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L'immeuble Fabre, une ténébreuse affaire de favoritisme municipal

Voilà une affaire communale qui défraya la chronique locale pendant quatre années et qui finalement, aboutit à la condamnation de la ville à verser 10 000 francs de dommages et intérêts aux plaignants. Elle alimenta également les débats municipaux de vifs échanges par communiqués de presse entre les socialistes, aux affaires de la mairie, et leurs opposants radicaux. La droite, pendant ce temps, se contenta de compter les points en misant sur le désordre républicain pour tenter d’en tirer un bénéfice électoral. L’affaire de la Maison Fabre ainsi dénommée, mit en accusation le conseil municipal d’avoir fait bénéficier l’un de ses anciens adjoints, de quelques mètres carrés de terrain communal à un prix attractif. Ses voisins immédiats se sentant lésés finirent par revendiquer le même traitement, mais la contrainte fut telle qu’ils demandèrent réparation du préjudice auprès des tribunaux.

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© Google maps

L'immeuble Fabre, Square Gambetta

Le 29 octobre 1875, le sieur Guillaume Fabre, maréchal-ferrant de son état, envoya un courrier à la mairie afin de solliciter l’autorisation de démolir et de rebâtir une vieille masure à l’entrée de la rue du Pont-vieux. A l’endroit même où se tenait le café Sainte-Cécile, faisant face au square du même nom, le propriétaire demandait l’alignement à la ville pour refaire la façade et agrandir. La délibération du Conseil municipal en date du 3 février 1876 l’y autorisa suivant le prescription de la commission chargée de l’étude se conformant au plan d’alignement de 1869. La ville soucieuse d’embellir les pourtours du nouveau square Sainte-Cécile consenti 3,35 m2 de terrain dont 2,25 m2 gratuitement et le reste au prix de 15 francs le m2. Tout ceci, à la condition qu’il cède à la ville dans le futur, une partie de l’alignement contigüe à l’ancien café Delpech lui appartenant de l’autre côté de la rue. L’histoire devait en rester là, mais Guillaume Fabre cassa sa pipe et ne réalisa pas les travaux.

Le fils Fabre Jean né en 1850, surnommé Casimir, après ses études de vétérinaire à Toulouse entra au Conseil municipal comme adjoint de son oncle François Teisseire, disciple de Marcou. Deux ans après la démission de Teisseire suite à l’affaire du Congrès des instituteurs dont nous avons parlé dans une chronique précédente, Casimir Fabre quitte la mairie. L’Inspecteur des viandes à l’abattoir déjà fragilisé par une fonction jugée arbitraire par l’opposition car octroyée par son oncle Teisseire, va se retrouver au centre d’une nouvelle tourmente.

Le vétérinaire entendit poursuivre l’œuvre de démolition et de reconstruction que feu son père n’avait pas pu entreprendre. Le 6 avril 1886, le Conseil municipal autorise Casimir Fabre à reconstruite suivant le plan de façade conçu par l’architecte Bertrand et à se conformer à l’alignement moyennant l’acquisition d’une partie de terrain appartenant à la commune. Là où le bât blesse, c’est sur le prix de vente consenti que certains jugeront comme du favoritisme. La façade du nouvel immeuble devra être parallèle au boulevard du musée (Camille Pelletan) et les extrémités dans l’alignement du square et de la rue du Pont vieux.

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Défaut d'alignement, rue du Pont vieux

Les sieurs Tardieu et Roger, respectivement taillandier et Cordier, voisins de Fabre aux numéros 50 et 52 montèrent aux créneaux. La construction de l’immeuble les positionnait désormais en recul de la rue, dans un angle où ils estimaient ne pouvoir jouir convenablement de leurs biens. A leur tour, ils saisirent la ville souhaitant reconstruire leurs maisons et obtenir l’alignement au prix du terrain consenti à Fabre. La réponse de la mairie fut celle-ci : « La commission invite Tardieu et Roger à refaire leur façade en élevant leurs maisons à la hauteur de l’immeuble Fabre. » C’est à cette condition qu’ils bénéficieraient du tarif qu’ils espèrent. Les deux hommes déclinèrent la proposition et se sentant lésés portèrent l’affaire en justice, aidés dans leur tâche par l’opportunisme politique de Sarraut. Au bout du compte, la mairie qui avait changé de maire en 1889 fut condamné par la Cour d’appel de Montpellier.

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© Académie d'architecture

Emile Gustave Bertrand

L’immeuble Fabre parmi les plus beaux du quartier fut édifié selon les plans d’Emile Gustave Bertrand (1856-1913) en 1886. Cet architecte né à La Redorte dans l’Aude auquel nous consacrerons une chronique conçut les plans de la salle des fêtes du Jardin d’acclimatation à Paris où s’était établi avec sa famille. A Carcassonne, il réalisa le Groupe scolaire Jean Jaurès qui fut achevé par Paul Enderlin et son fils, Jean Bertrand (1887-1941). Emile Bertrand fut élément le beau-père d’Henri de Monfreid. Quant à l’immeuble Fabre dont nous ne savions rien de son architecte jusqu’à cet article, il fut occupé par le grand magasin de vêtements « Universel Magasin » jusqu’en 1893. La pharmacie actuelle n’en possédait qu’une moitié au début du XXI siècle, l’autre partie étant prise par la station service Choy. 

Sources

Le courrier de l'Aude, Le Rappel, La Fraternité

Délibérations du Conseil municipal 

Archives de l'Etat-civil

Photo en Une / Nathalie Amen-Vals

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