Aucun Carcassonnais n'aurait pu imaginer qu'un jour le site de la Cavayère, connu pour sa décharge et ses rodéos de moto-cross, serait transformé en une aire de fraîcheur et de détente. Il faudra pour cela le concours d'un malheureux destin et la volonté d'un homme. Ce coup du sort c'est un incendie qui dévore en 1985 plus de 350 hectares de ce territoire boisé. Cet homme c'est le maire Raymond Chésa, qui dès l'année suivante entreprend le pari risqué de réaliser un lac de 18 hectares sur le lieu du sinistre.
© Patrice Cartier
Cette idée lumineuse combine à merveille deux projets ; l'un écologique et l'autre, économique. Là, où il n'y avait que désolation et finalement pour avenir qu'une garrigue, on va creuser et créer un lac artificiel. L'architecte est Mlle Ceeli de Montpellier. Dès 1990, le reboisement de conifères (pin parasols et cyprès d'Arizona) et de feuillus (frênes, aulnes, chênes pubescents, arbre de Judée) va s'intégrer parfaitement autour du site. D'un point de vue économique, Raymond Chésa veut absolument donner une raison aux touristes visitant la Cité médiévale, de rester une nuit supplémentaire à Carcassonne. L'accès au lac étant libre et gratuit, il pense également à tous les enfants de la ville n'ayant pas la chance de passer des vacances à la mer.
Un lac sans eau
En fin stratège politique, le maire envisage d'inaugurer sa réalisation pendant la campagne électorale des municipales de mars 1989. Malheureusement, malgré les nombreuses études pour acheminer l'eau par les ruisseaux de Bazalac, de Montirat et du Loup, la vaste étendue d'eau de 1,5 millions de m3 ne se remplit toujours pas durant l'automne 1988. Manque de chance, Carcassonne enregistre cette année-là un déficit pluviométrique sans précédent.
L'opposition municipale de gauche battue en 1983 dans cette ville acquise à sa cause depuis un siècle, s'engouffre dans la brèche pour dénoncer ce fiasco. Une campagne de calomnie et de mensonges comme on sait très bien la faire à Carcassonne, va abaisser les débats d'idées au niveau du caniveau. Le maire, lui, droit dans ses bottes, continue à croire et espère que ce lac va se remplir avant le premier tour des élections. Avec un sens aigu de la formule, je l'ai entendu dire cette phrase en plein Conseil municipal :
" Le lac se remplira avec les larmes de mes détracteurs"
L'inauguration
La prophétie selon Chésa va se réaliser. En seulement quelques semaines, à cheval sur février et mars, de grosses précipitations vont commencer à remplir ce lac et faire fondre tous les espoirs de reconquête de la gauche locale. Au meilleur moment pour les uns ; au pire moment, pour les autres...
© Alain Machelidon
Le lac est inauguré en février 1989 depuis le barrage de 150 mètres de long et de 23 mètres de hauteur, situé au nord de la retenue d'eau. Oh ! certes, ce n'est pas encore suffisant pour s'y baigner mais à l'été 1989, les deux plages seront ouvertes aux plaisanciers. Les cinq kilomètres de sentier pédestre accueilleront également les amoureux de VTT ; les "pescofis" jetteront leurs gaules à l'eau sous la bienveillance de la Fédération de pêche dont Chésa est un des adhérents ; les tables de pique-nique feront la joie des sorties dominicales.
La première activité privée s'installe au lac. Il s'agit de la location de pédalos et de la vente de boissons à emporter gérée par "Les flotteurs de la Cavayère" de Didier Loubeyre. Le gardien M. Nicolas Daniel aidé par des saisonniers assure la tranquillité de ce site dont la baignade est surveillée et réglementée. L'usage des véhicules à moteur sur les sentiers est interdit, hormis les véhicules de secours. Ces activités de plein-air connaissent dès leurs débuts un énorme succès, faisant de cette réalisation contestée un environnement très prisé des Carcassonnais et des touristes.
Le complexe de loisirs Raymond Chésa
Après le décès du maire de la ville en janvier 2005, la municipalité décidera de donner le nom du lac à Raymond Chésa. Comme il s'est largement développé avec la construction du Centre de loisirs, il prend cette dénomination un peu administrative à mon goût. Ce nom a le mérite de rendre à Chésa, ce qui lui appartient d'un point de vue historique.
© isabellechesa.com
Le 18 juin 2008, le maire Gérard Larrat et son Conseil municipal inaugurait le Complexe de loisirs Raymond Chésa, entouré de la famille de l'ancien maire. M. Larrat soulignait avec justesse dans son discours :
"Cette date du 18 Juin, anniversaire de l’appel du général de Gaulle, est symboliquement le meilleur choix pour le gaulliste convaincu et rigoureux qu’a été Raymond CHESA."
© Jean-Luc Bibal
Mis à jour le 9 juillet 2020
Où est donc passé le panneau avec le nom Complexe de loisirs Raymond Chésa ?
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