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Musique et patrimoine de Carcassonne - Page 212

  • La visite de S.A.R Monseigneur le duc d'Angoulême, neveu de Louis XVIII

    Privé de courrier de Paris entre le 29 mars et le 19 avril 1814, le département de l'Aude se trouva dans une situation politique difficile. Nul avis de ce qui s'était passé dans la capitale ; l'information ne circulait que par voie publique. La ville de Narbonne était devenue le quartier général du maréchal duc d'Albuféra et de son armée. Après le maréchal duc de Dalmatie s'était retiré à Castelnaudary avec ses troupes. Une proclamation adressée par le maréchal Suchet à ses soldats, le 18 avril, un ordre du jour donné le lendemain par le maréchal Soult, manifestèrent leur adhésion au rétablissement de S.M le roi Louis XVIII sur le trône des Capétiens. Le 20 avril, toutes les autorités, tous les fonctionnaires de Carcassonne se réunirent pour exprimer le même sentiment. Par un mouvement spontané toute la ville fut illuminée. L'avènement de Louis XVIII le 6 avril mettait fin au règne de l'empereur Napoléon Ier. Cette information mettra deux semaines à arriver à Carcassonne.

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    Louis-Antoine d'Artois, duc d'Angoulême

    (1775-1844)

    Informé que Mgr le duc d'Angoulême devait se rendre de Bordeaux à Toulouse, le préfet de l'Aude s'empressa d'aller dans cette dernière ville, afin de présenter à S.A.R l'hommage de son respect et de sa fidélité. Il fut suivi de plusieurs membres du Conseil général et des conseillers municipaux des villes du département. Le Baron Trouvé, préfet de l'Aude sous le Second Empire et dont l'épouse avait été reçue par Joséphine en 1811 au château de la Malmaison, ne mit pas beaucoup de temps à tourner sa veste.

    Le prince arriva le 27 avril 1814 et ce jour-là, le préfet de l'Aude eut l'honneur de dîner avec S.G Lord Wellington. Admis le lendemain avec les députations à l'audience du prince, le préfet lui adressa le discours suivant :

    J'ai l'honneur de présenter à Vôtre Altesse Royale, les députations du Conseil général et des conseils municipaux des villes du département de l'Aude. Nos vœux les plus ardents, le besoin de nos cœurs sont aussi de posséder un prince si cher à tous les Français ; n'osant encore, malgré la proximité de Toulouse, nous livrer à cette flatteuse espérance, nous venons déposer aux pieds de V.A.R l'expression de notre joie, l'hommage de notre respect et de notre fidélité. Oui, Monseigneur, tous mes administrés ont vu, avec autant d'attendrissement que d'enthousiasme, les descendants de Saint-Louis remonter au trône de leurs ancêtres, à ce trône illustre par la bonté paternelle de Louis XIII, par la loyauté chevaleresque de François Ier, par l'héroïque et touchante popularité de Henri IV. 

    Au milieu de la grande réconciliation de tous les peuples qui ne rivalisent plus que d'amour pour la paix et pour le bonheur du monde, qu'il m'est doux, Monseigneur, d'être auprès de V.A.R, l'interprète des sentiments d'une nombreuse et intéressante population, heureux moi-même, si l'époux de l'auguste fille de Louis XVI daigne agréer le serment que je fais de servir avec un dévouement sans bornes S.M le roi Louis XVIII et la famille des Bourbons.

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    Louis XVIII

    MM. Pech-Palajanel, maire de Carcassonne, et Galabert, maire de Castelnaudary, eurent l'honneur de complimenter aussi S.A.R qui témoigna sa satisfaction pour les sentiments qu'on venait de lui exprimer, et promit d'en rendre compte au roi. Le lendemain, le préfet fut informé que Mgr duc d'Angoulême était disposé à venir dans le département de l'Aude pour y passer la revue des armées. Le soir, au cercle du prince, il en obtint la certitude de S.A.R elle-même.

    Le 3 mai 1814, le duc d'Angoulême arriva à une heure de l'après-midi à Castelnaudary, accompagné seulement de MM. le duc de Guiche et le vicomte d'Escars, ses aides-de-camp. Il trouva les maréchaux Suchet et Soult, passa les troupes en revue et fut complimentés par les autorités. A une lieue de la ville, il rejoignit le préfet avec la garde d'honneur à cheval. Celui-ci s'adressa au prince :

    Les vœux du département de l'Aude sont comblés. V.A.R nous accorde une faveur à laquelle nous aspirions. Depuis près de 40 ans, ce pays n'avait été visité par aucun membre de la famille régnante ; aucun ne s'était arrêté dans la ville de Carcassonne, depuis le séjour que daigna y faire l'auguste prince qui, par de si longues et si rudes épreuves, mûri dans l'art de gouverner, promet à la France un règne de paix, de justice et de bonheur. 

    Le bonheur ! Déjà votre présence en est le gage ; elle est l'aurore des jours fortunés qui vont prospères, longtemps négligés, et dont V.A.R vient réparer l'abandon. Monseigneur, le département de l'Aude vous offre une physionomie particulière et peut-être unique en France. Il n'a point été ensanglanté par les fureurs de l'anarchie ; il n'a point été la proie des ressentiments, des réactions et de, vengeances ; il était impatient de faire éclater son respect, sa fidélité, son amour pour la famille des Bourbons. Si la ville de Castelnaudary a jouit la première de la vue d'un prince qui fait l'espoir, qui fera les délices de la patrie, les villes de Carcassonne et de Narbonne brûlent aussi de partager cette heureuse jouissance et de prouver leur enthousiasme et leur dévouement à V.A.R et au souterrain que la main de la providence a replacé sur le trône de Saint-Louis et de Henri IV.

    Cent coups de canons annoncèrent l'arrivée de S.A.R. Elle monta à cheval et traversa, ayant a ses côtés MM. les maréchaux Soult et Suchet, les lignes de troupes qui bordaient son passage, et qui défilèrent devant elle aux cris de "Vive le Roi !". Le maire à la tête du conseil municipal, attendait le prince à la porte dite de Toulouse (place Davilla) ; il le complimenta, lui remit les clefs de la ville, lui offrit un dais, que S.A.R refusa. Son entrée dans Carcassonne se fit à cheval ; elle fut signalée par des acclamations à chaque pas. Un arc de triomphe avait été élevé, toutes les rues, toutes les maisons étaient décorées de tapisseries, de drapeaux blancs et de guirlandes ; toutes les fenêtres étaient remplies de dames élégantes ; de toutes parts, on entendait les applaudissements et les mêmes cris longtemps prolongés de Vive le Roi, vive le duc d'Angoulême. La garde royale l'escorta et la garde nationale à pied formait la haie.

    C'est ainsi que S.A.R fut conduite à l'hôtel de la préfecture, préparé pour le recevoir. Au haut de l'escalier, la fille du préfet, à la tête des demoiselles de la ville, toutes vêtues de blanc, s'avança un bouquet de lys à la main. Le prince admit toutes les députations qui se présentèrent, et fut conduit dans le même appartement qu'avait occupé, en 1777, Le frère de Louis XVI (Louis XVIII). Après le souper, S.A.R voulut bien honorer de sa présence le bal qui était préparé à l'hôtel de ville. Le lendemain à cinq heures et demi du matin, le prince se rendit à la cathédrale  ; le clergé l'attendait à la porte avec un dais, sous lequel il fut conduit à un prie-dieu. La messe fut célébrée par M. de Laporte, évêque de Carcassonne. Le prince partit ensuite pour Narbonne avec le maréchal duc d'Albuféra.

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    © Musée des beaux-arts de Carcassonne

    Claude-Joseph Trouvé, par Roque fils

    En janvier 1815, le Baron Trouvé et son épouse sont présentés au roi et à la famille royale. Au mois de mars, retour de Napoléon de l'île de d'Elbe ; le préfet Trouvé s'entretient avec Fouché, chef de la police. Après le Cent jours mettant définitivement fin à la tentative de retour de Napoléon, le préfet est admis à Saint-Denis le 8 juillet 1814 et renvoyé à Carcassonne. Le 15 novembre 1815, le duc et la duchesse d'Angoulême font un nouveau séjour à Carcassonne et dormiront à la préfecture. Le baron Trouvé sera destitué par ordonnance royale le 5 septembre 1816.

    Sources

    Description générale et statistique du département de l'Aude / Baron Trouvé / 1818

    Souvenirs d'un octogénaire / Baron Trouvé

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    © Tous droits réservés / Musique et patrimoine / 2017

  • Les souvenirs du quartier de cavalerie du 17e régiment de dragons (Caserne Laperrine)

    Aujourd'hui, les Carcassonnais manifestent leur attachement aux marsouins du 3e Régiment d'Infanterie de Marine, comme ils le firent hier avec le 5e régiment de hussards, le 7e régiment de chasseurs à cheval et les 17e et 19e régiment de dragons. On ne peut tous les énumérer, mais juste mettre l'accent sur la tradition et l'histoire de notre ville de garnison. Jusqu'à la veille de la Grande guerre, Carcassonne avait été une place forte de la cavalerie française. Comme de nos jours, les militaires après leurs manœuvres sur le champ de tir de Romieu et leurs défilés sur les boulevards, participaient à la vie économique de la ville. Ce sont ces souvenirs que nous avons retrouvés dans un article de presse des années 1960, dans lequel l'architecte Raymond Esparseil raconte ce Carcassonne du XIXe siècle. Le fils de Marius Esparseil - inventeur de la mine de Salsigne - a construit l'actuel Théâtre municipal en 1935.

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    © Martial Andrieu

    Les cavaliers du 17e dragons dans la caserne Laperrine

    Nous sommes arrivés au régiment peu après que Courteline (Georges Courtine, auteur dramatique. NDLR) eût terminé le sien, également dans la cavalerie, c’est-à-dire que nous avons connu tout ce qu’il a raconté et dont la tradition n’était pas encore perdue.
    Si nous n’avons pas été les témoins de son fameux motif de punition donné par un adjudant à un bleu, qui, du troisième étage du quartier avait pris le soleil dans une glace pour le projeter violemment dans la figure de cet adjudant, nous en avons vu passer d’analogues, comme les deux jours de consigne avec le motif suivant : « A ri au nez de ce brigadier qui lui tournait le dos ».
    Nous avons vu comme Courteline les prisonniers et les consignés se lever avant le réveil pour aller casser la glace des abreuvoirs dans lesquels les jeunes cavaliers devaient aller tremper leurs fesses en descendant de cheval tous ensemble et au commandement. Remède souverain, parait-il, pour préserver leurs postérieurs des écorchures si douloureuses lorsqu’elles sont à vif et lorsque l’on trotte à cheval sans étriers.

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    © Martial Andrieu

    Le 19e dragons à l'abreuvoir

    La carrière des dragons était le lieu de rendez-vous de tous les Carcassonnais amateurs de haute voltige. Ils venaient admirer les exercices de voltige auxquels on nous astreignait. On était arrivé à nous faire exécuter des numéros de cirque auprès desquels ceux que l’on voit maintenant, ne sont rien. Pendant que nous voltigions, le 15e de ligne s’exerçait de son côté à des numéros de souplesse, où le bâton, la boxe et le chausson étaient surtout enseignés. Dans notre enfance, cela se passait boulevard Marcou, et nous y assistions avant notre entrée en classe au lycée.

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    © Martial Andrieu

    La voltige devant le manège du quartier de cavalerie


    Cet enseignement, qui ne se pratique plus, était pourtant très utile, non seulement en matière d’assouplissement, mais aussi dans la vie, ainsi que je vais en donner la preuve. Un mouvement du chausson consistait à se recevoir sur une main et un pied, et à lancer l’autre sur la figure de celui qui était derrière vous.
    Un de nos anciens de l’infanterie rentrait chez lui à Perpignan, dans la nuit, le long du quai conduisant à l’île Saint-Louis, lorsqu’il s’aperçut qu’un individu le suivait et se rapprochait de lui insensiblement, avec des intentions nullement catholiques, lorsqu’il fut assez rapproché, notre ami lui fit le coup du chausson en lui envoyant à l’envers un magistral coup de pied dans l’estomac. Il poussa un cri en tombant en arrière, pendant que notre ami se sauvait à toutes jambes.

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    L'hôtel Dieu rasé en 1977 (parking du Dôme)

    Ces classes de régiment se passaient à l’époque précédant Combes, l’irréligieux, avec le général de Galifet, ministre de la guerre, vieille baderne, bien que profondément catholique.
    C’est pourquoi il existait à, ce moment une émulation religieuse extraordinaire de tous les grades. Chaque dimanche, le général de Benoist de Cavalerie en activité à Carcassonne, donnait l’exemple en assistant en uniforme avec beaucoup d’officiers et de sous-officiers à la messe dans la chapelle de l’hôpital. Cet hôpital était alors dirigé par des sœurs de charité. Il y avait une ancienne cantatrice, sœur Saint-Vincent de Paul, qui avait une très belle voix. Elle chantait à l’orgue pendant la messe de onze heures. La supérieure était très riche, elle avait proposé à la municipalité d’aménager à ses frais, un jardin devant la chapelle. Il fallait pour cela changer de place les poids publics, ce que la municipalité refusa.

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    © Martial Andrieu

    Dragon du 19e régiment

    L’armée française, après la défaite (Guerre de 1870. NDLR), s’est reconstituée insensiblement jusqu’en 1889. Il y avait en outre les bataillons scolaires ; ils étaient commandés par un gradé de l’armée de 1870 qui était également au lycée et aux Ecoles Normales. Le bataillon du lycée était composé des classes supérieures, également celui de l’Ecole Normale de garçons, avec tambours et clairons. Il avait beaucoup de succès lorsqu’on le faisait manœuvrer en ville. Il était doté du fusil Gras et de la baïonnette. Il participait à toutes les prises d’armes ainsi qu’à la revue du 14 juillet.
    Ceux qui préparaient Saint-Cyr dans les classes supérieures allaient monter à cheval dans le manège du quartier de la Cavalerie. Lorsque le jeudi et le dimanche on se rassemblait dans la cour du petit lycée pour aller en promenade, le professeur de gymnastique était là pour nous apprendre le défilé et la formation par quatre.
    La marche au pas était exigée tant que nous traversions la ville. Le fourniment des anciens bataillons scolaires serait entreposé dans les greniers de l’Ecole Normale de garçons.

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    © Martial Andrieu

    A droite, la carrière des Dragons

    La carrière des Dragons servait de rendez-vous pour les rassemblements de fêtes. Les masques et les chars du carnaval s’y réunissaient avant d’aller en cavalcade, au milieu de confettis, accompagner le bœuf gras enrubanné jusqu’à Charlemagne qui était le terminus de toutes les fêtes de cet ordre.
    Le grand manège, le petit n’existant pas, servait de salle de bal, de fêtes et de banquets après la démolition de l’église des Cordeliers. Les ministres venaient y discuter de la politique après un bon déjeuner. Nous y avons vu Pelletan, Poincaré, Bourgeois, les Sarraut, etc. Carcassonne, patrie des Sarraut et par là même, berceau du parti Radical, était choisi de préférence par les chefs de parti politique pour s’y combattre à coups de discours. Marty, Carcassonnais, ministre des Travaux publics ; Gauthier, Audois, ministre de la Marine, faisaient partie des orateurs que les Carcassonnais ont applaudis.
    Mais avec de si nombreux rassemblements politiques, la carrière et le manège étaient aussi utilisés pour de nombreuses fêtes des régiments. Ils se préparaient à l’avance pour les fêtes de Saint-Georges. Concours hippiques, carrousel, exercices de voltige, danseurs de cordes, clowns, etc.

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    © Martial Andrieu

    La vie de Carcassonne était très belle avec le régiment de cavalerie. Nous avions à faire à un colonel très cocardier. Il était aussi très religieux, imité en cela, par presque tous les officiers.
    Il n’admettait pas qu’un sous-officier sortit en ville sans qu’il fût en tenue de fantaisie. C’est pourquoi il nommait de préférence des jeunes gens fortunés qui, tout en ayant de l’éducation, pouvaient se payer des tenues seyantes. On ne s’en privait pas : drap noir d’officier, pantalon rouge en drap satin, crinière de casque en cheveux de femme, chaussures élégantes à éperons mouchetés, etc.
    Cet assortiment, on le comprend, servait d’attrait aux jolies personnes fréquentant le régiment.
    Du reste, contrairement, à ce qui se passait dans l’infanterie, en dehors du service, le sous-officier de cavalerie, à cause de son éducation, était cordialement fréquenté par son officier, et, bien qu’avec une discipline de fer dont les jeunes d’aujourd’hui ne peuvent avoir qu’un bien faible idée, les relations d’inférieurs à supérieurs étaient toujours aussi respectueuses dans le service qu’amicales en dehors du service.
    Il me souvient qu’au cours de manœuvres de division de 1898, étant porte-fanion du général, j’étais tenue de rester dans son entourage, au milieu de ses officiers d’état-major. Il ne faisait aucune distinction entre ses officiers et moi, lorsqu’il fallait, en plein bataille, aller porter un ordre ou modifier, un mouvement de troupe. Ses officiers de même, m’ont accueilli comme si j’étais l’un d’eux.

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    © Martial Andrieu

    Intérieur du quartier de cavalerie

    C’était l’époque des bals de la préfecture que chaque préfet donnait plusieurs fois. Il s’y déroulait un certain faste rappelant l’éblouissement des fêtes d’autrefois ayant illuminé Carcassonne d’une ère de splendeur. Les grandes familles, les officiers, les chefs de service de toutes les administrations, y étaient invités avec les chefs d’industrie ou les gros propriétaires. Ces bals si distingués étaient l’objet de toutes les conversations et l’on s’y préparait longtemps à l’avance.

    Bien que l’on dansât les vieilles danses et surtout la valse, il commençait à se parler des danses nouvelles : « C’est la danse nouvelle, Mademoiselle », commençait-on à chanter. Et en fait se fut le Cake-walk qui fit son apparition en premier lieu.

    Je n’étais plus au service militaire et je m’exerçais à le danser avec ma cavalière (qui vit encore), quinze jours à l’avance, pour l’un de ces bals. Malheureusement, le jour du bal, je me trouvais sous-officier de dragon appelé à faire une période militaire. C’était une catastrophe, car en raison de la rareté des danseurs connaissant le Cake-walk, le coup de la surprise était manqué.
    Néanmoins, me rappelant l’amicale fréquentation des officiers pour les sous-off d’autrefois, je suis allé demander au colonel de mon régiment où j’accomplissais cette période, l’autorisation d’assister à ce bal. Celui-ci, suivant la tradition qui n’était encore pas répandue. « Avec plaisir maréchal des logis, me répondit-il, je suis enchanté que l’un de mes sous-officiers aille au bal de la préfecture.
    C’est alors que pour la première fois a été dansé le Cake-walk à Carcassonne, ce qui m’a valu des officiers assistant au bal, que je connaissais, une série de quolibets qui ont été répétés le lendemain par mes camarades.

    Historique du 19e régiment de Dragons

    Ce régiment fut formé en 1793 (décret du 27 février) avec le dépôt de volontaires à cheval réunis à Angers sous les ordres du général Leygonnier. Il prit part aux campagnes de la Première République etc de l'Empire et se distingua en maintes occasions et notamment : 

    Armée de Moselle, de Rhin et Moselle, d'Allemagne 1794-1797

    Armée d'Italie 1798-1799 (Porto-Fermo et la Trebbia)

    Le 19e Dragons culbuta un corps de cavalerie napolitaine fort de 1500 chevaux. Pendant cette charge, le général Casabianca s'étant trouvé enveloppé par l'ennemi, fut dégagé par le maréchal des logis Martin qui reçut le brevet de sous-lieutenant en récompense de sa belle conduite.

    A la Grande Armée 1805-1807 (Elchingen, Austerlitz, Iéna, Lubeck, Bohrungen et Friedland)

    A l'Armée d'Espagne et du Portugal 1808-1813 (La Corogne, Braga, d'Oporto, de Las Rosas, Vitoria)

    A la Grande Armée 1813-1814 (Dresde, Leipzig, Dantzig, Saint-Dizier, Brienne, La Rhotière)

    Ce régiment fut licencié le 14 septembre 1815. Il ne fut reconstitué qu'en 1874 et formé par le 8e Chevaux-légers lanciers, lequel créé le 18 juin 1811.

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    © Martial Andrieu

    Le 19e régiment de Dragons au quartier de cavalerie

    Ci-dessus, l'intérieur de la caserne Laperrine. Les écuries à l'arrière de la cour seront détruites après la Grande guerre et on élèvera un nouveau bâtiment à deux étages.

    Sources

    Raymond Esparseil / L'Indépendant / 1960

    Notes, photos et synthèse / Martial Andrieu

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  • Cette chapelle du XIIIe siècle rasée à proximité de la Cité

    On ne connaissait pas bien la date précise de la construction de la chapelle de Sainte-Croix, même si l'architecture du chœur permettait de penser qu'elle avait dû être érigée au XIIIe siècle. Sa voûte, ses nervures, ses culs-de-lampe décorés de feuillage ne laissaient sur ce point guère planer de doute. L'oratoire sur lequel elle avait été bâtie en bordure du chemin de Palajanel, servait de chapelle annexe à l'église Saint-Michel, aujourd'hui disparue, du diocèse de Saint-Nazaire et Saint-Celse. Les habitants de l'ancien quartier Saint-Michel et Fontgrande y venaient assister à l'office dominical. En période rogations, ils y priaient pour obtenir les grâces du ciel sur les récoltes. Au cours des siècles, le lieu avait subit des transformations dans le but de l'agrandir. Cet oratoire était le dernier vestige d'un faubourg dense autour de Fontgrande. Ses habitants payèrent chèrement leur attachement 

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    © SESA

    En 1858, un article de presse alerte les lecteurs sur la ruine de la chapelle de Sainte-Croix. Il serait vraiment dommage qu'elle disparaisse. A Carcassonne, les vieilles pierres des anciens lieux de culte n'ont jamais suscitées d'émotion chez les élus. Quatre ans plus tard, un petit encart dans le journal évoque la disparition de plusieurs pierres sculptées de cet édifice classé par les beaux-arts. L'œuvre des pilleurs s'est effectuée loin des préoccupations quotidiennes de la municipalité. Il est à parier que ces pierres soient allées rejoindre la propriété d'un particulier, après celle d'un antiquaire recéleur.

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    © Midi-Libre

    La pierre taillée volée en 1962

     Faute d'entretien et menaçant de ruine, le sort municipal réservé en 1966 à la chapelle du XIIIe siècle, fut la destruction pure et simple. Bien entendu, il est inutile de demander où sont passées les pierres de taille. Au mieux chez un particulier, au pire dans une carrière.

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    © SESA

    Au début de l'année 1972, un comité du souvenir est constitué par les commandants Béteille et Adroit ainsi que MM. Decaud, Sourou et Sarraute. A l'endroit où se trouvait la chapelle, une stèle enfouie dans la terre est dégagée et redressée. Elle va servir de socle à l'érection d'une croix matérialisant l'emplacement de l'ancien édifice. MM. Antoine Labarre et Albert Blanc, membres du comité et de la Société d'Etudes Scientifiques de l'Aude sont à la manœuvre. La chapelle rasée avait fait place à un dépotoir et ces messieurs obtinrent l'autorisation municipale d'y installer la croix.

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    Antoine Labarre et Albert Blanc

     Après une messe dite à la basilique Saint-Nazaire, l'inauguration devait avoir lieu le 19 novembre 1972 en présence de l'abbé Mazières, vicaire général représentant Mgr l'évêque ; le commandant Phillipot (3e RPIMA), le commandant Campredon (Souvenir français), M. Pech de Laclause (SESA), M. Georges Cotte (Président de la Société des arts et des sciences de Carcassonne) et des membres du comité. L'abbé Mazières procéda à la bénédiction de la croix :

    "Je voudrais me situer dans la lignée de tous ceux qui sont venus ici bénir et prier."

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    © Martial Andrieu

    La croix et son socle de nos jours

    Cette chapelle accueillit une grand-messe du chapitre cathédral en 1707. En 1754, Guillaume de Bellegarde, vicaire général, y fit une visite. A la Révolution, elle fut vendue à Pierre Routier pour 1250 livres le 13 fructidor de l'an XII.

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    On doit beaucoup à Antoine Labarre et à Albert Blanc. Puisse cet article réhabiliter leur mémoire auprès de ceux qui les ont oubliés. C'était une époque, hélas défunte, où des citoyens tentaient de sauver le patrimoine au plus près du terrain.

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