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Musique et patrimoine de Carcassonne - Page 384

  • Les victimes civiles de la répression allemande à Carcassonne

    Tous les historiens s'accordent à dire que la Seconde guerre mondiale a fait davantage de victimes civiles que militaires, contrairement à la Grande guerre 14-18. Elles constituent la longue liste des otages, déportés, fusillés, massacrés par l'armée allemande. S'il  y a eu des massacres de masse qui auront marqué les esprits comme à Oradour-sur-Glane (Haute-Vienne), il ne faut pas oublier qu'au quotidien les troupes d'occupation se sont rendues coupables d'exactions contre les populations des pays qu'elles occupaient. Après la Libération, les familles des victimes civiles se sont senties délaissées par les pouvoirs publics.  Les associations d'anciens combattants ne se sont occupées que des leurs. A Oradour-sur-Glane, les familles ont dû attendre des années pour que l'état reconstruise le village ; elles ont supporté pendant longtemps une existence indigne dans des baraquements. Quant aux réparations financières... Il en est de même à Carcassonne pour le massacre du Quai Riquet où la vingtaine de victimes n'a pas obtenu à égalité la mention "Mort pour la France".

    Il n'est peut-être pas étrange qu'au sein de la commission préfectorale chargé des commémorations de la Libération de Carcassonne, dans laquelle siègent les représentants des associations d'anciens combattants, on n'ait pas protesté contre la disparition du dépôt de gerbe à la stèle du Quai Riquet entre 2007 et 2013. Pire encore, la date des commémorations de la Libération de la ville a été maintenant devancée au 19 août, jour de l'exécution des Résistants à Baudrigues. Or, Carcassonne fut libérée le 20 août 1944, triste journée du massacre du Quai Riquet par la 11e Panzer division. D'ailleurs, on a toujours fêté cette Libération le 20 août, comme le prouve cet article de 1984 ci-dessous.

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    Je me félicite que cette année le dépôt de gerbe au Quai Riquet ait été réintroduit dans les commémorations. Grâce à qui ? Grâce à ce blog qui n'a eu de cesse de rappeler cet injuste oubli et la mémoire des victimes pendant cinq ans, avec l'appui du réseau social Facebook. Quant au changement de date au 19 août, il est simplement l'accommodement de tous à réunir en une seule date, les différents événements tragiques du 19 et du 20 août 1944. Si on ne va polémiquer à un jour près et se féliciter que 70 ans après, la mémoire soit encore honorée, en revanche choisir le 19 plutôt que le 20, n'est-ce pas considérer que le massacre du Quai Riquet est d'une importance mineure par rapport à Baudrigues ? En réunissant sous une même date différents évènements pour des facilités protocolaires, on applique la loi que souhaitait mettre en oeuvre le président Sarkozy en 2011. A savoir, réunir en une seule date (Le 11 novembre) toutes les commémorations : 8 mai 1945, 11 novembre 2011, 19 mars 1962...etc. C'était en effet plus simple pour supprimer d'un coup les jours fériés, à des fins essentiellement économiques. Quant à la vérité historique, elle repassera...

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    © ADA 11

     La préfecture de l'Aude fixe au 21 août, la Libération du département.

    Victimes civiles du 20 août 1994

    Almaric Camille (Rieux-Minervois), Bénazet Henriette (Peyriac-Minervois), Bonnet Louis (Carcassonne, 1 rue A. France), Belbèze Jean (Carcassonne, 4 rue Teisseyre), Baratciart Jean-Baptiste (Carcassonne, rte de Narbonne), Bastide Joseph (Villardonnel), Carreras Roger (Carcassonne, Grazailles), Calvel Georges (Carcassonne, 1 rue Grignan), Caballero Marius (Carcassonne, 16 rue de la Préfecture), Dualé René (Carcassonne, 6 square Gambetta), Bichko Marguerite (Carcassonne, chemin de Serres), Ballotari Armand (Villemoutaussou), Bastide Jean (Villardonnel), Chassain Raymond (Carcassonne, 15 rue Trivalle), Jassin Gabriel (Carcassonne, 9 place d'armes), Justo Joseph (Carcassonne, hospice général), Gastou Jean (Carcassonne, 8 rue Tourtel), Gaya Louise (Carcassonne, rue Fabre d'Églantine), Gélis Pierre (Carcassonne, rue A. France), Fages Marguerite (Grèzes), Fournès Marie-Thérèse (Villemoutaussou), Mestre Eugène (Carcassonne, 46 rue du 24 février) Magnanier Émile (Carcassonne, 25 rue Laraignon), Mazzer Émile (Carcassonne, 15 rte de Limoux), Mas Charles (Carcassonne, L'île),

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    Avenue du Général Leclerc à Carcassonne

    Pons René (Villegly), Quintin Élie (Carcassonne, 10 impasse des rames), Milhau Pierre (Carcassonne, l'Olivette), Rey Jean (Carcassonne, Villa Jeanine à Grazailles), Raynaud Marcel (Moux),

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    Route Minervoise à Carcassonne

    Cette plaque a été remise en place grâce à mon intervention. Elle avait été déposée par le nouveau propriétaire de la maison sur laquelle elle était posée.

    Ramon Noël (Carcassonne, 1 rte Minervoise)

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    Rue J. Bringer à Carcassonne

    Lacroix Paul (Carcassonne, 8 rue Trivalle), Teulière François (Carcassonne, 4 rue Fortuné), Pradelles Joséphine (Carcassonne, Villa St-Joseph au Quai Riquet), Viscarra Jean (Castelnaudary, 18 rue Fontasse), Seguy Séphirin (Carcassonne, rue A. Marty), Vérandy Auguste (né le 12 octobre 1919 à Marseille (Bûcheron, marié) demeurant à Carcassonne, tué à Pennautier.

    Sources

    ADA 11

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  • Le cimetière de "La conte" a été construit sur ordre des nazis.

    Le cimetière des Petites soeurs des pauvres dans lequel les autorités militaires allemandes inhumaient leurs morts jusque-là, était arrivé à saturation en 1943.

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    L'ancien cimetière à la Gravette

    Elles demandèrent donc avec insistance à la ville de Carcassonne de leur trouver un nouvel emplacement. Un terrain situé à l'extérieur de la commune en bordure du chemin de Montredon, fut réquisitionné. Tout fut décidé au début de l'année 1944, comme le prouve la note ci-dessous du Capitaine Reinhardt, commandant par délégation la place de Carcassonne, adressée au préfet Marchais.

    "L'emplacement du cimetière militaire allemand au cimetière des Petites soeurs des pauvres, s'est révélé trop petit. Comme un agrandissement au dit cimetière militaire est impossible, la création d'un nouveau cimetière militaire a été discutée avec la mairie de Carcassonne et la place prévue a été visitée le 10 janvier. L'officier d'état-civil compétent pour la France-sud est d'accord pour ce projet. Il est par conséquent demandé que le terrain soit au plus tôt réservé à sa nouvelle destination comme cimetière de la ville de Carcassonne.

    Comme il faut s'attendre pour très prochainement aux travaux d'aménagement et d'exhumation en présence, de l'officier d'état-civil et d'un architecte des cimetières militaires, une accélération aussi rapide que possible des formalités est demandée.

    Les questions qui viendraient encore à se jouer peuvent être discutées directement avec l'Officier d'état-civil près l'E.M.L le lieutenant Buchwald."

    Le 3 avril 1944, le bureau de l'état-civil de Carcassonne écrit au préfet en indiquant que la Kommandantur exige l'exécution immédiate du cimetière à La conte. Après le renoncement de deux cabinets d'architectes Carcassonnais, c'est le fils de l'ancien architecte des Monuments historiques M. Vassas, qui accepte la proposition de la ville. L'entreprise carcassonnaise requise et volontaire effectuait déjà des travaux de défense passive pour la Wehrmacht, elle doit se mettre à l'oeuvre sans tarder. Cette entreprise reçut un blâme en 1946, avec interdiction de conserver un poste de commandement dans la profession du bâtiment et BTP. Nous ne la citerons pas car ce petit artisanat familial est devenu l'une des plus grandes entreprises actuelles de BTP de la région.

    Le financement

    L'officier allemand fera son affaire du financement ; si l'Etat-Français ne payait pas, eux paieraient. L'architecte ne veut pas faire appel aux requis civils ; il prétend que cela augmenterait le coût des travaux avec une main d'oeuvre peu qualifiée. Le devis estimatif est de 2.154.433 francs. L'entreprise demande des paiements hebdomadaires et débute les travaux de terrassement par tranches : Du 7 avril au 15 avril (79.719.80 francs) et du 24 avril au 29 avril (120.088 francs).

    Malversations

    L'architecte du département écrit au préfet pour protester contre une série de mesures discréminatoires et frauduleuses. Il évoque chiffres à l'appui, le défaut d'appel à la concurrence et les surfacturations constatées, contraires au prix normalement pratiqués. Il semblerait que l'addition ait été gonflée au profit des maîtres d'oeuvres. Le maire Jules Jourdanne s'en défend : "Les Allemands n'avaient pas qualité pour faire procéder à des réquisitions au profit de la ville." Seules les parcelles pour les soldats de la Wehrmacht ont été réquisitionnées par eux, malheureusement c'était celles sur lesquelles la ville entendait vendre des concessions perpétuelles. Concernant l'appel à concurrence, c'est selon le maire l'affaire des relations Franco-allemandes. La ville a choisi ce terrain car c'est le seul admis par les Beaux-arts, en fonction de sa situation géographique et sanitaire.

    Le cimetière Allemand

    C'est le 17 mars 1944 que le premier soldat a été inhumé à La conte ; les travaux n'avaient pas encore commencé. L'entrée du cimetière en 1944 se trouvait le long du chemin de Montredon (en face de l'actuel Jules Fil) et les tombes allemandes à proximité. Des accords furent passés dans les années 50 avec la République Fédérale Allemande pour qu'elle puisse récupérer les corps de ses soldats. Ils furent alors exhumés et placé au cimetière de Dagneux (Rhône). En septembre 1965, plus aucun combattant allemand n'était au cimetière La conte ; les concessions furent ainsi revendues au cours des années aux Carcassonnais. Sans le savoir, leurs parents occupent aujourd'hui l'emplacement d'un ancien vert-de-gris de la Wehrmacht. Auraient-ils accepté si on les avait prévenus ?

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    © S. le Noach (Dr)

    Johann Reisinger

    décédé le 15 août 1944 et inhumé au cimetière de campagne de Carcassonne.

    Sources

    ADA 11

    Services des tombes militaires allemandes

    Iconographie WWII

    Merci à S. le Noach

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  • On a fusillé les lampistes et sauvé les criminels de guerre

    Quelle différence feriez-vous aujourd'hui dans l'échelle des responsabilité entre le général SS Karl Oberg et Jacques P, jeune milicien Carcassonnais âgé de 20 ans ? Le premier, chef de la police allemande pour la France entière et nazi convaincu a fait exécuter et déporter des milliers de juifs et de résistants. Il fut à l'oeuvre d'une loi qui promettait la déportation à toute famille qui aurait un "terroriste" en son sein. Le second, simple soldat de la milice y était rentré parce qu'on lui offrait un emploi. Il s'était rendu coupable, sur ordre de ses chefs, d'action contre les maquis et de collaboration avec une puissance étrangère.

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    Karl Oberg sera arrêté par les américains en 1945 en Allemagne. Condamné une première fois à mort en 1946, il est incarcéré à Münich. Extradé en France, un tribunal français le condamne à mort le 9 octobre 1954 pour crimes de guerre. Envoyé à la prison de Mulhouse, il fait appel et sa peine est commuée en prison à vie. Il bénéficie alors de la grâce présidentielle de René Coty (ce dernier avait voté les pleins pouvoirs à Pétain en 1940, cela ne l'a pas empêché d'être Président de la République). Karl Oberg a bénéficié de l'implication active d'une délégation de la R.F.A (République Fédérale Allemande) dans la recherche d'avocats français. Ainsi Jean-Louis Tixier-Vignacourt, patron de l'extrême-droite française et mentor de Jean-Marie Le Pen, fut recruté pour défendre le général SS. 

    "Il est tentant ainsi de décrire une large continuité dans le personnel diplomatique du ministère nazi et de celui de la RFA démocratique." (Jean-Marc Dreyfus, Historien)

    Le Chancelier Allemand Konrad Adenauer insista après de Pierre Mendes-France le 18 janvier 1955 à Baden-Baden, pour obtenir la grâce d'Oberg et de son sinistre copain, Helmut Knochen : "Les Waffen-SS ont été des soldats comme les autres". Selon J-M Dreyfus, Adenauer tenait un double discours à l'extérieur et à l'intérieur de son pays. Le futur traité de l'Elysée était dans la balance et le chantage opérait dans les salons feutrés. Le 15 juillet 1960, la RFA acceptait de verser 250 millions de Deutsche marks aux victimes françaises des nazis. Le 20 novembre 1962, le général de Gaulle fait libérer Oberg et Knochen. Le premier mourra le 3 juin 1965 chez lui et le second, dans son lit en 2003.

    "On n'avait pas tellement envie de se replonger dans l'histoire de ces Allemands qui ont travaillé en France, car ils pouvaient parler de la gênante collaboration des élites françaises."

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    © Wikipedia

    Si la guerre fut mondiale, n'oublions pas qu'en France elle fut également civile. Le changement de régime et les horreurs perpétrées pendant l'occupation, appelaient à la vengeance. Il fallait que le sang coule et sans tarder afin de laver la France, de la répugnante collaboration avec les nazis. N'ayant pas eu les moyens de fuir, Jacques P est arrêté à Carcassonne par la Résistance avec un certain nombre de ses camarades. Emprisonné à la Maison d'arrêt de Carcassonne, il est fusillé contre le mur du manège de la caserne Laperrine, début septembre 1944. Ce jour-là, les miliciens attendent leur tour ; les cercueils les attendent soigneusement alignés. Une brève confession à l'abbé Pierre Pont, la mise en joue devant le peloton de F.F.I, les balles crépitent et au suivant... La foule Carcassonnaise venue en nombre assister au spectacle, comme au bon vieux temps de la terreur, crie et vocifère : traitres, salauds, à mort...etc. Parmi elle, sans doute, se trouvent les dénonciateurs anonymes d'hier ou les adeptes du marché noir, passés en une nuit du bon côté de la barrière.

    Les chefs de la Milice

    Si Jacques P avait eut les moyens de fuir, il ne serait rentré en France comme ces anciens chefs qu'en 1954, au moment il ne risquait plus le peloton d'exécution. Ainsi par exemple, des notables d'un très beau château, condamnés à mort par contumace en 1944 et finalement acquittés dix ans plus tard. Et entre temps, qu'ont fait les chefs de la Milice ? Ils ont émigrés dans l'Espagne franquiste qui les a accueilli à bras ouverts. Je me suis procuré une note classée "Secrète" du 2 janvier 1945, provenant du Commissariat spécial de Carcassonne pour les Renseignements généraux :

    Un informateur signale la réorganisation des collaborateurs et miliciens français en Espagne.

    À Figuéras, la Milice est dirigée par un nommé Martin, réfugié d'Alsace-Lorraine, au service des Allemands.

    À Barcelone, les Miliciens Français ont repris leurs activités, leur siège se trouve à l'Hôtel Continental, où actuellement sont groupés 100 miliciens sous les ordres de Peretti della Rocca, ancien sous-préfet, cousin germain de Piétri.

    L'activité des collaborateurs réfugiés en Espagne est très remarquée par Franco, la phalange et les troupes Allemandes.

    Sources

    Archives de l'Aude

    N-O / Août 2015

    J-M Dreyfus

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