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Musique et patrimoine de Carcassonne - Page 365

  • Quand les mineurs de Salsigne firent le siège de la Préfecture de l'Aude

    Nous sommes le 1er avril 1992...  Au bout de 83 jours de siège devant la préfecture de l'Aude, abrités seulement par des tentes de 24m2 dans le froid de l'hiver et ravitaillés grâce au soutien des Carcassonnais, les mineurs de Salsigne sont délogés par les C.R.S. Que pouvait-on raisonnablement reprocher aux gueules noires extractrices du minerai aurifère, à ces poumons condamnés par l'arsenic et le bismuth ? L'état n'a eu ces jours-là qu'un seul mot après un siècle de bons et loyaux services : "On vous a assez vus". Il n'a offert pour solde de tout compte avec quelques élus locaux de gauche, devenus subitement silencieux car dans la majorité présidentielle : la force publique. Ils n'ont pas voulu se souvenir que dans les familles de ces mineurs, minés par l'âpreté de la tâche, des pères et des oncles sont inscrits au monument du Maquis de Trassanel. Oui, Salsigne a sauvé des juifs étrangers de la déportation ! Oui, la vallée de l'Orbiel a donné son sang pour la France ! Que Félix Roquefort et l'abbé Gau m'en soient témoins de là-haut.

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    © Alain Charles

    Alors que la mine d'or de Salsigne exploitée depuis 1892 emploie 1200 personnes en 1936, elle ne compte plus que 380 salariés au moment du conflit de 1992. Elle extrait 500 000 tonnes de minerai par an pour 2 tonnes d'or. Déjà en 1953, un conflit social porté par 108 mineurs et soutenu par deux députés dont Félix Roquefort, avait rassemblé plus de 2000 personnes dans Carcassonne. La fermeture de la mine l'année suivante entérinait le licenciement de 1200 personnes, avant sa réouverture en 1955.

    Restez chez vous

    Depuis 1983, de vives inquiétudes de la part des mineurs planaient sur l’avenir du site. Après le passage de la mine aux mains de BRGM (S.A), l'endettement enregistre un passif de 400 000 millions de francs (60 millions d'euros). En décembre 1991, les cadres annoncent aux mineurs qu’ils doivent rester chez eux car il n’y a plus de sous. Les mineurs décident de passer à l’action en portant le conflit dans les rues de Carcassonne.

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    Les mineurs défilent sur le boulevard O. Sarraut

    Le gouvernement joue la montre et le préfet Victor Convert devient rapidement la cible des manifestants qui exigent des garanties pour leurs camarades

    Le Préfet de l'Aude, M. Victor Convert, a décidé de reporter sine die la prochaine séance de négociations entre l'Etat et les syndicats des mineurs de Salsigne. Pour expliquer sa décision, il affirme avoir été menacé, notamment par deux lettres piégées déposées à la préfecture de Carcassonne. Des actes qu'il attribue sans hésitation aux travailleurs de la Compagnie des mines de Salsigne, mise en liquidation, en se basant sur un seul indice, une lettre de revendication signée «Salsigne». Ces négociations portent sur la mise en place d'un plan social. (L'Humanité / 9 mars 92)

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    Les mineurs obtiennent du tribunal de commerce, un congé de conversion de dix mois leur permettant d’être payés tout en continuant leur mouvement. Un rocher est placé sur le boulevard puis dégagé par la force publique. Chésa fera voter une délibération du Conseil municipal à la demande des ouvriers pour installer un nouveau rocher ; une concession est accordée aux mineurs. Ce sera le rocher de la lutte.

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    © chroniques de Carcassonne

    Le conflit s’arrête en avril 1992 et Salsigne est partagé en trois : La mine, la SEPS, SNC Lastours ; la mine ensuite passe à ELTIN (groupe Australien). Le vendredi 2 juillet 2004, la mine d'or de la vallée de l'Oriel ferme définitivement, juste quelques employés restent jusqu'en décembre afin de procéder au démantèlement. Personne n'a voulu réindustrialiser  la vallée de l'Orbiel ; 171 personnes sont devenues des chômeurs. L'exploitant réalisait en 2003 un chiffre d'affaire de 18 millions d'euros. Si en 1992, le kg d'or se négociait autour de 50 000 francs (7000 euros), aujourd'hui il est de 40 000 euros. Pas rentable ?

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    © Tous droits réservés/ Musique et patrimoine/ 2015

  • La villa de la Gestapo de Carcassonne, un an après...

    Au mois d'octobre 2014, la nouvelle municipalité de Gérard Larrat décidait de ne pas racheter la maison occupée entre 1942 et 1944 par le SD (Gestapo) au bailleur social Habitat Audois. Ce dernier devait la raser afin d'y construire des logements sociaux ; j'étais alors intervenu en juin 2013 auprès de la municipalité Pérez, afin de tenter de faire capoter ce projet qui allait sacrifier la mémoire de la Résistance pour satisfaire les appétits immobiliers. Les témoignages écrits racontant un possible charnier dans le jardin de la villa, eurent pour conséquence de retarder et d'embarrasser les acteurs du dossier. Le préfet fit stopper le permis de démolir et la ville fit procéder à des fouilles par l'INRAP. 

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    Voici le rapport de fouilles publié par la DRAC

    Novembre 1942, l’armée allemande franchit la ligne de démarcation et envahit la zone libre. Les troupes de la Weirmarch s’installent à Carcassonne le 27. L’occupant réquisitionne la propriété du 67 avenue Franklin Roosevelt (Route de Toulouse à l’époque des évènements) qui deviendra le siège des services de renseignements du SD Sicherheitsdienst. Pour les Carcassonnais et surtout pour les résistants audois, ce lieu va devenir « la maison Gestapo » où l’on va pendant un peu moins de deux ans organiser la répression : séquestrations, interrogatoires, tortures et, à de nombreuses reprises, déportations vers les camps de la mort ou éliminations des femmes et hommes soupçonnés de participer à la résistance.

    Après la libération se posera la question des disparus. Lors des procès des principaux responsables du SD de Carcassonne (à Carcassonne en 1944 et à Bordeaux en 1953), aucune lumière ne sera faite sur la localisation des dépouilles des résistant(e)s disparu(e)s. Il paraissait dés lors indispensable en préalable au début des travaux d’aménagement, de vérifier si les tortionnaires du SD Sicherheitsdenst avaient pu creuser un charnier dans le grand parc situé au sud de la maison.

    La totalité des excavations que nous avons pratiquées sont restées muettes de tous vestiges archéologiques stricto-sensu ainsi que de toutes traces du passage du sinistre SD Sicherheitsdienst. Il est rare pour les archéologues de se voir confier des missions relevant à la fois d’un événement aussi précis et touchant à un passé récent et d’autant plus tragique. Nous avons conscience toutefois qu’une archéologie du temps présent voit le jour ces dernières années au gré des évènements dramatiques qui se déroulent aux quatre coins de la planète. Des méthodes d’approche telles que la photo aérienne ou l’Anthropologie physique ont récemment été utilisées en Bosnie-Herzégovine à la fois pour repérer les charniers dans la région de Srebrenica, mais aussi pour aider à l’identification des victimes.

    Nous avons eu le sentiment dans ce contexte de mettre humblement notre savoir faire professionnel à la disposition d’une mission relevant plus de la conscience citoyenne que de la recherche archéologique. Malgré l’échec de nos investigations, le soin qui a été apporté à la recherche des disparu(e)s de « la Maison Gestapo » de Carcassonne, rappelle à toutes et tous l’engagement de ces résistantes et résistants audois, de ces républicains espagnols qui ont donné leurs vies pour la liberté de tous... 

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      La villa rasée en février 2015

     Je vous laisse apprécier la phrase "Il paraissait dès lors indispensable en préalable..." qui  donne finalement raison à mon entreprise pour la recherche de la vérité historique. Chose qu'a foulée du pied l'ensemble des acteurs administratifs de la ville, puisque les témoignages manuscrits sur ce charnier avaient été déjà envoyés par l'association des riverains de la route de Toulouse en août 2009. À cette époque, personne en mairie n'a semble t-il voulu leur donner d'importance. Il y a eu faute ; mais de qui ? 

    Au bout d'un combat médiatique solitaire et épuisant, j'arrivais à convaincre de haute lutte le maire d'alors qui décidait in-fine de la conserver et de l'aménager en Maison des Droits de l'homme. 

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    © La dépêche

    La villa avant sa destruction 

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    Aspect du site en octobre 2015

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    Les logements seront bientôt prêt à accueillir les nouveaux locataires

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    Une vue depuis l'arrière de l'ancien jardin 

    Nous espérons qu'une plaque rappellera bientôt aux Carcassonnais ce lieu de la barbarie nazie en hommage à tous les patriotes qui y ont été torturés. C'est le devoir moral du bailleur social Habitat Audois.

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  • Ginette Lauer (1914-2001), mécène et femme de lettres

    Après une conférence de René Nelli sur Joë Bousquet en 1961 dans la salle des fêtes de la mairie, le journaliste du Midi-Libre acheva son article par cette phrase 

    "Il faut remercier la Société des Belles Conférences et féliciter Madame Ginette Lauer de maintenir à Carcassonne une certaine primauté des valeurs de l'esprit. De nos jours, il faut sauver l'intelligence."

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    Née en novembre 1914 - seulement quelques mois après le début de la Grande guerre - Ginette Lauer épouse ensuite Jacques-Ernest Lauer, le dernier représentant de la brasserie Fritz Lauer fondée au XIXe siècle dans le quartier de la Trivalle. Cette femme cultivée et élégante - lauréate à 16 ans des Jeux floraux de poésie - fut des nombreux visiteurs de la chambre de Joë Bousquet, après s'être occupée bénévolement de la bibliothèque municipale avant guerre. Elle s'investit ensuite pleinement dans les domaines artistiques, à la fin des années 1950. A t-on oublié qu'elle fut à l'origine de la création du Festival de la Cité, dont elle assurait la gestion administrative aux côtés de Jean Deschamps ? Le compagnon de route de Jean Vilar participa avec Henri Castella et  Clément Cartier à l'ouverture de Fontgrande, au pied de la Cité. Ce domaine - propriété actuelle de Christine Pujol - avait été acquis par Ginette Lauer ; il fut le lieu d'exposition et de concerts de nombreux artistes. Parmi eux, le jeune débutant Henri Gougaud animait de ses textes et avec sa guitare quelques soirées.

    Portons au crédit de Madame Lauer son dévouement au sein des Jeunesses Musicales de France avec Robert Meynard et Louis Signoles.

    La galerie Mistral

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    © chroniques de Carcassonne

    La librairie de la Cité vers 1990

    Vers 1957, Ginette Lauer rachète la librairie de la Cité - rue G. Clémenceau - à Vitalis Cros.  La vente de livres est conservée au rez-de-chaussée et une galerie d'art s'implante au premier étage dans un cadre feutré. L'accès se fait depuis la rue Frédéric Mistral dont elle empruntera le nom. On se souviendra de Charles Castres, le charismatique vendeur de cette librairie.

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    Jean Cau dédicace "La pitié de Dieu" (Prix Goncourt), à la librairie Mistral en 1961

    Le 28 avril 1961, la galerie est inaugurée après son agrandissement et sa rénovation. Tout a été repensé : éclairage, suspensions par chaînettes à crémaillères, meubles de style... Jean Deschamps et Henry de Monfreid honorent de leurs présences cet évènement. Les oeuvres de Georges Artemoff sont en vedette, ce jour-là.

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    Exposition Gérard Calvet en février 1962

    Au centre, le poète Jean Lebrau entouré de Ramon Marti et de Gérard Calvet

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    Exposition Toulouse-Lautrec et Tiné

    À gauche, M. Hussenot, le mari de Tiné, parle à un groupe de jeunes des sculptures de sa femme. Accrochées au mur, les toiles abstraites de Lautrec.

    La galerie Mistral exposa des peintures, tapisseries, dessins, lithographies et céramiques. Parmi les peintres de renom : Pierre Palué, Desnoyers, Brayer, Lhotte, Simone Oddou, Camoin, Lotiron et Gromaire, Max Savy, Declaux, Bardou, De Galkeim. Ajoutons les gravures sur bois de Jean Camberoque et la céramique de Saint-Avit. Bien entendu, les visiteurs pouvaient acquérir des oeuvres pour un prix allant de 12000 à 15000 nouveaux francs.

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    © Charles Camberoque

    Gravure sur bois de J. Camberoque

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    Exposition Moussia de Saint-Avit (1961)

    Moussia s'entretient avec M. Jules Fil (Maire de Carcassonne) accompagné par son épouse. À gauche, M. Joulia (adjoint au maire)

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    Armand Meffre, peintre et acteur

    Ginette Lauer s'éteint à l'âge de 87 ans en novembre 2001 à Saint-Didier (Vaucluse). Nous espérons par cet hommage que de nombreux Carcassonnais se souviendront et que d'autres, connaîtront désormais le nom de cet illustre femme d'esprit.

    Merci à sa fille Bénédicte pour l'ensemble de ses archives

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