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Musique et patrimoine de Carcassonne - Page 364

  • Enquête sur le commerce de la Bastide, il y a 25 ans...

    Il y a 25 ans en arrière - c'est-à-dire en l'an de grâce 1990 - la Bastide Saint-Louis comptait 450 entreprises commerciales et artisanales dans lesquelles travaillaient plus de 2000 personnes.

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    La rue piétonne en 1989

    Ces chiffres étaient restés stables depuis le début des années 80 et même avaient enregistré, une augmentation de 49 entreprises entre 1988 et 1989. Le président de l'Union des commerçants, M. René Bourrel, indiquait alors :

    "Ce qui donne une image négative, c'est ce nombre impressionnant de locaux commerciaux qui restent fermés pendant plusieurs mois avant de changer de propriétaires. Environ 20 % des commerces changent de propriétaires d'année en années."

    À cette époque, on distingue trois types de commerces :

    Les instables 

    Ils ne passent pas le cap des trois ans

     Les valeurs sûres 

    ils sont implantés depuis des générations. Parmi eux, Soueix (photographe), Embry (Primeurs), Bénédetti (Mercerie), Selon (parfumerie), Millet (bijouterie), Journet-Montsarrat (Luminaires), Breithaupt (Librairie), Crouzet (Vêtements), Galy (Librairie), Daraud (Disquaire), Galy (Chausseur), Bergèse (Café), Malleville, Olive (tailleur), Robert, Sarcos (pharmacien), Perxachs (chausseur), Charles et Lizon (parfumeur)...

    Les franchisés 

    Apparus au début des années 80, ils représentent un tiers des commerces de la Bastide. Pour René Bourrel, ils représentent : la grande révolution commerciale des trente dernières années ; tout ce qui était commerce lourd a disparu du centre ville en moins de vingt-cinq ans." Les marchands de meubles comme Périssé ou Atal ont émigré vers les zones en périphérie ; il en sera de même pour Rey 113, Citroën... En 1990, il ne reste que quatre magasins d'alimentation générale, sur dix-neuf après la Seconde guerre mondiale. Seule l'épicerie fine avec trois boutiques fait mieux que résister.

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    Union des Commerçants : Noël 1991

     État général

    En 1990, les vitrines ont pris des couleurs, comme les façades, rénovées à 80%. Le président de l'U.C.A note que le centre-ville attire une clientèle différente que celle des grandes surfaces ; que le nombre de clients stagne alors que le chiffre d'affaire augmente.

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    "C'est le fait de tous les centres-villes d'agglomérations moyennes qui sont tournés vers le haut de gamme [...] Nous avons trouvé un créneau différent et tendons vers davantage de professionnalisme. Depuis cinq ans, tous ceux qui s'installent se renseignent auprès des chambres consulaires, utilisent des études de marché. C'est fini le temps du hasard."

    On craint à cette époque le retour à la concurrence avec des magasins de 400 à 800 m2 spécialisés tels que Chaussland ou Fly, avec le bénéfice du stationnement. 

    "C'est la faute à Saint-Louis. Nous avons fait des études car nos clients veulent se garer dans la vieille ville, mais je crois que ces mêmes clients sont attachés au centre-ville."

    Il y a des commerçants implantés en ville et grande surface ; ils constatent des différences de comportements chez les clients selon les deux endroits.

    "L'atmosphère de convivialité, le lèche-vitrines, le fait de marcher dans la rue et non dans un lieu fermé contrebalancent les avantages de la structure commerciale lourde."

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    © Tous droits réservés/ Musique et patrimoine/ 2015

  • Vitalis Cros (1913-1999) : résistant, préfet et écrivain

    Vitalis Cros naît le 13 octobre 1913 à Villeneuve-Minervois dans une famille agnostique profondément ancrée dans l'histoire, les traditions et la culture de ce département. À tel point qu'il est d'usage d'attribuer aux enfants mâles, des prénoms issus des générations précédentes. Vitalis est hérité ainsi de son grand-père qui le tenait déjà du sien...etc. Que dire alors du prénom de son père, Vercingétorix ? Cet homme à la stature inébranlable, revient de la Grande guerre très sérieusement blessé, au point d'en garder un lourd handicap. Il est marié avec Juliette Durand qui tiendra plus tard un kiosque à journaux, puis la librairie Hachette dans Carcassonne qui deviendra le lieu de rendez-vous des premiers résistants.

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    Vitalis Cros fait ses études au lycée de Carcassonne, puis étudie le droit à Toulouse. Une fois diplômé, il s'inscrit au barreau de cette ville et se destine au Conseil d'État. Au moment de l'armistice, cet objectif s'est éloigné avec l'obligation de prêter serment à Pétain. Il entre alors dans la clandestinité et l'opposition farouche au pouvoir de Vichy.

    Le résistant

    À bord de sa camionette 202 qui - bricolée par ami - fonctionne à l'alcool, il use de sa fonction de dépositaire de presse et devient agent de liaison entre les maquis de la région et au-delà : Montpellier, Toulouse, Clermont-Ferrand.

    Notes de V. Cros extraite de son journal de bord

    " 1940 : C'est la débandade - Rentré à Carcassonne, je ne trouve que des gens soulagés... avec deux millions de prisonniers ! J... et G... que j'ai revus, sont effondrés. Je sens la pourriture nous envahir. Il faudrait adorer ce que nous avons brûlé. Et on commence à nous parler de Révolution nationale ! Dans un pays occupé par l'ennemi ! De qui se fout-on ? Autour de nous beaucoup font comme si le destin de la France était d'être ce qu'elle est aujourd'hui, c'est-à-dire ne pas être.

    "Fin 1941 - J'ai arrêté ces notes parce qu'il est impossible de faire le point, mais on sait où on va : La guerre avec la Russie se traduit pour l'Allemagne par de véritables annexions (Ukraine, Pologne...) et en France occupée tout est désormais très clair (en octobre massacre de Châteaubriant, déportation de patriotes). Que se passe t-il en Alsace-Lorraine ? On voit passer ici des tas de gens, et pas seulement des juifs, qui fuient la barbarie. Tout cela est trop significatif pour qu'on ait la moindre hésitation."

    "Le rapprochement avec l'Angleterre et l'Amérique se poursuit de façon irréversible. Le coup récent de Pearl Harbor semble avoir réglé la question du côté américain. Mais ils mettent du temps et ce la reste préoccupant. William Bullitt est toujours ambassadeur à Vichy. Alors quoi ?

    Des tracts de zone occupée arrivent péniblement en zone non occupée. Une nommée Mme Nadel a fait passer par Dewoitine (Primo Combino, ndlr), des journaux véritables : Défense de la France.

    Vitalis Cros cache son journal près de la chaudière de sa maison de Villeneuve-Minervois et de temps en temps y rédige quelques notes. Comme celle-ci où des néo-résistants se rassemblèrent à la statue de Barbès à Carcassonne le 14 juillet 1942.

    Je veux signaler une manifestation nombreuse à Barbès, organisée par Picolo. Je n'ai su la chose qu'après coup, j'étais à Toulouse, le 14 juillet. Petit cénacle le 16 à la maison. (P.R.A.B.M.S.D.F.G.H).

    Il s'agit des noms suivants que Cros a bien sûr voulu protéger : Picolo, Roubaud, Amiel, B, Merlane, Sable, Daraud, Fourès, Gout, Hidoux). Vitalis Cros est convaincu que l'anéantissement de nazisme ne peut passer que par l'action de réseaux structurés. Il se bat contre l'idée qu'il faille attendre des libérateurs étrangers.

    Le préfet 

     vitalis cros

    © Wikipédia

    Le gouvernement provisoire de la République Française lui demande en juillet 1944 d'administrer la sous-préfecture de Narbonne. Il entre en fonction au moment de la libération de la ville, le 22 août 1944 et y restera jusqu'au 15 mars 1954. Au début de l'année 1957, il devient à Paris chef de cabinet de Georges Guille - ancien résistant audois - alors secrétaire d'état à la présidence du Conseil. Le 11 mars 1958, il est nommé préfet de l'Aude puis, un an après, préfet des Ardennes. 

    À Alger...

    De novembre 1961 à juillet 1962, Vitalis Cros occupe les difficiles fonctions de préfet d'Alger. Il doit faire régner l'ordre dans une période où les attentats sont quotidiens entre le F.L.N et l'O.A.S. Le plus sanglant est sûrement celui de la rue d'isly en mars 1962 qui fit 67 morts et près de 200 blessés, dans lequel l'armée a ouvert le feu pour faire respecter l'interdiction de manifester contre la décolonisation.

    vitalis cros

    La fusillade à la Grande poste d'Alger

    "La population du grand Alger est mise en garde contre les mots d’ordre de manifestation mis en circulation par l’organisation séditieuse. Après les événements de Bab-El-Oued, il est clair que les mots d’ordre de ce genre ont un caractère insurrectionnel évident. Il est formellement rappelé à la population que les manifestations sur la voie publique sont interdites. Les forces du maintien de l’ordre les disperseront, le cas échéant, avec toute la fermeté nécessaire. (Vitalis Cros)"

    Du côté de l'état, on indique qu'un provocateur a tiré les premières salves et que les gendarmes n'ont fait que riposter ensuite aux émeutiers. Cette thèse est battue en brèche par les défenseurs de l'O.A.S, partisans de l'Algérie française. 

    Villeneuve-Minervois

    Vitalis Cros est maire de son village natal entre 1971 et 1983 et se présente aux élections législatives de 1973 pour succéder à son ami G. Guille, élu S.F.I.O. Il est battu par le candidat socialiste Antoine Gayraud et aussi, pour son soutien à Georges Pompidou. Vitalis Cros est décédé le 6 avril 1999 à La Redorte.

    vitalis cros

    Le complexe Vitalis Cros est inauguré en Juillet 2005

     L'écrivain

    vitalis cros

    Vitalis Cros est l'auteur de plusieurs ouvrages remarquables dont "Le temps de la violence" sur les événements d'Alger et leur justification ; "Le mal du siècle"; "La liberté colonisée" explique que la police n'est pas un frein aux libertés, mais au contraire vise à les maintenir ; "La liberté" pour lequel il obtient le Grand prix de l'Académie française en 1986 ; "L'Homme et l'utopie"... 

    vitalis cros

    Raymond Chésa reçoit Vitalis Cros en 1985

     Sources

    La résistance audoise / Lucien Maury / 1980

    Radioscopie / Jacques Chancel / 1975

    Wikipédia

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  • Quand les mineurs de Salsigne firent le siège de la Préfecture de l'Aude

    Nous sommes le 1er avril 1992...  Au bout de 83 jours de siège devant la préfecture de l'Aude, abrités seulement par des tentes de 24m2 dans le froid de l'hiver et ravitaillés grâce au soutien des Carcassonnais, les mineurs de Salsigne sont délogés par les C.R.S. Que pouvait-on raisonnablement reprocher aux gueules noires extractrices du minerai aurifère, à ces poumons condamnés par l'arsenic et le bismuth ? L'état n'a eu ces jours-là qu'un seul mot après un siècle de bons et loyaux services : "On vous a assez vus". Il n'a offert pour solde de tout compte avec quelques élus locaux de gauche, devenus subitement silencieux car dans la majorité présidentielle : la force publique. Ils n'ont pas voulu se souvenir que dans les familles de ces mineurs, minés par l'âpreté de la tâche, des pères et des oncles sont inscrits au monument du Maquis de Trassanel. Oui, Salsigne a sauvé des juifs étrangers de la déportation ! Oui, la vallée de l'Orbiel a donné son sang pour la France ! Que Félix Roquefort et l'abbé Gau m'en soient témoins de là-haut.

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    © Alain Charles

    Alors que la mine d'or de Salsigne exploitée depuis 1892 emploie 1200 personnes en 1936, elle ne compte plus que 380 salariés au moment du conflit de 1992. Elle extrait 500 000 tonnes de minerai par an pour 2 tonnes d'or. Déjà en 1953, un conflit social porté par 108 mineurs et soutenu par deux députés dont Félix Roquefort, avait rassemblé plus de 2000 personnes dans Carcassonne. La fermeture de la mine l'année suivante entérinait le licenciement de 1200 personnes, avant sa réouverture en 1955.

    Restez chez vous

    Depuis 1983, de vives inquiétudes de la part des mineurs planaient sur l’avenir du site. Après le passage de la mine aux mains de BRGM (S.A), l'endettement enregistre un passif de 400 000 millions de francs (60 millions d'euros). En décembre 1991, les cadres annoncent aux mineurs qu’ils doivent rester chez eux car il n’y a plus de sous. Les mineurs décident de passer à l’action en portant le conflit dans les rues de Carcassonne.

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    Les mineurs défilent sur le boulevard O. Sarraut

    Le gouvernement joue la montre et le préfet Victor Convert devient rapidement la cible des manifestants qui exigent des garanties pour leurs camarades

    Le Préfet de l'Aude, M. Victor Convert, a décidé de reporter sine die la prochaine séance de négociations entre l'Etat et les syndicats des mineurs de Salsigne. Pour expliquer sa décision, il affirme avoir été menacé, notamment par deux lettres piégées déposées à la préfecture de Carcassonne. Des actes qu'il attribue sans hésitation aux travailleurs de la Compagnie des mines de Salsigne, mise en liquidation, en se basant sur un seul indice, une lettre de revendication signée «Salsigne». Ces négociations portent sur la mise en place d'un plan social. (L'Humanité / 9 mars 92)

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    Les mineurs obtiennent du tribunal de commerce, un congé de conversion de dix mois leur permettant d’être payés tout en continuant leur mouvement. Un rocher est placé sur le boulevard puis dégagé par la force publique. Chésa fera voter une délibération du Conseil municipal à la demande des ouvriers pour installer un nouveau rocher ; une concession est accordée aux mineurs. Ce sera le rocher de la lutte.

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    © chroniques de Carcassonne

    Le conflit s’arrête en avril 1992 et Salsigne est partagé en trois : La mine, la SEPS, SNC Lastours ; la mine ensuite passe à ELTIN (groupe Australien). Le vendredi 2 juillet 2004, la mine d'or de la vallée de l'Oriel ferme définitivement, juste quelques employés restent jusqu'en décembre afin de procéder au démantèlement. Personne n'a voulu réindustrialiser  la vallée de l'Orbiel ; 171 personnes sont devenues des chômeurs. L'exploitant réalisait en 2003 un chiffre d'affaire de 18 millions d'euros. Si en 1992, le kg d'or se négociait autour de 50 000 francs (7000 euros), aujourd'hui il est de 40 000 euros. Pas rentable ?

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