Fils de Léonce Oustric, originaire de Conques-sur-Orbiel et propriétaire du café de l’Ambigu à Carcassonne, Albert Oustric (1887-1971) est envoyé à Toulouse afin de poursuivre ses études. Le jeune homme doit y renoncer assez rapidement sur un coup de tête et s’engage comme démarcheur chez Cusenier, la société en spiritueux. Attiré par l’argent gagné facilement sur un tapis de casino,Oustric se prend de passion pour le poker dont il devient l’un des grands virtuoses de la ville rose.
Le café de l'Ambigu, boulevard de la préfecture à Carcassonne
Il lâche la vente des liqueurs, se lie d’amitiés nocturnes avec la jeunesse dorée fréquentant les casinos et finit par apprendre le métier de croupier. Il devait s’installer à Vichy lorsque la mobilisation générale est décrétée en 1914. A cause d’une adénite cervicale, il passe toute la guerre dans l’usine d’armement Lagelouze où il se met opportunément en bon rapport avec la clientèle. Oustric qui avait hérité en 1910 d’une chute d’eau dans les Haute-pyrénées s’associe avec Henri Manuel et Haardt en 1917 pour créer une société de transport de force. Le placement des titres se fait par l'intermédiaire de la banque Richard Klehe & Compagnie de Toulouse, la Société générale et la banque Clarac frères de Pamiers. En juin 1919, Oustric « monte » à Paris et ouvre avec ses deux associés une banque située 5 rue Scribe au nom de Oustric & compagnie et au capital de 1 million de francs. Deux ans plus tard, il épouse dans le beau monde Marie Madeleine Germaine de Régny (1881-1929) ; le couple vit rue Auber dans une petite maison. Après des premiers coups d’éclats boursiers, la réputation du Carcassonnais enfle sur la place de Paris et les clients lui confient leur épargne. Poker, bars, jongleries des premiers millions, copie des habitudes de Wall-street, rien n’égare Oustric. Il fonde deux holdings qui lui permettent de recycler l’argent des épargnants, dans de multiples sociétés qu’il côte en bourse tout en étant l’administrateur de celles-ci.
Riccardo Gualino
Sa rencontre avec Riccardo Gualino en 1925 va être déterminante… L’industriel italien, fondateur de la SNIA VIscosa, possède non seulement une énorme fortune mais surtout de gros appuis politiques, sauf en France. Il va se proposer d’aider Oustric dans sa conquête industrielle et financière en échange de quoi, le banquier ferait intervenir ses amitiés politiques. Gualino souhaiterait que la SNIA Viscosa fasse son entrée sur le marché boursier parisien. En juin 1926, Oustric intercède auprès de Raoul Péret, ministre des Finances. Le droit est enfin accordé et la capitalisation est un succès, puisque 500 000 actions trouvent preneurs.
Oustric fait l’acquisition de 17 sociétés dans le textile et l’habillement, de maisons de haute-couture (Marchal, Sarlino, les blanchisseries Thaon, Paris foncier, Giraudon, l’Union vie, les établissements Desurmont, Valentin Bloch, la société française des automobiles Ford). Il devient membre du conseil d’administration de Peugeot et prend le contrôle de la banque Adam. Les actions des mines boliviennes du Huanchaca atteignent des sommets. La banque Oustric totalise 127 millions francs, bien en-dessous du milliard de chiffre d’affaires de la holding franco-italienne créée avec Gualino. Albert Oustric mène grand train dans la jet-set : appartement boulevard Malesherbes, propriété au Cap d’Ail, yacht privé en Méditerranée, etc. La réussite de ce fils de cafetier carcassonnais s’étale sur papier glacé dans les gazettes mondaines.
Durement affectée par le krach boursier d’octobre 1929, la banque Oustric se déclare en faillite. Elle s’avère frauduleuse… Oustric est jeté en prison et sa libération provisoire lui est refusée en septembre 1930. Le 12 novembre 1930, une plainte émane de M. Vuillaume, actionnaire et commissaire aux comptes de la Société générale de chaussures française, avec constitution de partie civile pour abus de confiance et escroquerie. Ce dernier aurait disposé des actions du portefeuille de la société pour ses actions en bourse et a englouti l’avoir des actionnaires. Il est nculpé également pour hausse illicite car les valeurs préconisées par Bourse et finance ont été cotées fictivement par trois banquiers : Oustric, Beudel et Marnier. Oustric a vidé le portefeuille de sa holding pour spéculer et par des faux en écritures, il l’a constitué débitrice de sa banque.
Raoul Péret, ministre des finances
L’effondrement d’Oustric provoque la faillite de la banque Adam le 4 novembre 1930. Gualino ne peut lui venir en aide, lui-même se trouve sous le coup d’une mise en accusation par le gouvernement fasciste italien. On conspue Oustric dans les journaux et l’affaire devient politique grâce à la plume du Canard enchaîné. Le ministre Raoul Péret fut avocat conseil d’Oustric avant son entrée au gouvernement. Il fit entrer la SNIA Viscosa en bourse lorsqu’il était aux finances. D'autre part, alors même qu'il était à la Justice, il continuait à percevoir des émoluments (plus de 100 000 francs par an), tout en ralentissant le travail des enquêteurs. Péret est arrêté et mis en prison le 31 mars 1931 avant d’être acquitté le 23 juillet. Le 4 décembre 1930, le gouvernement Tardieu démissionne suite à l’affaire Oustric.
Albert Oustric écope de 18 mois de prison et 5000 francs d’amende le 17 juin 1935 pour infraction à la loi sur les sociétés, suite au jugement rendu par la cour d’appel de Paris. Il mourra le 16 avril 1971 à Toulouse après avoir ruiné des centaines d’épargnants et provoque une grave crise politique. La banque Oustric & Compagnie et ses filiales laissèrent un passif cumulé d'1,5 milliard de francs qui mit plusieurs décennies à être apuré.
Albert Oustric à son procès
Sources
Le Figaro, le Canard enchaîné, Le Parisien, le Populaire
Recensement militaire, Etat-Civil
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