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Marinette Seguy fusillée par les nazis au Bousquet (Aude) le 4 mai 1944

A la suite d’une dénonciation dans les locaux de la police secrète allemande (Gestapo) de Carcassonne par une femme prénommée Thérèse résidant à Quérigut dans l’Aude, une opération contre de supposés réfractaires au S.T.O est organisée le 4 mai 1944. Dans la nuit, deux camions chargés d’une quarantaine d’hommes de la 5e compagnie du Landeschützen régiment der Luftwaffe Lisieux placés sous le commandement du capitaine Josef Nordstern, accompagnés par le lieutenant Heinz Bernhard Matthäus, l’adjudant chef Alfred Schmidt et le caporal Goswin Palm, partent de la caserne de la Justice vers le Bousquet près d’Axat. Cette compagnie spécialement destinée pour combattre les maquisards mènera régulièrement des actions en collaboration avec la Gestapo ; elle s’illustrera dans les mois qui suivront à Villebazy, Ribaute, Chalabre, Trassanel…. Cette nuit là, un véhicule du SD l’attend dans lequel a pris place l’interprète alsacien René Bach, Oskar Schiffner et l’inspecteur Janeke. Toute cette cohorte d’assassins et de pilleurs s’élance donc en direction de la haute-vallée de l’Aude.

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© Un village français 

Lorsqu’elle arrive vers les 5 heures du matin au Bousquet, l’ordre est immédiatement donné à la troupe d’encercler le village et d’en interdire les sorties. Tout fuyard devra être exécuté sur place. Un à un, tous les hommes de 13 à 84 ans doivent être rassemblés sur la place et ceux qui ne se trouvent pas dehors à cette heure, sont tirés manu-militari de leurs lits. Ainsi, Joseph Bourrel, le maire de la commune, est réveillé par des soldats allemands :

« Ils sont montés chez moi. Ils m’ont fait habiller et m’ont fait descendre dans la rue. Ils m’ont demandé où étaient les réfractaires et qui encore pouvait les ravitailler. Ayant répondu que je savais pas où trouver les réfractaires, ils ont fait savoir à ma belle-fille qu’ils allaient me fusiller, si je ne disais pas la vérité. Sur mes réponses, ils m’ont conduit en dehors du village ; aux alentours de la batteuse. J’ai trouvé plusieurs hommes du village rassemblés à cet endroit. Je suis resté de cinq heures du matin à seize heures avec tous mes administrés. »

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© ADA 11

Bach, interprète alsacien de la Gestapo de Carcassonne

A l’appel de leurs noms énumérés par René Bach et figurant sur une liste pré-établie par le SS-Unterscharführer Schiffner, les dénommés Bousquet Louis, Baychelier François, Pérarnaud Fernand, Paycha Pierre, Bousquet Emile, Seguy Georges, Mortès Antoine, Tristiani Gaetan et Seguy Baptiste doivent sortir des rangs. On les interroge chacun individuellement dans une classe de l’école communale. Tous témoigneront de l’extrême brutalité avec laquelle on tenta de leur faire dire où se trouvaient les réfractaires. Les blessures qu’il reçurent entrainèrent une incapacité de travail de huit à dix jours. Pour exemple, Pierre Paycha raconte comment il fut torturé ce jour-là :

« Aussitôt rentré, un civil que j’ai su s’appeler Bach, s’est précipité sur moi, m’a frappé à coups de pieds dans le ventre et de coups de cravache sur la tête, me demandant si je ravitaillais les réfractaires. N’ayant pas répondu, ils m’ont pris à quatre et porté sur un table d’élève. Deux me tenaient le ventre sur la table, la tête sur le banc et deux autres me tapaient avec une matraque, genre nerf de bœuf, et avec une grosse corde ferrée aux deux bouts. Ceci a duré un demi-heure environ. Puis ils m’ont mis dehors, face au mur de la mairie, défense de bouger, me disant qu’avant la fin du jour je serais fusillé. Je suis resté demi-heure dans cette position, après quoi, ils nous ont réunis à nouveau en colonne par deux. Ils nous ont considéré comme otages et séparés des autres hommes valides de la localité. »

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SS-Unterscharführer Oskar Schiffner

Deux jeunes hommes du village qui furent interrogés, durent sans doute vouloir indiquer un emplacement où pourraient se trouver des réfractaires. Fernand Pérarnaud et Antoine Mortès furent amenés en dehors du Bousquet :

« Ils m’ont ensuite fait monter et emmené avec mon camarade Mortès Antoine, au col de la Malayrède. De là, nous avons poursuivi à pied et encadrés de militaires, jusqu’à Salvezines. S’ils nous ont conduits vers ces emplacements, ce n’est pas sur mes indications et ils savaient à l’avance que le maquis stationnait dans cette région. Après qu’ils eurent fait une reconnaissance dans les bois, nous redescendîmes au village. Ils m’ont placé avec le restant des hommes et à 18 heures nous fumes libérés.»

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© La résistance audoise

Marinette Seguy avant 28 ans

Au cours de cette triste journée, une jeune femme de 28 ans a perdu la vie. Marie-Madeleine Seguy dit Marinette, fille de Baptiste et de Cécile Pons, née le 16 janvier 1916 à Maury (Pyrénées-Orientales), fut lâchement exécutée par un soldat allemand. La pauvre femme craignant pour son père qui venait d’être arrêté, alla chercher le fusil de chasse qu’il détenait illégalement pour le jeter dans un ravin. Surprise dans sa tentative, elle reçut un décharge de mitraillette dans le bras puis dans la tête. Le docteur Beille note les impacts de trois balles tirées à 150 mètres de distance, dans le bras, au-dessous de l’oreille et dans le crâne de la victime. Le père de Marinette en fut averti de la sorte :

« J’ai été appelé près d’une voiture où se trouvait le nommé Bach qui m’avait arrêté. Il y avait également à côté de la voiture, un officier allemand et un civil. Il m’a demandé si j’étais le père de la victime, j’ai répondu affirmativement, et Bach m’a dit que ma fille avait payé, et que c’était bien fait. Il a ajouté que si ma fille n’avait pas été tuée, et si le fusil avait été trouvé chez moi, j’aurais été fusillé de suite. »

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© Genweb

Le monument dans la commune Le Bousquet

Nous avons trouvé dans les archives fédérales allemandes, les témoignage d’anciens soldats qui ont participé à cette opération. Il faut savoir que l’Allemagne de l’Ouest a interrogé et cherché à condamner les responsables des crimes de guerre dans l’Aude dans les années 1960 :

« Dans une autre opération, un village a été fouillé pour trouver des résistants cachés. Les témoins étaient le Dr.Eichberger et Höb. Les hommes ont été rassemblés sur la place et interrogés séparément dans l’école. Au cours de ces opérations menées par le capitaine Nordstern, la fille du maire a tenté de quitter le village avec un fusil de chasse de son père. Elle a été blessée par une mitrailleuse. Elle n’était pas morte sur le coup et a reçu le coup de grâce. Le témoin Eichberger ne se souvient pas qui a exécuté l’ordre. Il ne connaît pas le nom du tireur. Le témoin Berg se souvient que le tireur a ensuite été qualifié de « tueur de femmes » dans la compagnie. Le témoin Van de Camp a dit qu’il s’agissait d’un jeune soldat. »

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© Martial Andrieu

La commune du Bousquet a érigé un monument en mémoire de Marinette Seguy. Elle repose depuis 1944 dans le cimetière du hameau de Villalbe près de Carcassonne, dans le caveau de la famille Salsignac.

Sources

Archives de Justice militaire / Le Blanc

Procès de René Bach / ADA 11

Archives du Bundesarchiv

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Commentaires

  • Merci pour cette page de notre histoire qui montre la monstruosité du régime fasciste avec la complicité des colabos.

  • Que dire ...... à part l’ignominie de l’homme et de sa faiblesse ......Dénonciation encore et encore...
    l’ignorance pour amener à l’inpensable...
    il est temps de se réveiller .....
    j’espère

  • peut-on pardonner cette cruauté ?? étaient-ils obligés d'etre aussi sauvages ??

  • Les horreurs du passé devraient nous aider a voir celles du présent...

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