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grand couvert

  • Inédit ! Les transformations de la place Carnot au XIXe siècle

    Cœur battant de la Bastide Saint-Louis, la place Carnot dans ses contours actuels n’apparaît définitivement qu’après la construction du bâtiment de la Société générale en 1912. Les métamorphoses entreprises tout au long du XIXe siècle ont fait disparaître à jamais l’identité de cette place de marché édifiée sous Louis IX. Sur le côté Ouest se trouvait un Grand couvert comme on peut encore l’apercevoir à Montségur (Gironde), Mirepoix (Ariège) ou plus près de chez nous à Limoux.

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    © ADA 11 / 4E69

    Plan de la place Dauphine vers 1840. A gauche, l'emplacement du Grand couvert. En jaune, les immeubles non encore alignés sur la place. Notons qu'à cette époque la fontaine de Neptune était parfaitement centrée.

    Le Petit couvert, quant à lui, desservait sur toute sa longueur le côté nord. A l’Est, l’ensemble des immeubles avançaient d’au-moins quatre mètres en direction du centre de la place. Tous ces changements rendus indispensables par la vétusté des constructions, la sécurisation des accès et la volonté de modernisation ont défiguré la configuration médiévale. Les destructions et la mise à l’alignement qui s’ensuivirent, conformément au décret impérial du 16 décembre 1807, eurent pour effet de transformer un ensemble homogène en une dispersion de constructions hétéroclites. Celles-ci permettent néanmoins une lecture chronologique des styles architecturaux tels qu’ils furent développés tout au long du XIXe siècle, en fonction des bouleversements politiques. Impériale sous Napoléon 1er, Royale sous Louis XVIII, Dauphine sous Charles X pour perpétuer le passage de la fille de Louis XVIII, elle prend le nom de Place aux herbes jusqu’à l’assassinat de Sadi Carnot en 1887.

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    Le Grand couvert de Mirepoix (Ariège)

    A la suite d’une expertise des bâtiments entourant la place impériale, le conseil municipal avait pris la décision le 10 juin 1808 de solliciter la reconstruction du Grand couvert aux frais des propriétaires et la suppression du Petit couvert. Cette délibération devait se heurter à l’opposition des principaux intéressés, avant que le changement de régime politique ne la fasse repousser aux calendes grecques. Elle revient sur la table du conseil le 22 août 1824 avec la résolution de destruction du Petit couvert formant la maison de François Marty, afin d’élargir la voie publique et de faire cesser le danger de cette construction et de celle de M. Marabail. Le projet de reconstruction du Grand couvert prévoit l’édification dix-huit arcades et deux autres aux extrémités. Là encore, les années passent et seule la maison Combes sera reconstruite en 1827. Le Petit couvert disparaîtra avant l’avènement de la Révolution française de 1830 et l’avènement de Louis-Philippe 1er. 

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    Aspect du Grand couvert tel qu'il devait être avant 1845

    Il faudra un drame pour que la question de la destruction du Grand couvert revienne au centre des préoccupations municipales. Trois ouvriers trouvent la mort dans l’effondrement de la maison Escourrou au début des années 1840. Le 18 octobre 1843, le conseil municipal reçoit le rapport de la commission chargée de vérifier l’état de la structure des neuf maisons composant le Grand couvert : Baux, Conte, Jaffus, Lucien Cabrié, Louis Fourès, Antoine Cayrol, Blanc-Sallin, Etienne Escourrou et Barthélémy Combes. Quatre sont menacées de ruine, trois autres seraient tellement ébranlées par la destruction des premières qu’il faudrait aussi les sacrifier. Cette fois le maire Arnaud Coumes décide de donner l’alignement, déterminé par une ligne partant de la maison Peyrusse (actuel Dony) jusqu’à l’immeuble Marty-Roux (actuellement, mutuelle santé). Les propriétaires devront à leurs frais reconstruire un immeuble avec une façade sur toute la longueur. Dans le cadre de l’embellissement de la place, la ville renonce à une façade ordinaire et octroie en dédommagement la somme de 28 120 francs en contre-partie aux maîtres d’œuvre. Ceux-ci devront faire exécuter les plans dessinés par Pierre Cayrol (1788-1869), architecte municipal, par les entrepreneurs de leur choix selon un cahier de charge très précis. La pierre grise n’aura aucun défaut d’apparence et devra être prise chez le sieur Beautes à Villegly. Le mortier sera composé de 2/5 de chaux et de 3/5 de salle grenu. Les maisons Baux et Jaffus qui n’entraient pas dans la démolition sont finalement rasées avec accord des parties et intégrées aux plans de l’architecte. Les travaux débutent le 1er mars 1845 et sont achevés avant la fin du mandat d’Arnaud Coumes.

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    La façade réalisée par P. Cayrol sur l'emplacement du Grand couvert 

    Les premières transformations de la place du côté Est commencent durant l’année 1832. La maison de Pierre Etienne François Barthélémy Albarel (1774-1839), négociant de son état, forme un goulot d’étranglement pour accéder à la place, à l’angle de la rue Denisse et de la rue des Orfèvres (rue Courtejaire). Elle est frappée d’alignement ; son propriétaire doit faire reculer sa façade de cinq mètres pour s’aligner sur la rue des Orfèvres. Les travaux son menés en juillet 1832 par M. Gourgues, maçon, selon de toute évidence les plans de J-F Champagne. La façade reprend la forme des arcades du Grand couvert.

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    L'ancienne maison Albarel avec ses arcades 

    Deux ans plus tard, c’est la maison juste à côté appartenant de Guillaumette Daveau veuve Guinot, marchande de faïence, qui doit être sacrifiée à l’alignement. Les choses restent en l’état pendant quarante ans ; le côté Est de la place coupé en deux entre maisons alignées et non alignées. Une nouvelle fois un événement va remettre à l’ordre du jour du conseil municipal, la question de l’alignement. C’est l’incendie le 2 novembre 1869 de la maison Peyraudel sur l’emplacement actuel du Petit Moka.

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    © ADA 11 / 4E69

    Le Grand couvert a disparu à l'Ouest, tandis qu'à l'Est une partie des immeubles a été alignée.sur la rue Courtejaire.

    Les pompiers, éparpillés dans toute la ville à cette époque, mettront une heure à intervenir sur les lieux du sinistre. En juin 1870, la ville décide d’appliquer l’alignement des quatre maisons (Peyraudel, Olivet, Borrel, Mailhac) jusqu’à la rue Napoléon (Barbès). Il faudra attendre l’acquisition de la ruine Peyraudel par Marie Laviale, épouse Louis Bertrand, en 1879 pour qu’enfin l’on se mette à reconstruire. Les travaux sont conduits par l’architecte Charles-Emile Saulnier et achevés en 1882. Les deux magasins au rez-de-chaussée accueilleront le chapelier Blain et la librairie Salles.

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    Cinq ans plus tard, le maison Olivet acquise en 1849 à M. Bernanadelly, subit le même sort sous la férule de Jean Laffon, entrepreneur en bâtiment ; ce dernier ayant réalisé la façade du Musée des beaux-arts avec Charles-Emile Saulnier. La société John’s Club formée par Charles Biguet le 1er janvier 1900 à Carcassonne prit la succession d’Olivet. Depuis 1967, elle appartient à J-P Hillaire. C’est sans aucun doute le puis ancien magasin de vêtements de la ville avec Chonier.

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    Ancienne Maison Olivet. John's Club

    A l’angle de la place Carnot et de la rue Barbès, la maison Mailhac achetée en 1865 par Alphonse Mallaviale deviendra la propriété du chapelier Patry. Cette vieille masure restera en l’état et non alignée, en raison de nombreux procès avec la ville, jusqu’en 1909. Cette année-là, elle devint la propriété de la Société générale qui la rasa et confia les plans de son futur immeuble à l’architecte Léon Vassas. Ainsi s’acheva l’épopée de l’alignement à l’Est de la place Carnot après 80 ans de procédures.

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    Maison Almayrac-Canavy. Actuellement, Le Longchamp

    Au sud de la place Carnot, on remarquera la très belle façade du café Le Longchamp réalisée en 1894, certainement par Charles-Emile Saulnier. La famille Almayrac-Canavy, négociants en tissus, possédait un grand magasin à l’angle de la place et de la rue des halles (Chartrand), précisément où se trouve actuellement Bor, marchand de nougats. En 1893, un violent incendie ravagea l’intérieur du magasin et Almayrac s’agrandit en faisant l’acquisition de l’immeuble voisin. En bordure du toit se trouve une statue en fonte représentant Saint-Vincent de Paul.

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    D’après nos recherches, il s’agit d’une copie en fonte de l’œuvre de Raphael Casciani que l’on peut admirer à l’intérieur de l’église Saint-Vincent de Paul dans le Xe arrondissement de Paris. Casciani, sculpteur-éditeur, possédait un atelier de fabrication de statues religieuses dans la capitale.

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    © http://www.patrimoine-histoire.fr

    L'original se trouve dans l'église Saint-Vincent de Paul à Paris

    Quant à la présence de St-Vincent de Paul sur le toit de l’immeuble Almayrac-Canavy, elle s’explique par le fait que Pierre Canavy était un membre éminent de la Société Saint-Vincent de Paul de Carcassonne.

    Sources

    Délibérations du conseil municipal

    Le courrier de l'Aude, La fraternité, le Bon sens

    Etat-civil / ADA 11

    Recensement de la population

    Les recherches sont effectuées à 350 km de Carcassonne depuis un poste d'ordinateur

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