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Musique et patrimoine de Carcassonne - Page 216

  • Madame Mars (1748-1837). Une Carcassonnaise à la Comédie française

    Nous allons évoquer le souvenir d'une comédienne dont, de toute évidence, les historiens locaux du XXe siècle n'ont jamais parlé. Après tout, peut-on raisonnablement leur reprocher de ne pas tout savoir ? Dommage, car cette Carcassonnaise fut la mère d'une très célèbre comédienne de la Comédie française. Il se dit même - on peut le croire - que Napoléon 1er apprécia beaucoup sa fille, jusque dans ses moindres contours...

    Mademoiselle Mars

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    Même si certains aventuriers de l'histoire osent prétendre sans preuves, que Madame Mars serait née à Marseille, nous faisons ici la démonstration qu'elle est bien née à Carcassonne. Ce n'est pas parce que l'on a l'accent méridional que cela justifie d'être natif de la Provence. Jeanne-Marguerite Salvetat naquit à Carcassonne le 19 février 1748 dans la paroisse Saint-Michel, de François Salvetat (Maître charron) et de Raymond Cucurous. D'après les relevés effectués par Bonnelevay en 1729 et transcrit par Mahul dans son cartulaire, nous pouvons situer la maison des Salvetat au numéro 2 dans le carron de Grandié (actuelle rue du Pont vieux).

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    A gauche de la boucherie Rabat

    Jeanne-Marguerite Salvetat s'était amourachée de Jacques-Marie Boutet, un célèbre comédien de passage à Carcassonne et contre l'avis de sa famille, elle s'était enfuit avec lui. Pour échapper aux recherches lancées à son encontre, elle prit le pseudonyme de Mars. La petite Carcassonnaise à la beauté sans égales, fit ses débuts à la Comédie française au mois de mai 1778 dans le rôle de Mérope. S'il est admis qu'elle n'eut que sa beauté pour défendre un piètre talent, il faut considérer plutôt son accent méridional très prononcé, comme la source principale de cette critique. Jouer le grand répertoire de la Comédie française avec la voix rocailleuse de Carcassonne, n'était pas du goût du public parisien. Elle ne put d'ailleurs pas se présenter pour cette raison à la cour de Versailles. Madame fut congédiée du Français trois ans plus tard, en 1782. 

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    © Piasa

    Buste de Jacques-Marie Boutet

    Le 9 février 1779, elle met au monde rue St-Nicaise à Paris, Anne-Françoise Hippolyte Boutet, la fille de Monvel connue plus tard sous le nom de Mademoiselle Mars. L'acte de baptême stipule qu'elle est l'épouse de Jacques-Marie Boutet, bourgeois de Paris. Or, ils ne sont pas mariés. Pourquoi Monvel a t-il travesti sa profession de comédien ? L'acte pourrait être considéré comme faux, mais à la marge un jugement du 1er décembre 1847, ordonne la rectification de l'acte de baptême de Mlle Mars.

    "Le nom de Mars me vient de ma mère. Ma mère habitait Carcassonne, était de bonne famille, et très belle. S'étant laissé enlever, elle entra au théâtre, où, pour dérouter sa famille, qui poursuivait son ravisseur, on lui donna plutôt qu'elle ne le prit le nom de Mars. Ce nom se perdit dans les coulisses, et voici à quelle occasion il me fut rendu à titre d'héritage. Une tireuse de carte que j'allai consulter un soir en compagnie de Talma, m'annonça un immense succès et un grand nombre de conquêtes ; la prédiction fut ébruitée et désormais Mars devint mon "nom de guerre." (Souvenirs anecdotiques de Mlle Mars / Elisa Aclocque)

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    Mademoiselle Mars en 1823

    Jacques-Marie Boutet qui avait promis à Jeanne-Marguerite Salvetat de l'épouser, partit pour la Suède à l'invitation du roi Gustave III. Loin des yeux, loin du cœur... Dans les premiers temps de son absence, il lui écrivit souvent puis de moins en moins. Après un éloignement de six années, Monvel revint de Suède. Là-bas, il s'était marié avec Mlle de Cléricourt. De cette union, Joséphine était née ; tout ceci mit en fureur Jeanne-Marguerite ce qui ne sembla pas ébranler Monvel. D'après les mémoires de Mlle Mars, sa mère "s'emportait, elle était fort vive, une tête de Carcassonne ! Reproches incessants, soupçons jaloux, menaces viriles..." Hippolyte Boutet (Mlle Mars) sera élevée par Valville, un comédien qui avait sa mère pour maîtresse. C'est lui qui lui apprendra la comédie.

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    Baptiste aîné et Mlle Mars

    Mademoiselle Mars fut la plus parfaite des comédiennes de sa génération. Inimitable dans les rôles d'ingénues, excellente dans les pièces de Marivaux, elle s'acquit une grande réputation dans les rôles d'Elvire (Tartuffe) et de Célimène (Misanthrope). Il ne nous appartient pas ici de retracer sa biographie ; ce serait bien trop long. Elle mourra le 20 mars 1847 au N° 13 de la rue Lavoisier à Paris, à cause d'avoir voulu toujours rester jeune. C'était une obsession chez elle...

    "Mlle Mars a toujours évité de paraître sur la scène de Carcassonne. Fille de Monvel et d'une Carcassonnaise, elle remplaça le nom de famille de sa mère, qui était Salvetat, par celui qui devait populariser plus tard la grande comédienne. On peut supposer qu'il ne lui convenait pas d'appeler l'attention et les propos du public sur l'irrégularité de son origine. Ceux qui n'ignoraient pas ces circonstances ont dû remarquer dans "La comédienne", dont le rôle principal fut écrit et établi au théâtre par Mlle Mars, ce vers que le poète mis dans la bouche de la soubrette "Madame, en voyageant me prit à Carcassonne." (Jacques-Alphonse Mahul)

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    Caveau de Mlle Mars au Père Lachaise

    Jeanne-Marguerite Salvetat (Madame Mars), native de Carcassonne, vécu jusqu'à l'âge de 90 ans à Versailles aux côtés de sa fille aînée. Elle mourut en janvier 1837 et fut inhumée au cimetière d'Auteuil. Seule sa fille, Mademoiselle Mars, passa à la postérité.

    Sources

    Souvenirs anecdotiques de Mlle Mars / Elisa Aclocque / 2015

    Mémoires de Mlle Mars / 1849

    ADA / Registre de l'Etat-Civil 

    Cartulaire de Mahul / Plans de la Ville basse

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  • À chacun de porter sa croix....

    Durant les premiers mois de l'année 2013, Madame Vialade - qui s'occupe avec une dévotion toute particulière de l'entretien bénévole de l'église de Villalbe - avait retrouvé parterre le bras de la croix du XVIe siècle. Celle-ci orne l'intérieur de l'église paroissiale depuis 1978, date à laquelle elle fut découverte dans la boulangerie de ses parents. Ils en firent don à la commune - ce qui explique sa présence dans ce lieu de culte - et elle fut ensuite inscrite à l'inventaire supplémentaire des Monuments historiques. 

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    © Martial Andrieu

    Roselyne Vialade devant la croix restaurée 

    Durant l'été 2013, je m'aperçus que la croix avait été camouflée sous un drap et que le bras avait disparu. Il ne s'agissait pas d'un acte malveillant ; l'usure du temps avait fait son œuvre. Roselyne que je connais depuis ma tendre enfance, m'expliqua qu'elle avait pris soin d'amener le bras chez elle. Je lui conseillais d'alerter les services de la mairie, mais préféra se tourner vers les Monuments historiques grâce au concours d'une amie dont la fille est guide à la Cité. De mon côté, je prévenais le service du patrimoine de la mairie et la conseillère municipale de l'époque, Monique Joseph. L'affaire prit plusieurs mois avant qu'elle ne suscite l'émoi des locataires de l'Hôtel de Rolland. Tant et si bien que je sollicitais à de nombreuses reprises la municipalité sur ce dossier, sans résultats malgré des articles sur mon blog. 

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    © Martial Andrieu

    De temps en temps, je prenais des nouvelles du côté de Roselyne Vialade afin de savoir si les choses bougeaient. Ne voyant rien venir, j'alertais Marie-Chantal Ferriol - Conservatrice des objets d'art sacré du département. Elle se déplaça avec la conseillère municipale à Villalbe et constata les dommages. Il fallait que la ville établisse deux devis de réparation auprès d'entreprises spécialisées et les envoyer à la DRAC (Direction des Affaires Culturelles) à Montpellier. La somme que la municipalité devait débourser s'élevait autour de 2000 €. Même pas le cachet de la secrétaire de Johnny Hallyday pour le festival... L'affaire dura quatre ans ! Entre temps, la mairie changea et Monique Joseph fut remplacée par Annie Barthès. Quand le service du patrimoine de la ville - qui se résume à une seule secrétaire (Nelly Bourcelot) - eut enfin ses deux devis, le temps ayant passé, une des entreprises n'exerçait plus. Il fallut tout recommencer... 

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    © Martial Andrieu

    La croix restaurée, côté face

    Au mois de mai 2016, le dossier passa au bureau municipal. Le 28 septembre 2016, le conseil municipal effectua une demande subventions auprès de l'état. Après quoi, M. Amigues - Conservateur des antiquités et objets d'art de la DRAC - valida cette restauration. C'est l'entreprise Carcassonnaise Coq et Torrès qui obtint ce marché. 

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    © Martial Andrieu

    Il y a quinze jours, j'étais à Villalbe. Au cours d'une discussion avec Roselyne Vialade, je lui demandais où en était la restauration de la croix. Elle me répondit avec une naïveté propre aux gens honnêtes : "Mais elle est restaurée !". Faudrait-il que je remercie Madame Barthès et le service du patrimoine de m'avoir tenu au courant ? Sans lanceur d'alerte, point de restauration et surtout point d'autosatisfaction dans la presse locale. Comme à chaque fois, ils répondront qu'il faut se satisfaire de l'objectif qui est atteint : Quatre ans ! Tant pis, si c'est au détriment d'un peu d'éducation et de savoir vivre...

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  • La famille Schwayder, réfugiée à Carcassonne et exterminée à Auschwitz.

    Au mois d'août 1940, la famille Schwayder de confession juive quitte Saint-Leu-la-forêt et se réfugie à Carcassonne, située en zone non occupée, chez un ami de Caunes-Minervois nommé Sabarthès. Ceci, bien entendu, afin d'éviter d'être arrêtée par les nazis. Henri, Sarah, Marthe et Rachel sont logés chez Madame veuve Castan, avec leur amie Marguerite Regairaz dans une maison située au n° 52 de la route minervoise. Henri travaillera au ravitaillement des viandes et Marthe, à la perception. Comme beaucoup de juifs français, ils s'étaient signalés comme tels auprès de la préfecture, suivant les lois de Vichy.

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    A l'angle de la rue Parmentier et de la route Minervoise, étaient logée la famille Schwayder

    Le 18 mai 1944, Mlle Regairaz se présente affolée chez le voisin Léon Fraîche avec lequel la famille entretient d'excellent rapports. La Gestapo vient d'arrêter à leur domicile les quatre frères et sœurs Schwayder. Deux agents en civil, se sont présentés chez eux au moment du dîner. Ils demandèrent M. Schwayder ; Henri répondit, lequel ? Ensuite, la Gestapo les obligea à la suivre, mais comme elle ne disposait qu'un d'un petit véhicule, elle fit deux voyages. Ainsi, les quatre membres de la famille Schwayder se retrouvèrent au siège du SD, route de Toulouse.

    La veille, un inconnu s'était présenté chez les Schwayder vers 22 heures pour les avertir que leur arrestation allait intervenir durant la nuit. Henri Schwayder se sentant seul visé, alla coucher chez un ami en ville. Nous savons ceci grâce au témoignage de Léon Fraîche, à qui Henri se confia. Ce dernier lui laissa même une petite valise qu'il avait préparée en vue de son départ. Le lendemain vers 11 heures du matin, apprenant que rien ne s'était passé au cours de la nuit, Henri Schwayder est rentré chez lui, tranquillisé, déclarant même qu'il devait s'agir d'un faux renseignement. 

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    La rampe d'Auschwitz à l'arrivée d'un convoi

    Après leur arrestation, les Schwayder seront internés à Drancy avant leur départ en wagon à Bestiaux vers Auschwitz. Ils seront gazés dès leur arrivée au camp, le 4 juin 1944. Deux autres frères, Ernest (73, rue du maréchal Foch à Taverny) et Charles (à Cachan) essaieront de savoir ce qu'il est arrivé à leur famille. En 1946, la ville de Carcassonne déclarera les quatre Schwayder comme décédés. Nous avons retrouvés leurs noms dans le Journal Officiel du 2 janvier 2001.

    Henri, né le 30.12.1884 à Paris. † 4 juin 1944 à Auschwitz.

    Marthe, née le 25.11.1944 à Paris. † 4 juin 1944 à Auschwitz.

    Rachel, née le 12.07.1886 à Paris. † 4 juin 1944 à Auschwitz.

    Sarah, née le 2.07.1882. † 4 juin 1944 à Auschwitz.

    D'après l'enquête menée par Charles Schwayder, ses frères et sœurs ont été "arrêtés sur dénonciations de deux collaborateurs volontaires, complices d'assassins, les nommés le chef de division au service des étrangers de la préfecture de l'Aude, et le sieur le chef de bureau au service des étrangers à la dite préfecture pendant l'Occupation, et actuellement encore. Quelques jours après l'arrestation de mes frères et sœurs, quatre allemands, sous la conduite d'un nommé Mayer, sous officier à la Kommandantur de Carcassonne, sont venus piller leurs affaires enfermées dans des salles entreposées bénévolement chez M. Fraîche, important tout : vêtements, vaisselle, bijoux et argent, plus un peu de ce qui appartenait à leur propriétaire M. Fraîche. Sans les indications des deux personnages cités plus haut M et S, les boches n'auraient jamais eu connaissance des noms des membres de ma famille."

    Dans cette enquête diligentée par le parquet en 1947, le résistant Albert Piccolo déclare que "Monsieur Roger S, fournissait la liste des réfugiés juifs à la police allemande". Dans cette triste histoire, on peut retenir que les juifs français se sentaient en confiance dans leur pays. Que les allemands n'auraient pas pu intervenir sans l'appui des fonctionnaires de l'Etat-Français. 

    Sources

    Archives du Service Historique de la Défense

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