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Musique et patrimoine de Carcassonne - Page 218

  • Le magasin de nouveautés "A la vierge", Gastilleur frères

    Il semblerait d'après nos recherches généalogiques que la famille Gastilleur, originaire de Brenac dans l'Aude, soit venue s'installer à Carcassonne après la Révolution française. Jean Gastilleur, perruquier de son état, aura trois fils : Jean Augustin, Marc et Guillaume domiciliés 114 rue Royale (actuelle rue de Verdun). Ces deux derniers officieront également comme perruquiers dans notre ville. Jean Augustin, fils de Guillaume, sera marchand de chaussures (9, rue de la gare) et aura deux fils Gustave et Victor - ce dernier connu pour ses talents de poète. Jacques Eloi et Jean Auguste, fils de Marc, seront à l'origine de la fondation vers 1855 d'un magasin de nouveautés, appelé "A la vierge". 

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    Le magasin Gastilleur frères, rue de Verdun

    Au XVIIIe siècle, cet emplacement est occupé dans le carron Pech par Jean Bourbon, marchand quincailler. A l'angle de la rue de Verdun et de la rue Chartrand, on distingue une magnifique statue en marbre blanc. Le sculpteur serait Barata fils, à qui l'on doit la fontaine de Neptune de la place Carnot. Monsieur H. Bourbon était propriétaire de cette maison ; il acheta cet oeuvre d'art et la fit placer à cette niche qui abritait autrefois la statue votive de Notre-Dame du Sauveur. Celle-ci avait été placée à cet endroit dans un oratoire, afin de matérialiser l'emplacement de l'ancienne église du N-D du Sauveur qui fut supprimée lors de la construction de l'Officialité au XIVe siècle. Les sculptures ornant la façade du magasin Gastilleur seraient l'œuvre d'Isidore Nelli (1810-1900).

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    Le 18 avril 1896, un autre fils de Marc Gastilleur - Antoine (1834-1902) - s'associe avec Mlle Marie Gastilleur, Mme veuve Coll, Armand Bories et Louis Satgé et fonde une Société particulière et civile d'administration des bains de Rennes. Le siège s'établit chez Satgé frères, 62 rue de la République. Le but de cette association est la création à terme d'une grande société anonyme.

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    En 1901, meurt Jean Auguste Gastilleur dit Augustin, co-fondateur avec son frères Jacques Eloi du magasin de nouveautés de la rue de Verdun. Son fils, Charles (1868-1933) reprend cette affaire et la développe jusqu'à fonder le 17 mars 1913 la Société Gastilleur frères "A la vierge". Il vivra entre sa propriété d'Ariens et sa maison 101 boulevard Barbès. Marié avec Marie Jeanne Aybram, il aura trois enfants : Jean Augustin (1897-1939), André (1900-1982) et Henry. Ce dernier ouvrira une succursale à Toulouse.

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    L'ancien magasin "A la vierge". Aujourd'hui, La ferme.

    L'étude généalogique et les recherches effectuées dans la presse ancienne, nous ont permis de retracer l'histoire de cette famille avec beaucoup de précisions. De cette analyse, se détachent deux branches, dont l'origine est Jean Gastilleur, perruquier originaire de Brénac. Si les deux furent commerçantes au milieu du XIXe siècle, celle dont est issue le poète Victor Gastilleur tint un magasin de chaussures, 9 rue de la gare. Le fonds fut vendu le 6 avril 1913 à Jules Lalanne et Marthe Blanic, qui firent perdurer à cet endroit la vente de chaussures. 

    Nos recherches généalogiques sur la famille Gastilleur seront mise en ligne sur le site geneanet.com afin que désormais, elles soient utiles à tous.

    Sources

    Le courrier de l'Aude

    Etat-civil et recensement / ADA 11

    Cartulaire de Mahul

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    © Tous droits réservés / Musique et patrimoine / 2017

  • Victor Gastilleur (1884-1925), le Tartarin de Carcassonne.

    Que l'on n'arrive pas à mettre la main sur la biographie de Victor Gastilleur, n'est pas peut-être pas si extraordinaire que cela. Oh ! certes, Daniel Fabre dans le dictionnaire Les Audois nous a transmis une dizaine de lignes, mais c'est bien insuffisant pour nourrir notre dent creuse. Nous nous sommes donc mis en quête de réparer une injustice concernant cet homme, totalement oublié des Carcassonnais. Et pour cause... Son aspect bohème et excentrique en fit un personnage de roman, croqué avec une délectation toute spirituelle par Louis Codet en 1908. Ce César Capéran là, confirma par ses contours finement ciselés, la rondeur et les pensées tonitruantes de notre Gastilleur. Laissons là, la caricature ! On ne devient pas l'ami d'Eugène Rouart, d'André Gide, de François-Paul Alibert, de Moréas, de Picasso, d'Alfred Jarry ou encore de Déodat de Séverac, si l'on n'est pas doté d'une vive intelligence et d'un instinct de poète. C'est peut-être cela que les Carcassonnais n'ont pas su regarder.

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    Raimu dans Tartarin de Tarascon

    Charles, Pierre, Joseph, Victor Gastilleur naît le 2 septembre 1884 dans une famille de riches commerçants. Son père Jean Augustin tient un magasin de chaussures au n° 9 rue de la Gare. Dans la grange jute à côté, il y installe un projecteur et diffuse sur un drap les premiers films muets. L'entrée est payante mais à demi-tarif pour les cavaliers du régiment de dragons. Elizabeth Bonnet, sa mère, tient la boutique avec son mari. L'enseigne s'appelle d'ailleurs, Gastilleur-Bonnet. Dans la Grand rue (rue de Verdun), les deux cousins Jean Auguste et Jacques Eloi possèdent le magasin de nouveautés "A la vierge", situé à l'angle de la rue Chartrand.

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    A l'issue de ses études secondaires, Victor Gastilleur obtient son baccalauréat. Ceci nous est confirmé par  le degré d'instruction, notifié lors de son passage au Conseil de révision. Pas de "Bon pour les filles" ! Son passage sous les drapeaux est ajourné en 1905 pour cause d'obésité. L'année suivante, il est renvoyé dans le service auxiliaire. Victor Gastilleur exerce le métier de publiciste. Depuis qu'il s'est établi à Paris  comme étudiant dans le quartier Latin (17, rue du Val de Grâce), il mène une vie de bohème où seul le classicisme littéraire obtient de grâce à ses yeux. On le rencontre souvent dans le cercle de la revue "Vers et prose" fondée par Paul Fort en 1905.

    "C'était Victor Gastilleur, invraisemblable mythomane. Dans sa chambre meublée du quartier latin, il avait introduit un fauteuil en visible provenance du Marché aux puces et qu'il affirmait être le fauteuil de Bossuet. Il le croyait." (André Salmon / Souvenirs sans fin)

    Sylvain Bonmariage (1887-1966), gardait un "souvenir bizarre et charmant de Gastilleur". On vadrouillait dans le quartier des halles avec Moréas. C'était le bon temps ! Imaginez-vous que, comme femmes, Gastilleur n'aimait que les grosses mégères qui débitaient leurs salades sur le carré Rambuteau. Il se les envoyait toutes. Chacun ses goûts. Il avait la foi..." 

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    Alfred Jarry

    (1873-1907)

    Gastilleur s'était lié d'amitié avec l'écrivain Alfred Jarry depuis 1902. Au mois d'avril 1906, il vint même à son secours et le sortit d'affaire, après que l'auteur d'Ubu roi lui ai adressé cet appel au secours

    Mon cher Gastilleur,

    Je suis bien malade, sans qu'il y ait de danger. Vous êtes un vrai ami. Venez, s'il vous plaît, aujourd'hui ; j'ai reçu des bons de poste de Laval et n'ai pas eu la force d'aller les toucher, il faut partir ou mourir : je suis depuis cinq jours au lit, sans avoir pu aller faire mes provisions. Venez et vous me sauverez la vie. Votre ami. Le permis est le salut.  A. Jarry

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    André Gide en 1893

    En février 1907, Eugène Rouart propose les services de son ami Gastilleur, à André Gide. Sur la foi de ces recommandations, ce dernier lui obtient un poste de chroniqueur dans la revue littéraire Antée. Ses débuts ne seront guère appréciés ; une note assez acerbe dans le numéro d'avril au sujet du pâtissier Huymans, lui vaudra une mise à l'index.

    Monsieur J.K Huysmans, le pâtissier bien connu de la rue Saint-Sulpice, dont les friandises sont célèbres dans le monde ecclésiastique, sentant venir la mort et voulant gagner le ciel, vient de faire à Dieu, un double sacrifice : il n'écrira plus que des romans de 150 pages, et cela sans le secours du dictionnaire des synonymes. En outre, et pour expier ses fautes passées, il fera arracher les quelques dents qui lui demeurent de ses lointaines débauches, par le révérend père Léon Bloy, de l'ordre des frères-raseurs - Cette touchante cérémonie aura lieu ces jours-ci. Au préalable, et afin d'éviter au patient des douleurs inutiles, il sera endormi par Adolphe Resté qui récitera ses derniers poèmes.

    Sans incidence néanmoins, puisqu'au mois août, Victor Gastilleur publie dans la revue son "discours sur l'esprit critique" dédié à François-Paul Alibert. Le poète Carcassonnais l'avait présenté à Rouart en 1906. 

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    On peut considérer qu'Eugène Rouart favorisa la carrière de Victor Gastilleur. Lorsqu'il était directeur de cabinet de Jean Cruppi (Ministre du commerce) entre 1908 et 1909, c'est lui qui le mit en relation avec Albert Sarraut. Gastilleur obtint le poste de chef de son secrétariat, jusqu'en 1916 ; année où il sera mobilisé pour la Grande guerre. Gastilleur essaya de tirer partie de la protection que lui offrait Sarraut, pour embêter tous les ministres afin de réaliser un musée historique occitan dans une des tours de la Cité médiévale. Toujours par l'entremise de Rouart, il réussit à placer son neveu Lucien Lamouroux (1900-1984)- fils de sa sœur Victorine - comme secrétaire d'un ministre. En contrepartie, est-ce lui qui a fait placer Eugène Rouart à l'arrière des combats à Carcassonne en 1915 ?

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    Déodat de Séverac

    Tout ce petit monde des arts se côtoie et forme un noyau d'amis. En juin 1905, Victor Gastilleur écrit à Pablo Picasso pour l'inviter à Carcassonne avec Rouart : "Nous vous attendons ici cet été". Très lié au compositeur Déodat de Séverac, il participe aux salons musicaux à St-Félix Lauragais où l'on retrouve Ricardo Vinès. En 1907, il effectue un voyage à Barcelone pour rencontrer Adria Gual, dramaturge catalan et fondateur de l'école d'art dramatique. L'année suivante, Victor Gastilleur se joint à André Gide, Eugène Rouart et François-Paul Alibert pour un périple mémorable dans la Haute-vallée de l'Aude.

    Que reste t-il de V. Gastilleur ?

    Le 24 mai 1906, le théâtre de Carcassonne met au programme Hanibal, opéra de Joseph Baichère sur un poème de Gastilleur. Il s'agit d'un drame lyrique en deux parties et quatre tableaux. Nous n'avons pas encore retrouvé la partition. Le 24 juillet 1909, l'Ode à la Cité est exécutée au théâtre de la Cité sous la direction de Charles Bordes. Il s'agit d'une cantate pour chœur d'hommes composée en six jours par Déodat de Séverac ; le texte est de Victor Gastilleur. Seul la partie de chœur publiée à Vienne en 1910 aurait été conservée.

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    Parmi les écrits de Victor Gastilleur

    Sur le tombeau de Charles Bordes (1909 / NRF)

    Achille Laugé, peintre languedocien (Ed. Servière et Patau / 1906)

    Omer Sarraut. L'homme, la vie, l'œuvre. Préface de C. Pelletan (Ed. Servière / 1905)

    En 2004, une rue de Carcassonne dans le quartier des Serres fut donnée à Victor Gastilleur. Là-bas, éloigné de ses pairs qu'il avait largement contribué à se rencontrer, aucune mention sur la plaque ne qualifie ce qu'il fut, ni ses dates de naissance et de décès. C'est bien dommage, car Victor Gastilleur mérite mieux que l'anonymat. Peut-être que ceux qui décidèrent d'honorer le poète, comme d'autres les fleurs pour une rue n'auront pas pris la peine d'effectuer ces recherches. Victor Gastilleur est mort le 1er décembre 1925 à Marseille.

    Je pris posément la parole et lui prouvait qu'il avait tort : Que d'abord (comme je le pense) le favoritisme était la meilleure méthode de gouvernement, la seule qui fût digne d'un, peuple éclairé ; que nul autre moyen d'apprécier un homme et de le mettre en place ne saurait être comparé au choix et à la faveur d'un chef intelligent ; que les diplômes ont toujours constitué la parure des sots ; qu'il fallait être une sorte d'instituteur et un fétichiste pour en juger différemment. " (César Capéran / Louis Codet)

    Sources

    H. Bordillon /Gestes et opinions d'Alfred Jarry / Ed. Siloë / 1986

    André Gide / Correspondances avec Alibert / PUL /1990

    André Gide / Correspondance avec A. Ruyters /PUL 1990

    André Salmon / Souvenirs sans fin / Gallimard

    Louis Codet / César Capéran / Gallimard / 1927

    Etat-civil et recensement / ADA 11

    Notes, synthèses et recherches / Martial Andrieu

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  • Ce Carcassonnais, chef d'orchestre du Grand théâtre du Capitole de Toulouse

    Bien qu'une rue porte son nom dans le quartier des Quatre chemins avec pour simple mention "Armand Raynaud, musicien", les Carcassonnais ont oublié depuis fort longtemps quel a été cet homme exceptionnel. Son parcours fut presque en tout point semblable à son ami Paul Lacombe, à qui il faut bien reconnaître une plus grande notoriété dans notre ville. Enfin, sur les bâtiments publics... 

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    © Coll. Martial Andrieu

    Raynaud Paul, Antoine, Emile, Armand naît le 8 décembre 1847 au N° 16 de la rue de la Comédie - aujourd'hui, n°20 de la rue Courtejaire. Il vit là avec son père Adolphe (commis fabriquant de draps), sa mère Victorine Gros, lingère, et ses beaux parents, Jacques Gros (Négociant) et Marie Polycarpe. Son prénom lui viendrait de son parrain et ami de la famille, le républicain Armand Barbès. Dans son domaine de Fourtou près de Villalier, ce dernier lui aurait permis de souffler dans son cor de chasse. Ainsi, Raynaud se serait-il pris de passion pour cet instrument, dont il jouera plus tard avec excellence. Destiné comme son ami Paul Lacombe à l'industrie drapière, Raynaud lui préféra la musique. Les Carcassonnais de cette époque se souviennent avoir vu ce célibataire à la barbe doublement pointue, se balader sur le boulevard de la préfecture coiffé d'un chapeau melon et sa canne à la main.

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    © Coll. Martial Andrieu

    Société lyrique Ste-Cécile de Carcassonne

    Armand Raynaud apprendra la musique grâce au cours dispensés par François Teisseire, fondateur de la première école de musique de la ville. A l'Exposition universelle de Paris en 1867, sa société chorale obtint des récompenses et souleva l'enthousiasme du public. Teisseire, que Carcassonne a définitivement enterré, s'évertua à dispenser des cours aux enfants d'ouvriers. Grâce à lui, on fit interpréter au théâtre municipal "Le chalet" de Adam et "La dame blanche" de Boieldieu. Une première dans cette ville de garnison, habituée à entendre surtout de la musique militaire. En 1875, Armand Raynaud prend la tête de la Société lyrique Sainte-Cécile fondée par Teisseire ; sous le kiosque à musique du square Gambetta construit par l'architecte Léopold Petit, il dirige cette phalange composée de talentueux musiciens tels que Gustave Barbot (1er prix du conservatoire de Paris), Colson (Violoniste, élève de Vieuxtemps), Jean Escaffre, etc.

    Il était de coutume à Carcassonne la veille du 14 juillet de donner un concert au kiosque. Les spectateurs qui avaient pris place avec leurs chaises sous les platanes, attendaient l'exécution de la Marseillaise orchestrée par Armand Raynaud et Le chant des Girondins. Ce dernier avait été hymne national sous la Seconde république, entre 1848 et 1852.

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    Armand Raynaud se révéla comme le compositeur de plusieurs œuvres dont La rapsodie espagnole, la Marche Chinoise, The nightingale, etc. Contrairement à Paul Lacombe, il quitta Carcassonne en 1885 et consacra le reste de son existence à la direction d'orchestre. D'abord en Belgique, au Grand théâtre royal de Gand d'où il revint à cause d'un climat qui ne s'accordait pas avec sa santé fragile. Par un heureux concours de circonstance, Raynaud fut nommé en 1886 à la tête de l'orchestre du théâtre du Capitole de Toulouse. A cette époque, le conservatoire et le Capitole de Toulouse, au public si exigeant, égalaient en qualité l'opéra de Paris. 

    Dans les années 1890 et les premières suivirent le début du XXe siècle, les chefs d'orchestre n'occupaient pas encore au théâtre, comme aujourd'hui, la place en retrait qui leur permet d'avoir sous les yeux l'ensemble instrumental. Au contraire, il étaient assis sur un siège élevé en bordure de la scène, tournant le dos à la plupart des exécutants. Ceux qui ont vu Raynaud au pupitre rapportent qu'il portait toujours le poing gauche sur la hanche, le coude saillant, le bras droit au geste large tenant la baguette. Celui-c! conformément au vœu de Berlioz "avait la partition dans la tête et non pas, la tête dans la partition". Cette parfaite connaissance du répertoire lyrique, lui fit gagner la confiance des directeurs successifs : Debrat, Tournié, Frédéric Boyer... Le compositeur Paul Vidal, né à Toulouse mais originaire d'Issel (Aude), venait très souvent louer ses qualités.

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    Les dernières années du XIXe siècle furent pour le théâtre du Capitole une période brillante. Son orchestre et le maître Armand Raynaud, inspiraient une telle confiance que la scène toulousaine était devenue comme un lieu d'élection pour Camille Saint-Saëns. On joua en 1885 Proserpine, puis Phryné qui évoquait l'antiquité grecque avec beaucoup de charme ; Mme Vaillant-Couturier de l'OPéra-Comique tenait le rôle titre. En 1896, Saint-Saëns vint lui-même interpréter au piano un de ces concertos. La même année, Raynaud dirigea la création de Jocelyn de Benjamin Godard avec Sentenac (Ténor), Desmet (Basse) et Mme Ribes-Tournié. Ce jour-là, l'inspecteur des Beaux-arts Armand Sylvestre, qui avait adapté le livret de Lamartine, s'avançant vers la scène dit au public :

    "Notre admiration pour l'aigle de Victor-Hugo ne saurait exclure celle que nous inspire ce cygne blanc qu'est Lamartine".

    En 1900, Frédéric et Justin Boyer administraient le Capitole. Dans les premiers jours du mois de mars, un désaccord les opposa à Raynaud au sujet d'une interprétation orchestrale. Fort de son bon droit et d'un conflit qui ne s'apaisait pas, Raynaud décidait de présenter sa démission après treize années à la tête de l'orchestre. De mémoire, ce fut un beau tapage parmi les abonnés. Lorsque à sa place, le second chef d'orchestre Montagné, Carcassonnais comme Raynaud parut au pupitre, l'assistance protesta violemment. 

    "L'orchestre se tait. La représentation semble compromise. La toile se lève. Un régisseur paraît, assez penaud dans son habit noir. "Que désirez-vous ?" demande t-il. Une clameur lui répond : "Raynaud ! Raynaud ! Raynaud !" Cela dura quelques instants. Le rideau tombe pour se relever bientôt après. Nouvelle apparition du régisseur, qui déclare : "On est allé prier Monsieur Raynaud de retirer sa démission. S'il y consent, il reprendra sa place dès demain. Cette fois la salle applaudit et l'on pur jouer la Favorite de Donizetti. Le lendemain Raynaud réapparaît à l'orchestre, salué, dès son entrée, par une magnifique ovation à laquelle s'associaient les musiciens eux-mêmes, debout, battant des mains pour accueillir leur chef. Ainsi, fit cet incident qui montra toute la place de Raynaud à Toulouse."

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    Photo d'illustration

    Peu de temps après et incident, il fut atteint par une congestion pulmonaire. Le 3 avril 1900 à une heure du soir, Armand Raynaud décédait à Toulouse dans une famille originaire de Carcassonne (les Dussaud). La cérémonie funèbre se tint à l'église Saint-Sernin où se trouvait l'orchestre du Capitole. Son ami, le chef Montagné, dirigea la Marche funèbre de Haring. Le ténor Soubeyran chanta "Le crucifix" de Jean-Baptiste Fauré et Mme Baréty, un émouvant "Pie Jesu". Le cercueil rejoignit la gare Matabiau pour Carcassonne, où il arriva le 5 avril dans l'après-midi. La Société Ste-Cécile traversa la ville sur la Marche funèbre accompagnant Armand Raynaud, au cimetière Saint-Michel.

    https://www.youtube.com/watch?v=DlaazgGtXNk

    Quelques années après la mort du grand chef d'orchestre, un comité fit ériger son buste, œuvre du sculpteur Villeneuve, sous le kiosque du square Gambetta. Bientôt après, il fut déposé dans une dépendance du musée municipal. Qu'est devenu le buste d'Armand Raynaud ? 

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    A cet endroit, s'élevait la maison d'Armand Raynaud à Carcassonne

    Principales compositions

    Tolosa (Suite d'orchestre)

    Nouredda (Ballet)

    Le roi Lear (Opéra)

    Sources

    Jean Depaule / Contribution à l'histoire de la vie musicale toulousaine 

    L'artiste toulousain / 5 février 1888

    Etat Civil et recensement / Archives de l'Aude

    Notes, recherches et synthèse / Martial Andrieu

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