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Musique et patrimoine de Carcassonne - Page 492

  • Les mémoires posthumes d'un carcassonnais (2)

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    Jean Ouliac (1904-1984), violoniste et professeur de musique

    Épisode 2

    J’ai été admis à l’orchestre du théâtre municipal en 1923. Je ne me souviens pas du nom du directeur ; mais le chef d’orchestre était M. Subtil, et le premier ouvrage que j’ai joué a été « Mignon » d’Ambroise Thomas. Je vous donne ce détail en raison d’une coïncidence curieuse dont je vous parlerai un peu plus loin. En 1924, le chef d’orchestre était M. Flon. Ce fut l’année où l’on a joué « Gismonda » ; et je crois que cet ouvrage n’a jamais été joué à nouveau. En 1926, après mon retour du service militaire, le directeur du théâtre était M. Pogel et le chef d’orchestre était M. Manse. Tous deux devaient exercer leurs fonctions jusqu’à la fin de la saison de pâques 1929. Il n’est pas inutile de parler de ce qu’était la saison de pâques : Jusqu’en 1929, le théâtre demeurait fermé pendant neuf ou dix mois de l’année. Il s’ouvrait à l’occasion des bals de la période du carnaval. On plaçait un plancher à niveau de la scène sur toute la surface du parterre et les danseurs évoluaient sur ce plancher. Il n’est pas difficile de comprendre que les fauteuils et les sièges du parterre subissaient, d’année en année, des dégâts progressifs ; mais la propreté et l’hygiène de la salle étaient aussi passablement malmenées. Monsieur et madame Pédron ont du vous donner d’édifiants détails concernant le nettoyage auquel il était nécessaire de procéder après les fêtes de carnaval ; mais, avant eux, il fallait entendre parler de cela par M. Falcou, et surtout, par Mme Falcou, qui s’exprimait avec vigueur et volubilité, peu soucieuse d’en rester dans ses descriptions, aux seules formes académiques. La saison de pâques commençait quelque temps après ce nettoyage. Elle durait environ deux mois ou deux mois et demi. Le gros de la troupe et le chef d’orchestre logea à Carcassonne durant cette période. On donnait, en général, une représentation le jeudi et une autre le dimanche ; quelque fois une autre le samedi. Eh bien, ces spectacles étaient bien suivis et un certain nombre de personnes assistaient à toutes les représentations. Certains même, louaient à l’année une loge qu’ils aménageaient à leur goût. En 1927, M. Pogel fit précéder la saison de pâques par une saison d’hiver. Cette année là, on donna 16 opérettes et 14 opéras-comiques ou opéras. La saison se terminait traditionnellement par une représentation de « la Traviata » ou de « La juive ». Il est évident que devant ce nombre de représentations, le nombre de ceux qui assistaient à tous les spectacles commença à diminuer et M. Pogel commença à avoir les difficultés financières que vous pouvez comprendre. Il lui arrive même de commettre quelques erreurs : le 28 avril 1929, il fit jouer « Mignon » en matinée et en soirée (vous vous rendez compte de l’effort qu’il exigeait des chanteurs, et des résultats qui pouvaient s’ensuivre. C’est ici que se place la coïncidence dont je vous parlais au début de ma lettre : j’avais été élevé au rang de premier violon  à la représentation précédente. Or, ce jour là, il y eut un concert symphonique à Perpignan auquel M. Mir tint à assister. Il fit, donc, savoir qu’il ne participerait pas à la représentation de l’après-midi. Cet avertissement eut pour effet de provoquer l’absence des cinq autres premiers violons. Je serais bien garder de les imiter, se restai donc seul comme 1er violon, et du coup j’avais à remplir les fonctions de violon solo. L’un des seconds violons se dévoua pour que je ne sois pas absolument seul au pupitre. Voilà donc, la coïncidence : en 1923, le premier ouvrage pour lequel je fus employé comme jeune second violon fut « Mignon », passant aux premiers violons, ma première exécution fut « Mignon », et la première fois ou j’ai remplacé le violon solo, j’eus encore à jouer « Mignon ». Comme on pouvait le penser, en 1930, M. Pogel arrêta les frais. Lors de la saison suivante, le directeur était un carcassonnais M. François Bernies. Le chef d’orchestre était M. Lemaire. Il succédait à MM. Waersegers, Vicker et Fistoular qui avaient dirigé l’orchestre du temps de M. Pogel. En 1933, les travaux de réfection étaient commencés. Il n’y eut pas de représentation au théâtre municipal. Le directeur du théâtre de la cité était M. François-Paul Alibert. Il demanda à M. Mir si l’orchestre du théâtre municipal accepterait de se joindre à un orchestre plus important pour les représentations d’ « Hamlet » d’Ambroise Thomas et de « Lohengrin » de Wagner qui devaient avoir lieu les 15 et 16 juillet 1933. M. Mir réunit l’orchestre et lui fit part de la proposition. On accepta, en principe, moyennant un cachet global de 6000 francs de l’époque. M. Alibert répondit par lettre : « Je ne méconnais pas l’application des musiciens carcassonnais ; mais pour 6000 frs je pourrais avoir des musiciens éprouvés » (Sic). La fin de l’histoire est facile à deviner. Après les travaux de réfection, en 1935, le directeur du théâtre municipal fut M. Valette et, jusqu’en 1939 j’eus le plaisir de jouer sous la direction de MM. Vernet, Tartanac et Albu. Quelques jours avant la déclaration de guerre, le 16 juillet 1939, un rêve que je caressais depuis longtemps se réalisa : nous jouâmes « Tannhäuser » de Wagner au théâtre de la cité sous la direction de Léandre Brouillac. Pendant la terrible période qui s’étendit de 1940 à 1945, M. Valette était toujours directeur du théâtre ; l’activité lyrique fut à peu près normale, compte tenu des difficultés de l’époque, et MM. Joly, Tartanac, Delsaux, Ange de Lucas, Chabert, Andolfi, Bessière, Gamet et Jef de Murel occupèrent le pupitre de chef d’orchestre. On peut, à cette époque, faire une remarque dont l’importance ne vous échappera pas : les autorités allemandes avaient fixé le couvre-feu à 23 heures, c'est-à-dire qu’à 23 heures, tout le monde devait être chez lui. Les allemands étaient sans pitié pour toute personne surprise dans les rues après 23 heures. Le sort de certaines personnes fut, hélas, tragique. On fit commencer les spectacles à 20 heures précises ; et il était terminé à 22h30 environ. Eh bien, on a pu constater deux choses :

        A 20 heures tout le monde était en place. Le nombre des retardataires était insignifiant.

          Il n’a jamais été fait d’autres coupures que les coupures traditionnelles dans les ouvrages tels que Carmen, Faust, la vie de bohême, Werther, La Tosca, les cloches de Corneville, etc…

    Cela vaut d’être considéré

    De 1945 à 1949, M. Viguier dirigea souvent l’orchestre ; M. Jean Trick vint aussi diriger un ou deux ouvrages mais le nombre d’ouvrages représentés diminua considérablement, ce qui provoqua de la lassitude et pas mal d’absentéisme chez les membres de l’orchestre. Pendant les saisons 1949-1950 et 1950-1951, aucun ouvrage lyrique digne du nom ne fut représenté. Le mécontentement se manifesta dans l’orchestre et dans le public. Cette situation se prolongea jusqu’en 1954 où un seul ouvrage, « Mireille », fut représenté sous la direction de Guy Lhomme. Ce fut à partir de cette date que l’orchestre commença à voir son effectif diminuer. Certains musiciens étaient découragés parce que peu d’exécutants étaient convoqués pour accompagner des revues ou des prestations de music-hall. Ils cessèrent de travailler individuellement et furent bientôt incapables de participer. D’autres furent atteints par la maladie, l’âge, quelque fois par la mort. Le remplacement n’était guère possible parce que l’école de musique était loin d’obtenir les résultats qu’elle obtient aujourd’hui. Ce fut, pour l’orchestre, le commencement de la fin. Cela contribua à ce que la saison 1955-1956 soit, encore, vide au point de vue lyrique. Le mécontentement éclata, tant dans le public que dans le reste de l’orchestre lorsque, en 1956-1957, la municipalité renouvela son contrat à M. Valette. On désespérait de l’avenir du théâtre municipal lorsque, non sans surprise, on apprit pendant la saison 1959-1960, que étiez nommé directeur du théâtre. Je me souviens de ce que, le jour où j’appris votre nomination, je rencontrais votre voisin, M. Garcès, serrurier. Je lui dis « Je vous annonce que Jean Alary est nommé directeur du théâtre municipal ». M. Garcès fut stupéfait « Jeannot, d’ici, d’à côté ? Ca alors ! » La suite, vous la connaissez mieux que moi.

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  • La route minervoise, la belle ombragée (6)

    le 14 juillet 2012, je passais par la route minervoise au moment où le magasin de Louis Béteille était ouvert, alors même que son rideau était baissé depuis des années. J'appris de son neveu qu'il était décédé depuis le mois de décembre dernier (2011) et que la famille cherchait à vendre la maison et quelques effets lui appartenant, d'où cette ouverture provisoire. L'opportunité était trop belle pour ne pas rassembler quelques souvenirs et vous les faire partager...

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    Louis Béteille était constructeur mécanicien, depuis qu'il avait pris la succession de son père prénommé comme lui. Ce dernier avait repris l'ancienne fonderie Martignol au 24, route minervoise. Il fabriquait principalement des pompes et des moulins pour l'élévation des eaux dans son atelier communiquant avec la rue Tourtel.

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    Ces pompes destinées à l'activité viticole sont les derniers vestiges d'une fabrication purement carcassonnaise, dont Louis Béteille fut l'ultime représentant.

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    Une pompe à eau

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    Amirable travail

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    Le magasin de Louis Béteille avec à côté le restaurant de Joseph Gil "A la grillade"

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    Le magasin en 2012

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    A l'intérieur de la maison, l'entrée de l'atelier

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    L'atelier avec à droite, la forge

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    Louis Béteille père au travail, vu du même plan que la photo ci-dessus

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    La charpente a plus d'un siècle

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    L'entrée par la rue Tourtel communique avec celle de la route Minervoise. L'ensemble était en vente en 2012, mais le souvenir doit rester c'est le but de cet article.

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  • Le café du Musée

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    Non, Carcassonne n'a pas été bombardée par les forces alliées pendant la Seconde guerre mondiale! Je dis cela pour les nouveaux arrivants qui pourraient être surpris en passant par le square (j'ose même plus l'écrire) Gambetta. Cet immeuble de la Trésorerie générale dont on appréciera peut-être dans 100 ans la qualité architecturale, a écrasé un petit bijou de café de style Art nouveau. Il s'agissait du Café du musée qui jusqu'aux années 1950 faisait la fierté des carcassonnais. J'ai cherché pendant très longtemps des cartes postales de ce lieu, mais une seule représente l'établissement sur un dessin. J'ai mis la main récemment sur un très vieil album de famille et... Oh! surprise.

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    Un petit bijou de l'Art nouveau

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    Les clients attablés à la terrasse du Café du Musée, à la Belle époque. La grille donnait sur un jardin intérieur où l'on pouvait se rafraîchir à l'ombre. A droite, on reconnaît les arcades de la façade du Musée des Beaux arts.

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    Madame et monsieur Baptiste Mialhe, les propriétaires du café, à l'intérieur du jardin d'hiver. On remarquera les affiches de la liqueur "La Micheline" de la distillerie de l'Or-kina de Michel Sabatier. Cet elixir est encore en vente aujourd'hui chez Cabanel, allée d'Iéna.

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    On projetait des films muet au début du cinématographe, grâce à une toile que l'on tendait en terrasse entre deux platanes. Seuls les plus fortunés payaient leurs places; les autres, regardaient le film de l'autre côté et à l'envers.

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    Les clients à la terrasse du café avec l'ancien Square Gambetta en arrière plan. Hier lieu de vie, aujourd'hui endroit désertique et moche par la volonté d'élus irresponsables. Quand je pense que ceux qui ont rasé le square entre 2003 et 2008 vont se représenter devant les électeurs... Ils n'ont aucune vergogne à moins qu'ils espèrent que le carcassonnais ait la mémoire courte. Les amoureux du patrimoine n'oublieront pas eux!

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