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Livres - Page 7

  • Le séjour (pas très flatteur) du romancier américain Henry Miller à Carcassonne en 1933

    Nous savons que le poète Joseph Delteil a rencontré Henry Miller pour la première fois en 1935, grâce à la seconde soeur de sa femme Caroline Dudley. Ainsi pouvions-nous jusque-là rattacher le parcours du romancier américain dans notre ville avec Delteil. Il semblerait cependant - d'après les lettres écrites à Anaïs Nin - que Miller ait pu connaître Carcassonne dès 1933. C'est ce qui ressort des courriers publiés dans l'ouvrage "Correspondance passionnée" édité chez Stock.

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    L'écrivaine américano-cubaine Anaïs Nin (1903-1977) sera la maîtresse de nombreux écrivains dont Henry Miller. En mars 1933, après quatre jours de joie passés dans les bras de son amant, Anaïs apparaît dans toute la gloire d’une femme adultère sans scrupule : "Ma seule religion, ma seule philosophie, mon seul dogme, c’est l’amour. Tout le reste, je suis capable de le trahir si la passion me transporte vers un monde nouveau."

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    Henry Miller en 1940

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    Grand Café Terminus, Carcassonne

    Maison la plus réputée de la région

    Samedi, 24 juin 1933

    "Vous croyez peut-être qu'on voyage pour son plaisir ? Quelle erreur ! Chacun de nous, dans sa propre mesure, est victime de son imagination. Victime résignée, ou heureuse, ou pitoyable..."

    Ainsi débute Mon périple d'Elie Faure que j'ai commencé à lire dans le train. Et c'est d'une terrible vérité. Carcassonne ne correspond pas à l'image que je m'en faisais. Il y a des villes qui vous frappent immédiatement, d'autres qui dévoilent leurs charmes, lentement, insidieusement. Mais d'autres encore conservent à jamais l'aspect sous lequel elles vous sont apparues dès l'abord. Je crois que Carcassonne est de celles-là.

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    La ville fortifiée (la cité) est belle dans son genre - peut-être une des merveilles du monde, mais elle ne représente qu'une partie minuscule de la ville de Carcassonne -, située à une demi-heure de la gare. Au pied de la cité se trouvent des taudis remplis d'Espagnols abominables. Ça ne peut pas être de vrais Espagnols. Ils représentent les malheurs de la transplantation. Et, pourtant, ça m'a beaucoup ému d'être au milieu d'Espagnols. Je le reconnais au premier coup d'oeil - physiques un peu dégénérés, l'air clochard, mauvais, soupçonneux, malin. (premières impressions !) Les trois quarts des habitants de Carcassonne ont du sang espagnol. Des riches paysans. Mais sans gaieté. Un endroit mort - même ce soir, un samedi ! Tu ne pourrais qu'être déçue en venant ici. Il faut que je trouve un autre endroit - pour nous. Demain, je vais faire du vélo dans les environs, explorer, me renseigner. J'ai trois endroits en tête : Toulouse, Perpignan ou Avignon.

    Je ne vois pas d'inconvénient à ce qu'un petit village soit mort - ça paraît normal. Mais quand il y a trente mille habitants et qu'un samedi soir les rues sont désertes, qu'il n'y a pas un seul café avec de la musique, c'est que quelque chose ne va pas. Je serais prêt à séjourner avec toi dans un village de pêcheurs. Mais pas dans une de ces villes de province complètement mortes ! C'est pire que Dijon, même si la campagne autour est plus agréable.

    C'est une région qui m'attire. C'est pour moi le Midi. Partout où se trouvent ces Catalans. Partout où il y a ces douces collines, ces arbres sombres, cette terre brune tirant sur le rouge, où tout a l'air vieux, très vieux - cela rappelle César, Hannibal, les druides, les premiers comptoirs grecs, les mythes et le folklore. Cette région est vraiment sacrée...

    Et c'est un crime de voir ces grands cafés vides, avec seulement quelques vieux abrutis qui jouent au billard ou aux cartes - et pas une sorte de musique. Ça ne vas pas. Je me souviens d'Arles. Les mêmes gens, la même langue, le même paysage. Mais on sentait une violence contenue. (...)

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    Bon - on mange trop ici. Il n'y a pas de restaurants à moins de onze francs. Mais quel repas pour onze francs - service compris. Enorme ! Je n'arrive pas au bout. Un plat suit l'autre - et toujours une demi-bouteille de vin. Cuisinés avec beaucoup d'ail et d'oignon. résultat - une agréable langueur. On se met à errer avec un véritable désir physique - jamais mental. Ça vous met dans un état de rut perpétuel. Alors qu'à Paris tout conspire à vous stimuler mentalement, à vous créer des désirs imaginaires, des passions de l'esprit. Ici, c'est le pain, le ciel, la terre. On bande automatiquement, involontairement. Le vent souffle sur la peau mue et électrifie l'organisme. (La cité fortifiée est d'un intérêt secondaire. On y vend des cartes postales, des souvenirs, etc. Suis retombé dans des rêves littéraires au Moyen-âge.) Cet après-midi en allant à Trèbes, le village le plus proche, à bicyclette, j'ai de nouveau éprouvé ce choc physique. Un village absolument fascinant. Une fascination médiévale. Comme si l'on se promenait dans un conte de fées ? repoussant - et attirant. M'a donné une sensation du passé, que la cité elle-même n'avait pas réussi à me donner. Cette petite ville (Trèbes) est inconnue, sans importance touristique. Mais c'est là qu'est la vraie saveur. J'ai marché dans d'étroites ruelles remplies d'enfants (encore des Espagnols) avec les mères sur le pas de leurs portes, et partout des hurlements stridents, de la musique, des cris, des injures, des ivrognes, de la violence, des rues qui tournent à angle droit, partout une saleté absolue, sinistre, et le tout bouillonnant de vie.

    Mais moi, Américain, avec mes beaux habits, je ne pourrais pas y vivre. Ils me tueraient. Ils vous regardent à travers leurs lourdes paupières comme des serpents se dorant au soleil. J'ai adoré ça. Mais je ne pourrais jamais me faire comprendre d'eux. A leurs yeux, je resterais toujours un "riche touriste".

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    Henry Miller logea à l'hôtel Bristol

    "The City of New York is like an enormous citadel, a modern Carcassonne. Walking between the magnificent skyscrapers one feels the presence on the fringe of a howling, raging mob, a mob with empty bellies, a mob unshaven and in rags." (H. Miller)

    Henry Miller reviendra à Carcassonne vingt années plus tard... en 1953.

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  • T.E Lawrence (Lawrence d'Arabie) photographia la Cité en 1908

    Thomas Edward Lawrence

    (1888-1935) 

    dit Lawrence d'Arabie, qui inspira le film du même nom réalisé en 1962 - porté à l'écran par l'acteur Peter O'Toole - photographia la Cité de Carcassonne en 1908. C'était bien avant que l'officier et écrivain britannique - auteur des Sept piliers de la sagesse - ne construise son mythe autour du soulèvement des rebelles arabes contre les Ottomans, qu'il a largement encouragé.

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    T. E Lawrence

    Né en 1888 au Pays de Galles, Lawrence fera ses études au Jesus College d'Oxford. C'est dans cet établissement qu'il se découvre une véritable passion pour l'histoire médiévale. En juillet 1908, à la fin de sa première année à l'université , il entreprend la plus longue balade à vélo de sa vie afin de découvrir en France les forteresses du Moyen-âge. Entre la mi-juillet et début Septembre , il aura effectué quelques 3800 km à travers la France. En moyenne, plus de 80 km par jour, tous les jours.

    Au mois d'août 1908, T. E Lawrence fait escale dans la Cité médiévale de Carcassonne restaurée par Viollet-le-duc. Il y trouve le modèle diachronique de la plus importante forteresse : "absolument indescriptible... de toutes les dates : époque romaine, Wisigothe, une splendide tour sarrasine, traces carolingiennes et toute la noblesse du bâtiment médiéval que je n'avais jamais vu, ou attendais de voir."

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    T.E Lawrence écrit à son ami C.F.C Beeson

    Carcassonne. I’m not going to describe that : ‘It's impossible, impious to attempt such a thing : go and see it, expecting to find the greatest thing of your life, and you’ll find one many times finer. How on earth has it remained unknown with its memories and its remains, when people flock to a St. Michel or the Tower of London? It is ten thousand times finer than these, or a hundred like them, rolled into one. I have 40 odd photos, which do it sad injustice, but nothing could do it anything else : and there are no guides, no fees, no tips, no beggars, hardly any trippers : 'this is a paradise of a place, unhappily there’s no hotel.

    Traduction

    Carcassonne . Je ne vais pas décrire cela : « C'est impossible, sacrilège de tenter une telle chose : allez voir, en attendant de trouver la plus grande chose de votre vie, et vous trouverez un grand nombre de fois plus fine. Comment diable est-elle restée inconnue avec ses souvenirs et ses restes, quand les gens affluent vers un Saint-Michel ou la Tour de Londres ? Elle est dix mille fois plus fine que ceux-ci, ou cent comme eux, en un. J'ai 40 photos bizarres, qui font triste injustice, mais rien ne pouvait être autrement : et il n'y a pas de guides, pas de tarifs, pas de conseils, pas de mendiants, presque aucun touriste : «Ce lieu est un paradis, malheureusement, il y a pas d'hôtel .

    Les photographies de Carcassonne prises par T.E Lawrence sont conservées au Liddle Hart Centre for Military Archives, Kings College of London

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    ©telstudies.org

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    ©telstudies.org

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    ©telstudies.org

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    On pourra lire avec profit cette biographie en langue anglaise signée A. Sattin.

    La curiosité n'est pas un vilain défaut si on l'utilise avec sagesse... Que ceux qui m'ont caricaturé en vil polémiste ou archiviste de seconde zone passent pour des imbéciles !

    Sources

    The young Lawrence (A. Sattin)

    The letters of T.E Lawrence / J. Cape / 1938

    The authorized biography of Lawrence of Arabia

    A prince of our disorder / J.E Mack / 1998

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  • Ernest Hemingway sur les remparts de la Cité de Carcassonne

    En 1954, Ernest Hemingway - l'un des plus grands romanciers américains du XXe siècle - entreprend un voyage autour du monde à partir de New-York.

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    Ernest Hemingway en 1939

    Il est accompagné de son ami l'éditeur A.E Hotchner qui deviendra par la suite son biographe. Après être passés par l'Italie, Hemingway et Hotchner font une escale à Carcassonne le 6 mai 1954 ; ils doivent ensuite rallier l'Espagne afin d'assister à la féria de San Isidro de Madrid et rendre visite à Dominguin et Ava Gardner.

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    En 1966 - cinq ans après sa mort - A.E Hotchner nous révèle le passage à Carcassonne de l'auteur du "Vieil homme et la mer" dans la biographie qu'il lui consacre. Nous ignorons s'il existe une version en langue française.

    "The following day our route took us through Béziers to the walled city of Carcassonne in the shadow of the Pyrenees. In Béziers we stopped to ask directions (Adamo never forgave us) of an ancient gentleman who was sunning himself on the steps of the Cathédrale St. Nazaire. As we continued on the way, Ernest said; "Have you noticed that toothless people the world over, regardless of language, sound the same ?"

    In Carcassonne we stayed at the Hôtel de Cité, which is one of the most unique and beautiful hotels in Europe. It has a medieval atmosphere and all its rooms look upon the ramparts of the town. "Most of the wall and the towers of the city are faked", Ernest said, "but the restoration is so wonderful, who gives a damn ?

    When we went down to dinner, Ernest was surprised and pleased when an old New York friend came over to the table to greet him. Ernest invited him to dine with us ans over drinks...

    Traduction

    "Le lendemain, nous primes la route de Béziers à la ville fortifiée de Carcassonne dans l'ombre des Pyrénées. A Béziers nous nous sommes arrêtés pour demander notre chemin à un vieil homme qui lui-même à bronzé sur les marches de la Cathédrale Saint-Nazaire. Comme nous continuions la route, Ernest dit: «Avez-vous remarqué que les gens édentés dans le monde entier, indépendamment de la langue, on le même son?"
    A Carcassonne, nous avons séjourné à l'Hôtel de la Cité, qui est l'un des hôtels les plus uniques et les plus beaux en Europe. Il a une atmosphère médiévale et toutes ses chambres donnent sur les remparts de la ville. "La plupart des murs et des tours de la ville sont fausses", Ernest dit, "mais la restauration est si merveilleuse, qui s'en soucie ?
    Lorsque nous sommes descendus pour le dîner, Ernest a été surpris et heureux quand un vieil ami de New York est venu à la table pour le saluer. Ernest l'a invité à dîner avec nous autour d'un verre...

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    A.E Hotchner

    La biographie de A.E Horchner sur Hemingway fut adaptée à la Tv américaine. Après Madrid, Hemingway et Hotchner partirent pour Cuba ; l'année dernière sortait sur les écrans "Papa : Hemingway in Cuba". Le premier film américain tourné sur cette île depuis 60 ans...

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    On pourra également lire "Le jardin d'Eden" - oeuvre posthume d'Hemingway éditée chez Gallimard. Ce livre inachevé a été commencé en 1946 ; il ne sera édité qu'en 1986. 

    Nous sommes en France en 1946 ou 47, bref juste après la guerre qu’Hemingway a suivie comme correspondant de guerre. Le jeune écrivain David Bourne a rencontré, quelques semaines auparavant à Paris, une jeune femme qui s’appelle Catherine. Elle aussi est américaine et il l'épouse après dix jours. Ils partent vers le sud à Aigues-Mortes avant que de se fixer pour quelques jours au Grau-du Roi. Très vite il apparaît que Catherine a quelque chose qui ne va pas. Elle a des réactions parfois brutales pour des riens et semble tellement aimer son tout nouveau mari qu’elle veut à tout prix devenir lui, ou que lui devienne elle, c'est la question. Dans les gestes de l'amour, elle veut imposer que ce soit elle qui joue le rôle de l'homme ; elle ne se donne pas, c'est elle qui prend, même si David a quelques difficultés à s’y faire.

    Un page de ce livre est consacré à Carcassonne...

    Sources 

    Papa Hemingway / Hotchner / 1966

    Voyage avec E. Hemingway / G. Hily-Mane / 1999

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