujardin-Beaumetz, ministre des Beaux-arts, décide à la suite de cet épisode fâcheux, que les meubles iront au garde meuble national et les tapisseries d’Aubusson et de Beauvais au Musée des Beaux-arts de la ville. Le 10 juin 1910, le président de la Chambre de commerce écrit au ministre qu'il souhaite conserver le mobilier in situ. Le maire de Carcassonne laissera finalement la jouissance des tapisseries et meubles avec l'accord de l'Etat sous certaines conditions de conservation (Cf. La chambre de commerce et d'industrie de Carcassonne - Claude Marquié -  pp. 31 -2002)Un accord entre l’évêché et la Chambre de commerce permet aux objets d’art sacré d’aller enrichir le trésor de la cathédrale Saint-Michel. Il s’agit de deux crosses en argent du Premier et Second Empire, de calices en or, de surplis en dentelle de Valenciennes, etc. Le mobilier acheté à diverses époques par le département et la mense sera vendu aux enchères publiques le 3 juin 1911.

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    Vue aérienne sur le Chambre de commerce

    Au mois de décembre 1910, la Chambre de commerce obtient l’autorisation de contracter un emprunt de 110 000 francs (336 000€), affecté au prix de l’immeuble de l’ancien évêché. Les travaux estimés à 40 000 francs, vont pouvoir débuter sous la direction de Guillaume Vidal, architecte départemental. Au premier étage, aux côtés des salles réservées aux commerçants, une vaste salle de 19 mètres de long où seront exposés annuellement les œuvres remarquables des artisans. Au second étage donnant sur la jardin, les bureaux des sociétés savantes  (Société des Arts et des Sciences et Société d’Études Scientifiques). L’ancienne chapelle sera divisée par un plancher, en deux salles : le premier étage, affecté aux syndicats patronaux et leurs archives ; le second étage, aux syndicats ouvriers. L’idée consiste à pouvoir réunir patrons et ouvriers pour discuter des salaires, heures de travail, repos hebdomadaire et retraites. Le 16 septembre 1911, la Chambre de commerce met en vente les matériaux provenant de la démolition de l’ancien évêché.

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    Afin de rentrer dans leurs frais, les commerçants songent à loger le Cercle du Commerce moyennant un loyer annuel de 1200 francs (3664€). Au rez-de-chaussée, sur l’emplacement des anciennes écuries et remises du Palais épiscopal, on va faire élever une très belle salle dans le style Art-Nouveau. L’entreprise de Joseph Séguier, route de Limoux, est adjudicataire des travaux. Elle devra réaliser une terrasse en béton armé ; elle donne aujourd’hui sur le boulevard Camille Pelletan. C’est à cet endroit que passait la ruelle de l’évêché longeant les remparts médiévaux avant la construction de la Caisse d’Épargne en 1894. À partir du 1er octobre 1911, le Palais de la Chambre de commerce s’installe définitivement dans les locaux de l’ancien évêché, 7 rue de la mairie.

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    Entrée par la rue rue Aimé Ramond

    Sources

    Délibérations du conseil municipal

    Délibérations du conseil général

    Le courrier de l'Aude, La bataille républicaine, La justice sociale

    ADA 11 / recensement et Etat-civil

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  • Inédit ! La construction de l'hôtel de la Caisse d'Épargne de Carcassonne

    Au mois de septembre 1848, la municipalité est saisie par une demande des citoyens Marfan et Batut afin de faire disparaître la servitude dans l’impasse compris entre les anciens remparts et l’évêché. Après avoir procédé à la destruction des vieux murs médiévaux sur lesquels la population vient uriner et déposer des ordures, Il serait d’un joli effet si l’on pouvait raccorder la grille de l’évêché à celle de la maison Levavasseur. La commune n’étant pas la seule décisionnaire, il faudrait pour cela trouver un terrain d’entente entre l’architecte de la ville et celui du département. Les nouvelles sollicitations des propriétaires, voisins de l’évêché, reviennent à l’ordre du jour des conseils municipaux de 1853, 1866 et 1873 avec aussi peu de succès que les demandes précédentes. À chaque fois, ils proposent de supprimer à leurs frais le rempart à condition que la ville leur cède le terrain de l’impasse., mais la question renvoyée à une commission jamais ne trouve de réponse formelle.

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    © Martial Andrieu

    Sur le plan ci-dessus que nous avons réalisé, nous voyons la situation du site au milieu du XIXe siècle. Nous avons ajouté les noms des rues actuelles pour davantage de compréhension. A l’angle de la rue de la mairie (Aimé Ramond) se trouvait un ancien corps de garde (rouge). Le Palais épiscopal (bleu) s’étendait depuis cette rue jusqu’à la rue Saint-Michel (Voltaire) où entraient les calèches. Longeant le boulevard du musée (Bd Camille Pelletan), le rempart du XIIIe siècle (noir) et les fossés (vert). A l’arrière du rempart et sur une longueur de 53 mètres, la ruelle de l’évêché débouchant sur une impasse.

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    Il faut attendre le début des travaux de l’hôtel de la Caisse d’épargne en 1892 pour que l’on démolisse enfin les anciens remparts, supprimant de ce fait la ruelle de l’évêché. On remplace l’espace compris entre la grille du Palais épiscopal et le nouveau bâtiment en construction par une grille. La ville qui jusque-là n’avait pas donné satisfaction aux riverains, n’a fait aucune difficulté pour céder gratuitement le sol servant d’assiette à la Caisse d’épargne. Grâce aux relations et aux démarches du maire Antoine Durand, les administrateurs de la Caisse d’Epargne vont consacrer les 200 000 francs qu’ils ont en réserve à l’édification de ce bel immeuble. D’autant plus que le ministre du commerce et de l’industrie vient d’approuver le 25 avril 1892, le projet de construction du nouvel hôtel de la Caisse d’Épargne. Depuis l’ouverture de cette caisse le 1er janvier 1835 suite à la décision de Louis-Philippe 1er  d’autoriser « la Société anonyme formée à Carcassonne pour l’établissement dans cette ville, d’une Caisse d’épargne et de prévoyance », les locaux n’étaient plus guère adaptés. Au fur et à mesure de l’avancée des travaux, la presse se fait l’écho de la construction d’un bâtiment aux contours des plus somptueux. On loue le talent de l’architecte Charles-Émile Saulnier, secondé dans sa tâche par l’entrepreneur Marty : « Avouons sans détour qu’il est préférable de voir, sous ces magnifiques platanes du boulevard, se dresser un bel édifice et non ces lamentables remparts démantelés invitant le promeneur au dépôt d’ordures, et inspirant la tristesse autant que le goût. » Notons que l’architecte parisien s’est entouré des meilleurs ouvriers de cette époque : Lebœuf (plomberie et zinguerie) de l’ancienne maison Perrin-Grados, le mosaïste Giandomenico Facchina (1826-1903). On doit à celui-ci les décors de l'opéra Garnier, de la Basilique du Rosaire à Lourdes, du Musée Carnavalet… Les magnifiques sculptures de l’immeuble sont de Jean Paul Antonin Charles Carlès (1851-1919), dit Antonin Carlès.  Lui aussi, un très grand artiste dans son domaine auquel ont doit plusieurs œuvres d'envergure : le Palais des Tuileries (Paris), New-York (Buste de Gordon Bennett), Mexico…

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    © Marie-Laurence Schmitz

    Dessin préparatoire de Charles-Emile Saulnier

    Presqu’achevé en février 1894, il ne manque plus à l’hôtel de la Caisse d’épargne que le motif central. Il s’agit de la mosaïque de Facchina dessinée par Charles-Émile Saulnier. Un membre de la famille de l’architecte a conservé le dessin préparatoire à la mosaïque. Il nous suffit d'observer les différences entre le projet et le résultat final, pour s'apercevoir de la disparition du mot "Épargne" au-dessus de la tête du personnage central. Le triptyque devait être Travail, Épargne, Famille. Sans doute pour des questions de mesures, ce mot a t-il été supprimé lors de la pose de la mosaïque. L'homme à gauche ne tient plus l'enclume et le marteau, mais les symboles de l'industrie, comme un engrenage par exemple. C’est une œuvre de grand art !

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    © Martial Andrieu

    L’inauguration est prévue pour le 10 juin 1894 ; la municipalité, si fière de posséder en ses murs un si beau bâtiment qui ne lui a rien coûté, souhaite inviter plusieurs ministres dont celui du commerce, le Carcassonnais Jean Marty. Au début du mois de mai, le maire se rend à Paris avec MM. Lauth et Oustric afin de convaincre les membres du gouvernement de venir à Carcassonne. Après avoir patienté des heures dans les couloirs du Palais Bourbon, au moment où on leur certifie que le ministre du commerce sera présent, une grave crise politique éclate. Le gouvernement de Casimir Périer mit en minorité le 22 mai 1894 par une coalition de Royalistes et de Socialistes, démissionne. Jean Marty perd son portefeuille et un mois plus tard, le président Sadi Carnot est assassiné par un anarchiste italien. La fête en grandes pompes tant espérée par la municipalité n’a pas lieu ; la Caisse d’Épargne se contente d’annoncer à ses clients que ses séances se dérouleront désormais dans le nouvel hôtel à partir du 22 juillet 1894.

    Notes

    L'Aude possédait trois autres Caisse d'Épargne 

    Narbonne (1er mars 1946) 

    Limoux (15 juin 1846)

    Castelnaudary (5 janvier 1860)

    Sources

    Le moniteur universel / 30 novembre 1834

    Le courrier de l'Aude, Le rappel de l'Aude

    Délibérations du conseil municipal

    ADA 11 / Plans d'alignement / 4E069

    Merci à Madame Schmitz pour le dessin de la mosaïque

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  • La halle aux grains de la place Davilla à jamais disparue

    Au mois de juillet 1899, la municipalité Sauzède valide la création d’une nouvelle halle aux grains. Il s’agit de dégager le marché qui encombre la Grand rue avec ses charrettes et où les marchands sont exposés aux intempéries. Le manque de place amène la ville à envisager son déplacement à un endroit plus large, libéré des contraintes de la circulation.  On choisit donc le centre de la place Davilla, aux carrefours d’iéna et de la Porte de Toulouse, afin d’ériger une halle dans l’esprit architectural de l’époque. Constituée de fer, de brique, de verre et de céramique, sa conception est confiée aux architectes de la ville. Quant à son ossature métallique, les ateliers de la fonderie Michel Plancard située sur l’allée d’Iéna en assureront la fabrication.

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    La polémique, alimentée par l’opposition conservatrice, ne tarde pas à enfler dans les journaux locaux. Des pétitionnaires demandent même à ce que le projet soit réalisé ailleurs que dans leur quartier. On accuse Sauzède de dilapider 40 000 francs de fonds publics pour satisfaire un embellissement inutile, quand il vaudrait mieux utiliser l’argent pour la création des égouts. Ces arguments démagogiques trouvent leur origine dans une vieille rancune. Les milieux réactionnaires n’ont jamais digéré le déplacement par la municipalité Teisseire de la Croix de mission qui se trouvait sur cette place en 1882. Il faut dire que les retards de construction de la future halle ne vont guère atténuer la défiance à l’égard de la municipalité.  Si les travaux sur le site débutent en février 1901, six mois plus tard on constate que tout est à l’état d’abandon. Au centre du chantier délimité par une clôture, gisent des pierres de taille, de la fonte ainsi que de vieilles charrettes délabrées. Un tumulus s’est ainsi formé avec les herbes folles et tout ceci ne plait guère aux riverains. L’inauguration devait pourtant avoir lieu au mois de mars… La halle aux grains ne sera finalement livrée que le 25 novembre 1902 pour l’ouverture de la foire Sainte-Catherine, soit deux ans et demi après la décision de la construire. La mairie vote un règlement qui régit l’utilisation et définit les tarifs de place ; le concierge sera payé 400 francs.

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    La nouvelle halle ressemble aux pavillons Baltard du quartier du Châtelet à Paris. Elle sert également pour les banquets, les bals et les réunions politiques mais devient trop petite. Le 5 juin 1936, le conseil municipal présidé par Albert Tomey propose la démolition de la halle aux grains « dans l’intérêt de la circulation sur la place Davilla, comme aussi dans un intérêt d’urbanisme. » Le bâtiment érigé à l’époque de l’Art nouveau ne correspond plus aux goûts des élus ; ils jugent cette verrue comme inutile et moche. Après avoir fait place nette, ils souhaiteraient y installer le Monument aux Audois inauguré en 1914 à quelques pas de là. Ce projet ne verra jamais le jour et sans autre forme de procès, la halle métallique sera démolie par l’entreprise Arnaud Laborde.

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    Les deux marquises de la halle démolie en 1936

    Elle pourra conserver les matériaux, en disposer comme bon lui semble ou les vendre. C’est ainsi que l’on retrouve encore aujourd’hui les marquises de la halle sur un immeuble de la place Davilla. Ainsi s’acheva l’existence d’un bâtiment âgé d’à peine 34 ans, financé par les contribuables et cédé pour le franc symbolique à une société privée. A Paris, on avait su épargner la Tour Eiffel après l’Exposition universelle de 1900 malgré l’insistance de certains à vouloir l’abattre.

    Sources

    Le Courrier de l'Aude

    Délibération du conseil municipal

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