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Musique et patrimoine de Carcassonne - Page 3

  • Philippe Noiret, le bienheureux, et son domaine de Turcy à Montréal d'Aude.

    Au milieu des années 1970, Philippe Noiret fit l'acquisition d'un domaine du XVIIIe siècle perdu au milieu de la Malepère. Comment ce comédien si renommé, cet homme du Nord, avait-il bien pu s'intéresser à Montréal d'Aude au point de venir s'y installer ? 

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    L'entrée du domaine de Turcy à Montréal d'Aude

    Tout commence par un dîner chez Jacques Gérard Cornu et Michèle Méritz, propriétaires du domaine de la Soulette à Montclar, dans lequel Philippe Noiret et son épouse son invités. Michèle Méritz n'est autre que l'impresario du célèbre comédien.

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    Jacques Gérard Cornu (1925-2011) s'engagea dans la Résistance au sein du réseau ISOLE. Il fut déporté dans un camp de concentration.

    Jacques Gérard Cornu réalise les célèbres émissions "Cinq colonnes à la une" et "Les dossiers de l'écran" aux côtés d'Armand Jammot et des trois Pierre : Lazareff, Desgraupes et Dumayet. Il est aussi connu pour avoir filmé l'assassinat du président J.F Kennedy et celui de son meurtrier supposé, Lee Harvey Oswald. Si les époux Cornu se sont installés dans l'Aude, ce n'est sans doute pas dû au hasard. Théophile Cornu (1861-1917), le grand-père avait été préfet de l'Aude de 1908 à 1912. 

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    Michèle Méritz (1923-1998), comédienne et fondatrice d'Artmédia.

    À ce repas, un personnage clé fait partie des invités. Il s'agit de l'architecte Henri Castella avec lequel Philippe Noiret va sympathiser. Ils ont une passion commune, celle des chevaux. Castella n'est pas là par hasard. La soeur de son épouse Ariane née Durand-Gary, a épousé Edmond, le frère de Jacques Gérard Cornu. Toutes les deux sont nées à Carcassonne et appartiennent à la famille Durand-Roger, fondeur. C'est donc par le jeu des alliances familiales que Philippe Noiret rencontre Henri Castella ce jour-là.

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    Henri Castella (1921-2001), architecte

    Séduit par le charme de la Malepère, Noiret sollicita Castella afin que celui-ci lui trouvât une demeure dans le coin.  Monique Chaumette raconte : "Henri Castella, un homme délicieux, drôle, intelligent et talentueux. Philippe lui a dit : Si tu me trouves une maison dans le coin, tu me préviens. Six mois après Henri lui a téléphoné en disant : J'ai quelque chose de très joli, il faut que tu viennes." Après être allé le chercher à l'aéroport, Castella l'amène en voiture à Montréal d'Aude dans sa voiture, les yeux bandés. L'architecte sort le comédien du véhicule et l'accompagne devant une très belle bâtisse nichée au milieu de la Malepère. Il lui débande les yeux et lui dit ceci : "Maintenant tu ouvres les yeux et tu vois ça, ça ne bougera jamais, ce sera toujours là. Maintenant, tu te retournes et ça on en fait ce qu'on veut", en lui montrant les étables.

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    Il s'agit du domaine de Turci ou Turcy. Arnaud Turc, chanoine du XVIe siècle originaire du Cabardès, vint à la collégiale  où il prit le nom de Turci. Un de ses neveux fit souche à Montréal, d'où la ferme de Turcy et ancienne possession de cette famille. Émerveillé par ce paysage à couper le souffle, Philippe Noiret fit l'acquisition du domaine. Il chargea Henri Castella de s'occuper de son aménagement. Côté pratique, la cuisine communiquait directement avec les écuries et chaque matin, Philippe Noiret, après son petit déjeuner, montait son cheval pour une ballade de une à trois heures.

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    Philippe Noiret interviewé par Michel Sawas et Gérard Filaquier pour Radio Carcassonne.

    Lors d'un entretien à Radio France, le comédien raconta ses instants passés dans l'Aude. "Quand je suis là-bas, j'ai des journées de fainéant. Je fais des promenades à chevaux. Je vais au marché de place Carnot à Carcassonne, puis je m'arrête aux commerces autour. Les Audois sont des gens très attachants. J'ai été accueilli avec discrétion. Là-bas, ils vous disent avec politesse : " Est-ce que je peux vous toucher la main ? " Quand on leur demande où se trouve le domaine de M. Noiret, ils nient le savoir pour ne pas me déranger.

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    Monique Chaumette et Philippe Noiret à Montréal d'Aude en 1982

    Sources

    Les noms de famille en France, traité d'anthroponymie française / A. Dauzat / 1945

    Radio France

    Philippe Noiret, conversations avec Bruno Putzulu / Flammarion

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  • Le général Aussenac, illustre frère de la Loge Napoléon de Carcassonne

    Né à Carcassonne le 30 mars 1764 dans la paroisse Saint-Michel, Pierre Gabriel Aussenac fut l'un des plus brillants généraux du Premier Empire. Son mérite grandit au fur et à mesure de son ascension au sein de l'armée. Soldat en 1781 dans le régiment Médoc-infanterie, il fit ensuite les campagnes de 1793 à 1795 dans l'armée des Pyrénées-Orientales. Il fut nommé adjudant-général chef de brigade pour avoir sauvé la vie du général Antoine de Béthancourt. Ses nombreux faits d'armes lui valurent, tant en Italie qu'à Saint-Domingue de se faire remarquer de l'Empereur. Celui-ci lui décerna la croix d'officier de la légion d'honneur le 14 juin 1804 et lui confia le commandement du 7e régiment d'infanterie de ligne avec le grade de colonel. Aussenac se trouvait en garnison à Blaye en 1805, au moment de l'allumage des feux de la loge militaire "Napoléon" à l'Orient de Bordeaux. De cet atelier itinérant, il en sera le vénérable de Bordeaux à Braunau (Autriche) en 1807 avec la Grande armée. Dans les effectifs figure un autre carcassonnais de 21 ans, le sous-lieutenant Jérôme Sattot.

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    Ausserac sert ensuite en Catalogne jusqu'en 1812 et se distinguera aux sièges de Gérone et de Tortose Il est fait baron de l'Empire le , puis élevé au grade de général de brigade le pour sa belle conduite pendant le siège de Tarragone. Au cours de son passage en Catalogne, il avait visité "Les amis fidèles de Napoléon" à l'Orient de Barcelone le 27 décembre 1809.

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    © Nathalie Amen-Vals

    Intérieur de la loge Napoléon à Carcassonne

    A Carcassonne, une loge "Napoléon" s'est constituée le 29 novembre 1808 à l'intérieur du Bastion Montmorency appartenant à Dominique Reboulh. Le 29 décembre 1811, le général Pierre Gabriel Aussenac y est reçu. Au cours d'une cérémonie, il s'affilie à cette loge et en devient le Vénérable d'honneur. La première santé d'obligation est portée en faveur de l'empereur Napoléon, de l'impératrice Marie Louise, du roi de Rome et de toute la famille impériale. Après avoir été mis à la retraite par décret le 11 février 1813 et retiré à Auch, Aussenac reprendra du service auprès de Louis XVIII. Il meurt à Auch le 2 février 1833.

    Sources

    Archives BM de Carcassonne

    Correspondances des loges avec le Grand Orient de France. Loges militaires. BNF

    Fichier Bossu

    Crédit photo de couverture

    Illustration d'un habit de général de brigade / empirecostume.com

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  • La persévérance : Une loge maçonnique carcassonnaise sous le 1er Empire.

    Citée dans le livre de Paul Tirand – Loges et Franc-maçons Audois. 1757-1946 – l’histoire de La Persévérance à l’Orient de Carcassonne reste inconnue : « Vers 1806, apparaît une loge, La Persévérance, sur laquelle nous n’avons guère de renseignements. » L’auteur de cet ouvrage, paru en 2002, ignorait sans aucun doute où pouvaient bien se trouver les archives de cette loge. De toute évidence, il ne les avait pas trouvé dans les archives de la Bibliothèque municipale dans laquelle il puisa toute la documentation concernant l’histoire de la franc-maçonnerie carcassonnaise. Où aurait-il fallu qu’il les trouvât ? Vingt-deux ans après, nous venons de les découvrir, d’une manière totalement fortuite, dans un fonds de la Bibliothèque Nationale de France. Là où Paul Tirand estimait que la loge fût créée vers 1806, nous pouvons désormais donner une date précise pour l’allumage de ses feux. Il s’agit-là d’une trouvaille essentielle à la compréhension historique de l’histoire maçonnique pour notre ville. En effet, La Persévérance fut la première loge fondée après la Révolution française. Certes, il existait bien La parfaite amitié et les Commandeurs du temple, mais on connaissait celle-ci déjà avant les évènements de 1789. A contrario, La Persévérance se constitua au moment où le pouvoir napoléonien se trouvait au firmament de sa gloire. Au cours de cet article, nous allons voit d’une manière chronologiques comment a évolué cette loge avec ses dignitaires et les vicissitudes de la vie maçonnique.

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    Conformément à la délibération du 1er mai 1804, La persévérance sollicite par lettre auprès du Grand Orient, l’autorisation de création de la loge. On envoie 140 francs dont 120 francs pour les constitutions. Le fondateur de l’atelier n’est autre que Jean-François Champagne (1764-1847), architecte et ingénieur de la ville. Initié à la loge La constance à l’Orient de Montauban, on lui doit de nombreuses réalisations à Carcassonne. Parmi elles, les plans du jardin du Calvaire, la transformation du couvent des Jacobins en théâtre municipal ou encore le Jardin des plantes. L’accompagnent dans la création de la loge, Joseph Bonnety, artiste dramatique né à Marseille ; Pierre Duchan-Pellet, marchand teinturier ; Amable Tarbouriech, natif de Pennautier et Jean-Antoine Calvet qui fondera la loge Napoléon en 1807. D’ailleurs, parmi les seize membres de La persévérance, beaucoup seront également affiliés à cette loge, installée dans le Bastion Montmorency. 

    Le 12 août 1804, la loge n’ayant pas reçu les constitutions indispensables à son ouverture, plusieurs frères pensent à démissionner : « Nos travaux languissent ; le zèle se refroidit, et nous sommes peut-être à la veille d’une dissolution d’une société, la seule qui, depuis la Révolution, ait entreprise sous cette Orient l’édifice d’un temple. » Ce n’est qu’un mois après que l’atelier accuse la réception des documents eu objets en provenance du Grand Orient. L’installation peut désormais avoir lieu ; elle est fixée au 27 septembre 1804. Malgré tout, elle doit déplorer le retrait de trois frères.

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    Tableau de loge de 1804

    Les travaux de La persévérance vivent à leur rythme. Le 13 mars 1805, on procède à l’exclusion du frère Jean Antoine Besaucelle, jeune militaire. Au cours d’une séance, son corps est symboliquement décharné, son coeur et ses entrailles arrachées. C’est durant cette année-là que l’on remarque la présence de nombreux militaires du 94e régiment de ligne, certainement en garnison à Carcassonne. Le 24 avril 1805, Sargines (1797-1855), le fils de Jean-François Champagne est initié. Il n’est alors âgé que de neuf ans et demi. Élève de son père, il acheva ses études d'architecture à Paris en 1823. Il fut nommé architecte du département de l'Aude en 1826 et, à ce titre, s'occupa des édifices diocésains de Carcassonne. Il était membre de la société des arts et sciences de Carcassonne, membre de la société d'agriculture, de la société centrale des architectes et du conseil des bâtiments civils. Il construisit la prison de la ville de Carcassonne, la caserne de gendarmerie, le palais de justice de Narbonne, la prison et le palais de justice de Limoux, la halle au blé de Castelnaudary, le palais de justice de Carcassonne; il restaura la chapelle Radulphe dans la basilique Saint-Nazaire de la Cité.

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    Au cours de cette séance du 24 avril, les frères célèbrent la fête de l’Ordre. Les travaux sont suspendus afin que chacun puisse se rendre à l’église Saint-Vincent. Au bruit d’une charge d’artillerie, on célèbre une messe dans la chapelle Saint-Jean avant que tout le monde ne rejoigne le temple. Il est annoncé que les anciennes loges des Commandeurs du temple et de la parfaite amitié s’étaient à nouveau réunies et avaient repris leurs travaux. Le banquet d’ordre s’ensuit dans le pavillon du jardin dit Bouaric, propriété du frère Bastié, membre de la loge.

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    Guillaume Peyrusse

    Un nom célèbre apparaît désormais dans le tableau de loge à compter du 28 juin 1805. Il s’agit de Guillaume Peyrusse (1776-1860), trésorier payeur de Napoléon 1er et futur maire de Carcassonne. Peyrusse avait été initié à La parfaite union de Toulon. Il s’affilera à l’Aigle française de Paris en 1807. A Carcassonne, il occupe les fonctions de Second surveillant à La persévérance. Si son nom figure au tableau de loge jusqu’en 1814, il est marqué absent à compter de l’année 1806. Ceci correspond parfaitement à ses activités. Retiré de l’armée, il revient à Carcassonne et travaille à la manufacture de Montolieu. En 1805, son frère André le fait entrer comme commis dans les bureaux du Trésor de la couronne au service de la Maison de l’Empereur.

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    Alexandre Roëttier de Montaleau

    Parmi les faits marquants de La persévérance, la cérémonie funèbre en hommage à Alexandre Roëttier de Montaleau (1748-1808). Il est l'une des figures du Grand Orient qui lui doit sa survie durant la Révolution françaiseainsi que la fondation de nombreuses loges. A cette occasion, des frères visiteurs de La parfaite amitié et des Commandeurs du temple se joint à la cérémonie : Reboul, Cathala, David la Fajeole, Alboize et Louis de Caldaven. Ce dernier, un autre illustre carcassonnais. En juillet 1808, Napoléon qui est en guerre avec l’Espagne a prélevé le personnel militaire de la région afin de constituer un corps d’observation. Cadalven est affecté au 3e corps d’observation des Pyrénées-Orientales, commandé par le général Reille. Le 21 juillet, blessé à la main gauche et le 14 août, demande à rentrer à Carcassonne étant d’en l’impossibilité de poursuivre sa mission. Le 19 août, le Baron Trouvé (lui-même franc-maçon), Préfet du département de l’Aude, demande au Ministre que M. de Cadalven dont le poste est resté vacant à Carcassonne y revienne : "Il est passé pour mort, il n'est que blessé, sa santé était déjà très faible quand il partit à l'armée, elle a été complètement délabrée par la fatigue de la journée où il a été blessé, il sera longtemps hors d'état de faire du service actif, dans la montagne surtout. »

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    Le pavillon de la famille Champagne à Carcassonne, Bd Roumens

    Lorsqu’on s’attarde sur les tableaux de la loge, on s’aperçoit que J-F Champagne est resté vénérable jusqu’en 1807. Cette année-là, la loge comptait 62 membres. En 1908, Amable Tarbouriech occupa ces fonctions puis ce fut Pierre Sarrand, le frère de Jean-Louis Sarrand. L’ennemi de Guillaume Peyrusse, lui succéda au poste de maire Carcassonne en 1835. 

    Il faudrait sans aucun doute une étude bien plus approfondie. Elle permettrait d’étudier les relations et les influences qu’eut la Fran-maçonnerie sur la vie politique de Carcassonne sous le Premier Empire. La loge La persévérance éteignit définitivement ses feux en 1814, au moment de l’abdication de Napoléon 1er. Paul Tirand nous apprend que le ralliement des dignitaires du Grand Orient à Louis XVIII eut pour conséquences la démission de nombreux frères carcassonnais. 

    Sources

    Correspondance des loges avec le Grand Orient de France. Loges civiles. Loges de province 

    (BNF - FM2)

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