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Musique et patrimoine de Carcassonne - Page 388

  • La bataille des grandes surfaces à Carcassonne depuis 1972 (Épilogue)

    Les petits commerces en 1980

    La ville possède 66 magasins d'alimentation générales occupant près de 11 millions de m2 de surface. Parmi eux : 4 supermarchés, 8 supérettes, 5 magasins en libre service, Cité 2 avec une surface d'alimentation de 2000 m2, Monoprix (250 m2). Il n'y a donc pas de besoin car le secteur est hypertrophié. 86,54 % sont des commerçants indépendants qui les gèrent eux-mêmes. 27,83% sont situés en centre-ville et 30% sur la ceinture des boulevards.

    Les hypermarchés en 1982

    À la fin de l'année 1982, Carcassonne compte quatre hypermarchés : Cité 2 (Berriac), Leclerc (Félines), Mammouth (Bourriette) et Champion (Grazailles). Ce dernier appartenait à la SOLADI et avait été construit en mars 1980 en bordure de la route de Villemoustaussou, sur le plateau de Grazailles. On peut évaluer le nombre d'emplois directs générés par ces activités commerciales entre 250 et 300.

    Les objections négatives

    La crainte de la Chambre des métiers de l'Aude et de la Chambre de commerce résultait dans l'effondrement du petit commerce non seulement à Carcassonne, mais également dans tous les villages des alentours. Le chiffre d'affaire de "Mammouth" estimé en 1982 à 19 milliards de francs annuels laissait augurer une perte sèche d'autant, pour l'ensemble des petits commerces du secteur. Par voie de conséquences, le manque à gagner conduirait inexorablement au licenciement d'employés et à la fermeture des magasins. Les chambres consulaires estimaient que 1200 personnes seraient touchées à des degrés divers. La balance entre le gain des créations d'emplois et des licenciements est négative. Leurs prévisions tablaient à terme sur la mort du centre-ville, dans un département en tête déjà à cette époque pour l'équipement en grandes surfaces : 8134 m2 pour 100.000 habitants. Ces chiffres plaçaient l'Aude devant la région parisienne.

    Au nouveau économique, citons M. Leroy (Président de la Chambre des métiers de l'Aude) dans un article du Midi-Libre du 23 mai 1982 :

    "Une grande partie du chiffre d'affaire réalisé par le commerce local est immédiatement injecté dans l'économie du département. Au contraire, celui d'une grande surface n'est pas réinjecté localement : ses fournisseurs ne sont qu'exceptionnellement des entreprises volontaires, et les bénéfices sont rapatriés au siège de la société exploitante et non dépensée sur place."

    Les objections positives

    Du côté des défenseurs de la grande distribution, on rejette la responsabilité des licenciements en évoquant la création de nouveaux emplois. Ils bénéficieront d'abord aux entreprises et sous-traitants du BTP, puis à l'activité elle-même à l'intérieur des hypermarchés. Les promoteurs et les élus mettent en avant la taxe professionnelle dont tirera partie la ville de Carcassonne ; ville ne vivant que du secteur tertiaire. 

    Quel bilan depuis 35 ans ?

    Il suffit de regarder autour de soi pour s'apercevoir que tous les commerces indépendants de type magasin de Bricolage (Marty Bricolage), Droguerie (Cazaniol, Bugnard...), supérettes (Carbasse), primeur (Mayol, Labécède), Quincaillerie (Cuin, Rey), matériaux (Geynes)... ont totalement disparu du paysage Carcassonnais. Ces commerces implantés au centre-ville concourraient à son animation, contrairement aux hypermarchés qui ne participent que faiblement au sponsoring des clubs sportifs. Ces indépendants finançaient le carnaval, la publicité des associations culturelles et sportives. L'argent des grandes surfaces - mis à part peut-être Leclerc qui n'est que sous franchise - n'est pas réinvesti dans l'économie locale ; il part comme l'avait annoncé M. Leroy en 1982 sûrement dans des fonds de pension ou à l'actionnariat boursier. 

    Aujourd'hui si nous faisions le détail des supermarchés sur Carcassonne, nous nous rendrions compte qu'il en pousse presque un de nouveau chaque jour. Le dernier se construit à côté de Géant Casino Salvaza, c'est Lidl. Quant à Auchan avec Rocadest, il va s'implanter bientôt à l'ancien domaine de Moureau ; à deux pas de Cité 2. Une nouvelle friche commerciale est à venir à cet endroit...

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  • La bataille des grandes surfaces à Carcassonne depuis 1972 (Épisode 3)

    Cité 2

    Nous allons voir comment le G.I.E Puech Mary (Groupement d'intérêt Économique) a développé à Carcassonne le tout premier centre commercial de la ville.

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    Ce projet est d'abord né d'une rencontre entre M. Jean Richardis, commerçant Lézignanais en électroménager, et M. Robert Briaut, propriétaire d'un commerce alimentaire nommé SOLADI. La Société Languedocienne de Distribution avait à sa tête trois épiciers de Limoux, Carcassonne et Bram ; respectivement MM. Henri Falcou, Robert Briaut, Marcel Riu. Le siège se trouve 66, rue Antoine Marty à Carcassonne.

    À la fin des années 60, le modèle américain des grandes surfaces émerge en France et fait trembler les petits épiciers. Jean Richardis raconte à Robert Briaut son séjour aux États-Unis durant lequel il a visité les collectifs indépendants ; regroupement de plusieurs commerçants.  Il s'agit de vendre avec beaucoup de stocks sur des marges moins importantes. C'est cette idée qui va germer dans la tête de ces deux hommes entre 1969 et 1970, afin de réaliser une affaire de ce type à Carcassonne.

    Le triumvirat à la tête du futur Conseil d'administration du G.I.E Puech Mary est ainsi constitué : Maurice Gally (Président), Robert Briaut (Vice-président) et Jean Richardis (Trésorier). Ce dernier est chargé de monter le financement de l'opération grâce aux aides de la Caisse des marchés d'état, sise rue du 4 septembre à Paris. Le but était de préserver le commerce de Carcassonne pendant 7 ans. Le G.I.E est enregistré le 24 avril 1971 au registre du commerce pour une durée de 20 ans, avec un capital de 5200 francs. Son siège est dans les locaux de la SOLADI.

    La construction

    Le permis de construire est délivré le 7 juin 1971, après l'achat de plusieurs terres agricoles en dehors de la ville appartenant à différents propriétaires. À cette époque, les fondateurs ont été jugés comme irresponsables d'aller bâtir un commerce si éloigné de la ville. L'avenir leur a donné raison, puisque l'autoroute A61 (construite en 1979) et la rocade sud (en 1980) renforceront cette zone dans l'axe de la RN 113. Le chantier de 12 000 m2 est confié à l'entreprise Escourrou. La première est posée le 13 octobre 1971 en présence du préfet de l'Aude, du maire, du président de la Chambre de Commerce et du directeur de la CNME. L'investissement collectif aura coûté au total près de 13 millions de nouveaux francs. L'inauguration a lieu le 2 mai 1972.

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    Le magasin

    À l'intérieur, ce sont 33 commerçants indépendants qui occupent l'ensemble de la surface de vente. Parmi eux, on peut citer : Gally (libraire), Noubel (Meubles), SOLADI (Alimentation), Laffargue (Sport), Cazaniol (Droguerie), Montsarrat (Luminaires), Guilhem (Téléviseurs et radio), une banque, un auto-center, coiffeur, tabac, fleurs... Une cafétéria (Le maillon) dirigée par M. Fraisse est exploitée par la Société hôtelière Cité 2 créée en mai 1972. Elle distribue également 1500 repas aux collectivités.

    Pour la première année, le loyer moyen au m2 est d'environ 150,00 francs H.T. 

    Alligator. Groupe Jobino en 1980. Jean-Paul Cals, Georges Vasse, Stéphane Tutin, Philippe Abizanda.jpg

    Le groupe Jobino à l'Alligator en 1980

    Une salle de décompression accueillait les expositions et les soldes, mais afin de la rentabiliser elle fut transformée et exploitée en discothèque. D'abord, ce fut "Le carignan" puis "l'Alligator", géré par Louis Gleizes qui aujourd'hui veille sur le restaurant L'escalier, boulevard Omer Sarraut.

    La direction

    Le Conseil de surveillance engagea d'abord comme directeur M. Xavier Verley. Puis... un homme du Béarn fit le voyage jusqu'à Carcassonne pour répondre à l'annonce. C'était Bernard Péré-Lahaille qui n'est jamais reparti et a remplacé le directeur nommé.

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    © Christophe Barreau

    Bernard Péré-Lahaille (1948-2011) fut aussi le fondateur d'UCCOAR

    La crise

    "Cité 2" fête du 29 avril au 7 mai l'anniversaire de ses cinq ans. C'est l'occasion de dresser dans la presse un bilan de cette période ; elle a permis faire quadrupler le chiffre d'affaire. Tout les voyants sont au vert et le magasin emploie près de 100 personnes. Il n'a aucune concurrence, mais la donne va bientôt changer avec la construction de l'hypermarché "Leclerc" à Félines en 1978 et de "Mammouth" à la Bourrette en 1981. À cela il faut ajouter, la crise économique qui n'épargne pas Carcassonne.

    Cité 2 a besoin à la fin des années 70 de se restructurer d'urgence pour faire face à de nouveaux enjeux mettant en péril sa survie ; quitte à renoncer à quelques principes. Le G.I.E dépose un nouveau permis de construire en 1980 afin de s'agrandir. La demande porte sur la modification des façades et de leurs coloris ; une suppression d'exploitation de la mezzanine laquelle sera démolie alors que 500 m2 de locaux techniques seront construits à l'arrière du bâtiment.

    On fait valoir l'exiguïté de la surface de vente consacrée à l'alimentation (2500 m2) par rapport à la surface totale (12.000 m2) qu'il souhaite élargir ; la trop grande importance donnée aux indépendants qui occupent 50% de la surface de vente ; l'entente de non concurrence entre les commerçants qui interdit à l'alimentaire de pratiquer une politique de prix agressive. Autre argument de poids, la direction indique qu'elle se séparera de 40 employés si elle ne peut obtenir d'autorisation d'agrandissement, à cause de charges trop élevées. En revanche, elle embauchera 50 employés supplémentaires dans le cas inverse.

    La Chambre des métiers de l'Aude vote dans un premier temps en défaveur de l'extension, le 29 avril 1980. Elle considère qu'elle ne sera qu'au seul bénéfice de la SOLADI qui triplerait ainsi sa surface consacrée à l'alimentaire. Cité 2 finira par obtenir son permis de construire en 1982 ; "Mammouth" lui intente un procès pour le faire annuler en octobre 1982 estimant que la SOLADI n'a pas le doit d'étendre sa surface de libre service dans la mesure où la commission d'urbanisme n'a pas été consultée.

    La fin de Cité 2

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    Au milieu des années 80, la G.I.E dépose les armes et vend Cité 2 à l'enseigne Euromarché. En 1989, la société Rallye rachète Disque bleu (5 milliards de Francs de C.A) qui détient 7 Euromarché en France dont celui de Carcassonne. En 1995, c'est le groupe Casino qui gobe Rallye et qui s'installe désormais à Géant Casino Cité 2. Après 43 ans, le nom de Cité 2 règne encore à Carcassonne.

    Sources

    Merci à MM. Richardis et Gally pour leurs souvenirs

    Merci à Jacques Blanco pour son concours

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  • La bataille des grandes surfaces à Carcassonne depuis 1972 (Épisode 2)

    Le centre commercial E. Leclerc

    La société T.P.L.M représentée par M. Philippe Boissonade obtient un permis de construire le 6 avril 1977 pour la construction d'un magasin de grande surface destiné "à la vente de biens d'équipement de la maison et de tout autre produit". Des réserves accompagnant cette première autorisation, un permis modificatif officialisant les rectifications apportées au projet par M. Boissonade est entériné le 27 octobre. La grande surface est à ce moment-là en cours de construction à la zone de Félines, en bordure de la RN 113.

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    Le 8 décembre 1977, lors de l'assemblée générale de la Chambre de commerce, M. Denjean (commerçant de Carcassonne) évoque le caractère dangereux de l'accès au futur magasin. En effet, il faut couper la RN 113 pour se rendre à la zone de Félines et rien n'est  aménagé pour garantir la sécurité des automobilistes. Il semble que les opposants (CCI et Chambre des métiers de l'Aude) ont trouvé un angle d'attaque pour surseoir à l'ouverture prévue pour le 15 janvier 1978.

    Coup de théâtre

    Le 19 décembre 1977, le préfet de l'Aude prend la décision du report du permis de construire pour le secteur de l'alimentation. Le motif est le suivant : "à l'occasion de l'ouverture du magasin il est apparu que sa destination était tout autre que celle initialement prévue dans la mesure où la vente de denrée alimentaires constituait l'activité principale. Ce type de commerce entraînant une clientèle et un trafic important ; un motif de sécurité publique commandait le retrait du permis de construire." Le 27 décembre M. Boissonade engage un recours devant le tribunal administratif de Montpellier, afin de faire annuler cette décision.

    Edouard Leclerc passe en force

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    P. Boissonade, Édouard et Michel-Édouard Leclerc à Carcassonne

     Fou de rage contre la préfecture, Édouard Leclerc écrit au Président de la République, Valéry Giscard d'Estaing, pour protester contre une décision qu'il juge inique et dirigée uniquement contre son enseigne. Il prévient qu'il passera en force, que l'ouverture de l'alimentation et l'inauguration se feront bien à la date prévue, soit le 1er février 1978. Les bâtiments sont achevés et les marchandises commandées. De son côté, le préfet prend des mesures strictes de sécurité et saisi le juge pénal. M. Boissonade refuse d'engager les frais pour réaliser un tunnel ou une bretelle d'accès à son magasin. Des négociations sont en cours mais n'aboutissent pas début février. Le centre E. Leclerc ouvrira bel et bien le 1er février, malgré les interdictions. 

    Parmi les soutiens, le magasin Leclerc peut compter sur la CSCV (Confédération Syndicale du Cadre de Vie) qui déclare par la voix de M. Albérola qu'une grande partie des employés licenciés des établissements Castans serait embauché par la grande surface. 

    La revanche des opposants

    La demande d'agrandissement du centre Leclerc sera refusée le 28 novembre 1979 par la Chambre des métiers de l'Aude, comme par la Commission départementale d'urbanisme le 7 novembre 1979.

    Voici ses conclusions

    L'analyse démontre que le projet d'extension du Centre Leclerc

    1. Va à l'encontre des objectifs de développement équilibré des quartiers et des communes périphériques de Carcassonne, et défavorise l'animation de ceux-ci en freinant et en supprimant leur développement économique.

    2. Met en péril le maintien des entreprises commerciales et artisanales de ces villages et concurrence fortement les commerces du centre-ville

    3. Ne peut que contribuer à accentuer le sur-équipement commercial et artisanal de l'agglomération carcassonnaise par rapport au nombre de ses habitants

    4. Constate que la Société Anonyme T.P.L.M Centre Leclerc essaye, en l'occurence de "forcer la main" de la Commission départementale d'urbanisme commercial, en présentant un projet à étapes dont la première n'a pas exigé son avis, et dont la deuxième peut apparaître comme négligeable, ce qui laisse à penser que la troisième prendra une tout autre dimension.

    Un article visionnaire 

    Carcassonne serait-elle devenue la cible des promoteurs de grandes surfaces ? On annonce ici et là un Carrefour, un Mammouth, l'extension du Centre Leclerc et un hypermarché à Grazailles (Champion). "Champion" dont le secteur alimentaire sera géré par la SOLADI aura 1500 m2, une extension d'environ 400 m2 a été demandée et sera certainement acceptée car elle concernera uniquement des commerces d'appoint (pressing par exemple). L'extension du centre Leclerc a été refusée par un vote qui a donné les résultats suivants : 17 voix contre, 1 pour et une abstention.

    M. Lecorre projette l'ouverture d'un "Carrefour", une demande a été déposée mais le projet n'est pas encore venu en discussion devant la Commission départementale et bien malin qui peut connaître l'issue. La loi Roger qui est le garde fou à l'implantation sauvage de ce type de commerce, prévoit en cas de rejet un recours devant la commission nationale et en dernier lieu l'avis du ministre. La procédure peut prendre des mois... et ne jamais aboutir.

    Pour Mammouth, une demande est à la préfecture depuis trois jours/ MM. Talmier et Bonnafous n'ont pas encore étudié le projet. La Chambre de Commerce défend les intérêts locaux et l'on peut-être sûr que tout sera mis en oeuvre dans ce sens.

    Le Midi-Libre / 3 novembre 1979

    Ce Centre Leclerc sera ravagé par un incendie criminel en 1984. Il a été reconstruit, un peu plus loin, en bordure de la rocade ouest.

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