Né le 29 octobre 1740 à Carcassonne, Pierre Thoron de Lamée appartenait à la branche anoblie de bourgeois, marchands fabricants de draps. Lamée étant un hameau de la commune de Villalier où les Thoron possédaient un château, son nom fut accroché par la particule au patronyme de la famille. Ainsi depuis quelques générations, en était-il des Thoron de Lamée, dont le père Pierre Antoine (1708-1773) avait épousé Françoise Pinel (1709-1774), fille d’un négociant dont une de nos rues porte le nom au cœur de la Bastide Saint-Louis. Il possédait également des parts de la Manufacture royale de Montolieu, dirigée son oncle et ses cousins, et avait été Consul de Carcassonne en 1755.
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Hameau de Lamée à Villalier (D101)
Enrichi d’un titre de noblesse gagné par ses aïeux sur les comptoirs du textile, le jeune Pierre Thoron de Lamée entra au service du Comte d’Artois - le frère de Louis XVI et futur Charles X sous la Restauration - comme Officier des Suisses et de la Garde personnelle de Monsieur. Il y fit grands services et ne tarda point à être récompensé de l’honorifique titre de Chevalier de l’Ordre royal et militaire de Saint-Louis.
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Sceau de la loge à l'Orient de la Cour
A l’Orient de Versailles, il s’était créé en 1775 une loge maçonnique au sein de laquelle figuraient des membres de la famille royale, de la Cour et de la garde du comte d’Artois : « Les trois frères Unis ». Contrairement à ce qu’affirment les détracteurs de la Franc-maçonnerie, celle-ci avait été fondée au milieu du XVIIIe siècle en Ecosse avec uniquement des gens de la noblesse ; seuls autorisés à porter l’épée. Ce fut le cas également en France jusqu’à la Révolution et l’on voit mal comment les loges auraient pu se fonder, sans l’autorisation du roi. C’est donc que Louis XV et son petit-fils à sa suite, avaient toléré les idées des Lumières qui mèneront à la fin de la Monarchie absolue et de Droit divin. On a prétendu que le ci-devant Louis Capet et ses fils faisaient partie des « Trois frères Unis » à l’Orient de Versailles. Nous n’en possédons aucune preuve, mais son cousin Orléans dit Philippe Egalité fils du futur Louis-Philippe 1er, aurait-il envoyé à l’échafaud son royal Frère, s’il l’avait été ? Nonobstant, devait-il en avoir les principes pour que l’abbé Klein chantât ce couplet au banquet rituel de la loge « Le Conseil des Elus » de Carcassonne en 1784 :
Pour le plus chéri des Bourbons
Notre âme se dilate
Qu’au triple feu de nos canons
Notre plaisir éclate
Sans tablier, Louis a les mœurs
De tout maçon, bon frère
Tirons avec tous les honneurs
Une santé si chère
Notons que la loge « Les trois frères unis » allume ses feux en septembre 1775, quelques mois après le sacre du nouveau souverain, Louis le XVIe. Certains parmi vous n’y verrons qu’une coïncidence, sans doute. Trois ans plus tard, Pierre Thoron de Lamée - au service du comte d’Artois, lui-même sans doute Franc-maçon - sera initié dans cette fameuse loge militaire. A son retour à Carcassonne, le lieutenant-colonel s’affilie à « La parfaite amitié » qu’il dirigera en 1785 et achète l’année suivante, la charge de Major au gouvernement de Narbonne en remplacement de Monsieur de Saint-Affrique, démissionnaire de sa fonction. Dans cette ville, il est le vénérable de la loge "Les philadelphes" en 1790.
Signature de Thoron Lamée
Lorsque survint la Révolution française, Pierre Thoron de Lamée resta en dehors de l’agitation politique et sauva sa tête pendant la Terreur. Quand le Consulat rétablit les fonctions de maire en 1800, Carcassonne s’administra un court moment sous la présidence provisoire de Pierre Germa. Puis, le 27 Germinal de l’An VIII (17 avril 1800), Bonaparte nomma Pierre Thoron Lamée - qui avait entre-temps fait choir sa particule - au poste de Premier magistrat de la commune. Ses adjoints furent Arnaud Besaucèle et Georges Degrand. Ce dernier avait participé à la tourmente révolutionnaire. D’abord comme agent national en l’An II (1794) puis en qualité d’administrateur du département en l’An IV (1796), tout en échappant à l’accusation de terrorisme. Protégé par Fabre de l’Aude, il s’illustrera comme maire de Carcassonne à partir de 1807 puis dans les fonctions de Sous-préfet de Castelnaudary (nommé le 24 juillet 1811).
Pierre Thoron de Lamée mourra à Carcassonne le 29 fructidor An XIII (16 septembre 1804) à l’âge de 64 ans. Son successeur fut Castel, aîné en 1805 avant une période de transition sous l’administration provisoire de Degrand et de Besaucèle. Pierre Thoron de Lamée s'était marié le 11 septembre 1786 dans la chapelle du château de Lasbordes (Aude) avec Claire de Foucault, sœur d'Henriette d'Hautpoul.
Le château de Lasbordes
Cet illustre Carcassonnais dont ne nous savions que peu de choses jusqu’à aujourd’hui, méritait toute notre attention et nos meilleures recherches. Il a été enseveli, comme on l’écrivait autrefois, au cimetière Saint-Michel de Carcassonne et a laissé par testament olographe du 4 Thermidor An XII, un lèg de 500 francs pour les Hospices et de 300 francs au bureau de bienfaisance de la ville.
Sources
Archives communales de Narbonne / 1877
Les Franc-maçons et le pouvoir / Ed. Perrin / 1986
Franc-maçons parisiens du Grand Orient / A. le Bihan / 1966
Du Directoire au Consulat / Colloque / Univ. de Lille / 1999
Délibérations du Conseil municipal de Carcassonne
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