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Musique et patrimoine de Carcassonne - Page 3

  • Trois grands officiers oubliés de l'armée française

    Louis Isidore Pagès

    Né le 5 juillet 1857 à Trèbes. Il entre à l'École d'application en 1876 et gravit les échelons jusqu'à devenir général de brigade. Il participe au corps expéditionnaire de Tunisie du 21 octobre 1881 au 29 avril 1885 dans le génie. Chevalier de la légion d'honneur le 16 juillet 1892, Officier en 1914, Commandeur en 1919. Il est décédé le 28 mai 1951 à Trèbes.

    Numa Emile Prosper Gaydé

    Né le 9 août 1856 à Trèbes. Entre à l'École polytechnique en 1877  et en sort ingénieur des constructions navales. L'amiral Gaydé habite à Paris, 105 rue Miromesnil. Chevalier de la légion d'honneur le 30 décembre 1895, Officier le 13 juillet 1906 et Commandeur en 1914. Inspecteur général des constructions navales marine au Ministère de la Marine Il est décédé le 22 février 1944 à Aigres-Vives (Aude).

    Jean Escarguel

    Né le 28 novembre 1865 à Carcassonne. Débute sa carrière comme soldat au 122e régiment d'infanterie en 1886. Entre à l'École militaire avec le grade de sous-lieutenant en 1892. Lieutenant dans le 3e régiment de tirailleurs algériens en 1903, puis capitaine au 3e zouaves. Chef de bataillon du 322e régiment d'infanterie en 1916, puis lieutenant-colonel en 1921. Il termine sa carrière comme colonel. Commandeur de la légion d'honneur. Il est décédé le 5 mars 1933.

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  • Henri Daraud (1905-1989), facteur et accordeur de pianos

    Durant toute sa carrière, Henri Daraud fut appelé à accorder les pianos des plus grands instrumentistes mondiaux, tels que Cziffra . À Antibes-Juan-les-pins, les organisateurs du festival de jazz n’auraient pas confié à d’autres le soin de préparer le Steinway de Duke Ellington, de Count Basie ou encore d’Oscar Petterson. Tel un concertiste, il fallait même qu’il opère sur place en habit à queue-de-pie. Sa fille se souvient. « Un jour papa me dit  : accompagne moi, je dois accorder le piano au théâtre de Carcassonne, et je voudrais te présenter un grand bonhomme comme on en rencontre peu. Je le suis donc. Papa commence à accorder le piano et arrive sur scène Yehudi Menuhin avec son violon. Moment magique de connivence entre les deux autour de notes et de sons. Ensuite papa me présenta à Menuhin qui me dit combien il appréciait le travail de mon père, tout en finesse et à l’écoute. Et nous avons assisté au concert depuis les coulisses. Un merveilleux violoniste, un homme simple.

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    Marie-Louise et Henri s'étaient mariés le 29 octobre 1940

    Henri Daraud naît le 20 septembre 1905 à Carcassonne, 50 rue de la République. Très tôt, il développe un goût prononcé pour la musique. Avec son frère aîné François (1901-1989), il joue du saxophone  dans les orchestres d’harmonie. À cette époque, il s’agit de la Société lyrique Sainte-Cécile de Carcassonne, dirigée par Michel Mir. Henri possède un don du ciel ; il a l’oreille absolue.

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    C’est-à-dire qu’il est capable de reconnaître précisément la fréquence de n’importe qu’elle note, sans aucun repère. C’est ce talent qu’il va exploiter en devenant facteur d’instrument, puis accordeur. Sur les conseils de personnes avisées, ses parents l’envoient à Paris chez Selmer et à la prestigieuse école des pianos Pleyel. À Carcassonne, il fait l’acquisition du local d’un coiffeur à l’angle des rues de la mairie et Courtejaire, dont il refera la façade en 1955. Il y installe son commerce de vente et de réparations de piano, dans la lignée de Gillon ; l’ancien marchand d’instrument de la ville. 

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    Faisant partie de l’AFARP (Association Française des Accordeurs et Réparateurs de Piano), il est à l’origine de la création de l’école du Mans dans les années 1970. Henri Daraud y transmet son savoir à des élèves qui se revendiqueront de son héritage. C’est de nos jours l’Institut Technologique Européen des Métiers de la Musique. Vers la fin de sa vie, cet homme aussi discret, humble que sympathique formule le voeu de créer un musée dédié à l’histoire du piano. Cette idée sera reprise par son fils Jean-François et Jean-Jacques Trinques, lui-même accordeur, en hommage à Henri, décédé le 29 janvier 1989. Ils démarchent Raymond Chésa, le maire de Carcassonne. Celui-ci, peu porté sur la musique, ne se montrera pas intéressé. C’est auprès de Jean-Paul Dupré, député-maire de Limoux, qu’ils trouveront une oreille attentive.

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    © Musée du piano 

    En 2002, le premier musée de France consacré au piano est inauguré dans une chapelle désacralisé de la cité blanquetière. Aujourd’hui, ce lieu dispose d’une collection impressionnante. Il propose également  une programmation de concerts de musique classique. Si l’on oublie de mentionner le nom d’Henri Daraud, son âme veille en ce lieu saint de l’harmonieuse Euterpe. Tout comme plusieurs de ses propres pianos.

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    Pendant des années, le magasin Daraud de Carcassonne fut le rendez-vous des musiciens, mais aussi des mélomanes. Marie-Louise, puis sa fille Geneviève vendirent les disques vynils des plus grands interprètes classiques, jazz et variétés. On en vit défiler un certain nombre pour des séances de dédicaces. Autant dire qu’à Carcassonne, la famille Daraud fut à la musique ce que Félix Bergèse fut au rugby.

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    Henri Gougaud en dédicace. A l'arrière, Marie-Louise Daraud.

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  • Le Christ en croix de Francis Bott (1904-1998) dans l'église d'Arques

    Dans le choeur de l’église d’Arques, un Christ en croix porte la signature d’Ernst Bott. À défaut d’informations supplémentaires, les habitants de ce village de la haute-vallée de l’Aude ignorent presque tout de l’auteur de cette peinture. Il aurait été juif, paraît-il. Interné à Rennes-les-bains, il serait ensuite parti en déportation. Fort de ces maigres renseignements, nous nous sommes mis en quête de rechercher la véritable identité de cet inconnu. Ce que nous avons découvert dépasse de très loin ce qu’il aurait été possible d’imaginer. Le 10 octobre 1940, Ernst Bott laissa son vrai nom au pied de sa peinture. C’est toutefois sous le pseudonyme de Francis Bott que cet immense artiste allemand jouit d’une renommée internationale. Comment l’église paroissiale d’Arques peut-elle détenir un tel trésor ?

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    Francis (Ernst) Bott en 1978

    Militant antinazi dès la prise du pouvoir par Hitler en 1933, Ernst Bott connut des fortunes diverses au gré de ses pérégrinations. C’est sans doute le mythe du juif errant qu’il incarne. Né à Francfort le 8 mars 1904 dans une famille bourgeoise, il se lie d’amitié dans sa jeunesse avec Max Ernst, Bertold Brecht et Thomas Mann. Après avoir adhéré au Parti communiste allemand (KPD), Bott fut conduit à l’exil à Prague pour échapper à la répression nazie. Avec la fille d’un rabbin polonais, Chana Gruschka, il traversa ensuite Zagreb, l’Italie et s’installa à Paris où il fit la connaissance de Pablo Picasso. Dans la capitale française, Bott fonda en 1938 « L’Union des artistes de l’Allemagne libre » avant de s’engager dans la Bataillon Thälmann lors de la guerre civile espagnole. Cette unité de volontaires des Brigades internationales était composée de 1500 hommes. Elle portait le nom d’Ernst Thälmann, président du Parti communiste allemand de 1925 à 1933. Revenu à Paris au moment de la déclaration de guerre, il chercha à s’enrôler dans l’armée française mais fut placé dans un Centre de rassemblement des étrangers à Fourchambault, près de Nevers. Le gouvernement radical-socialiste avait déclaré les communistes persona non grata sur le territoire français. La loi du 12 avril 1939, promulguée par le bien-aimé Albert Sarraut, ministre de l’Intérieur, entérina la création des CTE (Compagnies de Travailleurs Etrangers). Elles précédèrent les GTE (Groupements de Travailleurs Etrangers), du gouvernement de Pétain, fondés le 27 septembre 1940. En quelque sorte, ces antichambres de la déportation serviront à recenser les juifs pour le compte des nazis.

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    Après Fourchambault, le couple Gruschka-Bott fut envoyé au camp de Bengy-Sur-Craon dans le département du Cher. Nous ignorons comment le couple échappa aux griffes des nazis, puisque le nom d’Ernst Bott figurait sur la liste des 87 opposants politiques réclamés par le Reich à la France après l’armistice. Il fallait sans doute un heureux concours de circonstance. Bott se retrouva en Zone libre à couper du bois près de Couiza. Nous imaginons qu’il fut placé avec sa compagne dans le GTE 145 à Quillan. Le 10 octobre 1940, il réalisa le Christ en croix dans l’église d’Arques, soit quatre jours avant son union avec Chana Gruschka, appelée par lui Manja. Le mariage eut lieu à la mairie d’Arques, où doit être conservé l’acte d’état civil. À une date que nous ne saurions préciser, mais devant se situer peu de temps après l’envahissement de la zone libre, le 11 novembre 1942, le couple se réfugia dans le Cantal. Probablement à Allanche, près d’Aurillac. Ernst Bott prit le maquis et combattit aux côtés des Francs Tireurs et Partisans Français.

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    Eglise Saint-Etienne 

    Cet article n’étant pas une étude de son oeuvre, nous invitons désormais les plus érudits de l’art sacré à se pencher sur ce Christ en croix de l’église d’Arques. La nomenclature, la côte et le talent de Francis Bott garantissent désormais un classement à ce Christ en croix. Plus que tout autre chose, son histoire laisse l’empreinte du Juif errant, communiste, dans un lieu saint du catholicisme. Nous en retiendront le symbole. Bott est décédé le 7 novembre 1998 à Lugano (Suisse) ; son épouse, en 1961 à Bâle à l’âge de 60 ans.

    Sources

    Exilés en France : souvenirs d'antifascistes allemands / G. Badia / 1982

    Francis Bott das Gesamtwerk / Wolfgang Henze / 1988

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