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Musique et patrimoine de Carcassonne - Page 489

  • Été 1940: Carcassonne, sur le chemin de la collaboration...

    La France aurait-elle repoussé hors de ses frontières l'envahisseur allemand, si la stratégie de reconquête menée lors de la bataille de Montcornet le 17 mai 1940 par le colonel Charles de Gaulle, avait été appuyée ? L'histoire ne retiendra hélas que la honteuse défaite d'une armée française désorganisée et mal équipée. Quand le colonel est promu général de brigade, l'affaire est déjà pliée et le sauveur désigné sera le Maréchal Philippe Pétain, héros de Verdun en 1917. L'armistice est signée entre vainqueurs et vaincus le 22 juin 1940 avec pour conséquences immédiates, le pillage de l'économie et des ressources françaises par les nazis. L'appel du général de Gaulle depuis Londres quatre jours plus tôt n'aura été entendu que par une poignée de français refusant la défaite. Dès lors, deux France vont s'affronter... Celle de la honte et celle de l'espoir, mais n'anticipons pas ! En 1940, l'espoir des français c'est ce Maréchal désormais cacochyme qui les a sauvé à Verdun. Celui qui n'a pas hésité à faire fusiller pour l'exemple les soldats qui s'auto-mutilaient ou refusaient d'aller au combat en pure perte en 1917.

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    Après la démission du gouvernement de Paul Raynaud le 16 juin 1940, Philippe Pétain devient Président du conseil. L'assemblée de députés et sénateurs réunie à Vichy octroie lors d'un vote, les pleins pouvoirs au maréchal. C'est la fin du parlementarisme, si cher aux idées de Pétain et de ses amis. Ils y seront arrivés sans putsch, mais d'une manière légale prévue par la constitution. Sur 669 élus siégeant ce jour-là, seuls 80 d'entre-eux exprimeront un vote négatif. Vichy le leur fera payer bientôt... Parmi eux dans l'Aude, seuls deux députés: Henri Gout (Parti Radical/ Carcassonne) et Léon Blum (SFIO/ Narbonne). Blum sera envoyé en déportation et Gout, remplacé par Jules Jourdanne comme maire de Carcassonne. Les autres ayant voté pour sont: Jean Bousgarbiès (PR), Léon Castel (PR), Jean Guilhem (Gauche démocratique), Jean Mistler (PR), Clément Raynaud (GD), Albert Sarraut (GD). Ces derniers seront frappés d'inégibilité à la libération par la loi du 21 avril 1944, puis amnistiés le 10 juillet 1953. A leur décharge, pouvaient-ils se douter à ce moment-là de ce que Pétain fomentait ?

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    Le 24 octobre 1940, Philippe Pétain rencontre Hitler à Montoire. Six jours plus tard, il déclare aux français sur les ondes: "J'entre aujourd'hui dans la voie de la collaboration avec l'Allemagne". Pétain tente de négocier afin d'alléger la dette financière et économique de la France envers l'Allemagne. Hitler ne cèdera presque rien en contre-partie de cette collaboration. Si, une chose.. Goering voulait soumettre la France comme la Pologne, mais le führer opta pour une solution plus politique. Résultat : les français vont crever de faim, seront envoyés en Allemagne pour travailler et ceux qui se rebelleront, seront fortement réprimés. La collaboration n'alla que dans un sens unique... Seuls, les soutiens de Vichy vivront bien en tant de guerre.

    La légion française des combattants de Carcassonne

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    La loi du 29 août 1940 dissout l'ensemble des associations d'anciens combattants de 14-18. Elles sont désormais regroupées sous une seule bannière: La légion française des combattants. L'ensemble des survivants de la grande guerre (y compris les juifs, jsuqu'en 1942) peuvent y adhérer spontanément ; ce n'est pas une obligation mais c'est conseillé. Les personnes trop jeunes pour avoir fait 14-18 sont à partir du 8 février 1941, reversées dans "Les amis de la légion". Cette organisation militante aux valeurs de Vichy comptera près de 800 membres carcassonnais en 1944. 

    Organisation

    A Carcassonne, le n°1 de la rue de Verdun en devient le siège. Le directoire communal est constitué par six personnes (Chef communal, chef adjoint, Sous chefs et secrétaire général). Autour de lui, des commisions de 13 personnes avec différentes attributions: Comité de collaboration, Comité civique (division civique, service d'ordre, propagande), Comité social (division prisonniers, division rapatriès, famille prisonnier, entraide, oeuvres sociales), Conseil d'administration (division trésorerie, comptabilité, contentieux). L'ensemble de l'organisation est aux mains de personnes éduquées et instruites: Docteur et directeur de l'hôpital, notaires, huissiers, avocats, chefs d'entreprises.

    Structure

    La ville de Carcassonne est découpée en quartiers portant chacun une lettre de l'alphabet. Les artisans et commerçants adhérents à la légion sont listés selon leurs professions (bouchers, boulangers, tailleurs, épiciers, cafetiers, électriciens...) avec la lettre de leur quartier (au minimum 10 par professions). Ils sont chargés de surveiller la moralité des habitants et de proposer des adhésions à la légion. Dans ce contexte, il ne valait mieux pas raconter sa vie chez le coiffeur...

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    Enquête de la Légion sur une candidature refusée

    Recrutement

    A la tête de chacun de ces quartiers, il y a un chef qui statue sur les adhésions proposées selon les états de services pendant la grande guerre et la moralité du candidat. Tout est passé au peigne fin... Si le candidat n'est pas un ancien combattant, il est reversé dans la Légion française des combattants et de la Révolution Nationale. Elle sera fondée, le 19 novembre 1942. C'est antichambre du futur SOL (Service d'ordre légionnaire) qui en 1943, deviendra la Milice française. Dans le cas où l'adhésion est retenue, l'impétrant reçoit sa carte après avoir prêté serment et fidélité au Maréchal.

    « Je jure de continuer de servir la France avec honneur comme je l'ai servi sous les armes. Je jure de consacrer toutes mes forces à la patrie, à la famille, et au travail. je m'engage à pratiquer l'amitié et l'entraide vis-à-vis de mes camarades des deux guerres, à rester fidèle à la mémoire de ceux qui sont tombés au champ d'honneur. J'accepte librement la discipline de la Légion pour tout ce qui me sera commandé en vue de cet idéal.»

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    Carte de membre de la légion

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  • Les nazis et le Graal: De mystérieux souterrains sous la Cité...

    Après le départ de l'armée allemande de la Cité en août 1944, les citadins chassés de leurs maisons purent enfin en reprendre possession. Ils découvrirent alors à l'intérieur de la forteresse, toute une série d'entrées de galeries étayées par des rondins de bois que l'occupant avait méticuleusement creusées. Ce vaste morceau de gruyère fut une fois la guerre terminée, comblé pour des raisons évidentes de sécurité. Que cherchaient les allemands? Nous ne vous ferons pas ici un traité d'ésotérisme, d'autres en sont largement plus capables. Toutefois, s'il est un fait révélé c'est que les nazis s'étaient mis en quête de retrouver le Graal, qu'Otto Rahn, Obersturmführer SS passionné par les cathares, disait se trouver au Château de Montségur. Les plus éminents des historiens du catharisme ont toujours démontré que la théorie du juriste nazi n'était qu'invention.

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    Un officier nazi monte à la Porte Narbonnaise

    Ce qui est troublant voyez-vous c'est que les allemands n'ont pas creusé n'importe où dans la Cité... Il était dès lors difficile pour eux d'entreprendre des sondages à l'aveugle sur une superficie de 7 hectares. Il semble donc évident qu'ils ont bénéficié de la complicité d'érudits locaux. Nous n'en dirons pas davantage... Où sont ces souterrains soigneusement rebouchés en 1945 ? Qu'ont-ils découvert ? Les dessins réalisés par le peintre carcassonnais Jacques Ourtal en juillet 1944 sont éloquents.

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    La place Marcou... et dessous ?

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    Sous la place Marcou, si fréquentée à la belle saison, se trouve une salle voûtée de cinq mètres sur quatre. Il s'agirait d'un vestige de l'église St-Sernin qui fut rasée à la Révolution. Un peu plus loin et dans le jardin attenant, sous le calvaire il y aurait une crypte.

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    Sur cette photographie issue d'un article de Joseph Dovetto paru sur la dépêche le 1er février 1990, on voit clairement l'accès à cette salle. Où se trouve l'entrée, place Marcou ?

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    La tour du Trauquet (petit trou en occitan)...

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    A environ 40 mètres à gauche de la Porte Narbonnaise, dans les lices hautes se trouve l'entrée d'un souterrain qui mène au Château comtal. C'est précisément au pied de la tour du Trauquet. Ci-dessus le dessin d'Ourtal de la galerie laissée par les allemands en juillet 1944.

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    Dans les fossés du Château comtal...

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    A l'entrée du pont de pierre menant au Château comtal, juste en bas à droite se trouve l'entrée d'une galerie souterraine. Elle mène à la place Marcou...

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  • Juin 1944: Un homme sauve la Cité de la destruction

    Depuis novembre 1942, les allemands sont à Carcassonne. Ils occupent les diverses administrations, casernes et autres belles demeures qu'ils ont réquisitionnées. L'armée allemande prend possession de la Cité, chasse les habitants et fait murer la porte d'Aude. Seuls les personnels travaillant pour la Wehrmacht sont autorisés après avoir présenté un laisser-passer, à pénétrer dans la forteresse médiévale. L'hôtel de la cité se transforme en quartier général, baptisé Kommandantur par l'ennemi. Pendant les deux années d'occupation, les allemands vont réaliser des fouilles et découvriront une salle basse voûtée sous la place Marcou. On y accède par un escalier ; ce lieu obscur est un vestige de l'ancienne église St-Sernin qui fut rasée à la Révolution. Une autre galerie ruinée part des fossés du Château comtal vers la place Marcou et l'épaisseur des remblais sous le pont de pierre du château est de trois mètres. 

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    © ADA 11

    Un jour avant le débarquement des troupes alliées en Normandie, un homme est inquiet du sort qui pourrait être réservé à la Cité médiévale. Les allemands ont stockés une très grande quantité d'armes et de munitions à l'intérieur du site; bien assez pour faire tout sauter. On retrouvera dans le puits du château en octobre 1944 la valeur en chargement de quatre voitures de munitions: cartouches, mines anti-chars, bandes de mitrailleuses, grenades, explosifs... Tout cela jeté par l'occupant à son départ. Combien d'anciens carcassonnais n'avons-nous pas entendu dire que les allemands voulaient faire sauter la Cité? Il est incontestable qu'ils en avaient les moyens! Mais surtout... l'armée allemande et ses munitions représentant une cible idéale pour les bombardiers alliés, la Cité se retrouvait ainsi menacée de destruction.

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    © ADA 11

    Le 5 juin 1944, Maurice Mordagne va sauver la Cité. Cet homme érudit, auteur de plusieurs ouvrage sur le folklore et les fêtes languedociennes, est un membre éminent de la Société des Arts et des Sciences de Carcassonne. Là où personne ne semblait réagir à ce scénario catastrophe, il rédige un texte qu'il adresse à ces collègues. Nous avons retrouvé ce texte manuscrit que nous vous livrons ci-dessous in-extenso:

    Mes chers collègues,

    M'occupant depuis longtemps de la défense de nos monuments historiques régionaux (mes campagnes de presse l'ont prouvé), je me suis toujours intéressé à notre antique Cité dont je suis depuis le début du siècle, la restauration. J'étais avec Déodat de Sèverac (NDLR: Compositeur de musique), Lucien Trenet et Gastilleur, des tout premiers à propager l'idée de la création de son théâtre de plein air. Lors du Bi-millénaire, Septimanie (NDLR: magazine artsitique régional) me confia une étude sur les fastueuses fêtes qui se déroulèrent sous l'impulsion de Maurice Sarraut et Léon Bailly dans les remparts médiévaux. Aux Beaux-arts, à Paris, j'ai souvent entretenu les hauts-fonctionnaires de cette maison de la nécessité d'entreprendre telle ou telle fouille, telle ou telle restauration, tel ou tel dégagement. Mais jamais, je n'aurais pensé que ces murs pourraient servir à faire une guerre moderne; tout au plus pouvaient-ils servir à opérer des reconstitutions historiques telle que l'arrivée de Charlemagne et de ses paladins.

    Aussi au début de mai ai-je attiré l'attention du Palais-Royal sur les incidents récents qui se sont déroulés à la Cité depuis l'évacuation de la population; et je ne vous cache pas de l'émotion qui s'est emparée de l'administration en apprenant cette nouvelle. Dans le dossier de l'affaire actuelle figurent les rapports des architectes des Beaux-arts MM. Nodet et Bourrely, les voeux récents de la Société des Amis de la Cité et de celle de des Arts et Sciences, un dépêche du préfet de l'Aude, une trace du voyage spécial d'alerte de M. Bourrely à Paris et c'est tout. Le maire de Carcassonne (NDLR: Jourdanne, nommé par Vichy en 1941) a été muet et n'a pas alerté, comme c'était son devoir, le gouvernement et cependant l'affaire est du domaine gouvernemental exclusivement. Tandis que avant l'occupation de la Cité, les Beaux-arts seuls auraient pu agir. Le prince de Metternich, protecteur austro-allemand des nos édifices classés, ne peut agir efficacement contre sa propre armée; il n'a une action efficace que si celle-ci n'occupe pas. C'eût été facile pour lui d'agir avant l'occupation de la Cité, comme il l'a fait pour le château du colonel de Choulot au camp d'Avard. A celui-ci qui avait devancé l'exécution d'une menace de destruction partielle, Metternich répondit: " Vous avez bien fait de venir avant l'exécution des ordres allemands, car les français viennent en général quand le mal est décidé ou fait". Néanmoins les Beaux-arts ont saisi le Prince d'un rapport, celui-ci a envoyé à Carcassonne le Colonel docteur Mobomius le 25 mai 1944 et M. Bourrely l'aaccompagné à la Cité: l'affaire en est là...

    Je vous engage vivement à décider une action immédiate auprès du gouvernement qui peut utilement causer  avec l'État-major de la Wehrmacht. Metternich, dont la famille habite Paris depuis plus d'un siècle, qui n'est allemand que depuis l'Anschluss, donne des ordres exécutés à la lettre quand il est suffisamment informé et à temps. Si vous vous substituez à la ville défaillante et à un préfet timoré, nous avons des chances d'être entendus: il n'y a pas d'autre solution pour provoquer l'évacuation de la Cité et éviter ainsi des bombardements anglo-américains possibles si on maintient le dépôt de munitions du Château-Comtal. Je vous propose, mes chers collègues, de porter moi-même vos voeux ainsi que ceux des sociétés savantes de la ville à l'officier français qui fait la liaison entre le gouvernement de la commission d'armistice à Wiesbaden.

    Maurice Mordagne donne le compte-rendu

    Le débat qui suivit cet exposé fut assez animé et l'on décida de me remettre, les divers voeux identiques en faveur de la Cité et émanant des Amis de la Cité, du Syndicat d'initiative, des Arts et Sciences et des Études scientifiques.

    Ces voeux furent remis à Paris entre le 15 et le 18 juin (1944) à l'hôtel de la maréchale Foch où se trouvait la liaison militaire avec Wiesbaden. Le colonel français me recevant ignorait totalement que la Cité avait été occupée par les allemands et il ajouta: "Jamais le gouvernement n'en a été informé, vous êtes le premier à m'en avoir avisé, car tous les documents pour Wiesbaden passent par mes mains, et rien de semblalble n'y est jamais passé. Le débarquement est commencé, notre influence sur ces messieurs est des plus faible; ils sont nerveux et si vous étiez venus il y a sept mois, nous aurions enlevé l'affaire. Mais, malgré tout, vos voeux sont partis ce soir même par l'avion spécial et demain, la commission d'armistice en sera saisie."

    Depuis lors, il a été impossible de savoir à Wiesbaden ce qu'était devenue cette affaire, car il y eut rapidement un gros désordre et il est actuellement fort difficile de savoir, même au Quai d'Orsay, comment a été liquidée la célèbre commission, et où sont passés ses membres. Sont-ils rentrés, se sont-ils enfuis, opnt-ils été tués? Le mystère complet plane sur cette fin... Quant à notre citadelle, elle est sauvée, c'est l'essentiel.

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