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Musique et patrimoine de Carcassonne - Page 177

  • André Riffaud (1923-1944), un nom de rue qui n'évoque plus rien...

    Que reste t-il d'André Riffaut ? Une rue dans Carcassonne dont le nom n'évoque plus rien pour la majorité des habitants. Si seulement, mourir à 20 ans pour la liberté permettait d'obtenir une gratitude éternelle, à l'heure où l'on aurait bien besoin de nourrir ces symboles auprès de la jeunesse. 

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    André Riffaut

    (1923-1944)

    Dès juillet 1943, André Riffaud s'était engagé dans le maquis Nisto et Esparros situé dans les Hautes-Pyrénées. Lorsqu'il revient dans son Aude natale, le jeune homme connu dans la clandestinité sous le pseudonyme de "Michel Gabin" prend le grade de lieutentant F.F.I au sein du maquis Jean Robert. Le 25 juillet 1944 alors qu'il se trouve au volant d'une Ford V8, lui et ses passagers sont attaqués par les Allemands et la Milice française près du village de Lairière. Au cours des échauffourées, Alcantara, Donaty et Prat sont tués. Bourges est fait prisonnier et sera libéré par les Allemands le 19 août 1944 de la Maison d'arrêt de Carcassonne. Quant à Riffaud, très sérieusement blessé aux jambes, il est amené. Interrogé à la prison par la Gestapo, il est laissé sans soins pendant trois jours et gardé par la Milice. Finalement transporté dans un état désespéré à l'hôpital général (actuel Dôme), le docteur Pierre Roueylou qui officiait à la clinique Brun, tentera l'impossible pour le sauver. Ce chirurgien soignait dans la clandestinité les maquisards de Villebazy.

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    Les impacts de balles sur la Ford conduite par Riffaut

    Le Dr Roueylou nous livre le témoignage poignant de sa tentative pour sauver André Riffaut, sous la menace des hommes de la Milice française de Carcassonne.

    "Fin juillet 1944, les combats décisifs ont lieu, le rythme des évènements s’est fait plus rapide, la mort plus pressante, les passions plus aiguës encore. L’âme de la Résistance apparaît à fleur de peau.
    L’ennemi a entrepris une vaste opération de démantèlement des maquis de l’Aude. Pour notre part, au maquis de Villebazy, nous avons dû décrocher et nous nous sommes dispersés avec, comme point de ralliement, les fermes de la Boulbonne et du Dessous dans le massif de la Malepère. les interventions, les liaisons se multiplient. On prend beaucoup plus de risques, mais une prudence au moins élémentaire doit rester de rigueur. J’ai donc accoutumé de passer mes nuits au maquis, ne réintégrant Carcassonne qu’à l’aube.
    La dernière nuit avait été, un peu partout, particulièrement chaude. Ce matin là, un vendredi je crois, dès mon arrivée à l’hôpital (aujourd’hui, le Dôme. NDLR), j’apprends que plusieurs miliciens, blessés dans une embuscade, ont été hospitalisés.
    Admis dans la nuit (je n’ose dire d’urgence), un blessé grave nous a été remis par les Allemands après évacuation de l’infirmerie de la prison où il a séjourné durant trois jours, sans aucun soin, depuis le mardi donc vraisemblablement. C’est dans cette prison de la route de Narbonne que l’infection s’allumera. Seuls des soins constant eussent pu l’éviter. Au vrai, les Allemands avaient été logiques dans leur mépris de soigner un homme de toute façon promis à la mort. Il avait dû y avoir, pour eux, mieux à faire.
    Je suis très intrigué parce que personne ne sait rien de son identité et de ses origines et qu’il est gardé par trois miliciens en armes, me dit-on. Sans parler d’un quatrième qui a pris faction depuis quelques instants, mousqueton à l’épaule, à la grande porte d’entrée de l’hôpital.
    Il d’agit donc, à n’en pas douter, d’un hôte de marque. Et de chez nous, c’est certain. J’en assumerai donc personnellement la charge, en plein accord avec notre chef du service chirurgical, le docteur Brun à qui j’ai déjà téléphoné.
    Me voici donc dans le couloir, devant la porte d’isolement qui fait face au bloc opératoire. De fait, se tient là un premier milicien, colt dégainé. L’accès à la chambre m’est interdit, le passage ne me sera donné qu’après avoir décliné mon identité.
    Silence de glace…
    Deux miliciens sont debout dans le coin droit de la pièce. En armes naturellement.
    Du lit blanc se détache le visage émacié d’un gamin de 20 ans, un visage de Christ dévoré par de grands yeux marqués par une interrogation : Suis-je enfin l’ami attendu en vain depuis trois jours ? Des yeux déjà lointains dans les orbites et comme enfoncés dans d’étroites cavernes. Une peau qui a dû être très mate, un nez dont les ailes battent la chamade. Des lèvres amincies et violettes, une langue rôtie, des pommettes saillantes, un front d’où perle une froide moiteur à laquelle viennent se coller quelques mèches d’une chevelure très particulière, d’un très beau blond cuivré.
    Pas un mot entre nous. Gestes routiniers du professionnel. Pouls filant, température élevée, pâleur de cire. Mais des yeux qui se scrutent et deux mains qui s’étreignent.
    André Riffaut, le clandestin « Michel Gabin », du maquis FTP Faïta, avait dès cet instant compris que j’étais bien celui qu’il attendait. Tout de suite je sais que je l’aimerai comme un frère.
    Sur son visage se dessine un éclair, une rosée perce dans son regard. Difficile d’imaginer poésie plus véhémente.
    André présente une plaie transfixiante de la racine de la cuisse droite. Son fémur est brisé, sa cuisse très œdématiée est déjà porteuse de marbrures typiques bien qu’aucune crépitation gazeuse ne soit encore apparue.
    Mais André ne mourra pas. Je refuse cette éventualité. Il est trop jeune, trop beau, trop fort, trop exemplaire aussi. On le disputera à la mort et à ses tortionnaires et à leur univers inhumain. Par tous les moyens. J’en fait serment. Et pourtant cet état septicémique, ces marbrures - comme tout cela est inquiétant.
    Visite du docteur Brun. Un maître authentique auquel je voue un respect filial. pronostic sombre auquel je refuse, sans mot dire, de m’associer.
    Contact immédiat avec le Corps-franc du maquis de Villebazy. C’est entendu, dès que l’état d’André ke permettra, un commando l’arrachera à la milice qui sera massacrée. Mon plan est déjà arrêté.
    Mais le soir, vendredi soir, André flotte sur la fièvre, serait-il déjà un agonisant qui je bercerai en vain ? Et serait-il vrai que la vie peut ainsi lancer, à toute volée, la graine de mort, même sur un enfant de 20 ans ? Il faut pourtant se rendre à l’évidence. Les marbrures ont progressé, une crépitation fine très caractéristique est maintenant perçue. La gangrène pavoise.
    Une opération de la dernière chance sera tentée. Le membre sera sacrifié en totalité. Avec les moyens de l’époque, c’est-à-dire sans banque du sang et sans antibiotiques. Simplement du sérum antigangréneux - inefficace comme on sait, au moins à ce stade. Pour le sang, d’un groupe assez rare dont je fais par chance justement partie, j’en donnerai deux fois dans quelques heures qui suivront l’intervention.
    Il faut sauver cet enfant…
    La journée de samedi est marquée sinon par une rémission mais en tous cas par un état qui ne paraît pas se dégrader. On reprend espoir, pour peu de temps puisque le dimanche, vers midi, André est comateux. Il s’éteindra en fin de soirée.
    Je revois l’enfant mort, un jeune garçon dont j’ai encore dans ma main les mains qui refroidissent.
    Les miliciens quittent la chambre, devoir scrupuleusement accompli, puisqu’ils avaient, un premier moment, exigé même d’assister à l’intervention.
    Dois-je le taire ? Si grande peur que j’aie de connaître une bouffée de haine. Il est vrai que j’ai appelé et que j’appelle encore vengeance. Longtemps déjà pourtant que c’est fini.
    Le père est arrivé. Mais je reste seul avec mon petit mort. Donnez-moi la paix ! La chambre sent l’innocence. Y a t-il 33 ans de cela, est-ce aujourd’hui ? J’ai vécu chaque minute de cette agonie et la lassitude m’écrase encore.
    Le corps d’André, enveloppé dans un linceul tout blanc, est hissé sur un charreton que nous pousserons, le père et moi, jusqu’au plateau Paul Lacombe où demeure la famille. Les roues qui crissent, déchirent la soie de la nuit qui tombe.
    Michel Gabin, pour un temps encore, sera inhumé le mardi soir à Carcassonne même. Une foule immense, évaluée à plus de 3000 personnes l’accompagne malgré la présence de l’appareil policier milicien que nous reconnaissions au passage. L’âme profonde du pays a enfin, après bien des atermoiements, des reniements, des démissions, pris conscience de ses devoirs.
    Le père aumônier, l’abbé Pons (Chanoine Auguste-Pierre Pont. NDLR), donnera l’absoute dans l’église de Saint-Gimer et prononcera une très belle oraison funèbre."

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    Le monument érigé en mémoire des quatre victimes du 25 juillet 1944 dans le village de Lairière.

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  • "Les bourdes de Carcassonne": une spécialité bien locale...

    Connaissez-vous "les bourdes de Carcassonne" ? Nous ne vous en donnerons pas ici la recette car nous n'en disposons pas ; seuls les grands maîtres confiseurs de l'Aude la gardent précieusement entre leurs mains expertes.

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    Détourné d'une image empruntée à studionegre.com

    Comprenez-les ! Il s'agit d'un savoir faire de plusieurs décennies issu d'une transmission essentiellement orale. "Les bourdes de Carcassonne" ne se vendent pas ; elles s'émancipent avec l'argent public.

    Concours de la Bourde d'or

    Prix "Hors catégorie"

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    En bordure de la rivière Aude et en dessous du quartier des Capucins, s'est construit tout récemment dans une zone jamais épargnée par les caprices de la crue de l'Aude, une résidence H.L.M. Nous n'allons pas citer le maître confiseur - grand bailleur social devant l'éternel - afin qu'on ne puisse pas nous accuser de partialité dans l'attribution des prix. Sur cette grande parcelle se trouvaient les terrains Delteil, c'est ainsi qu'on les nommait. En effet, l'ancien propriétaire y faisait du maraîchage pour sa clinique du Bastion. Ses héritiers vendirent ensuite les terrains à la ville de Carcassonne jusqu'à ce que celle-ci décide de s'en dessaisir. Ainsi en allait-il des terrains d'Emile Delteil, chirurgien bien connu à Carcassonne, patron d'une clinique et accessoirement "Capitaine Simoun" dans la Résistance. Une fois la résidence édifiée, il fallut bien lui donner un nom. Nos confiseurs exprimèrent alors tout leur talent, car ils choisirent bien le nom d'un Delteil pour rappeler sans doute l'histoire du lieu. Le problème c'est qu'ils ne prirent pas le bon... La résidence porte celui de Joseph Delteil, le célèbre poète de Pieusse. 

    Prix du public

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    © Claude Boyer / L'Indépendant

    Il y a bientôt un an la Halle aux sports, construite elle aussi sur les terrains d'Emile Delteil, était inaugurée en grandes pompes. Quelques mois auparavant, l'exécutif de la confiserie du Conseil départemental avait lancé une consultation auprès des écoles de la ville afin d'attribuer un nom à ce nouveau gymnase. On leur demanda de choisir entre quatre sportives dont aucune n'avait d'attaches à Carcassonne. J'avais à cette époque montré ma désapprobation sur ce blog et sur Facebook que l'on ne choisisse pas des personnalités féminines de notre ville. J'avais avancé le nom de Madame Eychenne qui s'était dépensé sans compter pour la Carcassonnaise gymnastique. On balaya d'un revers de main cette proposition. La Halle sport porte donc le nom de Nicole Abar, footballeuse toulousaine et militante féministe. Nos maîtres confiseurs, sans doute chagrinés par le couac né sur les réseaux sociaux, décidèrent in-extremis de donner finalement le nom de salle à Annette Eychenne. Votre serviteur peut légitiment s'en féliciter, surtout qu'il en est - mais on s'en gardera de la dire - le précurseur.

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    © Claude Boyer / L'Indépendant

    Pourquoi donc, me direz-vous, faudrait-il donner le prix du public à cette bourde ? J'y viens... D'après une source bien informée, Madame Eychenne aurait été invitée à l'inauguration par un bristol envoyé trois jours seulement avant l'évènement. Prévenue trop tard, elle se serait trouvée en voyage ce jour-là et n'aurait donc pas pu s'y rendre. Effectivement, je l'ai cherchée en vain sur les photographies officielles publiées sur le site du Conseil des maîtres confiseurs du département.

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  • L'exode des miliciens de l'Aude vers l'Espagne et l'Allemagne le 15 août 1944

    L'article que nous vous présentons aujourd'hui est le fruit de plusieurs mois de recherches et d'enquêtes. On marche sur des œufs ! Après tout, ne fait-on pas d'omelette sans en casser ? Les fils et filles de déportés, de résistants brutalisés, d'habitants menacés n'ont-ils pas le droit de savoir ce qu'il est advenu de leurs bourreaux ? Car enfin, on peut faire croire qu'en fusillant en septembre 1944 quelques responsables et une majorité de sous-fifres, la France avait définitivement vengé leurs morts et disparus. La grande partie de ceux qui avaient du sang sur les mains s'en sont sortis. D'autres qui n'ont pas pu les suivre ou ont eu le malheur de croire qu'au mois de septembre ils pourraient se rendre, n'ayant que peu de choses à se reprocher, furent passés par les armes. Leurs chefs ont rejoint l'Espagne ou l'Allemagne. Voici comment...

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    © René Dazy

    Le 10 août 1944, Joseph Darnand rédige pour les chefs régionaux les ordres de repli des miliciens et de leurs familles. L’ordre est transmis par un courrier spécial le 12 août 1944. Ces instructions vont poser un cas de conscience aux responsables miliciens confrontés aux questions de leurs inférieurs ; partir ou non ? Les plus compromis dans l’action armée contre les maquis au sein de la Franc-Garde n’ont plus le choix pour échapper au peloton. Ils ont été suffisamment avertis du sort que leur réservait la Résistance par tous les canaux à sa disposition par lettres de menaces ou par Radio-Londres : « Miliciens assassins, fusillés demain ! » Certains feront tout de même le choix de rester, ne pouvant se résoudre à quitter leur famille et leurs biens. Ils tenteront de se dissimuler, comme ceux qui n’ont fait qu’adhérer sans jamais être mobilisés. La plupart seront rattrapés et fusillés en cour martiale dès le début du mois de septembre 1944. Il faut regrouper le maximum de Miliciens à Nancy. Les centaines de Franc-Garde compteront lorsque quand les Allemands pèseront ce que représente chacun des chefs de la Collaboration. Darnand dispose d’un poids supérieur au PPF de Doriot avec sa Milice. Les miliciens de la zone nord devront gagner Nancy, ceux de la zone sud se rassembleront d’abord à Dijon en passant par la vallée du Rhône.

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    Robert Pincemin, chef de la Milice de l'Ariège

    L’exode débute le 15 août 1944, où toute la Franc-Garde de Pamiers est évacuée vers Lyon avec à sa tête Robert Pincemin. Le chef de la Milice départementale de l’Ariège amène ses hommes sans encombre à bon port. La tâche s’avèrera plus périlleuse pour le convoi de Toulouse. Le lendemain, les femmes et les enfants de miliciens sont d’abord évacués en train. D’après une estimation, ils seraient six cents. Bloqué à Moux (Aude) pendant trois jours à cause de la retraite de l’armée allemande, il n’arrivera dans la capitale héraultaise que le 20 août à midi. La Franc-Garde toulousaine se dirige par la route et en camions via Castelnaudary, Carcassonne et Narbonne en direction de Montpellier qu’elle atteindra le 20 août.

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    Caserne Iéna, à Carcassonne

    A Carcassonne, Les Franc-Gardes se rendent chez eux, prennent leurs effets. Les familles qui ne l’ont pas fait rejoignent la caserne Iéna. Les réticents se voient proposer 500 francs du chef Granade pour partir. Le convoi des chefs miliciens et du Groupe collaboration s’élance le 16 août 1944. Le soir même, ils arrivent à la caserne de la Lauwe à Montpellier avec familles, bagages et armes. La date du 15 août à Lyon ne pourra pas être tenue en raison du retard des miliciens de Carcassonne. Départ le 17 août vers 21h de Montpellier vers Nîmes. Le pont d’Avignon étant coupé, il faut faire demi-tour vers Montpellier. Des dizaines d’autos, car et camions sont stoppés dans la campagne avec miliciens, femmes et enfants. Le convoi vient de Montpellier. Le chef Pissard va aux nouvelles. Attente. Le soir du 18 août arrive. Ce n’est que le lendemain à 8 h que le convoi part vers Perpignan via Béziers et Narbonne. La colonne fait alors 200 mètres de long. On apprend de Pissard qu’il est impossible de passer en Espagne. Le contre-espionnage français a tenté de fermer la frontière des Pyrénées pour empêcher le passage des collaborateurs vers l’Espagne de Franco. Jacques Pissard prononce alors la dissolution et distribue le butin de la Milice ; il donne à chacun 5000 francs. Dislocation, chacun part par petit groupes de son côté. Les uns vers la vallée du Rhône, les autres vers l’Espagne.
    Une partie du groupe de Carcassonne accompagne celui de Perpignan qui se fait fort de passer en Espagne. Dans Perpignan, les Franc-Gardes se mettent en civil et gagnent les villages, la montagne. Ceux de l’Aude tentent de repartir dans leur département, se font voler leur véhicule par les Allemands et certains se font repérer et arrêter. Il formeront les premiers contingents des cours martiales.
    Le 19 août 1944 à 14h, les chefs de la Milice et du Groupe collaboration de Narbonne se rassemblent devant la Kommandantur, partent dans 3 voitures qui se mêle au convoi Allemand qui quitte la ville.

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    Miliciens effectuant un contrôle dans la campagne

    La dislocation passée, tous les chefs reprennent la route vers l’Allemagne abandonnant les sans grades à leur sort tragique. Ils attentent le renfort de la colonne de Toulouse conduite par Pérricot ; elle arrive à Montpellier le 20 août. Au même moment, le train de leurs familles parti depuis quatre jours est à l’arrêt. Le chef de gare de Montpellier refuse de la faire repartir.
    A 14h, la Croix-Rouge évacue les femmes et les enfants vers l’Enclos St-François, établissement religieux jouxtant la caserne de la Lauwe et le quartier de la Gestapo. La Croix-Rouge n’a pas voulu prendre les Miliciens qui voulaient rester, à cause de la mauvaise réputation de la Milice.
    A 14h30, le convoi de Toulouse repart avec les chefs Jacques Pissard, Eugène Gaudin (régional 2e service), René Hoareau (Chef Hérault), Cros (chef régional militaire), etc.
    Montpellier, Nîmes, Uzès, Remoulins, Roquemaure, Orange, Pont St-Esprit, Montélimar, Valence et Lyon. Ils y arrivent vers le 24/25 août 1944. Ils ne subissent qu’une attaque aérienne mais pas des maquis. Lyon est encore occupée par les Allemands.

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    Hôtel Continental à Barcelone

    Ceux qui ont réussi à passer en Espagne se retrouvent à l’hôtel Continental de Barcelone. Le 2 janvier 1945, une note secrète du renseignement signale la réorganisation des collaborateurs et miliciens français en Espagne. A Figueras, la Milice française est dirigée par un nommé Martin, réfugié d’Alsace et Lorraine, au service des Allemands.
    A Barcelone, les miliciens français ont repris leur activité, leur siège se trouve à l’hôtel Continental, où actuellement sont groupés 100 miliciens environ sous les ordres de Peretti della Roca, ancien sous-préfet de Céret (PO). L’activité de ces hommes en Espagne est très remarquée par Franco, la Phalange et les troupes Allemandes.

    C’est plus difficile pour ceux du Midi Languedocien, mais certains y parviennent et formeront la dernière garde d’Hitler dans Berlin (par exemple, Robert Pincemin).
    Parmi les miliciens en Espagne : Abel Bonnard, Paul Fréchou y restera deux ans avant de gagner l’Argentine. François Gaucher arrivé en 1947 y finira sa vie. Jean Filiol travaillera dans la filiale d’un grand groupe de cosmétiques. Les deux tiers des miliciens ont bénéficié de l’aide du Secours national français » fondé par Pierre Héricourt, ancien conseil français à Barcelone et par Laffon, ancien attaché de presse à l’ambassade de France. En Argentine, les collaborateurs se retrouvent à la brasserie Adam’s près du port de Buenos Aires.

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    © Martial Andrieu

    Cartographie de l'origine des miliciens par cantons

    Les anciens Franc-Garde de l’Aude passés en Espagne connurent des fortunes diverses. Gilbert de N, chef de cohorte, condamné à mort par contumace par la Cour de justice de l’Aude, se mariera à Barcelone et bénéficiera des honneurs de la presse franquiste. Il mourra dans la capitale catalane en 1978. Marcel M, condamné à mort par contumace le 20 avril 1945, se cachera dans un couvent jusqu’à la loi d’amnistie. Une fois revenu dans son village, le rejet de sa famille le poussera au suicide en 1953. D’autres comme Amédée M finira sa vie en Argentine (Godoy Cruz) où il mourra en 2006 sans jamais avoir eu à répondre de ses actes contre le maquis de Villebazy. Amédée de L fondera une entreprise en Argentine, s'installera à Paris en 1953 et se constituera prisonnier en 1959, avant d'être acquitté par le Tribunal Militaire de Marseille. Idem pour les chefs Sayos, Castel ou Prax. Ce dernier, chef départemental de la Milice de l'Aude, bénéficiera de plusieurs lettres de soutien d'habitants de son village.

    Parmi ceux qui gagnèrent l'Allemagne, certains s'engagèrent dans la SS aux côtés des Allemands. Les autres, considérés comme "Clochards de la Milice" se feront arrêter en Italie avec Darnand. D'autres réussiront à se planquer et finiront leur vie dans les départements du Sud-est de la France, sans jamais remettre les pieds dans l'Aude.

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    Milicien fusillé à Grenoble

    Les miliciens jugés à partir de décembre 1944 échapperont d’une manière générale à la mort. Les peines de mort prononcées à partir de janvier 1945 seront très souvent commuées en travaux forcés à perpétuité. Avec les différents décrets, ces travaux forcés se transformeront en peines d’emprisonnement. De remises de peine en remise de peine jusqu’à l’amnistie de 1951.
    Les condamnés à mort par contumace pourront se cacher à l’étranger et rentrer en France au moment de la loi d’amnistie. Le cas de Georges O, condamné à mort par contumace et qui se mariera en septembre 1948 à Paris, prouve les défaillances dans la recherche des fugitifs.

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    © Martial Andrieu

    Classement par catégories socio-professionnelles

    Les fusillés de septembre 1944 (26 au total) : 37 ans de moyenne d’âge. Le plus âgé a 56 ans, le plus jeune 18 ans. Parmi eux, 1 chef départemental, chef 2e service, chef de transport, armurier, chef de centaine, 2 chefs de trentaine et 2 chefs de dizaine.

    56 % des miliciens audois condamnés à mort par contumace sont rentrés après l’amnistie.
    27 peines de mort ont été commuées en Travaux forcés à perpétuité.
    6 % est resté à l’étranger (Espagne, Tunisie, Algérie)
    5,79 % ont été fusillés dont 73% en septembre 1944
    Le pourcentage des miliciens disparus n’est pas quantifiable.

    NB : Les noms des personnes évoquées dans cet article sont déjà cités dans les livres ci-dessous. Pour la compréhension de l'article, il nous a paru essentiel de les nommer à nouveau. 

    Sources

    La libération confisquée / Jacques-Augustin Bailly

    Historia n°40 / La Milice

    La fuite des Miliciens en Allemagne

    Encyclopédie de l'ordre nouveau / G. Bouysse

    ADA 11

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