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Musique et patrimoine de Carcassonne - Page 4

  • Henri Castella (1921-2001), un grand architecte

    Henri François Castella naît le 13 décembre 1921 dans le quartier populaire des Capucins où son père exerce la profession de tonnelier. Originaire de Barcelone, Marius Castella (1895-1969) émigra en France – comme beaucoup de ses compatriotes – pour y trouver du travail. De son union avec Françoise Bousquet (1899-1985) – elle aussi native d’Espagne – naîtront trois garçons : Henri, Joseph et Francis. Ce dernier sera architecte et fera ses études à l’Ecole nationale des Beaux-arts, comme son frère aîné. Henri y est admis sur concours le 21 juillet 1941 dans la classe d’architecture d’Otello Zavaroni. Il fait alors la connaissance d'une antiquaire toulousaine d’origine polonaise – Jozefa Gorska – avec laquelle il se marie le 21 août 1945. Claude est né d'un premier lit. Elle lui donnera deux autres enfants :  Michel et Philippe. Après l’obtention de son diplôme le 11 mars 1948, il installe son cabinet à Toulouse l’année suivante.

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    Sa maison natale, 15 rue Marceau Perrutel. Elle a été entièrement refaite par l'architecte.

    Aussi loin que nous ayons trouvé, il semblerait que sa première réalisation d’envergure se trouve à Carcassonne. Il s’agit de la Cité Paul Lacombe, construite sur l’ancien parc au matériel de la ville au pied du quartier de la Gravette en 1952. Ajoutons-y deux ans plus tard, la transformation en cinéma du Chapeau rouge, dans la rue Trivalle. La façade, ainsi que la salle dont une partie conserve une oeuvre cachée du peintre Jean Camberoque. C’est sans doute ici le début de leur collaboration, née d’une amitié que rien n’ébranla. En cette même année 1954, Castella dessine le lotissement HLM du Moulin d’Autan en bordure de l’avenue du général Leclerc. 

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    Le Moulin d'Autan, avenue Leclerc. Sur la façade de chacun des logements, les tuiles vernissées de Jean Camberoque.

    Membre de l’Agence pour l’aménagement du littoral du Languedoc-Roussillon à partir de 1963, il se voit confier avec Pierre Lafitte, la réalisation d’une station touristique à l’embouchure de l’Aude. Ce projet inscrit dans le cadre de la mission Racine ne vit pas le jour. Néanmoins, après le déménagement de son cabinet à Carcassonne en 1969, la renommée d’Henri Castella ne cesse de croître.

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    Henri Castella, Robert Fort, Jean Camberoque

    À la Grande Motte, il est de ceux à qui l’on doit l’un des immeubles qui font la singularité de cette nouvelle station balnéaire. Il s’agit de l’Impérial II, dessiné en 1970. La même année, l’architecte Carcassonnais remporte le concours international de la maison individuelle pour la région Languedoc-Roussillon. Lancé le 31 mars 1969 par Albin Chalandon, ministre de l’équipement et du logement, il s’agit de bâtir à moindre coût et rapidement ce que l’on appellera « Les chalandonettes ». À Carcassonne (St-Jacques - Le Viguier et Maquens), à Narbonne (Zone du Pavillon), à Nîmes (Les garrigues).

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    L'Impérial II à La Grande Motte

    Les affaires de l’architecte en chef de Leucate, Saint-Cyprien, Gruissan et du Barbares s’enchaînent. Son cabinet, installé 65 rue de Verdun à Carcassonne, compte pas moins de 25 salariés. C’est le plus important de la ville. Il faut bien sûr ne pas oublier d’y ajouter la chienne « Fifi, la salope », fidèle pinscher que Castella gardera vingt ans à ses côtés. Au début des années 80, il aménage l’Allée des arts au Barcarès et construit : La zone de Mateille (Gruissan), Le Grand stade à Saint-Cyprien, le Centre d’animation de Leucate, le camping « Cala-Gogo » à Saint-Cyprien. À Carcassonne, la Salle du Dôme (1983), L’hôtel La Vicomté (1985), Le pic de Nore à Grazaille.

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    Le Pic de Nore, rue René Cassin à Carcassonne.

    Le plus important chantier privé, c’est sans doute la grande maison de Louis Nicolin. L’entrepreneur et patron du club de foot de Montpellier lui avait confié la construction du Mas Saint-Gabriel à Marsillargues. Une vaste étendue de 300 ha dans laquelle il fallut bâtir des écuries, une arène et des bâtiments pour les voitures de collections du propriétaire.

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    https://www.mas-saint-gabriel.com

    Le Mas Saint-Gabriel

    Nous pourrions aussi évoquer la relation d’amitié avec Philippe Noiret. Castella a entièrement aménagé en 1975 le domaine de Turcy à Montréal d’Aude pour celui qui l’appelait familièrement « Maître ». Christian Baudis qui travailla toute sa vie avec Castella, se souvient d’une anecdote : « Un jour, nous sommes allés chez Noiret. Dans son domaine, il possédait un petit cinéma de dix places. Il nous a fait écouter à la radio « Le tribunal des flagrants délires » dans lequel il venait d’être l’invité d’honneur. Ce fut une belle rigolade. »

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    Tous ceux qui ont connu Henri Castella le décrivent comme un homme simple, bon vivant et avec énormément d’humour. C’était aussi un excellent peintre dont les oeuvres avaient été exposées au salon d’automne à Paris. Chevalier de l’Ordre des Palmes académiques, Il est décédé le 27 janvier 2001 à l’âge de 80 ans à Carcassonne.

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    Stéphane Castella et son grand-père

     

    Quelques autres de ses réalisations

    La Roseraie (Carcassonne)

    Château de Boutenac 

    Hôtel du Canal (Castelnaudary)

    Fort de France

    Usines Chausseria (Limoux et Couiza)

    Maison de retraite (Montréal d’Aude)

    Siège de la C.A.L (Castelnaudary)

    Eglise Saint-Jacques (Carcassonne)

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    Maison de la Blanquette - Sieur d'Arques (Limoux)

    Gendarmerie (Montréal d'Aude)

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    Le style Castella, avenue du général Leclerc à Carcassonne.

    Sources

    AGHORA

    Etat-civil de Carcassonne

    Rermerciements

    Stéphane Castella, Geneviève Daraud, Christian Baudis, Dominique Revel

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  • Le Carcassonnais Joseph Dufis emmuré vivant par les nazis le 13 juillet 1944

    Parmi les nombreux les résistants exécutés par les nazis, il y eut surtout des héros sans grades tombés aujourd'hui dans l'indifférence et l'anonymat. Fort heureusement, il demeure encore sur les bords des routes et des chemins de France une stèle pour rappeler le sacrifice de ces hommes de l'armée des ombres. À Saint-Pierre de Quiberon dans le Morbihan - bien loin du département de l'Aude - une plaque rappelle la mémoire de Joseph Dufis.

    À la mémoire des cinquante patriotes des Forces Françaises de l'Intérieur martyrisées et lâchement assassinées par les Allemands le 13 juillet 1944 et découverts dans cette fosse le 16 mai 1945.

    Bien que son nom ait été incorrectement orthographié, il s'agit de Joseph Dufis, né à Carcassonne le 3 octobre 1925. Avant la guerre, il vivait 18 rue Masséna à Carcassonne. Son père, Pierre Dufis, était employé aux postes et télégraphes ; sa mère, Alfréda Jamme, ne travaillait pas. Joseph avait deux soeurs : Jeanne Josephine (1920-1921) et Marie Georgette (1917-2000). Cette dernière épousera Jean Bonnet en 1945.

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    La maison Dufis, 18 rue Masséna

    Le 11 juillet 1944, devant l’avance des troupes américaines, le chef de la Gestapo de Vannes (Morbihan) donna l’ordre au colonel Reese, officier de la Wehrmacht, d’exécuter 52 détenus de la prison surpeuplée de Vannes (56), située place Nazareth. Le major Esser, chef de bataillon de la défense côtière, chargé d’exécuter cet ordre, fit transférer cinquante détenus — pour la plupart résistants appartenant aux Forces françaises de l’intérieur (FFI) et aux Francs-tireurs et partisans français (FTPF) —, de la prison de Vannes jusqu’au Fort Penthièvre, où ils ont été exécutés le 12 ou le 13 juillet 1944 selon les sources. Les détenus de la prison de Vannes, parmi lesquels se trouvaient vingt-cinq résistants de Locminé, ont été emmenés deux par deux devant les pelotons d’exécution composés de SS géorgiens placés sous le commandement du lieutenant Wassilenko.
    Les corps des résistants exécutés sans jugement, dont certains agonisaient encore, furent jetés dans une galerie souterraine d’une trentaine de mètres creusée à cet effet à partir d’un tunnel préexistant de quelques mètres. Cette galerie fut ensuite refermée par trois murs distants de trois mètres les uns des autres et séparés par de la terre.

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    Le lieu du supplice où fut retrouvé le corps de Joseph Dufis

    Le 16 mai 1945, neuf jours après la reddition de la Poche de Lorient, cinquante cadavres en état de décomposition avancée furent exhumés par des prisonniers de guerre allemands en présence du docteur Dorso, médecin légiste, et du médecin capitaine Wolfrom. Les corps étaient entassés les mains liées par des fils de fer dans le dos ou sur la tête. Au moment de la découverte des corps, on relèvera sur les murs des inscriptions « Vive de Gaulle » et des croix de Lorraine entoure?es de « V », ce qui peut laisser craindre que tous n’étaient pas morts lors de la fermeture du tunnel… Le 5 juin 1946, les vingt-cinq corps des résistants de Locminé fusillés au Fort Penthièvre ont été ramenés dans leur commune, où se sont déroulées des obsèques solennelles au cours d’une messe en plein air qui a rassemblé près de 8 000 personnes.

    (Souvenir français - Comité de baie de Quiberon)

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    Au monument aux morts de Carcassonne, son nom est mal orthographié. Les actes d'Etat-civil conservés à la mairie de Carcassonne, mentionnent le nom de Dufis pour cette famille. 

    Joseph Dufis a reçu la Médaille de la Résistance à titre posthume le 17 décembre 1968. Son corps repose dans le caveau familial au cimetière Saint-Michel.

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  • Philippe Noiret, le bienheureux, et son domaine de Turcy à Montréal d'Aude.

    Au milieu des années 1970, Philippe Noiret fit l'acquisition d'un domaine du XVIIIe siècle perdu au milieu de la Malepère. Comment ce comédien si renommé, cet homme du Nord, avait-il bien pu s'intéresser à Montréal d'Aude au point de venir s'y installer ? 

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    L'entrée du domaine de Turcy à Montréal d'Aude

    Tout commence par un dîner chez Jacques Gérard Cornu et Michèle Méritz, propriétaires du domaine de la Soulette à Montclar, dans lequel Philippe Noiret et son épouse son invités. Michèle Méritz n'est autre que l'impresario du célèbre comédien.

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    Jacques Gérard Cornu (1925-2011) s'engagea dans la Résistance au sein du réseau ISOLE. Il fut déporté dans un camp de concentration.

    Jacques Gérard Cornu réalise les célèbres émissions "Cinq colonnes à la une" et "Les dossiers de l'écran" aux côtés d'Armand Jammot et des trois Pierre : Lazareff, Desgraupes et Dumayet. Il est aussi connu pour avoir filmé l'assassinat du président J.F Kennedy et celui de son meurtrier supposé, Lee Harvey Oswald. Si les époux Cornu se sont installés dans l'Aude, ce n'est sans doute pas dû au hasard. Théophile Cornu (1861-1917), le grand-père avait été préfet de l'Aude de 1908 à 1912. 

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    Michèle Méritz (1923-1998), comédienne et fondatrice d'Artmédia.

    À ce repas, un personnage clé fait partie des invités. Il s'agit de l'architecte Henri Castella avec lequel Philippe Noiret va sympathiser. Ils ont une passion commune, celle des chevaux. Castella n'est pas là par hasard. La soeur de son épouse Ariane née Durand-Gary, a épousé Edmond, le frère de Jacques Gérard Cornu. Toutes les deux sont nées à Carcassonne et appartiennent à la famille Durand-Roger, fondeur. C'est donc par le jeu des alliances familiales que Philippe Noiret rencontre Henri Castella ce jour-là.

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    Henri Castella (1921-2001), architecte

    Séduit par le charme de la Malepère, Noiret sollicita Castella afin que celui-ci lui trouvât une demeure dans le coin.  Monique Chaumette raconte : "Henri Castella, un homme délicieux, drôle, intelligent et talentueux. Philippe lui a dit : Si tu me trouves une maison dans le coin, tu me préviens. Six mois après Henri lui a téléphoné en disant : J'ai quelque chose de très joli, il faut que tu viennes." Après être allé le chercher à l'aéroport, Castella l'amène en voiture à Montréal d'Aude dans sa voiture, les yeux bandés. L'architecte sort le comédien du véhicule et l'accompagne devant une très belle bâtisse nichée au milieu de la Malepère. Il lui débande les yeux et lui dit ceci : "Maintenant tu ouvres les yeux et tu vois ça, ça ne bougera jamais, ce sera toujours là. Maintenant, tu te retournes et ça on en fait ce qu'on veut", en lui montrant les étables.

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    Il s'agit du domaine de Turci ou Turcy. Arnaud Turc, chanoine du XVIe siècle originaire du Cabardès, vint à la collégiale  où il prit le nom de Turci. Un de ses neveux fit souche à Montréal, d'où la ferme de Turcy et ancienne possession de cette famille. Émerveillé par ce paysage à couper le souffle, Philippe Noiret fit l'acquisition du domaine. Il chargea Henri Castella de s'occuper de son aménagement. Côté pratique, la cuisine communiquait directement avec les écuries et chaque matin, Philippe Noiret, après son petit déjeuner, montait son cheval pour une ballade de une à trois heures.

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    Philippe Noiret interviewé par Michel Sawas et Gérard Filaquier pour Radio Carcassonne.

    Lors d'un entretien à Radio France, le comédien raconta ses instants passés dans l'Aude. "Quand je suis là-bas, j'ai des journées de fainéant. Je fais des promenades à chevaux. Je vais au marché de place Carnot à Carcassonne, puis je m'arrête aux commerces autour. Les Audois sont des gens très attachants. J'ai été accueilli avec discrétion. Là-bas, ils vous disent avec politesse : " Est-ce que je peux vous toucher la main ? " Quand on leur demande où se trouve le domaine de M. Noiret, ils nient le savoir pour ne pas me déranger.

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    Monique Chaumette et Philippe Noiret à Montréal d'Aude en 1982

    Sources

    Les noms de famille en France, traité d'anthroponymie française / A. Dauzat / 1945

    Radio France

    Philippe Noiret, conversations avec Bruno Putzulu / Flammarion

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