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  • L'allée des Soupirs, le rendez-vous amoureux de Carcassonne

    Nous sommes au milieu du XIXe siècle et la ville de Carcassonne jusque-là enfermée à l’intérieur des anciennes fortifications de la Bastide Saint-Louis, rasées après la Révolution, cherche à s’étendre à l’Est. Pour exemple, l’actuel boulevard Jean Jaurès matérialise du côté de la préfecture l’emplacement d’une partie des remparts, avec en vigie le bastion de la Figuère. En traversant le boulevard à l’Est, ce ne sont que champs et pâturages. Bientôt un nouveau quartier va sortir de terre entre l’avenue Antoine Marty au nord, le boulevard J. Jaurès à l’Ouest, l’Aude à l’Est et le square Gambetta au Midi. Il s’agit du faubourg du Palais, ainsi dénommé depuis l’édification du Palais de Justice sur un terrain de 5764 m2 acquis par le Conseil départemental en 1849 à Emmanuel Teisseire. Notons que ce dernier avait été Juge honoraire au Tribunal de Première Instance de Carcassonne…

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    De l'autre côté de l'allée des Soupirs vers 1900

    Petit à petit les propriétaires vont vendre leurs parcelles et à partir de 1870 de belles maisons font faire leur apparition le long du boulevard. D’abord, la commune leur achète sur le devant, des mètres carrés de terrains afin de dessiner l’actuelle contre-allée du boulevard de la Préfecture (Jean Jaurès). Celle-ci va prendre un nom poétique qui s’est hélas perdu dans le temps : Allée des soupirs. Une promenade pour les amoureux… Aujourd’hui, c’est plutôt l’allée des gaz d’échappement.

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    Le Palais de Justice et l'allée des Soupirs

    Perpendiculairement à l’allée des soupirs, la municipalité va tracer de nouvelles rues et aligner les nouvelles constructions. Regardez-bien ! Elles ne sont que le prolongement des rues de la Bastide Saint-Louis, hors ses murs. La rue d’Alsace (rue Neuve Saint-Jean ou des Tripiers) prolonge la rue de la Liberté ; la rue du 4 septembre prolonge la rue de Strasbourg (rue neuve Saint-Vincent) ; la rue Barbès prolonge la rue Fédou. Dans le quartier du Palais, toutes les artères sont à angles droits comme la Bastide construite en damier par Saint-Louis. A cette époque, nos édiles possédaient encore une vision de l’urbanisme adapté à l’histoire de leur ville. 

    Prenons maintenant l’allée des soupirs à partir du laboratoire Blanc-Lançon à l’angle de la rue A. Marty. Jusqu’à la rue d’Alsace, ce terrain appartenait à la famille Journet, fabriquant en papeterie. En 1872, le sieur Gustave Daguet, agent d’assurance, demande l’autorisation de bâtir à côté de la maison récemment édifiée par Achille Cros.  

    Entre les rues d’Alsace et de Strasbourg, la famille Salaché avait construit une fonderie avant 1859 sur l’emprise actuelle du garage Métropole. Il faut dire que l’ensemble des parcelles de ce secteur lui appartenait. Les deux frères Salaché, Guillaume et François, avaient décidé le 13 mars 1859 de se séparer. Seul François († 21.02.1885) continua le métier de fondeur-mécanicien avec son fils Alexandre Casimir († 24.02.1886) et formalisa l’entreprise en une société le 24 mars 1868, ayant pour siège 7, allée des soupirs. Faute d’avoir su prendre le tournant de la viticulture, François Salaché qui n’est que fondeur va rencontrer des difficultés financières. Son fils ne souhaitant pas reprendre l’affaire, celle-ci est vendue en juin 1873 à Sicre frères. François Salaché reste tout de même directeur de l’atelier. En octobre 1877, la liquidation de la société Sicre entraîne la fermeture de la fonderie qui possédait un droit au bail jusqu’en 1881. Entre-temps, François Salaché avait mit en vente sa maison de l’allée des soupirs à côté du café du Palais.

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    © Christophe Marty

    Sur le caveau de la famille Salaché, on remarquera l’équerre et le compas, symboles des Compagnos du devoir mais aussi de la Franc-maçonnerie. En effet, François avait été élevé Maître-maçon le 4 juillet 1861 à la loge « L’étoile de la vertu » de Lézignan.

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    Maison édifiée par l'architecte Léopold Petit

    A côté de la fonderie Salaché, Victor Feuillat ouvrit une salle de spectacle appelée « Alcazar d’hiver ». On y vit les débuts de Mistinguet ! Le 3 juin 1913, l’Alcazar fut détruit pour laisser place au Modern-Cinéma de M. Bonnet puis au Vox et au Boléro. C’est maintenant, un centre de contrôle technique pour les automobiles. Une partie de ces terrains appartenaient au colonel Amans-Constant Ricard de Villeneuve.

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    Immeuble édifié par Marius Esparseil, place V. Basch

    Poursuivant notre chemin, nous arrivons sur les terrains d’Emmanuel Teisseire sur lesquels le Palais de Justice fut édifié. Tout autour de l’imposant bâtiment, la ville avait acquis 1524 m2 en avril 1851, quatre parcelles pour donner de l’air à la structure. C’est l’actuelle place Victor Basch, anciennement place du Palais où nous remarquerons l’immeuble construit par Marius Esparseil au numéro quatre. Jusqu’à la rue Fédou et l’actuel Groupe scolaire Jean Jaurès, les terrains étaient la propriété d’Emmanuel Teisseire, un descendant d’Eugène Castel.

    Sources

    Presse locale ancienne

    Recensement de la population / ADA 11

    Délibération du Conseil municipal

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    © Tous droits réservés / Musique et patrimoine / 2019

     

  • Guiraud Cals, l'architecte oublié de la Cité de Carcassonne

    Guiraud Cals naît à Carcassonne le 23 février 1822 d’un père teinturier et d’une marchande de poisson. Autant dire que rien ne prédestinait cet homme à devenir l’architecte qu’il fut par la suite, mis à part peut-être, son intérêt pour les ruines de la Cité médiévale à l’instar de Jean-Pierre Cros-Mayrevieille. Nous considérons comme regrettable l’oubli dans lequel l’administration actuelle des Monuments historiques a plongé nos illustres Carcassonnais, sans lesquels, la restauration de la vieille dame de pierre n’aurait pas été possible. On laisse le lecteur profane dans l’ignorance, pire on lui laisse penser que le mérite revient uniquement à Eugène Viollet-le-duc. Sans remettre bien sûr en cause l’excellent et indispensable travail de ce grand architecte, nous avons le devoir de défendre ceux qui ont travaillé à ses côtés. Guiraud Cals fut désigné comme inspecteur des travaux de restauration et veillait à ce que les plans de Viollet-le-duc - qui, au passage, ne venait qu’une fois par an à Carcassonne - fussent scrupuleusement respectés par les artisans du chantier. Nous laisserons aux érudits le soin de vous conter comment Cals à participé à la restauration de la Basilique Saint-Nazaire…

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    Viollet-le-duc

    En 1868, Eugène Viollet-le-duc donne sa démission d’architecte des édifices diocésains de Carcassonne au Garde des Sceaux. Il propose Guiraud Cals comme successeur : « Cet agent présente toutes qualités requises (…) attaché depuis 1846 aux travaux des Monuments historiques (…) ayant déjà bâti avec succès plusieurs églises et restauré quelques grands édifices. Le 2 novembre 1850, Cals obtient le poste laissé vacant par l’illustre architecte et le gardera jusqu’à sa mort le 10 septembre 1880 à Carcassonne. Notons également à propos de la Cité, que Guiraud Cals assumera momentanément la maîtrise d’œuvre des restaurations, après le décès de Viollet-le-duc en 1879. Son frère, Pierre Cals, occupe le poste de gardien des fortifications.

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    La nef de la cathédrale de Mirepoix

    Cals se maria en 1850 avec Marguerite Limousis avec pour témoins les sculpteurs Auguste Adolphe Perrin et Isidore Nelli, le grand-père de René Nelli. Des ses fonctions d’architecte diocésain, nous pouvons retenir au moins de choses importantes. En 1853, il dresse un rapport appelant à la restauration de l’église de Rennes-le-château qui interpelle encore aujourd’hui les chercheurs du trésor de l’abbé Saunière. Il fait également modifier la nef de la cathédrale de Mirepoix et le percement des rosaces. Tout ceci fait dire à Raymond Rey dans « L’art gothique du midi. (Laurens / 1934) : « La cathédrale de Mirepoix, la plus large des nefs françaises, procède directement des églises de Carcassonne. » On comprend pourquoi… 

    Mandaté par le Ministère de l’Intérieur er des cultes, Guiraud Cals dresse les plans de restauration de la cathédrale Saint-Michel au mois de juin 1879. Plus exactement, il s’agit de plusieurs projets dont nous vous présentons ci-dessous les dessins conservé aux Archives Nationales.

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    Projet de chaire à prier dans la cathédrale Saint-Michel

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    Projet de crypte à construire en avant de la façade occidentale

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    Projet de porche et de chapelle annexe à établir en avant de la façade occidentale

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    Projet de porche pour chapelle paroissiale, d'une salle de catéchisme et d'un parvis.

    Au moment où Carcassonne s’agrandit de nouveaux quartiers vers l’Est, Guiraud Cals fait l’acquisition en 1871 de terrains appartenant à Eugène Castel, héritier d’Emmanuel Teisseire. Ces parcelles à bâtir se situe dans le nouveau faubourg du Palais de Justice. Après des procédures complexes avec la ville au sujet de l’alignement des rues, c’est à cet endroit que l’ancien adjoint au maire de Dougados finira par construire sa maison. En retrouvant les actes de vente, nous avons fini par matérialiser son emplacement à l’angle des rues d’Alsace et de Lorraine. Hélas, Guiraud Cals n’en profitera que peu de temps. Sa mort prématurée à l’âge de 58 ans, laissera une veuve dans le besoin avec la contrainte de revendre cette demeure à M. Rousseau, contrôleur des Eaux-et-forêts en 1881. Ainsi s’achève la vie de cet architecte oublié dont nous possédions, à notre connaissance, aucune biographie.

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    La maison édifiée par Guiraud Cals

    Sources

    Cet article, comme tous les autres, présente des recherches tout à fait inédites que nous avons matérialisées en rouge dans le texte. Nous demandons aux agents, rémunérés par l’administration et qui visitent notre blog bénévole en quête de renseignements, de bien vouloir le citer dans leurs rapports à chaque fois qu’ils prennent une information. Nos écrits ne sont guidés que par la passion pour Carcassonne et l’intérêt général qu’elle nous inspire. Ce sont des valeurs dépassées aux yeux de certains dans ce bas monde, où le lucre a force de loi morale désormais. La culture ne se monnaie pas, elle se transmet. C’est ce qui la distingue des biens de consommation. Alors citer et remercier les bénévoles de la culture est la moindre des délicatesses.

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  • Le faubourg du Tivoli, d'hier à aujourd'hui (Inédit)

    Le faubourg du Tivoli était autrefois compris entre la gare, le square Chénier, la route minervoise et l’actuel boulevard Omer Sarraut. Jusqu’en 1891, la partie allant de la rue Chénier en passant par le début de la route minervoise et remontant jusqu’à l’hôtel Saint-Jean Baptiste (aujourd’hui, Grand hôtel terminus) était un terrain appelé la prairie du Tivoli appartenant à Eugène Sorel. Sur cette emprise, seul existait le coquet Pavillon du Tivoli élevé au XVIIIe siècle, que les Carcassonnais ont connu pour avoir été le centre radiologique du Dr Marty. Ce dernier se trouve actuellement à la clinique de Montréal et porte le même nom.

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    © ADA 11

    Le carrefour de la Minervoise, vers 1900

    Eugène Sorel, possédait également dans la Grand rue (rue de Verdun) un grand magasin de nouveautés qui communiquait avec la place Carnot. A son décès, les héritiers le vendirent à Lordat-Cassignol. C’est aujourd’hui l’agence bancaire du CIC et de l’autre côté, la boutique New-Man. Eugène Aliquot, son héritier, se sépara en même temps de la prairie du Tivoli, de son pavillon donnant sur la route nationale 113 et d’une maison attenante à l’hôtel Saint-Jean Baptiste. L’ensemble de la succession fut divisé en lots à acquérir comprenant plusieurs terrains à bâtir.

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    La vente s’effectua le 23 juillet 1891 au profit de François Puel, négociant à Carcassonne, qui réalisa de nombreuses acquisitions foncières dans la ville avec Ourmet.

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    Le Pavillon du Tivoli avec sa terrasse de 37 mètres de long

    Afin d’élever plusieurs maisons sur les terrains qu’il venait d’acheter, François Puel sollicita l’alignement auprès de la municipalité. Ceci sur une longueur de 70 mètres entre le carrefour de la Minervoise et le pavillon du Tivoli. Le long de la route nationale 113, la compétence revenait à l’Etat. Le préfet s’en remit au service des Ponts-et-chaussées et la ville engagea une consultation auprès des riverains et du voyer municipal. Fallait-il agrandir la voie de circulation à cet endroit et faire reculer les terrains de François Puel afin d’avoir des trottoirs plus larges ? La question fut vite tranchée par le maire Jules Sauzède… La ville dont le budget est en déficit ne peut pas le creuser davantage en achetant des mètres carrés de terrain. Le propriétaire n’étant pas d’accord, il faudrait l’exproprier et engager une procédure risquant d’être bien plus couteuse. Considérant que la largeur de la voie de 16,85 comme suffisante, la mairie accorda l’alignement le 6 novembre 1891, à condition de raccorder le carrefour de la Minervoise aux bancs du Jardin des plantes (square Chénier). La ville avait déjà aligné le carrefour à la rue des jardins (Antoine Marty) suite à l’acquisition en 1875 par Léon Farge d’un terrain sur l’ancien bureau de l’Octroi Tourtel. A cette époque, passait au milieu le ruisseau Tourtel qui, plus tard donnera le nom à la rue voisine.

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    Au centre, se trouvait l'octroi de Tourtel acquit par Léon Farge

    François Puel fit construire trois immeubles sur ses terrains le long de la route nationale 113 (Bd Sarraut) jusqu’au pavillon Tivoli. Les premières constructions comme celle du Jean Oustric, marchand de charbon, furent achevées au cours du premier trimestre 1892. Depuis le carrefour jusqu’au pavillon Tivoli, aujourd’hui : Ancienne maison du Dr Buscail, Oustric (Ducellier), puis l’Etude d’architecte de Tamara Rivel. L’ensemble de ces immeubles datent de cette époque. Au mois d’octobre 1892, François Puel obtint l’autorisation de faire abattre à ses frais les sept platanes qui longeaient ses terrains sur 70 mètres.

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    Les immeubles édifiés par François Puel en 1892

    En 1912, l’hôtel Saint-Jean Baptiste sera détruit. Deux ans plus tard, le Grand Hôtel Terminus prendra sa place et nous aurons le faubourg du Tivoli dans sa configuration actuelle.

    Sources

    Anciens journaux locaux

    Débibérations du Conseil municipal

    Recensement de la population

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