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Livres - Page 5

  • Invitation

    Le dernier tome de mon ouvrage "Carcassonne, une histoire de photographies" sera en vente à partir de demain chez vos librairies Carcassonnais. Ce samedi 18 juin, une séance de dédicaces aura lieu à la librairie Breithaupt (rue Courtejaire) de 10h à 12h et à la Maison de la presse dans l'après-midi.

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    Ce livre - le dernier de la série - évoque les évènements de la vie Carcassonaise entre 1969 et 1995. Tout en couleur et illustré de près de cent photographies, il est constitué de cinq chapitres.

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    Carcassonne, une histoire de photographies

    (1969-1995)

    132 pp / Broché

    29,90 €

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    © Tous droits réservés / Musique et patrimoine / 2016

  • Jean Mistler et Joë Bousquet : Regards croisés entre deux amis d'enfance

    S'il est inutile de vous présenter la vie du poète Joë Bousquet, alité jusqu'à sa mort dans une chambre de la rue de Verdun suite à une grave blessure de guerre, il nous est apparu intéressant de nous pencher sur le cas de son amitié avec Jean Mistler. La complicité intellectuelle entre les deux hommes débute alors qu'ils sont tous les deux élèves au lycée de Carcassonne. 

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    Jean Mistler et Joë Bousquet au lycée de Carcassonne

    Les origines de Jean Mistler sont Languedociennes par sa mère et Alsaciennes par son père ; ce chef de famille qui ne s'occupera guère de lui. Il fait d'abord ses études à l'ancienne école royale de Sorèze dans le Tarn - fort connue pour sa rigueur, ses traditions quasi militaires. Là, on défendait l'idéal de l'Ancien Régime. C'est d'ailleurs le seul établissement en France possédant encore une statue de Louis XVI dans son jardin. Le jeune Mistler est un brillant élève qui fait sa scolarité ensuite à Castelanudary et Carcassonne avant de préparer le concours d'entrée à l'École Normale Supérieure au lycée Henri IV à Paris.

    À Carcassonne, Joë Bousquet - dont la famille est issue de la bourgeoisie catholique - se révèle être un esprit vif et brillant. Coureur de jupons et aimant la bagarre, sa vie d'avant guerre lui promettait un avenir au sein de l'armée plutôt que dans les lettres. C'est tout du moins ce qui transparaît dans les mémoires du chanoine Gabriel Sarraute, qui fut un peu son confesseur.

    La Grande guerre

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    © lepervierincassable.net

    Joë Bousquet

    Ce conflit qui ne devait durer que quelques semaines brisa la vie de bien des hommes qu'ils fussent anonymes ou illustres. Évitant de peu la mort grâce au courage d'Alfred Ponsinet, le lieutenant Bousquet du 156e régiment d'infanterie reviendra à Carcassonne, totalement paralysé des membres inférieurs. Pour ses actes de courage au combat, il recevra la Croix de guerre, la médaille militaire et la légion d'honneur. 

    Jean Mistler n'a que 18 ans lorsqu'il se retrouve incorporé dans le 9e régiment d'artillerie de Castres. Après l'offensive du 20 février 1918 vers Vitry-le-François, il passe sous-lieutenant. Au sujet de l'armistice, il écrira : "La France commença à perdre la paix, le lendemain du même jour où elle avait gagné la guerre".

    Les deux amis - à l'instar de l'ensemble des poilus de la Grande guerre - sortiront de l'effroyable boucherie comme fervents pacifistes. C'est à partir de là qu'il faut comprendre l'attitude de la majorité des Français qui soutiendront l'action de Pétain à partir de juin 1940. N'oublions pas qu'ils avaient en 1938 acclamé Daladier à son retour de Munich, après que la France a signé les accords avec Hitler pour éviter la guerre... Oui, mais ce soutien à Pétain sera diversement apprécié par les deux hommes.

    La France occupée

    Après la Grande guerre, Jean Mistler occupe le poste d'attaché culturel en Hongrie. Lorsqu'il revient en France en 1925, le ministère des affaires étrangères lui confie le Service des Oeuvres à l'Etranger où il succède à Paul Morand. Membre du parti Radical-socialiste, Mistler entre en politique et se fait élire à Castelnaudary comme député, grâce au soutien des frères Sarraut. A partir de 1932, il est nommé plusieurs fois ministre. Sa plus belle action sera la création de l'orchestre symphonique de la radio, ancêtre de Radio-France. Peu à peu, Mistler fait partie de l'aile droite du parti radical-socialiste... En mars 1940, il vote contre Paul Raynaud et devient l'un des artisans de l'avènement du maréchal Pétain - il votera les Pleins pouvoirs. Le 13 juin 1942, il recevra le chef de l'Etat Français à l'hôtel de ville de Castelnaudary dont il est le maire :

    « C'est avec des hommes comme lui que nous referons le pays »

    Il débaptise les rues de la cité chaurienne au nom de Barbès et de Gambetta, en les attribuant au vainqueur de Verdun.

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    © résistance-caltelnaudary

    J. Mistler et son Conseil municipal en 1941

    Le maire de Castelnaudary démissionne en 1942 en s'opposant à la politique de collaboration de Laval. Il déclarera quand même le 21 août 1944 :

    "Nous avons toujours dit qu'avec de l'intelligence et du travail, notre pays doit se faire de nouveau une place dans le monde. Peut-être si l'on nous avait davantage écouté depuis 4 ans, aurions-nous aujourd'hui moins de chemin à faire pour remonter la pente mais les regrets sont vains... Souhaitons que lorsque l'horrible épreuve que nous subissons prendra fin, les Français ne la prolongent pas encore par leurs divisions".

    Jean Mistler ne sera pas poursuivi à la Libération pour avoir soutenu Pétain. 

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    Son ami Bousquet comprend que la création de la Légion des combattants, sert de prétexte au soutien de l'action du gouvernement de Vichy. Pétain souhaitait s'appuyer sur les anciens combattants de 14-18 pour assoir son pouvoir. Si Joë Bousquet adhéra dans un premier temps à la Légion, il s'en affranchit. D'autres comme René Nelli, à l'instar de Mistler, couperont tous liens avec Vichy seulement à la fin de 1942, après avoir eu des fonctions dans la politique locale. Dans une lettre envoyée à Mistler en juillet 1942, Bousquet explique son engagement :

    "J'ai cru rêver. Mais comme j'avais eu la naïveté de m'inscrire à la Légion (en même temps qu'Aragon !) et que j'attends une occasion de me faire radier - sans aucune espèce de tapage, tu n'en doutes pas - j'attends la suite de cet incident et j'écrirai à Gélis* qu'étranger, de tout temps, à la politique et n'ayant jamais appartenu officiellement à un parti, je le priais de ne plus me considérer comme faisant partie de la Légion - où j'étais entré sur l'affirmation qu'il s'agissait d'une réunion d'anciens soldats étrangers à la politique... Qu'en penses-tu ? Doit-on envoyer une telle lettre de démission à Vichy ?"

    Dans ce courrier extrait de "Lettres à Stéphane et à Jean" par J. Bousquet - préfacé par René Nelli- il est indiqué comme écrit à la date de juillet 1940. Or, cela ne peut pas être vrai. Pourquoi ? Pour la simple raison que Bousquet y soutient le préfet Jean Cabouat qu'il considère comme "un homme très bien" qui évita la bagarre lors de la manifestation du 14 juillet. 

    "Je ne peux pas finir cette lettre sans te dire un mot de l'ahurissement qui m'a pris ce soir, quand on m'a dit quels efforts étaient menés contre Cabouat. Ça c'est vraiment trop ! Cabota a évité le 14 juillet une bagarre. C'est la première fois que je vois un préfet conquérir les plus hargneux par son attitude. On peut dire - tant il a inspiré de confiance à tous - qu'il n' y aura pas de coup dur à Carcassonne tant qu'il y sera préfet. Depuis longtemps, d'ailleurs, il agissait ici avec la plus grande sagesse. Il est vraiment un homme très bien."

    Cabouat a été préfet de l'Aude entre 6 juin1941 et le 16 septembre 1942 ; la manifestation est celle menée par des Républicains contre Vichy, le 14 juillet 1942 à la statue de Barbès. Cela sous-entend que Joë Bousquet n'a quitté la Légion qu'après juillet 1942. * Germain Gélis (Chef communal de la Légion française des combattants et de la Révolution nationale)

    La description de l'homme "très bien" contraste avec le récit de Daniel Fabre dans "Histoire de Carcassonne" chez Privat (1984) à la page 263, au sujet des suites de la manifestation résistante du 14 juillet 1942 :

    "Ces journées eurent par ailleurs des conséquences néfastes pour la Résistance. Arrestations, assignations à résidence, internements, privèrent le mouvement de ses animateurs. Piccolo, arrêté un temps en juillet 1942 dut quitter l'Aude pour un maquis lozérien. Bruguier fils qui lui succéda à la tête du réseau Combat fut arrêté à son tour. Parti ensuite pour le maquis du Gard, il fut remplacé par Roubaud, assisté de Vals."

    Elle contraste également avec une lettre de Jean Cabouat (préfet de la Creuse) du 19 décembre 1940 envoyée à Vichy dans laquelle, il dénonce le Dr Elman Moïse  en ces termes :

    "La personnalité du Docteur ELMAN s’apparente étroitement à une catégorie d’étrangers qui n’ont nullement appris à aimer la France et qui l’ont au contraire desservi utilisant à leur seul profit l’hospitalité et l’appui qu’ils en avaient obtenus. C’est un métèque « dans le sens de plus antipathique et le plus mauvais du mot." (Source : Mediapart)

    Cela n'enlève rien à l'opposition de Bousquet à Vichy et à l'esprit de résistance à la censure littéraire, mené depuis sa chambre de la rue de Verdun avec plusieurs écrivains réfugiés. Bousquet logea des juifs et des artistes pourchassés par Vichy : Julien Benda, Simone Weil, Max Ernst, etc... Peut-être était-il - au pire - obligé de jouer un double jeu pour ne pas éveiller les soupçons. Je me suis toujours posé cette question : Comment entretenir autant d'activités subversives en plein Carcassonne occupé sans être inquiété ? N'ayant pas assez étudié Bousquet pour le moment, je me garderais bien de toute conclusion hasardeuse.

    La complicité littéraire

    En 1971, l'Académicien Jean Mistler fait paraître chez Grasset "La route des étangs". Or, c'est à partir d'un fait divers que lui avait raconté Bousquet que son ami écrira ce roman. Sur la route des étangs de Leucate, deux fils d'une riche famille du Minervois se tueront dans un accident. Au moment de l'impact, ils n'étaient pas encore décédés et demanderont le secours d'un prêtre. Comme par l'enchantement du Saint esprit, un curé passait par là. C'était un homme de Dieu qui s'adonnait plus au négoce et aux plaisirs qu'aux devoirs de sa charge. Il avait été d'ailleurs défroqué.

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    La route des étangs

    On trouvera cette anecdote dans "Le médisant par bonté" à la page 155 - ouvrage de Joë Bousquet publié en 1947. 

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    Voilà deux esprits littéraires remarquables qu'il nous paraissait important d'étudier dans leurs courbes parallèles et divergentes. L'un eut la vie et le corps brisé par un obus se retrouva dans une chambre, l'autre à qui l'on pardonna de s'être trompé après s'être retrouvé dans une autre chambre (Le conseil National de Vichy), devint Académicien. 

    Sources

    Lettres a Stéphane et à Jean / 1975

    Cahier d'histoire de Revel N°20

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    © Tous droits réservés / Musique et patrimoine / 2016

  • François Mitterrand faillit mourir à Carcassonne...

    C'était en mars 1959... Quelques mois avant l'attentat de l'Observatoire dans lequel le sénateur de la Nièvre avait été accusé de l'avoir lui-même fomenté, qu'une banale affaire de vol va l'amener à Carcassonne. Ce n'est pas l'ancien ministre qui est requis cette fois mais l'avocat, à la demande d'une cliente un peu particulière...

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    F. Mitterrand en 1959

    Une dénommée Anne Huré vient d'être interpellée par l'inspecteur Cabot ; elle a été placée sous mandat de dépôt à la maison d'arrêt de Carcassonne. Son crime ? Avoir été prise en flagrant délit de vol dans le magasin des Galeries de Paris, rue de la gare. La dame était recherchée et avait fait déjà fait parler d'elle pour escroquerie, vols et usurpation d'identité. L'avocat Carcassonnais Me Clément Cartier - commis d'office pour défendre l'accusée - se rend au chevet de sa cliente. Celle-ci lui explique alors qu'elle est écrivain et qu'elle souhaite être également défendue par un autre avocat de Paris. Son nom ? François Mitterrand ! Sur le coup Me Cartier ne prend cette demande très au sérieux, mais se résout tout de même à appeler son confrère :

    - Une de mes clientes à Carcassonne demande a être défendue pour vous, dit-il

    - Son nom ?

    - Anné Huré. Elle dit qu'elle est écrivain

    - Je descends tout de suite, reprend-il sans une hésitation.

    François Mitterrand arrive à Carcassonne par le premier train et loge au Grand hôtel Terminus. Le lendemain après avoir visité sa cliente à la prison en compagnie de Me Cartier, il demande à ce dernier la faveur de l'amener à Minerve. Le futur Président de la République s'était pris de passion pour l'histoire des Cathares ; on lui avait conseillé de se rendre sur ce lieu emblématique du sacrifice des bons hommes, jugés comme hérétiques par Rome. Les voilà donc partis dans la Dauphine de Clément Cartier à travers les routes sinueuses du Minervois. Sur le chemin du retour, le tonnerre se mit à gronder avant que subitement des trombes d'eau n'inondent la route. La Renault Dauphine n'étant pas connue pour ses qualités de tenue de route, l'avocat Carcassonnais prit toutes les précautions d'usage afin d'éviter l'accident. Mitterrand devait, lui, prendre le train en direction de la capitale et craignait que cet impondérable ne retardât son départ. 

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    Cette anecdote nous est racontée dans le livre ci-dessus écrit par Patrice Cartier - le fils du célèbre avocat. Je laisse à sa plume le soin de vous narrer la fin de l'histoire :

    "François Mitterrand se précipite et débouche sur le quai à l'instant où le convoi s'ébranle. Il tente de prendre en marche le dernier wagon. Embarrassé par ses bagages et malgré l'aide d'un voyageur qui essaie de l'aider à se hisser, il trébuche et perd l'équilibre. Son confrère effaré voit tomber successivement le porte-document, la valise, puis Mitterrand lui-même, qui reste étendu sur le ballast, entre les rails. Il accourt, l'aide à se relever et l'entraîne au buffet de la gare. Tout en buvant un remontant, Mitterrand convient qu'il a eu de la chance. Tomber du dernier wagon lui a évité d'être écrasé par les suivants. Et d'ajouter : "J'ai failli finir comme le célèbre avocat Moro-Giafferi ; à cette nuance près qu'il est mort non pas sous, mais le train, d'une crise cardiaque après qu'il eut couru pour y monter. Un train qui, s'il avait été plus long, aurait changé la face de la France..."

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    © Patrice Cartier

    Clément Cartier et François Mitterrand en 1980 à Carcassonne

    Qui est Anne Huré ?

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    Après sept années de prison, l'écrivain fut en passe de remporter le Prix Goncourt en 1962 pour son ouvrage "Les deux moniales". À une voix près, il ne lui fut pas accordé... Non pas que son livre ne le méritait pas - bien au contraire - mais à cause d'une campagne de presse désastreuse qui ne lui a pas pardonné d'avoir encore essayé de voler après sa libération. France soir et le Figaro littéraire se sont déchaîné sur elle avec de gros titres 

    "Favori du Goncourt. Anne Huré, interdite de séjour, aurait besoin d'une autorisation pour toucher son prix."

    (France soir / 8 novembre 1962)

    La majorité du jury a considéré - sans doute - que l'on ne pût pas attribuer le prix a un repris de justice. Peu de temps après ce revers, Anne Huré tenta de mettre fin à ses jours. Elle le raconte dans son autobiographie "En prison", publiée en 1963.

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    "Je suis sortie de prison le 20 février 1961. Les "deux moniales" paraissaient en janvier 1962. Les articles ont été bons. S'il n'y avait pas eu cette campagne ignoble de certains journaux du soir, j'aurais eu le Goncourt, et le Goncourt, pour moi, c'était très important, car c'était la possibilité d'être réhabilitée très rapidement. Une récompense officielle donc une porte ouverte vers la réhabilitation. Ce que j'ai trouvé parfaitement injuste, c'est que le prix ne m'ait pas été décerné, seulement parce que j'étais allée en prison. Pourquoi me pénaliser deux fois ? Non seulement j'avais été sept ans sous les verrous, mais on me punissait aussi dans mon oeuvre..."

    Anne Huré tenta de mettre fin à ses jours en 1963 et arrêta d'écrire dans les années 70.

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