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Musique et patrimoine de Carcassonne - Page 2

  • Pierre Brésoles (1929-2018), 1er athlète carcassonnais transgenre

    Nous sommes en 1948, une jeune femme va changer de sexe. Soixante-quatorze ans plus tard, les personnes transgenres sont toujours regardées comme des bêtes de foire, persécutées et mise au banc de la société dans certains états pourtant reconnus comme civilisés. Ce n’est pas en cassant le thermomètre que l’on fera tomber la température. En attendant, des humains souffrent d’être nés dans un corps qui ne leur ressemble pas. 

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    Claire Brésoles

    Claire Brésoles, née à Narbonne le 10 novembre 1929, est la fille de Bernard Brésoles et de Angèle Cathary. Issue par sa mère d’une famille Carcassonnaise, elle vit avec ses parents dans un appartement de la rue Courtejaire.  Élève très brillante à l’école, Claire songe à devenir professeur. Si elle joue remarquablement bien du piano, son véritable talent c’est l’athlétisme qu’elle pratique sur le terrain d’entraînement du stade Albert Domec. Son coach - comme l’on dirait aujourd’hui - n’est autre qu’Henri Combes qui élève son pur sang au sein de l’ASC.

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    À 14 ans, Claire Brésoles a déjà enregistré les meilleurs performances françaises cadettes. Elle réalise le 150 m en 20’’ et 2 dixièmes, le 300 m en 44’’ et 4 dixièmes, le 500 m en 1’ 2’’ et 1 dixième. Elle lance le poids sur 12 m et 37 cm , le saut en longueur sur 4 m 88 et compte 2915 points au triathlon. À 16 ans, la fédération d’athlétisme refusa son engagement sur 400 m au championnat du monde, dont le record était détenu par la suédoise Anna Larsson en 1’ 2’’ et 9 dixièmes. Distance trop prolongée pour une cadette, prétexta par deux fois la fédération. Cela n’empêcha pas Claire Brésoles de battre ce record à Saint-Gaudens en 1’ 1’’ 9 dixièmes. L’année suivante,  elle remporta une médaille d’argent au championnat d’Europe à Oslo en relais 4 x 100 m.

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    Claire Brésoles à Carcassonne en 1945 lors d'une course cycliste

    Titulaire de deux baccalauréats, fort bien constituée dans sa tête comme dans son corps, Claire décide d’opérer une mutation sexuelle à partir de 1948. Elle troque ses jupes pour le costume avec une facilité déconcertante pour l’époque. Après deux interventions à la clinique Velpeau de Paris et 15 000 francs pour obtenir un certificat du tribunal de Narbonne, Claire devient Pierre Brésoles à l’État-civil. Il passe sans aucun soucis son conseil de révision, effectue son entrée à l’université des sciences de Toulouse avant de remplir ses obligations militaires. Côté coeur, il fréquente Monique Pibre, institutrice de son état, avec laquelle il songe à se marier. Les parents tarderont à donner leur consentement à cause du « Qu’en dira-t-on ». Il finit par épouser sa bien-aimée le 4 juillet 1952 et aura deux enfants : Denis et Daniel.

    Spécialiste en botanique, docteur en science à l’Université de Clermont-Ferrand, professeur à l’Ecole normale de Perpignan, proviseur au collège de Rochechouart dans la Haute-Vienne, que dire la carrière de cet éminent Carcassonnais ? Dans les années 1970, Pierre Brésoles s’installa dans le petit village d’Eus, situé près de Prades dans les Pyrénées-Orientales. C’est là qu’il termina ses jours et qu’il est inhumé depuis 2018. Il avait alors 88 ans.

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  • L'abbé Luc Caraguel donne son avis au sujet du "Son et lumière" dans l'église Saint-Vincent

    "J’ai été le curé de Saint Vincent pendant 12 ans, j’estime donc légitime de prendre la parole au sujet de la polémique qui s’amplifie actuellement, et ce, malgré mon éloignement. Très sensible à l’alerte lancée par le Blog « La vie à Carcassonne » je souhaite donc vous préciser ma position. Au lendemain du conseil municipal du 6 mars, j’ai pu lire de plus près la convention votée en mairie ; j’ai donc pris le temps de l’étudier en profondeur. 

    Il y a maintenant deux ans, j’étais convoqué par le maire de Carcassonne pour la présentation de ce son et lumières, que j’ai refusé clairement d’accueillir, au terme de deux réunions de travail. J’ai consulté par ailleurs le service juridique de la conférence des évêques de France, et ce que je pensais s’est avéré juste : il y a dans cette occupation de 10 ans une contradiction juridique avec les termes de la Loi concernant l’affectation des églises qui est gratuite, perpétuelle et exclusive. Par ailleurs j’ai formellement contesté le manque de précisions sur la préservation des œuvres d’art, tableaux et orgues en particulier. J’en ai informé l’évêque à qui j’ai fait part de mes arguments qu’il n’a pas contredits à ce moment-là. L’affaire s’est donc arrêtée là. Or quelle n’a pas été ma surprise de voir ressurgir ce dossier, et d’apprendre du vicaire général dans un article daté du 11 mars (que je citerai à plusieurs reprises) que « sur le principe, avec l’évêque Mgr Bruno Valentin, on s’est dit pourquoi pas ? ».  

     Ah, vraiment si la constance et la clarté avaient prévalu du côté du clergé, nous n’en serions pas arrivés à cet imbroglio pagnolesque ! De fait l’accord pour un tel projet relève du curé, mais l’évêque pour sa part, est tenu de faire respecter le Droit dans son diocèse : j’entends le Droit de la Loi de séparation de 1905, et le Droit de l’Eglise.  

    A ce sujet, une note très pertinente du service juridique et de l’Art Sacré du diocèse de Paris précise : « La mise en place d’équipements lourds (estrades, praticables, colonnes de sonorisation, dispositifs d’éclairage) demandant des jours d’installation, suffit à transformer une église en salle de spectacle : même pour l’exécution d’œuvres religieuses à des fins très louables, ce détournement doit être, normalement, refusé. Car l’assimilation de l’édifice religieux à un simple équipement culturel est d’autant plus tentante que, pour beaucoup, le phénomène chrétien est en voie de liquidation. » Quel beau démenti à ce qui se trame autour de Saint Vincent ! 

    Quand la délibération du conseil municipal du 6 mars précise que « en outre, conformément à la loi de 1905 sur la séparation des Eglises et de l’Etat : l’église restera affectée prioritairement au culte », elle contrevient à la législation qu’elle cite, puisque celle-ci précise que l’église est affectée exclusivement au culte. A ce qu’il me semble, un conseil municipal ne peut réécrire la Loi en ouvrant la voie à une « double affectation ». Ce socle de 1905 est la base de notre laïcité, je ne vois pas au nom de quel règlement local, on viendrait lui apporter quelque inflexion que ce soit. 

    Qu’une commune ou un prestataire de services soit en capacité d’octroyer ou non la possibilité d’organiser des célébrations en complément d’activités culturelles équivaut à une intervention de la sphère politique dans le monde religieux. Or, c’est bien l’esprit et la lettre de cette convention. A titre d’exemple j’ai reçu à Saint Vincent de nombreux groupes de pèlerins en partance pour Lourdes qui demandaient une messe selon leur convenance, des organistes venant répéter les concerts et les célébrations en dehors des heures d’ouverture, ou encore des familles organisant une veillée de prière avant les funérailles de leurs proches… Nul n’est besoin de se justifier, ou de demander une autorisation pour cela. Ceci ressemble fort à un holdup de la notion juridique d’« affectataire » qui est passée dans ce texte du curé au maire, et qui fragilise la convention sur un plan strictement légal. 

    Le père Simplice Akpaki affirme qu’il ne signera pas si « cela bouscule les horaires de messes », mais c’est bien ce qui transparaît dans la convention qui mentionne une amplitude horaire (à partir de 18h, au même moment que la plupart des offices) et une occupation quasiment toute l’année !  

    Par ailleurs, il est difficile de prétendre mettre des conditions pour une signature à venir, alors que celle-ci a déjà été apposée sur le document officiel : « l’affectataire du culte a donné son accord à la Ville pour le présent projet » (même délibération du 6 mars). Le sujet est trop sérieux pour que la commune se soit contentée d’un simple assentiment oral. Comprenne qui pourra ! 

    Pour sa part, monseigneur Valentin avait rejoint voici 5 ans un groupe d’évêques très conservateurs, afin de déposer un recours auprès du Conseil d’Etat et exiger ainsi la reprise des messes lors de la crise du Covid. Il serait paradoxal qu’il soit également celui qui accepte de limiter l’exercice du culte dans une des églises les plus emblématiques de son diocèse. Une fois de plus comprenne qui pourra ! 

    Il n’est donc pas interdit de se demander si le curé et l’évêque ont vraiment lu le texte soumis au vote des élus, ainsi que ses annexes, et s’ils l’ont transmis pour relecture à des juristes compétents.  

    A travers un argumentaire sérieux, des votes contre ou des abstentions, les oppositions se sont manifestées lors du dernier conseil municipal dans une belle leçon de démocratie : tant mieux car cette convention se révèle pire encore que ce que je craignais. 

    Parmi les florilèges soulevés je suis tombé des nues en découvrant qu’il est envisagé d’obstruer les vitraux pour permettre d’organiser plusieurs spectacles d’affilé lors des soirées d’été ; je suppose qu’il s’agit là d’accroitre la rentabilité de l’affaire. Voilà donc qu’à Narbonne on organise une exposition sur les vitraux de Saint Just, et qu’à Carcassonne on occulte les vitraux de Saint Vincent après les avoir fait restaurer ! Où se trouve la logique ? 

     Pour ce qui est des tableaux, on peut se demander s’il existe un seul musée en France qui accepterait des spots volumineux suspendus au-dessus des œuvres d’art (avant de les accrocher on ferait mieux de mener des investigations pour détecter la présence de fresques). Ou si le Louvre tolèrerait au milieu de ses collections des flashs lumineux incessants, des brumisateurs et des brouillards d’ambiance garnis de matières dangereuses pour la peinture ? Je ne parle même pas des deux orgues, qui craignent plus que tout l’humidité et les variations de température. Est-ce ainsi que l’on entend préserver et valoriser le patrimoine ? 

    L’emprise des tours métalliques prévues est inconcevable dans une église de style gothique méditerranéen où l’on peut embrasser d’un regard l’ensemble de l’édifice. Nous aurions donc des monstres de fer de part et d’autre du chœur, d’autres autour de la chaire, et au pied de la tribune d’orgue ?  

    Le curé affectataire a donc tort d’affirmer que « le patrimoine de l’église… ne sera pas endommagé ». 

    On ne peut pas prétendre valoriser un bâtiment contre lui-même, et il est clair que la DRAC ne pourra accepter ce projet sans exiger une sérieuse étude d’impact pour un édifice qui est tout de même un monument historique soumis à des règles strictes. 

    Pour ce qui est du culte, je ne puis m’empêcher de penser que se cache en fait une stratégie qui dépasse les affaires municipales et vient rejoindre les non-dits épiscopaux. Les instances diocésaines ne profiteraient-elles pas de l’occasion pour déplacer les célébrations à la cathédrale, avec en ligne de mire le projet d’installation de la très conservatrice communauté Saint Martin ? Les Carmes en panne, Saint Vincent hors-jeu, ce serait un boulevard pour des cérémonies rutilantes et pompeuses à Saint Michel, faisant des autres églises des coquilles vides. Et puisque la brèche s’est ouverte, une question douloureuse se pose à tous les catholiques qui pourraient regarder cette affaire de loin : après l’église Saint Vincent, à qui le tour ? Quels autres édifices religieux de la ville et du diocèse seront-ils ainsi abandonnés ?  

    Nous avions longuement échangé avec l’abbé Cazaux au sujet de ce spectacle. Malgré sa santé déclinante, il n’avait rien perdu de sa vivacité d’esprit, m’exprimant son incompréhension et son opposition à ce projet. Si j’évoque sa mémoire, c’est parce je crois que nous en sommes arrivés au cœur d’une seconde « affaire Saint Vincent ». Aujourd’hui, à la différence de la fameuse grève de la faim qui n’a pas pu empêcher la construction d’une verrue, les réseaux sociaux jouent un rôle de lanceurs d’alertes efficaces, et à ce titre, je salue monsieur Martial Andrieu qui n’a pas craint de s’exposer pour informer le grand public. 

    Je ne me positionne pas sur la manière la plus adéquate d’attirer les touristes en Centre-ville, mais comme beaucoup je m’interroge sur le caractère irréaliste des chiffres de fréquentation espérés. Je n’ai d’ailleurs pas compris la charge de culpabilité qu’on fait porter sur les épaules des opposants au projet, qui ne sont tout de même pas responsables de la désertification du Centre-Ville ! 

    Ce que je puis dire c’est que dans le plus grand et plus bel édifice de la Bastide, rien ne peut se concevoir contre le patrimoine, contre la Loi, et contre la vie spirituelle de la communauté chrétienne."

    Luc Caraguel 

     

  • L'usine de bérets basques de Carcassonne

    Le 30 juillet 1928, l’Union Chapelière Française est fondée par Gervais Villa. L’industriel possède dans la Haute-vallée de l’Aude, les usines de chapeaux d’Espéraza et de Couiza qu’il regroupe sous la même raison sociale. À Carcassonne, Villa fait bâtir une usine de bérets basques sur des terrains appartenant à la famille Castel. L’entreprise Fiorio de Limoux se voit confier la charge de construire le bâtiment d’un seul bloc en bordure du chemin de la Reille. Au mois de janvier 1929 débute la production de bérets. Plus de deux cents ouvriers, principalement des femmes, travaillent en deux équipes de 5 h du matin à 21 h. La production bat son plein grâce à l’exportation vers l’Amérique du Nord. En 1936, l’Angleterre passe elle aussi de nombreuses commandes avant que la concurrence Tchèque ne vienne, l’année suivante, faire chuter l’activité. 

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    L’industrie du béret sera affectée par une crise hypothéquant l’avenir. Des usines verront le jour aux USA et en Grande Bretagne. Des troubles à Madagascar et en Indochine obligent ces deux colonies à fermer la réception des marchandises. La fiscalité française rend la concurrence étrangère plus compétitive.

    Après la Seconde guerre mondiale, 10 000 bérets sortent chaque jour de l’usine, confectionnés par une centaine de salariés. L’exportation vers l’Afrique noire maintient une activité principale contrainte de se diversifier. En 1949, on fabrique aussi des bonnets et des écharpes.

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    La salle des métiers à tricoter

    Achetée à Mazamet, au Cap ou en Belgique, la laine mélangée à l’usine est expédiée aux filatures spécialisées de Castres, Pau ou Lavelanet d’où elle revient en bobines de fil appelées « fromages ». Ce fil est ensuite tricoté sur des métiers rectilignes spéciaux (114 au total) d’origine française. Le tricot est remaillé avec des fils spéciaux en laine très solide qui atteignent 40 000 mètres au kilo sur des machines de provenance américaine. Le béret, au stade primaire, est pesé sur une balance de précision et son poids, qui oscille entre 50 et 60 grammes, détermine sa taille. Il est pressé dans des foulons en présence de savon qui lui enlève les impuretés . Il est teint dans des teinturiers modernes en acier inoxydable, mis sur des formes circulaires, laissé 24 heures à l’air libre, gratté pour faire ressortir le poil au moyen de chardons. Autrefois naturels, ils étaient fournis par les établissements Cambriels de Carcassonne. Le béret est ensuite rasé de l’extérieur par des raseuses qui lui donnent l’aspect uni. Il ne reste plus qu’à éliminer les articles présentant la moindre imperfection, à garnir l’intérieur d’une coiffe et d’un écusson multicolores ou unis que fournissent des usines de Saint-Étienne ou de Lyon, à poser le cuir qui détermine le tour de tête et calculer la taille en pouces. Le cycle normal dure une douzaine de jours.

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    A partir de 1950, la crise chapelière a pour effet de ne plus pouvoir proposer de travail, car il lui impossible de renouveler son personnel. C'est 60% des moins de 21 ans qui quittent Espéraza et Couiza en direction de Quillan et Limoux, villes dans lesquelles de nouvelles industries se créent. Cinq ans plus tard, il ne reste plus que trois fabricants de cloches. Le COFIC fait transformer par l'I.C.A et l'U.C.F les matières premières qu'elle achète. Le 26 mars 1955, la faillite de l’Union Chapelière Française est prononcée pour défaut de masse. Raoul de Rochette rachète l’affaire le 7 novembre 1958. Il acquiert un fonds de fabrication et de vente de bérets avec la contremarque Perly pour 90 millions de francs. En 1974, la cheminée de 26 mètres de haut qui dominait le quartier est abattue et le bâtiment sert d’entrepôt textile pour la société SERMO.

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    Aujourd’hui, l’usine usine de bérets basques est un bowling.

    Sources

    Midi-Libre du 7 juin 194

    Revue d'économie méridionale / 1959

    Bulletin des annonces civiles et commerciales

    Remerciement à M. Camille Chapot.

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